Séminaire PFEG Paris mai 2012

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COMPTE-RENDU DU SEMINAIRE NATIONAL PFEG
14-15 MAI 2012
Lycée Voltaire, Paris 11ème
Le programme de ce séminaire national, sous la direction de Jean-Michel Paguet, consacré à
l’enseignement d’exploration PFEG, met en relation des conférences de nature scientifique et des
scenarii pédagogiques autour de quatre questions du programme officiel :
Le développement durable : contrainte ou opportunité pour l'entreprise ?
Quels sont les enjeux de l'économie numérique ?
Comment l'entreprise lance-t-elle un nouveau produit ?
A quoi sert une banque ?
S’agissant d’un enseignement d’exploration, et non de détermination, l’objectif est d’amener
les élèves à acquérir une culture économique. Il s'agit de susciter la curiosité des élèves, de leur
donner envie de comprendre leur environnement immédiat, l’actualité, tout en ayant à l’esprit que
cet enseignement contribue à leur formation citoyenne « libre et responsable ».
Permettre à l’élève d’accéder à la culture économique appelle les enseignants à déployer une
démarche réflexive sur leurs pratiques pédagogiques : Comment utiliser le patrimoine de proximité
de l’élève ? Quelle place de l’écrit en PFEG ? Quelle évaluation en enseignement d’exploration ? et
sur l’approche des notions, dont il ne s’agit pas d’en construire un corpus scientifique complexe, mais
bien d’en expliquer les principaux mécanismes à travers des exemples simples.
Dans l’esprit de cet enseignement, plusieurs chercheurs ont donc présenté l’actualité de la
recherche académique sur les quatre questions citées ci-dessus, suivis par des exposés du corps
d’inspection, enseignants du réseau CERTA ainsi que des projets mis en œuvre par des associations
en lien avec les rectorats.
1
Table des matières
Introduction............................................................................................................................................. 1
Lundi 14 Mai 2012
Le développement durable : contrainte ou opportunité pour l’entreprise ? ..................................... 3
Responsabilité sociale des entreprises (Gunther Capelle-Blancard, professeur des universités,
Université Paris 1 Sorbonne) ........................................................................................................... 3
Exploitation d’un projet à caractère local : le projet du tramway à Tours – Acteurs économiques
et développement durable (Sophie Glénisson, professeur au lycée Voltaire, Tours) ..................... 6
Quels sont les enjeux de l’économie numérique ? ............................................................................. 8
Economie numérique (Eric Malin, professeur d’économie à l’Université de Rennes 1) ................. 8
Scénario pédagogique pour explorer le thème 13 (Jean-Christophe Duflanc, CERTA, Académie de
Dijon) ............................................................................................................................................. 10
La place de l’écrit des élèves (Alexandra Alminoff, professeure au lycée Maurice Ravel, Paris).. 11
Mardi 15 Mai 2012
Comment l’entreprise lance-t-elle un nouveau produit ?................................................................. 12
Concurrence (Nicolas Canry, maître de conférences, université de Paris 1 Panthéon Sorbonne) 12
Principes fondamentaux de l’économie et de la gestion et entreprenariat (Dominique Dalle,
directrice d’Entreprendre pour apprendre, Lille) .......................................................................... 14
Distinction des enseignements de sciences économiques et sociales et des principes
fondamentaux de l’économie et de la gestion (Vincent Camet, IA-IPR, académie de Lille) ......... 15
A quoi sert une banque ? Quelles sont les relations entre les acteurs économiques ? ................... 18
La régulation financière (Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences à l’Université Paris
1 Panthéon-Sorbonne) .................................................................................................................. 18
Projet « la finance pour tous » - Expérimentation conduite dans l’académie d’Amiens .............. 21
Expérimentation en SES et PFEG - M. Jean-Michel Paguet, Inspecteur général de l'Education
nationale........................................................................................................................................ 22
Conclusion du séminaire M. Jean-Michel Paguet, Inspecteur général de l'Education nationale ......... 23
2
Le développement durable : contrainte ou opportunité pour l’entreprise ?
Responsabilité sociale des entreprises (Gunther Capelle-Blancard, professeur des
universités, Université Paris 1 Sorbonne)12
En affirmant que « la responsabilité sociale des entreprises est de faire des profits […]
l’entreprise moderne n’a pas de responsabilité sociale envers le public, ses seules responsabilités
sociales sont les revenus fiduciaires qu’elle procure à ses propriétaires », Milton Friedman nie
l’existence d’une responsabilité extra-financière de l’entreprise envers ses parties prenantes. Le
modèle des shareholders (actionnaires) est donc uniquement orienté autour de l’objectif de
rentabilité financière.
Dans la filiation de la pensée de Milton Friedman, l’intérêt de l’actionnaire a, depuis une
quarantaine d’année, constitué l’objectif prépondérant de l’entreprise. Mais cette « shareholder
value » s’est construite en dépit de l’intérêt des autres parties à l’activité de l’entreprise. Salariés,
environnement, clients et fournisseurs – les « stakeholders » – ont été les perdants de cette
radicalisation.
Le modèle libéral a pourtant montré de nombreuses limites depuis, et parallèlement
plusieurs parties prenantes, notamment les consommateurs, se sont saisi des enjeux de
responsabilité sociale et environnementale.
Porter et Van der Linde (1995) sont parmi les premiers à avoir exprimé l’hypothèse d’une
relation positive entre les performances économiques et extra‐économiques des entreprises. En
particulier, les innovations environnementales sont autant de sources de compétitivité et de gains de
productivité pour l’entreprise ; c’est le concept d’éco‐efficience.
Ce concept, initialement proposé en référence aux problématiques environnementales, peut
facilement être étendu aux considérations sociétales. Une stratégie qui privilégie une gestion
soucieuse des impacts environnementaux et sociaux peut être profitable, tant par la baisse des coûts
que par l’augmentation des revenus engendrés. L’avantage en termes de coûts est double :
-
-
réduction des coûts grâce aux économies de matériel et d’énergie, et grâce à une meilleure
prévention (l’entreprise anticipe les contraintes réglementaires futures, réduit le coût des
assurances, réduit les risques juridiques, réduit les coûts liés aux grèves du personnel (de
bonnes relations de travail permettent d’améliorer la productivité des salariés, etc.)
outil de communication qui se dégage de la notoriété acquise auprès des consommateurs de
la mise en place d’une démarche environnementale de l’entreprise : Les avantages en termes
de revenu tiennent essentiellement aux gains de parts de marché (surcroît de notoriété).
Ainsi, pour certains, les entreprises qui mettent en œuvre des stratégies « vertueuses » assurent
à la société un double dividende.
1
Capelle-Blancard G., Débats autour de la responsabilité sociale des entreprises, Réseau CERTA :
http://www.reseaucerta.org/didactique/pub.php?num=590
2
Capelle-Blancard G., Monjon S., L’investissement socialement responsable, http://www.centrecired.fr/IMG/pdf/ISR_VF16.pdf
3
L’idée de telles stratégies gagnantes‐gagnantes est certes séduisante, mais est‐elle bien
réaliste?
