LEPOINT SUR... Progrès en Urologie (2002), 12, 510-515
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Tumeurs radio et chimio induites
Christian COULANGE (1), Jean-Louis DAVIN (2) et le Comité de Cancérologie de l’AFU
(1) Service de Chirurgie Urologique et de Transplantation, Hôpital Salvator, Marseille, France,
(2) Service d’Urologie, Clinique Rhone-Durance, Avignon, France
Le forum du comité de cancérologie du congrès
Français d’Urologie 2001 a eu pour thème les tumeurs
induites par les traitements par chimiothérapie ou
radiothérapie avec également un exposé sur oncologie
et immuno-suppression.
Il s’agit de lésions rares, souvent graves. Il est impor-
tant de connaître les populations à risque pour prévoir
une surveillance rigoureuse autorisant un diagnostic
précoce et un traitement adapté.
SECONDS CANCERS PRIMITIFS APRES
RADIOTHERAPIE
P. Richaud (Bordeaux)
Les seconds cancers primitifs (S.C.P.) radio-induits
correspondent aux cancers qui surviennent chez des
patients traités par radiothérapie pour un premier can-
cer et dont on peut rattacher la survenue à l’action des
radiations ionisantes. Tous les cancers survenant
secondairement ne seront donc pas forcément dus au
traitement mais reflètent l’action de multiples facteurs,
liés à l’hôte (âge, prédisposition génétique, immunodé-
ficience), liés à des facteurs de carcinogénèse com-
muns ou liés à l’action médicale, qu’elle soit diagnos-
tique ou thérapeutique.
Les SCP radio-induits surviennent après une période de
latence qui est de 4 à 8 ans pour les leucémies et de plus
de 10 ans pour les tumeurs solides. Leur incidence aug-
mente pour les tumeurs solides de façon linéaire avec
la dose délivrée jusqu’à un plateau, mais interviennent
également dans leur survenue le débit de dose, le frac-
tionnement de cette dose, le volume irradié et les trai-
tements associés.
Le principal mécanisme d’action des radiations ioni-
santes est représenté par des cassures double-brins
d’ADN ; les phénomènes de réparation mis en œuvre
dans les cellules normales peuvent alors être l’occasion
d’erreur et à l’origine d’anomalies mutagènes (substi-
tution de bases, translocations, délétions, réarrange-
ments chromosomiques) transmis de façon clonale, ou
d’instabilité génomique.
Les cancers dont le traitement par radiation peut indui-
re une SCP sont le plus souvent les cancers de l’enfant,
les lymphomes malins et maladie de Hodgkin, les can-
cers du col utérin, les cancers du sein et beaucoup plus
rarement les cancers du testicule et autres tumeurs
solides.
Les leucémies induites sont plus souvent liées à la chi-
miothérapie ou aux traitements combinés.
La plupart des types de tumeurs solides peuvent être
provoqués par les radiations, les organes les plus sus-
ceptibles étant la thyroïde, le sein et la moelle osseuse.
Les SCP urologiques sont rarement radio-induits.
Il est important d’évaluer toutes les séquelles cliniques
d’un traitement et ce d’autant que la précocité d’instau-
ration du traitement et l’amélioration des moyens et
stratégies thérapeutiques allongent la durée de survie de
ces patients. La survenue, même rare, de SCP induits
par le traitement, implique un respect des standards de
traitement et une technique de radiothérapie rigoureuse.
On tiendra compte de cette éventualité selon la situation
clinique dans le choix de la stratégie thérapeutique et
dans les conditions et les rythmes de surveillance en
gardant en mémoire le rapport bénéfice-risque.
SECONDES TUMEURS APRES
CHIMIOTHERAPIE
S. Culine (Montpellier)
Les secondes tumeurs après chimiothérapie correspon-
dent par définition aux néoplasies survenant chez des
patients traités par des drogues cytotoxiques pour une
première tumeur maligne.
