Communication avec le patient et sa famille 449
4.3. EXPÉRIENCE DE MÉDIATION
Dans l’expérience de médiation que nous avons développée, à chaque fois que la
situation le permet, nous proposons, en cas de conflit, une rencontre entre les protagonis-
tes. Nous privilégions la parole exprimée par le malade lui-même et non retraduite par
une tierce personne (comme un chargé des droits des usagers) car cette parole possède
une force insoupçonnée. En effet le langage est lui-même une médiation culturelle qui
contribue à l’évolution de la réflexion et des représentations de la situation en cause [10].
Le mot employé par le malade ou le médecin ne ressemble en rien aux choses et aux
situations qu’il signifie, il permet l’abstraction et cette distance nécessaire qui s’insinue
dans le cours même du discours au fur et à mesure qu’il s’élabore dans la discussion. En
d’autres termes, c’est en disant les choses que le malade ou le médecin réfléchit sur elles
tout en s’en mettant à distance, opérant une décentration utile par rapport à la situation
vécue : « dès que l’on comprend, on comprend autrement » [9].
L’objet de la plupart des conflits entre les usagers et les professionnels concerne l’in-
formation. Le fait qu’elle soit un thème source de tension est inhérent à son objet même.
En voulant tout simplement savoir ce que le médecin sait sur sa propre maladie, en voulant
s’approprier l’information, une rivalité vis-à-vis de l’information se développe quelle
qu’en soit la raison et la légitimité. Cette rivalité plus ou moins explicite crée du conflit.
Ce même schéma peut être inversé pour le médecin qui veut savoir ce que le malade
ressent ou vit. Evidemment, plus le sujet empêche l’autre d’accéder à cette information,
plus le conflit s’exacerbe. « Ce choc de notre pensée avec celle des autres » (Piaget) a
des effets bénéfiques potentiels : il oblige à prouver, à argumenter mais aussi à douter, il
développe le questionnement, l’explicitation et la compréhension de ses propres logiques
mais aussi de celles de l’autre.
4.4. LIMITES ET INTÉRÊT DE LA MÉDIATION
Les limites de l’exposé du conflit dans la médiation apparaissent ici. En permettant
que s’exprime l’hétérogénéité, la bifurcation possible du dialogue est évidente. Lorsque
quelque chose d’étranger ou de contradictoire à ses valeurs, à son point de vue ou à sa
perception apparaît, ce quelque chose peut être dénié, ignoré ou rejeté. Au contraire,
accepté et reconnu, il permet un bond compréhensif au sens du questionnement, de
l’entente, voire d’une coopération possible. Le problème peut agir comme un déclen-
cheur, une remise en question synonyme d’évolution. Notre expérience montre qu’une
médiation de ce type est susceptible, par une réflexion sur ses pratiques, de déclencher
des changements.
A contrario, une médiation peut s’avérer impossible voire néfaste, notamment lorsque
la mise en présence des protagonistes exacerbe le conflit au point que la parole ne puisse
s’exprimer. Le médiateur doit toujours prendre la mesure du niveau conflictuel de la
relation. L’intensité de la souffrance ou de l’angoisse du malade ne permet pas toujours
que la parole puisse s’exprimer pour être écoutée sinon entendue. Mais la présence du
médiateur est aussi un dérivatif qui permet parfois que la tension qui existe lors de la
rencontre s’exerce sur lui afin de libérer le dialogue entre les protagonistes.
Ce n’est pas au médiateur d’imposer la médiation, mais il est de sa responsabilité de
la proposer en exposant les principes et les règles afin que chacun puisse, à condition
de les accepter, en tirer le bénéfice escompté. C’est pourquoi le silence doit aussi être
envisagé comme la phase préalable à la médiation voire même comme solution définitive
choisie par un des protagonistes.
L’écoute préalable des protagonistes est nécessaire avant d’organiser toute rencontre.
Lors de celle-ci, les objectifs de la réunion sont expliqués et le médiateur conduit la
rencontre avec souplesse et fermeté de façon à ce que chacun puisse s’exprimer dans un