Il est difficile d’y répondre, bien qu’un important nombre d’études, aux méthodes très diverses,
ait tenté de trancher empiriquement cette question, à forte résonance idéologique.
Le premier point de discorde est d’ordre sémantique. Une responsabilité est légale ou
contractuelle ? Ou bien se rapporte-t-elle à l’éthique ? La morale ? La déontologie ? La notion de
responsabilité sociale reste donc floue.
La deuxième source de désaccord concerne la mesure des performances. Il n’est déjà pas facile
d’apprécier les performances économiques et financières des entreprises (valeur boursière ou valeur
comptable ?), mais c’est encore plus délicat lorsqu’il s’agit de mesurer les performances sociales. On
trouve ainsi, pêle‐mêle, des indicateurs positifs (insertion des travailleurs handicapés, respect de
certaines normes environnementales, etc.) ou négatifs (fraudes, exclusion de certains secteurs, etc.),
synthétique (indices de réputation) ou singulier (commerce avec l’Afrique du sud), qualitatif
(sauvegarde de l’emploi) ou quantitatif (volume des rejets polluants), diffusés par les entreprises
elles‐mêmes (rapports d’activité), les cabinets de conseils, les ONG, les autorités publiques ou les
instances internationales…
La procédure de test constitue une troisième source de disparité : même si on identifie une
relation de corrélation entre les performances économiques et extra‐économiques, comment mettre
en évidence une relation causale ?
Malgré cette absence de lien empiriquement démontré entre performance financière et
performance extra-financière, on peut constater que les marchés ont par exemple déjà intégré
certains mécanismes de réaction aux données environnementales (programme « Toxic Release
Inventory aux USA, « listes noires » d’entreprises polluantes, violations des normes
environnementales, accidents industriels, « green awards ») et sanctionné l’entreprise visée, si elle
est cotée, par une évolution dans la valorisation de ses actions. Cependant pour les investisseurs, la
question n’est pas tant de savoir si les entreprises gagnent à être vertueuses, mais plutôt de savoir
s’ils ont intérêt à porter leur choix d’investissement vers des entreprises qui intègrent des
préoccupations sociales, éthiques ou environnementales, autrement dit si l’investissement
socialement responsable (ISR) est un placement rentable.
L’investissement socialement responsable
L’ISR, qui désigne une pratique financière consistant à investir, non pas uniquement sur la base
de critères financiers (rendement, risque…) mais en prenant en compte des critères liés à
l’environnement, le social et la gouvernance, permettrait donc théoriquement de concilier finance et
éthique à l’aide de divers produits comme le micro-crédit, les fonds de partage (une partie du revenu
est rétrocédée à des associations humanitaires ou caritatives), les fonds solidaires (produits
d’épargne destinés à financer des projets environnementaux ou sociaux), ou encore les produits
bancaires éthiques.
4
Nombre de gérants de portefeuille se sont aujourd’hui convertis à l’ISR. Les fonds gérés selon ces
principes et baptisés « fonds socialement responsable », « fonds développement durable » ou «
fonds éthiques » tentent de concilier performance financière et extra-financière.
Précisément, la performance financière se traduit par l’optimisation du couple rentabilité‐risque,
tandis que la performance extra‐financière porte sur le respect de certaines exigences en matière de
protection de l’environnement, d’actions sociales et de gouvernance d’entreprise (c’est ce que l’on
appelle les critères ESG). Schématiquement, on distingue trois grandes approches, celles‐ci ayant
tendance à se conjuguer en pratique, comme le précisait déjà Alfred Hirschman avec son triptyque
« Exit, Voice and Loyalty3 » :
- Une approche de filtrage (screening) : approche d’exclusion de certains secteurs ou de
certaines entreprises, au motif qu’ils ne sont pas « éthiques » (filtrage négatif), ou d’inclusion
(on privilégie des secteurs d’activités en raison de leur implication pionnière dans le
développement durable , par exemple les énergies renouvelables, ce qui in fine s’apparente
à des fonds thématiques)
- Une approche best‐in‐class, fondée sur la sélection d’entreprises qui réalisent les meilleures
performances financières, environnementales et sociales sans qu’aucun secteur ne soit exclu
ou privilégié a priori. Cette approche cherche à promouvoir la responsabilité sociale au sein
de toutes les entreprises en privilégiant, dans chaque secteur, les entreprises les plus «
vertueuses ». La pression sur les entreprises est ici indirecte.
- Une approche d’activisme actionnarial dans laquelle les investisseurs ont pour ambition de
faire évoluer la politique des entreprises en s’impliquant davantage dans la conduite de
celles‐ci et, le cas échéant, en faisant pression sur les dirigeants (Karpoff, 2006).
L’engagement actionnarial va du simple dialogue avec les dirigeants, à l’exercice actif des
droits de vote et à la proposition en assemblée générale d’actionnaires d’un certain nombre
de résolutions relatives aux critères ESG.
Pour s’interroger sur la performance des fonds ISR, il faut prendre en compte le fait qu’exclure
certaines entreprises – voire certains secteurs – réduit les opportunités de diversification. Le concept
de diversification est la base de la théorie moderne du choix de portefeuille, née dans les années
1950 des travaux précurseurs d’Harry Markowitz, James Tobin et William Sharpe. Ces auteurs ont
montré que la meilleure stratégie pour les investisseurs consiste à détenir un portefeuille composé
d’un ensemble le plus large possible d’actifs. Cela permet, en effet, de réduire les risques sans
sacrifier au rendement attendu. Cette théorie a révolutionné la pratique financière. Il en découle
notamment que la meilleure attitude pour les gérants de fonds consiste à répliquer passivement
l’indice de marché. Autrement dit, aucune place n’est laissée quant au choix des actifs qui composent
le portefeuille, il faut en détenir le plus grand nombre. C’est la raison pour laquelle la plupart des
conseillers en placement financier recommandent aujourd’hui d’investir dans des fonds indiciels, à
savoir des fonds – plus ou moins – indexés sur la rentabilité d’un indice boursier.
Si la meilleure stratégie consister à répliquer l’indice de marché, la théorie financière suggère
ainsi qu’il est impossible de « battre le marché », et les fonds ISR ne doivent pas faire exception à la
règle. Ce qui signifie aussi – bonne nouvelle pour les investisseurs soucieux d’éthique – que les fonds
ISR, pour peu qu’ils soient suffisamment diversifiés, n’ont pas de raison de sous‐performer.
3
HIRSCHMAN A., Exit, Voice, and Loyalty : Responses to Decline in Firms, Organizations, and States, 1970,
Cambridge, MA : Harvard University Press.
5
Autrement dit, il est tout à fait possible d’aligner ses placements financiers et ses convictions ; les
fonds ISR ne sont ni plus ni moins performants financièrement que les autres.
