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COMPTE-RENDU DU SEMINAIRE NATIONAL PFEG
14-15 MAI 2012
Lycée Voltaire, Paris 11ème
Le programme de ce séminaire national, sous la direction de Jean-Michel Paguet, consacré à
l’enseignement d’exploration PFEG, met en relation des conférences de nature scientifique et des
scenarii pédagogiques autour de quatre questions du programme officiel :
- Le développement durable : contrainte ou opportunité pour l'entreprise ?
- Quels sont les enjeux de l'économie numérique ?
- Comment l'entreprise lance-t-elle un nouveau produit ?
- A quoi sert une banque ?
S’agissant d’un enseignement d’exploration, et non de détermination, l’objectif est d’amener
les élèves à acquérir une culture économique. Il s'agit de susciter la curiosité des élèves, de leur
donner envie de comprendre leur environnement immédiat, l’actualité, tout en ayant à l’esprit que
cet enseignement contribue à leur formation citoyenne « libre et responsable ».
Permettre à l’élève d’accéder à la culture économique appelle les enseignants à déployer une
démarche réflexive sur leurs pratiques pédagogiques : Comment utiliser le patrimoine de proximité
de l’élève ? Quelle place de l’écrit en PFEG ? Quelle évaluation en enseignement d’exploration ? et
sur l’approche des notions, dont il ne s’agit pas d’en construire un corpus scientifique complexe, mais
bien d’en expliquer les principaux mécanismes à travers des exemples simples.
Dans l’esprit de cet enseignement, plusieurs chercheurs ont donc présenté l’actualité de la
recherche académique sur les quatre questions citées ci-dessus, suivis par des exposés du corps
d’inspection, enseignants du réseau CERTA ainsi que des projets mis en œuvre par des associations
en lien avec les rectorats.
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Table des matières
Introduction ............................................................................................................................................. 1
Lundi 14 Mai 2012
Le développement durable : contrainte ou opportunité pour l’entreprise ? ..................................... 3
Responsabilité sociale des entreprises (Gunther Capelle-Blancard, professeur des universités,
Université Paris 1 Sorbonne) ........................................................................................................... 3
Exploitation d’un projet à caractère local : le projet du tramway à Tours Acteurs économiques
et développement durable (Sophie Glénisson, professeur au lycée Voltaire, Tours) ..................... 6
Quels sont les enjeux de l’économie numérique ? ............................................................................. 8
Economie numérique (Eric Malin, professeur d’économie à l’Université de Rennes 1) ................. 8
Scénario pédagogique pour explorer le thème 13 (Jean-Christophe Duflanc, CERTA, Académie de
Dijon) ............................................................................................................................................. 10
La place de l’écrit des élèves (Alexandra Alminoff, professeure au lycée Maurice Ravel, Paris).. 11
Mardi 15 Mai 2012
Comment l’entreprise lance-t-elle un nouveau produit ?................................................................. 12
Concurrence (Nicolas Canry, maître de conférences, université de Paris 1 Panthéon Sorbonne) 12
Principes fondamentaux de l’économie et de la gestion et entreprenariat (Dominique Dalle,
directrice d’Entreprendre pour apprendre, Lille) .......................................................................... 14
Distinction des enseignements de sciences économiques et sociales et des principes
fondamentaux de l’économie et de la gestion (Vincent Camet, IA-IPR, académie de Lille) ......... 15
A quoi sert une banque ? Quelles sont les relations entre les acteurs économiques ? ................... 18
La régulation financière (Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences à l’Université Paris
1 Panthéon-Sorbonne) .................................................................................................................. 18
Projet « la finance pour tous » - Expérimentation conduite dans l’académie d’Amiens .............. 21
Expérimentation en SES et PFEG - M. Jean-Michel Paguet, Inspecteur général de l'Education
nationale ........................................................................................................................................ 22
Conclusion du séminaire M. Jean-Michel Paguet, Inspecteur général de l'Education nationale ......... 23
3
Le développement durable : contrainte ou opportunité pour l’entreprise ?
Responsabilité sociale des entreprises (Gunther Capelle-Blancard, professeur des
universités, Université Paris 1 Sorbonne)
12
En affirmant que « la responsabilité sociale des entreprises est de faire des profits […]
l’entreprise moderne n’a pas de responsabilité sociale envers le public, ses seules responsabilités
sociales sont les revenus fiduciaires qu’elle procure à ses propriétaires », Milton Friedman nie
l’existence d’une responsabilité extra-financière de l’entreprise envers ses parties prenantes. Le
modèle des shareholders (actionnaires) est donc uniquement orienté autour de l’objectif de
rentabilité financière.
