Idées reçues
N°86-NOVEMBRE/DÉCEMBRE 2007
MÉDECINS DU SPORT 25
teneurs variables, mais souvent éle-
vées, en isoflavones. Les enfants de
plus de 3 ans, consommateurs de ces
aliments, peuvent ainsi être amenés à
recevoir des quantités élevées d’iso-
flavones dépassant les 1 mg/kg/jour.
Ainsi, un nourrisson de 4 mois ali-
menté exclusivement avec ces prépa-
rations, peut recevoir 4 à 9 mg d’iso-
flavones/kg/jour. Par prudence, il est
nécessaire de contrôler ces apports et
de limiter l’exposition in utero et néo-
natale. Toute prise alimentaire d’ali-
ments à base de soja chez un enfant
doit être signalée au pédiatre.
LE SOJA
ET LES ALLERGIES
Les aliments à base de soja sont sou-
vent utilisés par les personnes qui se
croient allergiques aux protéines de
lait de vache. Certes, les allergies aux
protéines de la vache peuvent entraî-
ner maux de tête, eczéma et infections
ORL à répétition, mais elles ne sont
pas fréquentes. Dans la population
adulte, on estime que 1 à 3 % présen-
tent des allergies alimentaires et, dans
ce pourcentage, l’allergie au lait de
vache est retrouvée chez 12,6 % des
allergiques, ce qui n’est pas 100 % de
la population...
Le traitement de l’allergie aux pro-
téines de la vache consiste à éviter les
produits laitiers issus de la vache et de
consommer plutôt des fromages de
chèvre ou de brebis, mais sans repor-
ter la consommation sur les protéines
de soja. Il faut savoir qu’il existe des
allergies croisées entre les protéines
du lait de vache et les protéines du
soja. Ainsi, une vraie allergie aux pro-
téines du lait de vache devrait faire
limiter, voire interdire, la consomma-
tion de préparations à base de pro-
téines de soja.
LE SOJA
ET LA THYROÏDE
On connaît, depuis longtemps, l’effet
antithyroïdien du soja tant chez l’ani-
mal que chez l’homme. Le lait de soja
et ses dérivés sont capables de ralen-
tir ou de s’opposer à l’absorption di-
gestive des hormones thyroïdiennes.
De plus, les isoflavones s’accumulent
dans la thyroïde et perturbent son
fonctionnement via l’effet inhibiteur
de l’activité de la thyroperoxydase.
La consommation d’isoflavones peut
augmenter les besoins en hormones
thyroïdiennes chez les patients hypo-
thyroïdiens.
Chez l’enfant, dès 1959, Van Wick et
al. ont rapporté la présence de goitre
chez des enfants nourris au lait de soja,
régressive après supplémentation
iodée ou remplacement du lait par du
lait de vache. La consommation anté-
rieure de soja dans la petite enfance
semble prédisposer à la survenue de
maladies thyroïdiennes auto-immunes
à l’adolescence.
Chez l’adulte, la réduction de l’ab-
sorption digestive de la T4 exogène
par les dérivés du soja a été démon-
trée en clinique avec nécessité d’aug-
menter les doses supplétives de lT4 en
cas de forte consommation de soja. Les
dernières études ont montré que les
isoflavones de soja étaient d’autant
plus perturbatrices du fonctionnement
thyroïdien et de son augmentation de
volume que l’individu présentait une
carence en iode. Or, la carence en iode
est très fréquente en France, d’autant
plus que la prévention prise par l’io-
dation du sel est mise à mal par la pré-
férence des sels non raffinés et non su-
riodés. D’autre part, les français
consomment de plus en plus de plats
tout élaborés dépourvus de sel iodés.
Par prudence, il est raisonnable de
limiter la consommation quotidienne
à une dose inférieure à 1 mg/kg (soit
60 mg par jour pour une femme de 60 kg).
LE SOJA
ET LE CANCER DU SEIN
Les données disponibles à ce jour mon-
trent que la consommation de produits
dérivés du soja (riches en isoflavones,
notamment) n’est pas associée à une
augmentation du risque de cancer du
sein chez la femme. Toutefois, les don-
nées obtenues chez l’animal incitent à
la prudence chez les sujets présentant
ou ayant présenté un cancer du sein
ou des antécédents familiaux de ce
cancer, les phyto-œstrogènes pouvant
favoriser la prolifération des cellules
tumorales.
CONCLUSION
Le lait de vache a toujours fait parti de
notre alimentation et participe à l’équi-
libre alimentaire. Il ne semble pas que
sa consommation, chez les habitants
de notre pays, affecte une espérance
de vie toujours plus longue. S’il existe
une augmentation des allergies ali-
mentaires, la cause serait plutôt liée
à la consommation d’aliments de plus
en plus transformés et contenants des
additifs et la propension croissante
de nos concitoyens à augmenter la
consommation d’aliments exotiques
auxquels nos organismes ne sont pas
habitués. Pour le soja, par prudence,
les apports en phyto-œstrogènes sont
à déconseiller chez l’enfant avant
3 ans, les patients traités pour hypo-
thyroïdie et porteurs de goitres, et les
personnes ayant des antécédents per-
sonnels ou familiaux de cancer du sein.
Laissons cohabiter, sans excès de l’un
ou de l’autre, le lait de vache et les pro-
duits à base de protéines de soja. La
discussion est ouverte… ■
1. Milerová J, Cerovská J, Zamrazil V et al.
Actual levels of soy phytoestrogens in chil-
dren correlate with thyroid laboratory
parameters. Clin Chem Lab Med. 2006 ;
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2. Agostoni C, Axelsson I, Goulet O et al.
Soy protein infant formulae and follow-
on formulae: A commentary by the
ESPGHAN Committee on snowboarding.
Ann Emerg Med 2003 ; 41 : 854-8.
Pour en savoir plus
Le traitement de l’allergie aux protéines de
la vache consiste à éviter les produits laitiers
issus de la vache et de consommer plutôt
des fromages de chèvre ou de brebis.