Ce résultat théorique est abondamment vérifié empiriquement. Comme la théorie financière le
prédit, il n’y a pas de différences de performance entre ces deux indices. Et cela n’est pas étonnant
car les indices ISR sont en effet construits de la même manière que des indices classiques, surtout
lorsqu’ils sont de type best‐in‐class. Ainsi, par exemple, les actions qui composent l’Aspi Eurozone,
l’un des principaux indices ISR européens, représentent 75 % de la capitalisation boursière du DJ Euro
Stoxx. En outre, pas moins de 45 des 50 plus grandes entreprises de la zone euro (qui représentent
93 % de la capitalisation boursière du DJ Euro Stoxx 50) sont incluses dans l’Aspi. Le coefficient de
corrélation entre les rentabilités des deux indices est donc naturellement très proche de l’unité.
Que doit-on alors attendre de l’ISR ? Est-ce un instrument pour changer le monde… ou juste un
moyen de concilier son discours et ses actes ? L’ISR peut-il se substituer à l’intervention publique ?
Les entreprises exclues par les gérants de fonds ISR sont souvent déjà l’objet d’une législation
contraignante. A l’inverse, les secteurs soutenus par les promoteurs de l’ISR sont souvent largement
subventionnés. C’est, a priori, normal dans la mesure où les investisseurs ISR comme le législateur se
donne comme objectif d’améliorer le bien être collectif. Cela pose toutefois des problèmes de
cohérence globale. Par exemple, doit‐on exclure des fonds ISR les entreprises de la sidérurgie qui
émettent de grandes quantités de CO2 ? A priori, oui, si l’on estime que le changement climatique
fait peser une grave menace sur les écosystèmes. Toutefois, ces mêmes entreprises paient pour ces
émissions ; les externalités négatives sont désormais internalisées grâce au marché des permis
d’émission. Qu’est ce qui justifie alors qu’elles soient soumises à une double peine ? La défaillance
d’un marché (celui des permis) pourtant créée pour corriger les défaillances d’un autre marché (celui
de la production d’acier) ? En fait, on peut très bien admettre que l’ISR exerce une pression
supplémentaire sur les entreprises, sous la forme d’une nouvelle « discipline de marché », mais il
faut dans ce cas être vigilant à ce que l’ISR ne se substituer à l’intervention publique.
Exploitation d’un projet à caractère local : le projet du tramway à Tours – Acteurs
économiques et développement durable (Sophie Glénisson, professeur au lycée Voltaire,
Tours)4
La prise en compte des environnements de l’élève (l’environnement national et international
à travers les faits d’actualité économique, l’environnement local de la cité, l’environnement du lycée
à travers les projets d’établissement et les évènements au sein du lycée, et l’environnement familial
et social) dans la progression en PFEG permet de faire évoluer les pratiques pédagogiques en
utilisant le patrimoine de proximité de l’élève. Dans le cadre du thème national n°10
« Développement durable : contrainte ou opportunité pour l’entreprise ? », Sophie Glénisson,
professeur au lycée Voltaire à Tours, présente un exemple d’application : le projet du tramway de
4
Glénisson S., Relation avec la vie de la Cité, Réseau CERTA,
http://www.reseaucerta.org/didactique/pub.php?num=589
6
Tours. L’objectif est de montrer comment ce qui est perçu souvent comme une contrainte nouvelle
peut devenir une opportunité de création de richesses, et qui dans une perspective à long terme
peut amener à la mise en place d’incitations afin d’orienter les comportements vers la prise en
compte de ces contraintes, notamment écologiques.
Cette séquence pédagogique s’oriente par ailleurs sur le choix didactique suivant : celui
d’avoir recours au patrimoine de proximité de l’élève pour des applications en PFEG. Par exemple :
Thèmes nationaux
Patrimoine de proximité des élèves du lycée
Voltaire à Tours
Qu’est-ce qu’une entreprise ?
Analyse d’une entreprise locale effectuant des
travaux au lycée
Comment l’ouverture internationale influence-t- Analyse de l’impact de l’implantation d’IKEA à
elle le comportement de l’entreprise ?
Tours sur les concurrents locaux et simulation
d’un projet d’exportation
Comment l’entreprise crée-t-elle de la valeur Analyse de la création de valeur ajoutée de la
ajoutée ?
filière ameublement et transposition en jeu
sérieux
Comment l’entreprise fixe-t-elle le prix d’un Analyse des entreprises d’élevage aviaire et de la
produit ?
fixation du prix des volailles en France et au Mali
Comment l’entreprise se lance-t-elle sur un Présentation d’une action commerciale en BTS
nouveau marché ?
et création d’une cible à partir d’un réseau social
Développement
durable,
contrainte
ou Etude des objectifs et des contraintes du projet
opportunité pour une entreprise ?
du tram à Tours
Au-delà des exemples d’application, la liberté pédagogique qu’offre l’enseignement
d’exploration PFEG permet d’enrichir la réflexion sur les choix didactiques et d’aborder les thèmes
nationaux de manière transversale, voire d’associer d’autres enseignements. Toute étude du
développement durable nécessite un croisement des arguments, des savoirs et des méthodes des
différentes disciplines. Ainsi un questionnement autour de la place de l’humain dans l’entreprise
permet de concentrer deux thèmes du programme de PFEG (thème 9 + thème 10) et pourrait par
exemple appeler à des applications didactiques en géographie.
7
Quels sont les enjeux de l’économie numérique ?
Economie numérique (Eric Malin, professeur d’économie à l’Université de Rennes 1)5
Les usages quotidiens mobilisent aujourd’hui lourdement le numérique et l’Internet
(téléphonie, réseaux sociaux, courrier électronique, bureautique, musique, vidéo…). Derrière ces
usages, se retrouvent des décisions économiques de consommation, d’offre de services, de
production de biens numériques, dont l’étude soulève de nombreux enjeux : comportement du
consommateur, stratégies des firmes, structure concurrentielle de ces secteurs (monopolisation,
etc.), régulation par l’Etat ou par une autorité de réglementation. Ces nouveaux usages pourraient a
priori bouleverser de nombreux repères économiques traditionnels qui n’ont évidemment pu, en
leur temps, anticiper cette évolution.
Existe-t-il pour autant des mécanismes spécifiques à l’économie numérique qui nécessitent
une approche différente des secteurs traditionnels ?
En réalité, on constate plutôt d’une part, la présence d’effets, de mécanismes déjà à l’œuvre
dans les secteurs traditionnels, d’autre part d’effets propres aux réseaux et au numérique,
représentés ici de manière synthétique.
Les mécanismes traditionnels
-Economies d’échelle : présence de coûts fixes
(notamment dans le numérique avec des coûts
fixes élevés par rapport aux coûts variables, par
exemple pour la production de l’œuvre originale,
l’infrastructure de réseau, etc.)