Dans la filiation de la pensée de Milton Friedman, l’intérêt de l’actionnaire a, depuis une
quarantaine d’année, constitué l’objectif prépondérant de l’entreprise. Mais cette « shareholder
value » s’est construite en dépit de l’intérêt des autres parties à l’activité de l’entreprise. Salariés,
environnement, clients et fournisseurs les « stakeholders » ont été les perdants de cette
radicalisation.
Le modèle libéral a pourtant montré de nombreuses limites depuis, et parallèlement
plusieurs parties prenantes, notamment les consommateurs, se sont saisi des enjeux de
responsabilité sociale et environnementale.
Porter et Van der Linde (1995) sont parmi les premiers à avoir exprimé l’hypothèse d’une
relation positive entre les performances économiques et extra‐économiques des entreprises. En
particulier, les innovations environnementales sont autant de sources de compétitivité et de gains de
productivité pour l’entreprise ; c’est le concept d’éco‐efficience.
Ce concept, initialement proposé en référence aux problématiques environnementales, peut
facilement être étendu aux considérations sociétales. Une stratégie qui privilégie une gestion
soucieuse des impacts environnementaux et sociaux peut être profitable, tant par la baisse des coûts
que par l’augmentation des revenus engendrés. L’avantage en termes de coûts est double :
- réduction des coûts grâce aux économies de matériel et d’énergie, et grâce à une meilleure
prévention (l’entreprise anticipe les contraintes réglementaires futures, réduit le coût des
assurances, réduit les risques juridiques, réduit les coûts liés aux grèves du personnel (de
bonnes relations de travail permettent d’améliorer la productivité des salariés, etc.)
- outil de communication qui se dégage de la notoriété acquise auprès des consommateurs de
la mise en place d’une démarche environnementale de l’entreprise : Les avantages en termes
de revenu tiennent essentiellement aux gains de parts de marché (surcroît de notoriété).
Ainsi, pour certains, les entreprises qui mettent en œuvre des stratégies « vertueuses » assurent
à la société un double dividende.
1
Capelle-Blancard G., Débats autour de la responsabilité sociale des entreprises, Réseau CERTA :
http://www.reseaucerta.org/didactique/pub.php?num=590
2
Capelle-Blancard G., Monjon S., Linvestissement socialement responsable, http://www.centre-
cired.fr/IMG/pdf/ISR_VF16.pdf
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L’idée de telles stratégies gagnantes‐gagnantes est certes séduisante, mais est‐elle bien
réaliste?
Il est difficile d’y répondre, bien qu’un important nombre d’études, aux méthodes très diverses,
ait tenté de trancher empiriquement cette question, à forte résonance idéologique.
Le premier point de discorde est d’ordre sémantique. Une responsabilité est légale ou
contractuelle ? Ou bien se rapporte-t-elle à l’éthique ? La morale ? La déontologie ? La notion de
responsabilité sociale reste donc floue.
La deuxième source de désaccord concerne la mesure des performances. Il n’est déjà pas facile
d’apprécier les performances économiques et financières des entreprises (valeur boursière ou valeur
comptable ?), mais c’est encore plus délicat lorsqu’il s’agit de mesurer les performances sociales. On
trouve ainsi, pêle‐mêle, des indicateurs positifs (insertion des travailleurs handicapés, respect de
certaines normes environnementales, etc.) ou négatifs (fraudes, exclusion de certains secteurs, etc.),
synthétique (indices de réputation) ou singulier (commerce avec l’Afrique du sud), qualitatif
(sauvegarde de l’emploi) ou quantitatif (volume des rejets polluants), diffusés par les entreprises
elles‐mêmes (rapports d’activité), les cabinets de conseils, les ONG, les autorités publiques ou les
instances internationales…
La procédure de test constitue une troisième source de disparité : même si on identifie une
relation de corrélation entre les performances économiques et extra‐économiques, comment mettre
en évidence une relation causale ?
Malgré cette absence de lien empiriquement démontré entre performance financière et
performance extra-financière, on peut constater que les marchés ont par exemple déjà intégré
certains mécanismes de réaction aux données environnementales (programme « Toxic Release
Inventory aux USA, « listes noires » d’entreprises polluantes, violations des normes
environnementales, accidents industriels, « green awards ») et sanctionné l’entreprise visée, si elle
est cotée, par une évolution dans la valorisation de ses actions. Cependant pour les investisseurs, la
question n’est pas tant de savoir si les entreprises gagnent à être vertueuses, mais plutôt de savoir
s’ils ont intérêt à porter leur choix d’investissement vers des entreprises qui intègrent des
préoccupations sociales, éthiques ou environnementales, autrement dit si l’investissement
socialement responsable (ISR) est un placement rentable.