-Comportement des acteurs : aversion au risque
des consommateurs, rôle de l’information, coûts
de changement, construction d’une réputation
pour
les
firmes,
stratégies
tarifaires,
informationnelles, etc.
5
Les effets spécifiques
La décision de consommer un bien ou d’utiliser
un service peut offrir deux types d’avantage
« gratuit » pour les autres usagers :
- potentiel de communications et
d’échanges plus important pour tous les
autres usagers du réseau (effet direct) :
par exemple, la valeur d’un réseau de
télécommunications
dépend
des
possibilités de communications offertes,
un logiciel devient par ailleurs plus
attractif s’il permet à un usager
d’échanger avec d’autres personnes
- influence positive sur la consommation
de biens ou services complémentaires
en contribuant à diminuer leur prix ou
accroître leur variété (effet indirect) :
par exemple le prix des jeux vidéo baisse
davantage pour les consoles de jeu les
plus répandues
Malin E., Economie du numérique, Réseau CERTA,
http://www.reseaucerta.org/didactique/pub.php?num=588
8
Illustration 1 : Le lancement de la PS3 de Sony
La PlayStation 3 (PS3) de Sony a été commercialisée en France en mars 2007. Jugée deux plus
puissante que sa concurrente, la Xbox 360 de Microsoft, elle a pourtant subi un démarrage laborieux
en Europe.
Stratégies
Comportement des consommateurs
Sony a fait le choix de la supériorité technologique,
impliquant ainsi un prix élevé. Sa communication s’est axée
fortement avant la sortie commerciale du produit.
L’entreprise a par ailleurs misé sur une stratégie de bundling
(console + lecteur Blu-ray) ainsi que sur la constitution d’une
base installée d’usagers en ciblant les marchés technophiles.
L’environnement très incertain en ce qui concerne les
standards de consoles a pu apporter un relatif effet d’inertie.
Par ailleurs à cette période, le Blu-ray n’était pas encore le
standard du DVD nouvelle génération. Microsoft proposait
dans son offre commerciale, une Xbox avec un HD-DVD.
L’écart technologique entre la PS2 et la PS3 était par ailleurs
tel qu’il n’y a peu ou pas de rétro-compatibilité, donc une
difficulté supplémentaire pour le lancement de nouveaux
jeux vidéos PS3, ce qui a entraîné peu de nouveaux titres
pour cette console lors de son lancement (moins d’effets de
réseau indirects)
Illustration 2 : La guerre des standards du DVD nouvelle génération
Une standardisation, autrement dit une homogénéisation des produits, accroît la
concurrence, mais paradoxalement réduit difficilement les craintes des consommateurs.
La bataille de standardisation pour le DVD nouvelle génération qui a démarré en 2003 a ainsi
duré jusqu’en mars 2008, où deux formats se faisaient concurrence : le format HD-DVD défendu par
Toshiba, avec le soutien de Nec, Sanyo et TDK, et le format Blu-ray proposé par Sony et auquel se
sont ralliés au départ Matsushita et Samsung. Dans cette guerre des standards, de nombreuses
stratégies se sont développées pour détenir le produit qui deviendra le standard sur le marché. Dans
ce cas précis, Sony est parvenu à remporter la bataille des standards DVD nouvelle génération en
développant une stratégie de coalition, afin d’attirer un maximum d’offreurs de son côté (qui
viendraient accroître les ventes liées), pour que son produit, le Blu-ray, devienne le standard :
stratégie de coalition.
9
Scénario pédagogique pour explorer le thème 13 (Jean-Christophe Duflanc, CERTA,
Académie de Dijon)6
Nos élèves d’aujourd’hui sont nés dans un monde entouré par les nouvelles technologies de
l’information et de la communication. Cependant leur communication, leur collaboration, ou encore
leur consommation liée aux NTIC n’en est pas toujours éclairée. Les objectifs de cette séquence
pédagogique, qui s’inscrit dans le thème national « Quels sont les enjeux de l’économie
numérique ? » est de faire comprendre aux élèves que le développement des TIC offre de nouvelles
opportunités de croissance pour les entreprises, mais que toutefois ce développement de nouvelles
activités doit se faire avec discernement car l’économie numérique est une économie de
l’abondance, en rupture avec les pratiques antérieures fondées sur l’économie de la rareté.
Au cours de cette séquence, les processus de rétrocognition (le travail demandé relève d’un
compte-rendu de ses propres savoirs, représentations des extraits de réflexion tirés de sources
diverses) et procognition (les connaissances à partir desquelles se construira le compte-rendu
d’enquête sont a priori à découvrir (ou à redécouvrir) dans le cadre même de l’enquête à conduire,
on évite ainsi une approche frontale de ce que l’élève croit savoir à propos de la question sur laquelle
il enquête) sont associés à des dispositifs susceptibles de « créer l’énigme », avec le désir de la
résoudre (« faire du désir avec du savoir et du savoir avec du désir », P. Meirieu), faisant apparaître
les connaissances comme des réponses à des questions que le sujet a rencontrées et investies.
Résumé du scénario pédagogique :
Les services secrets lancent une investigation : dans un premier temps ils veulent capturer
Kim Schmitz, fondateur de Megaupload (les élèves doivent retrouver son identité et sa biographie, à
partir d’une photographie et de quelques indices). Les élèves doivent ensuite comprendre le
contexte et les enjeux de l’économie numérique à travers divers supports (articles de presse,
interview vidéo, etc.) et ainsi trouver ce qui est reproché à M. Schmitz. Ensuite, le suspect arrêté
cherche des avocats prêts à le défendre : les élèves doivent donc préparer leur argumentation dans
le débat « pour ou contre la liberté du téléchargement ? ». Enfin, si le téléchargement qui ne
respecte pas les droits d’auteur est toujours prohibé, il existe des opportunités de l’économie
numérique en toute légalité : les élèves devront les identifier, et mettre en application leurs
connaissances dans la résolution d’un cas concret. La séquence pédagogique se clôture donc par
l’évaluation, où les élèves sont amenés à réinvestir leurs connaissances en proposant en équipe un
diaporama présentant un projet de lancement sur le marché des applications mobiles pour
Smartphones.
6
Duflanc J-C., Séquence pédagogique sur le thème « Quels sont les enjeux de l’économie numérique ? »,
Réseau CERTA, http://www.reseaucerta.org/cotecours/pub.php?num=580
10
La place de l’écrit des élèves (Alexandra Alminoff, professeure au lycée Maurice Ravel,
Paris)7
Pourquoi parler d’écrit dans un enseignement où l’usage des TICE est envisagé ?
Il s’agit là en réalité d’une occasion pédagogique à saisir, celle de rappeler l’importance de la
trace écrite en PFEG. Le poids et la difficulté de prise de notes en seconde soutient donc l’idée qu’il
faille banaliser l’écrit en l’utilisant comme un outil de travail (à partir de brouillons, d’écrit
intermédiaire réflexif qu’il soit individuel ou collectif, et d’écrit final pour un public).
La trace écrite en PFEG est l’outil du cheminement intellectuel dans le cadre de la démarche
de découverte et l’amélioration de cet écrit constitue un enjeu majeur face aux difficultés croissantes
des jeunes dans la production d’écrits.
7
Almimoff A., La place de l’écrit en PFEG, Réseau CERTA,
http://www.reseaucerta.org/didactique/pub.php?num=592
11
Comment l’entreprise lance-t-elle un nouveau produit ?
Concurrence (Nicolas Canry, maître de conférences, université de Paris 1 Panthéon
Sorbonne)8
La concurrence, autrement dit la rivalité sur un marché entre plusieurs offreurs, porte en elle
la question centrale de l’économie de marché : d’où vient le pouvoir de marché d’une entreprise et
quelles sont les conséquences pour les acteurs du marché (offreurs et demandeurs) ?
L’économie industrielle, qui s’intéresse à l’organisation des marchés et des entreprises,
tente, à partir des travaux qu’elle concentre, de répondre cette question : « comment une
entreprise peut obtenir un avantage concurrentiel ou du pouvoir de marché et comment elle peut le
renforcer ou au contraire le perdre ? ». Des nombreuses théories qui ont émergé au cours des
décennies, les économistes ont mis en évidence des modèles de concurrence parfaite ainsi que de
concurrence imparfaite afin d’y apporter des réponses en termes de stratégies (fixation du prix,
mesure du surplus du producteur et du consommateur, etc.)
La concurrence, résultat d’un dilemme du prisonnier
On constate alors que cette question peut s’apparenter à un dilemme du prisonnier :
collectivement, les entreprises ont intérêt à coopérer pour relâcher la concurrence, mais
individuellement, chacune est tentée d’adopter un comportement opportuniste. Par exemple, une
entreprise au sein d’un cartel peut être incitée à fixer son prix en dessous du prix collusif appliqué par
les autres, de manière à récupérer l’essentiel des ventes.
Concurrence et dynamique des prix
De fait, ces dernières années, l’économie industrielle a eu recours à la théorie des jeux afin
d’étudier les interactions stratégiques entre firmes. De nombreux travaux ont notamment cherché à
étudier les facteurs permettant d’expliquer pourquoi les entreprises d’un secteur parviennent parfois
à maintenir l’équilibre de collusion et pourquoi elles se lancent parfois dans une guerre des prix
visant à accroître leurs parts de marché.
Ainsi la capacité des entreprises à s’entendre tacitement sur le partage du profit de monopole va
dépendre :
-
8
Des évolutions de la conjoncture ou de la demande des biens : plus les perspectives de gains
futurs sont importantes, moins les entreprises auront intérêt à se lancer aujourd’hui dans
une guerre des prix (Bagwell et Staiger, 1997)
Canry N., La concurrence, Réseau CERTA, http://www.reseaucerta.org/didactique/pub.php?num=587
12
-
-
De l’horizon temporel des firmes : plus l’horizon de la firme est court, moins elle intègre les
pertes futures consécutives à une guerre des prix conduites à la période courante
(Haltiwanger et Harrington, 1997)
De la capacité des firmes à évaluer l’évolution du marché (déficit informationnel, asymétrie
d’information) : plus le déficit informationnel est important moins les entreprises sont en
mesure de maintenir une entente tacite (comment savoir si une baisse des prix du
concurrent résulte de la baisse de la demande ou d’une stratégie agressive de sa part ?
(Green et Porter, 1984)
Concurrence et répartition des revenus
La répartition primaire de la richesse produite entre les facteurs participant au processus
productif (capital et travail) dépend :
-
-
De la nature de la concurrence sur le marché des biens qui détermine le niveau des rentes :
prix et taux de marge des entreprises sont d’autant plus élevés que les marchés sont
« concentrés », faiblement concurrentiels
Du pouvoir de négociation respectif des salariés et des entreprises sur le marché du travail,
qui détermine la manière dont les rentes sont partagées entre travail et capital.
A cette répartition, s’ajoute des « facteurs institutionnels », réglementant tant le marché des
biens que celui du travail : des barrières ou coûts d’entrée peuvent ainsi se former sur le marché des
biens, le poids des syndicats peut constituer une protection de l’emploi. Si la régulation n’est pas
uniforme dans tous les secteurs, la dérégulation réduit les inégalités salariales (les salaires étant plus
élevés dans les secteurs moins concurrentiels) mais fera l’objet de davantage de résistances.
L’intégration européenne et la mondialisation ont de fait accéléré la déréglementation des
marchés de biens, réduisant le niveau des rentes, en particulier celle des salariés (l’influence des
syndicats ayant reculé).
Concurrence, innovation, croissance
Depuis une quinzaine d’années, beaucoup de travaux ont analysé les liens existant entre degré
de la concurrence et innovation des firmes. Il en ressort des effets contrastés :
-
-
D’un côté, une forte concurrence entre firmes peut comprimer les rentes liées à l’innovation
(Aghion, Howitt, 1992) : effet « schumpétérien » (Schumpeter défend la position que les
rentes monopolistiques permettent aux entrepreneurs de financer de la recherche et par ce
biais de faire avancer le progrès technologique, alors une forte concurrence viendrait au
contraire freiner ce progrès)
De l’autre côté, l’innovation est parfois un moyen efficace d’échapper à une forte pression
concurrentielle (Nickel, 1996 ; Blundell, Griffith, Van Reenen, 1995 ; Nicoletti, Scarpetta,
2011) : effet « darwinien » (théorie de la sélection naturelle appliquée aux phénomènes
économiques, et qui permet de comprendre comment l'environnement influe sur l'évolution
13
des entreprises en sélectionnant celles qui s’adaptent le mieux aux changements
économiques, et donc pour cela innovent).
Principes fondamentaux de l’économie et de la gestion et entreprenariat (Dominique
Dalle, directrice d’Entreprendre pour apprendre, Lille)
Une pédagogie par projet pour l’enseignement des PFEG : « Ton Monde Ton Business »
L’association « Entreprendre pour Apprendre » a pour objet de former les jeunes à la
création d’entreprise, afin de la rendre accessible à tous, et intervient pour cela en milieu scolaire
afin de transmettre la fibre entrepreneuriale et développer des compétences de gestion de projet.
En collaboration avec l’académie de Lille, l’EPA intervient au lycée afin que les élèves
s’approprient la démarche de projet de création de mini-entreprise. Les jeunes découvrent les bases
du travail en équipe : comment se répartissent les rôles dans une équipe, quelles sont les
personnalités qui se dessinent dans une activité collective ? Puis à partir d’une technique de
créativité accessible à tous, les jeunes imaginent un projet de création d’entreprise originale, en
s’appuyant sur un « grand projet » de développement local, et en s’interrogeant sur le rôle sociétal
d’une entreprise. Ils sont amenés par la suite à approfondir leur projet en s’interrogeant sur la
stratégie commerciale : sur quel segment du marché vont-ils se positionner, avec quelle gamme de
produits, pour quels clients ? Enfin, l’activité se clôture par un échange avec un entrepreneur,
mobilisé pour échanger avec les jeunes sur leur vécu d’entrepreneur, et passage devant un jury.