L’investissement socialement responsable
L’ISR, qui désigne une pratique financière consistant à investir, non pas uniquement sur la base
de critères financiers (rendement, risque…) mais en prenant en compte des critères liés à
l’environnement, le social et la gouvernance, permettrait donc théoriquement de concilier finance et
éthique à l’aide de divers produits comme le micro-crédit, les fonds de partage (une partie du revenu
est rétrocédée à des associations humanitaires ou caritatives), les fonds solidaires (produits
d’épargne destinés à financer des projets environnementaux ou sociaux), ou encore les produits
bancaires éthiques.
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Nombre de gérants de portefeuille se sont aujourd’hui convertis à l’ISR. Les fonds gérés selon ces
principes et baptisés « fonds socialement responsable », « fonds développement durable » ou «
fonds éthiques » tentent de concilier performance financière et extra-financière.
Précisément, la performance financière se traduit par l’optimisation du couple rentabilité‐risque,
tandis que la performance extra‐financière porte sur le respect de certaines exigences en matière de
protection de l’environnement, d’actions sociales et de gouvernance d’entreprise (c’est ce que l’on
appelle les critères ESG). Schématiquement, on distingue trois grandes approches, celles‐ci ayant
tendance à se conjuguer en pratique, comme le précisait déjà Alfred Hirschman avec son triptyque
« Exit, Voice and Loyalty
3
» :
- Une approche de filtrage (screening) : approche d’exclusion de certains secteurs ou de
certaines entreprises, au motif qu’ils ne sont pas « éthiques » (filtrage négatif), ou d’inclusion
(on privilégie des secteurs d’activités en raison de leur implication pionnière dans le
développement durable , par exemple les énergies renouvelables, ce qui in fine s’apparente
à des fonds thématiques)
- Une approche best‐in‐class, fondée sur la sélection d’entreprises qui réalisent les meilleures
performances financières, environnementales et sociales sans qu’aucun secteur ne soit exclu
ou privilégié a priori. Cette approche cherche à promouvoir la responsabilité sociale au sein
de toutes les entreprises en privilégiant, dans chaque secteur, les entreprises les plus «
vertueuses ». La pression sur les entreprises est ici indirecte.
- Une approche d’activisme actionnarial dans laquelle les investisseurs ont pour ambition de
faire évoluer la politique des entreprises en s’impliquant davantage dans la conduite de
celles‐ci et, le cas échéant, en faisant pression sur les dirigeants (Karpoff, 2006).
L’engagement actionnarial va du simple dialogue avec les dirigeants, à l’exercice actif des
droits de vote et à la proposition en assemblée générale d’actionnaires d’un certain nombre
de résolutions relatives aux critères ESG.
Pour s’interroger sur la performance des fonds ISR, il faut prendre en compte le fait qu’exclure
certaines entreprises voire certains secteurs réduit les opportunités de diversification. Le concept
de diversification est la base de la théorie moderne du choix de portefeuille, née dans les années
1950 des travaux précurseurs d’Harry Markowitz, James Tobin et William Sharpe. Ces auteurs ont
montré que la meilleure stratégie pour les investisseurs consiste à détenir un portefeuille composé
d’un ensemble le plus large possible d’actifs. Cela permet, en effet, de réduire les risques sans
sacrifier au rendement attendu. Cette théorie a révolutionné la pratique financière. Il en découle
notamment que la meilleure attitude pour les gérants de fonds consiste à répliquer passivement
l’indice de marché. Autrement dit, aucune place n’est laissée quant au choix des actifs qui composent
le portefeuille, il faut en détenir le plus grand nombre. C’est la raison pour laquelle la plupart des
conseillers en placement financier recommandent aujourd’hui d’investir dans des fonds indiciels, à
savoir des fonds plus ou moins indexés sur la rentabilité d’un indice boursier.
Si la meilleure stratégie consister à répliquer l’indice de marché, la théorie financière suggère
ainsi qu’il est impossible de « battre le marché », et les fonds ISR ne doivent pas faire exception à la
règle. Ce qui signifie aussi bonne nouvelle pour les investisseurs soucieux d’éthique que les fonds
ISR, pour peu qu’ils soient suffisamment diversifiés, n’ont pas de raison de sous‐performer.
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HIRSCHMAN A., Exit, Voice, and Loyalty : Responses to Decline in Firms, Organizations, and States, 1970,
Cambridge, MA : Harvard University Press.
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