Entreprendre Pour Apprendre organise un jury pour présenter l’ensemble des idées imaginées par
les jeunes.
14
Distinction des enseignements de sciences économiques et sociales et des principes
fondamentaux de l’économie et de la gestion (Vincent Camet, IA-IPR, académie de Lille)9
Cerner les points communs
La finalité de chaque enseignement d’exploration est de découvrir de nouveaux champs
disciplinaires ou domaines intellectuels. Les objectifs essentiels sont alors communs :
-
Eclairer les choix d’orientation des élèves et les aider à construire leur projet personnel
-
Permettre aux élèves d’acquérir une culture et des connaissances fondamentales dans un
domaine choisi par goût ou intérêt.
Ainsi l’approche des grandes questions économiques, que ce soit en SES ou bien en PFEG, a pour
portée de donner à tous les élèves de seconde, futurs citoyens, les éléments de base d’une culture
économique afin de développer leur propre réflexion structurée.
Les deux programmes présentent aussi des similitudes dans l’élaboration des thèmes du
programme sous forme de questionnement, le plus souvent problématisé, où les élèves suivent le
même parcours de sensibilisation et d’apprentissage, à l’aide des ressources à leur disposition (jeux
sérieux, supports numériques, enquêtes, etc.). Enfin la liberté pédagogique des enseignements
d’exploration invite les enseignants à diversifier les dispositifs sans contrainte forte en termes
d’évaluation et prescription pédagogique.
Identifier les distinctions fortes
Les objets d’étude et leur déclinaison diffèrent entre PFEG (qui regroupe 3 thèmes en 13
questions : les acteurs de l’économie, les décisions de l’entreprise, les nouveaux enjeux
économiques) et SES (qui regroupe 5 thèmes en 10 questions : ménages et consommation,
entreprises et production, marchés et prix, formation et emploi, individus et cultures). L’approche
globale de PFEG est donc davantage orientée vers une voie économique, managériale et juridique,
alors que l’enseignement de SES croise l’approche économique et les méthodes sociologiques.
9
CAMET V., Distinction des enseignements de SES et de PFEG, Réseau CERTA,
http://www.reseaucerta.org/didactique/pub.php?num=591
15
Illustration n°1 : La détermination du prix
PFEG : Comment l’entreprise fixe-t-elle le prix
d’un produit ?
SES : Comment se détermine le prix sur un
marché ?
Approche interne de la politique de
l’entreprise fixant son prix sur un marché
(structure de marché, segmentation, marge et
prix)
Approche globale en termes de courbe d’offre
et de demande et de prix d’équilibre (en
situation de concurrence)
Illustration n°2 : La création de valeur dans l’entreprise
PFEG : Comment l’entreprise crée-t-elle de la
valeur ?
SES : Comment produire et combien
produire ?
Coûts, valeur ajoutée
Facteurs de production, coûts, productivité,
progrès technique
Comment l’entreprise combine des facteurs
pour assurer une production, permettant en
retour une production.
Comment l’entreprise est amenée à combiner
les facteurs en fonction de leurs coûts et de
leur caractère plus ou moins substituable. On
mettra en évidence l’accroissement de la
productivité dans le long terme.
Etude à partir d’un cas concret.
L’ancrage de PFEG se veut davantage dans l’environnement immédiat des élèves, tandis que la
posture de départ des élèves en SES s’oriente vers la recherche (formuler des hypothèses et les
confronter aux données empiriques). La nature et l’approche de l’évaluation en PFEG peut par
ailleurs se concentrer davantage sur les compétences transversales de l’élève, étant donné qu’il
s’agit d’un enseignement de découverte, par opposition à SES, traditionnel et perçu par les élèves
comme un enseignement de détermination.
Agencer les points communs et les différences : une proposition de parcours conduite sous l’égide
de l’ONISEP
Ce nouveau support, sous forme d’ouvrage, a pour objectif de donner aux élèves les éléments et les
méthodes traités par le programme de PFEG et de SES, et de leur proposer des activités qui intègrent
en plus la dimension « orientation » à travers la présentation de certains parcours de formation et de
certains métiers, afin de faire le lien entre les deux enseignements d’économie et les métiers qui y
affèrent.
16
Quatre thèmes cohérents, recouvrant respectivement une question du programme de PFEG et une
question du programme de SES , seraient donc conçus :
Thème 1/ Produire, innover, créer des richesses :« développer un esprit d’initiative »
Comment produire et combien produire ? SES
- Comment l’entreprise se lance-t-elle sur un nouveau marché ? PFEG
Thème 2/ Former et employer des individus « acteurs » dans l’organisation :« communiquer à
l’écrit et à l’oral »
- Le diplôme, passeport pour l’emploi SES
- Quelle place pour l’individu dans l’entreprise ? PFEG
Thème 3/ Explorer et analyser les comportements de consommation : « développer le jugement et
l’esprit critique »
- Comment les acteurs économiques prennent-ils en compte les nouveaux comportements du
consommateur ? PFEG
- La consommation : un marqueur social ? SES
Thème 4/ Concilier l’environnement et le marché : « pratiquer une démarche scientifique »
- Développement durable : contrainte ou opportunités pour l’entreprise ? PFEG
- La pollution : comment remédier aux limites du marché ? SES
17
A quoi sert une banque ? Quelles sont les relations entre les acteurs
économiques ?
La régulation financière (Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences à
l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)10
Les banques sont réglementées car elles sont « spéciales »
Les banques ont été créées avant tout pour répondre naturellement aux problèmes d’asymétrie
de l’information sur le marché : la banque, qui centralise les relations de financement, sélectionne,
produit et contrôle l’information, et donc permet de mutualiser les risques et de réaliser des
économies de coûts (par exemple le coût de l’information).
Les banques détiennent un rôle majeur dans le système économique, elles assurent:
- la gestion des moyens de paiement
- un service de liquidité (liquidité récupérable à tout moment)
- un service de financement de l'économie (mise en relation entre les agents en besoin et les
agents en capacité de financement : rôle d’intermédiation)
- un service de placement
Pourtant les banques sont structurellement fragiles car elles transforment des ressources de
court terme (dépôts sous forme liquide ou épargne placée) en investissements de long terme
(crédits). Elles sont donc exposées naturellement au risque de faillite si tous les dépôts venaient à
être retirés (risque de panique, « bank run »).
Malgré cette menace, les banques ont poussé très loin cette transformation, investissant
majoritairement dans des placements rémunérateurs mais peu liquides, à titre d’exemple la part des
actifs liquides dans le bilan des banques britanniques est passée de 30% dans les années 50 à moins
de 1% avant la crise de 2008. Depuis les années 1990-2000 elles ont par ailleurs changé leur modèle
de gestion des risques (qui consistait jusque là à suivre les risques de chaque engagement de la
banque inscrit dans son bilan) pour les externaliser grâce à des innovations financières comme la
titrisation.
Si d’une part les banques sont sujettes à une fragilité intrinsèque à leur activité, d’autre part leur
transformation récente accroît leur risque opérationnel, les faillites des banques sont aussi et pardessus tout contagieuses, danger supplémentaire qui exacerbe le caractère « spécial » de ces
organisations.
Les externalités associées à ces faillites sont très importantes puisqu’en cas de crise d’une
banque, son intégration dans le marché interbancaire (les banques se prêtent entre elles) va
entraîner la faillite des ses clients : c’est l’effet domino, ou autrement dit la crise systémique qui va
toucher l'ensemble du système économique et financier (une banque qui fait faillite, et ses clients,
10
Couppey-Soubeyran J., La régulation financière, Réseau CERTA,
http://www.reseaucerta.org/cotecours/pub.php?num=594
18
particuliers ou professionnels, perdent toutes leurs liquidités, conséquence grave pour l’activité
économique : baisse de la consommation, fermeture d’entreprises, chômage, etc.). Le coût social de
la défaillance d'une banque est donc largement supérieur au coût privé (faillite de la banque elle
même).
Ces phénomènes ne sont pas rares, et se révèlent très coûteux pour l'économie réelle en termes
de croissance, et de chômage notamment, d'où la nécessité de règlementer l’activité des banques
pour diminuer l'asymétrie d'information (protéger les épargnants) et éviter les effets de contagion
amplifiée, potentiellement dévastateurs pour l'ensemble du système économique.
Pour toutes ces raisons, la banque doit faire l’objet d’une réglementation. Cette dernière a été
mise en place à la suite de la crise de 1929 aux Etats-Unis et dans la période après-guerre en Europe.
Des règles ont été créées selon l’idée que le marché avait totalement failli et visaient donc à
administrer le marché bancaire.
La règlementation bancaire repose sur des exigences de fonds propres
La principale exigence demandée aux banques concerne la quantité de fonds propres dont elles
doivent disposer pour faire face aux risques et rassurer les agents économiques. Les fonds propres
sont définis comme des ressources permanentes et disponibles immédiatement pour absorber les
pertes. Ainsi à partir de 1988 (accords de Bâle I), la règle prudentielle du ratio Cooke a été mise en
place. Le ratio fixe la limite de l'encours pondéré des prêts accordés par un établissement financier en
fonction des capitaux propres de la banque. Les banques sont tenues de garder un volant de liquidité,
de ne pas prêter à long terme, l'équivalent de 8 % de leurs fonds propres afin de faire face aux
impondérables : retournement de la conjoncture et augmentation des impayés de la part de ménages
moins solvables, retraits soudains aux guichets de la banque.
Mais deux problèmes se posent à cela:
-
-
les risques ne sont pas toujours bien calculés (à titre d’exemple, la méthode la plus utilisée
pour le calcul du risque de marché d’un portefeuille est la « value-at-risk », méthode
statistique dont les limites en ce qui concerne la prise en compte des évènements extrêmes
(5% de probabilité) ont déjà été démontrées)
l'assiette des risques est insuffisante : lors du calcul du risque de marché, les textes
réglementaires actuels précisent que le périmètre de calcul inclut toutes les positions de
négociation (trading) mais pas les positions dites « d’investissement » (titres de participation
par exemple) ni les positions de produits dérivés associés à la gestion actif-passif. Autrement
dit, les opérations de titrisation ne rentrent pas, selon la même réglementation en vigueur en
2008, dans le périmètre de calcul obligatoire des risques.
Les dispositifs de supervision et de réglementation ont été donc insuffisants, phénomène qui par
ailleurs est accentué, aux Etats-Unis, par la puissance des lobbies (JP Morgan USA) : ceux-ci ont par
exemple obtenu des autorités de régulation qu’elles acceptent que les banques se contrôlent ellesmêmes.
19
La dialectique réglementaire ou « le jeu du chat et de la souris ».
Les crises ont un mérite : elles créent l’urgence nécessaire à la réforme. Une fois que le danger
s’est matérialisé comme en 2008 et que les techniques en échec ont pu être identifiées, la
réglementation prudentielle doit s’adapter, bien qu’elle ne fasse que combler une asymétrie naturelle
dans la dialectique réglementaire : c'est-à-dire que la « souris est toujours plus rapide que le chat »,
les autorités de régulation ignorent la compétitivité de l’innovation effective et potentielle des
banques.
Le pouvoir des banques a donc pris une ampleur démesurée. Le rapport de force leur est
favorable. Ainsi, il s’échangeait avant la crise chaque jour sur le marché des changes 1,5 fois le PIB de
la France. La capitalisation boursière mondiale s’élève à hauteur d’une fois et demi le PIB mondial. Les
encours notionnels de contrats à terme (autrement dit la valeur brute totale de ces contrats) ont
doublé tous les 4 ans. Le régulateur n’a pu prendre la mesure de l’ampleur de la sphère financière et
de sa déconnexion de la sphère réelle (comment mesurer la production de services financiers en
comptabilité nationale ? la comptabilité crédit/dépôts ne permet par exemple pas de prendre en
compte les revenus de la gestion de titres, les activités à l’international, ou encore la production pour
compte propre). Si la titrisation a été perçue comme une technique de partage du risque au service
de stabilité financière, elle s’est révélée « toxique », en tant que facteur de dilution du contrôle des
risques et d’expansion des activités non réglementées.
La principale réforme en cours (après Bâle 1, Bâle 2) : Bâle 3 (pour la période 2013 - 2019)
Le renforcement de la règlementation prudentielle, notamment sur le plan de la liquidité,
constitue un chantier essentiel pour les régulateurs. Parmi les évolutions à venir des règles des
derniers accords de Bâle (qui doivent être transposées en droit communautaire et national d’ici le 1 er
janvier 2013), on peut citer:
-
-
la mise en place de nouveaux ratios de liquidité pour les banques internationales : à court
terme et à long terme (afin de répondre aux attentes de liquidité de financement pour faire
face à des retraits importants de dépôts par exemple, et aux attentes de liquidité de marché)
la redéfinition des fonds propres (améliorer la qualité, l’homogénéité et la transparence des
fonds propres en étendant la couverture des risques à tous les éléments du bilan et du horsbilan).
Les accords de Bâle 3 prévoient de répondre à de nouvelles exigences, jusque là oubliées :
• le plafonnement du levier d’actifs (pour éviter le recours abusif à l’effet de levier au sein du
système bancaire)
• les mesures contra-cycliques à l’aide d’instruments comme le provisionnement dynamique et
le volant contracyclique dont les exigences s’adaptent en fonction de l’exposition systémique
au risque de crédit (et même géographique pour les banques internationales)
• la supervision macroprudentielle, issue des travaux de la BRI dans les années 2000 : une
enquête du Comité de Bâle auprès de ses membres menée début 2009 a recensé plus de 25
20
mesures et notions différentes utilisées par les autorités de contrôle dans le monde ; pour
favoriser une plus grande homogénéité internationale, le Comité a mis au point un ensemble
commun d’indicateurs, et des outils de suivi adaptés (par exemple, évaluer le risque de
liquidité dans chaque monnaie significative puisque le risque de change est une composante
du risque de liquidité).
Projet « la finance pour tous » - Expérimentation conduite dans l’académie d’Amiens11
L’IEFP (Institut pour l’Education Financière du Public) est une association d’intérêt général,
créée en 2006, dont la principale mission est de favoriser et promouvoir l’éducation économique et
financière. Agréée par le ministère de l’éducation nationale, elle met notamment à la disposition des
enseignants de nombreuses ressources par le biais de son site www.lafinancepourtous.com
En 2011-2012, l’IEFP a notamment mis en place à l’attention des élèves de seconde le jeu
concours « Montage financier d’un projet pédagogique ». Ce concours permet, par le biais d’une
pédagogie active et une démarche de projet, la mobilisation et l’acquisition de notions simples
économique et financière. Il peut trouver sa place dans le cadre des enseignements d’exploration en
économie (SES ou PFEG) ou dans le cadre d’horaires dédiés à différentes disciplines pour permettre
une transversalité entre différents champs disciplinaires, ou dans le cadre de l’accompagnement
personnalisé.
Les candidats présentent un projet qu’ils souhaitent réaliser (projet humanitaire, culturel,
pédagogique, de découverte professionnelle…). Ils en établissent le budget détaillé et un plan de
financement réaliste. Ils sollicitent des professionnels (du monde de la finance, de l’économie, de
l’humanitaire, …) pour les guider. Les critères de la sélection et du choix des vainqueurs sont l’intérêt
du projet tel qu’il est présenté par l’équipe, la qualité du dossier financier, la qualité de la
présentation orale et écrite ainsi que l’assimilation des notions économiques et financières de base.
Différents prix sont attribués aux lauréats et, le cas échéant, une contribution financière à la
réalisation des projets récompensés.
Enfin, l’IEFP distribue par ailleurs un jeu sérieux, « ETHICA », à tous les lycées de l’académie
d’Amiens. Elaboré dans le cadre d’un programme Léonardo, ce jeu permet de travailler des notions
économiques et financières de base et de sensibiliser aux enjeux de la finance responsable. Ce jeu de
rôles met en relation des banquiers et des familles qui doivent prendre des décisions lors
d’investissements. Il permet de mobiliser des connaissances en économie, droit ou management.
Mais aussi de réactiver de nombreuses autres notions d’autres disciplines : géographie, sciences de la
vie et de la terre, etc.
11
Institut pour l’Education Financière du Public, Projet « La finance pour tous », Réseau CERTA,
http://www.reseaucerta.org/cotecours/pub.php?num=593
21
Expérimentation en SES et PFEG - M. Jean-Michel Paguet, Inspecteur général de
l'Education nationale
L'objectif principal de ces enseignements d'exploration est d'amener les élèves à acquérir une culture
économique tout en découvrant des champs disciplinaires nouveaux. Pour ce faire, il faut s'appuyer
sur l'environnement immédiat de l'élève ou sur l'actualité. Il faut explorer cet environnement afin de
convoquer des notions qui vont permettre à l'élève d'accéder à la culture économique.
Pour ce qui concerne PFEG, on doit veiller à respecter la démarche technologique et pratiquer des
allers-retours entre les notions et l'objet de l'étude. C’est cette démarche qui va permettre l'accès à la
culture économique.
L'amélioration de l'écrit est aussi un enjeu très important, on doit intégrer à l'activité des élèves sur la
production d'écrits car on remarque des difficultés de rédaction chez un nombre significatif d'élèves.
On pourra par exemple faire travailler les élèves sur le visionnage d'une vidéo et leur demander la
production d'un écrit, ceux ci ne pourront pas paraphraser contrairement aux travaux s'appuyant sur
un texte.
Une des clefs de la réussite dans la mise en activité des élèves réside dans le fait qu'il est
indispensable qu'ils soient bien impliqués dans la phase d'exploration du thème.
Évaluation
Chacun doit être amené à adopter une réflexion docimologique concernant les enseignements
d'exploration et notamment les PFEG. Il ne faut pas confondre évaluation et notation, même si celleci bénéficie d’un ancrage social profond. Il convient d'évaluer des compétences transversales à l'aide
de grilles par exemple dont les résultats pourront faire l'objet d'une exploitation et d'un travail
approfondi dans le cadre de l'accompagnement personnalisé.
Dans les compétences transversales à acquérir et à évaluer on pourra citer notamment celles
relatives à la communication écrite ou orale, la recherche et l'analyse de l'information.
22
Conclusion du séminaire M. Jean-Michel Paguet, Inspecteur général de
l'Education nationale
Il faut rendre l'enseignement des PFEG attractif, et montrer la richesse de cet enseignement à
l'ensemble des élèves de seconde.
Concernant le nombre d'élèves choisissant PFEG, même s'il n'y a pas eu de revendication exprimée
en terme de pourcentage, on se rend compte que le choix des élèves se porte davantage sur SES, cela
est le résultat de plusieurs facteurs.
-
Il est difficile d'anticiper le choix des familles et de l'élève et cela crée des difficultés
d'organisation au sein des établissements (effets de structure). Pour limiter ces effets, il faut
rappeler que les enseignants de sciences économiques et sociales et d'économie gestion sont
parfaitement substituables en PFEG et /ou SES.
-
Le choix des familles se fait au collège où il est important d'informer les collègues, et de
rappeler que l'enseignement de PFEG n'est pas un enseignement de détermination vers la
série STMG. De même on ne peut avoir des classes de seconde « teintées » PFEG, ceci va à
l'encontre de la réforme du lycée. Le choix des familles doit être éclairé.
Il est aussi envisageable de repousser à la rentrée de septembre le choix entre PFEG et SES (observé
dans certains établissements), pour permettre à l'élève de participer à ces deux enseignements, la
famille peut ensuite faire son choix.
Enfin il faut noter qu'en aucun cas il ne doit y avoir de fusion entre PFEG et SES, il est possible de
travailler à partir de certains thèmes sur l’acquisition de compétences transversales liées aux deux
enseignements (cf point développé par M. Vincent Camet, IA-IPR, Académie de Lille).
Kamel MEGHERBI
Lycée Emmanuel Mounier – Angers
Lucie LIVERSAIN
Lycée Emmanuel Mounier – Angers
Académie de Nantes
23
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