Ces secondes tumeurs sont principalement des hémopa-
thies : leucémies aiguës, le plus souvent myéloblas-
tiques, éventuellement précées par un syndrome
myélodysplasique, et lymphomes non hodgkiniens. Les
tumeurs solides rapportées sont plus rares, et concer-
nent, sans exclusivité, les bronches, l’estomac, la ves-
sie, les os (ostéosarcomes) et la peau (mélanomes).
Les tumeurs primitives qui peuvent être suivies après
traitement de secondes tumeurs sont principalement les
hémopathies (lymphomes hodgkiniens et non hodgki-
niens, myélome), les cancers du sein, des bronches à
petites cellules, de l’ovaire, et les tumeurs germinales
Manuscrit reçu : mai 2002.
Adresse pour correspondance : Pr. C . Coulange, Service de Chirurg i e
Urologique, Hôpital Salvator, 249, Bd. de Sainte-Marguerite, 13274 Marseille
e-mail :
Ref : COULANGE C., DAVIN J.L., Prog. Urol., 2002, 12, 510-515.
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du testicule. Une survie minimale après le traitement de
la tumeur primitive est bien entendu nécessaire pour
avoir le temps de développer une deuxième tumeur.
La fréquence de survenue des secondes tumeurs peut
être globalement estimée à moins de 5% des patients
traités. Elle est cependant influencée par la nature de la
tumeur primitive, l’âge, la dose cumulée de drogues
reçue, et l’association à une radiothérapie.
Les agents cytotoxiques impliqués dans le développe-
ment d’une deuxième tumeur sont ceux dont le méca-
nisme d’action concerne une interaction avec l’ADN,
principalement les alkylants (melphalan, cyclophos-
phamide), et les inhibiteurs des topo-isomérases II
(étoposide, anthracyclines).
Les caractéristiques cliniques et biologiques des leucé-
mies aiguës induites par ces deux familles sont diffé-
rentes :
• délai de survenue de 3 à 4 ans, syndrome myélodys-
plasique précurseur dans environ la moitié des cas,
anomalies chromosomiques concernant les chromo-
somes 5 et 7 pour les alkylants,
• délai de survenue plus court, absence de syndrome
myélodysplasique précurseur, anomalies chromoso-
miques proches des leucémies aiguës primitives (trans-
locations 9 ;11 ou 8 ;21) pour les inhibiteurs des topo-
isomérases II.
Le pronostic des secondes tumeurs est très grave pour
les leucémies aiguës, et lié au degré d’extension pour
les tumeurs solides.
La meilleure prévention de leur survenue est le respect
des standards thérapeutiques.
ONCOLOGIE ET IMMUNO-SUPPRESSION
E. Lechevallier (Marseille)
La reconnaissance antigénique par les lymphocytes T
est une étape primordiale de la défense immunitaire de
l’organisme contre les allo-antigènes mais aussi contre
les antigènes tumoraux. En transplantation d’organe,
divers immuno- suppresseurs sont utilisés dont les
cibles peuvent interférer avec les défenses antitumo-
rales. L’utilisation d’une triple immuno-supression par
corticoïdes, anti-calcineurines (ciclo A, tacrolimus) et
antipurines (azathioprine, MMF) induit une lymphopé-
nie en CD4, un déficit fonctionnel et quantitatif en lym-
phocytes NK et une altération des messages intercellu-
laires par les cytokines et les chémokines, et pourrait
induire un risque oncologique accru chez les transplan-
tés.
Le risque global de cancer chez le transplanté est de 5-
10%. Ce risque a été particulièrement étudié par I. P
ENN
dans le " Cincinnati Transplant Tumor Registry " [5].
Les cancers les plus fréquents chez les transplantés sont
les cancers cutanés, les lymphomes et certains sarcomes
de Kaposi.
Le risque de cancer urogénital chez le transplanté serait
multiplié par 7 par rapport à celui de la population
générale [1]. Le risque le plus important concerne les
cancers des reins natifs avec un risque de 10-30. La
multikystose et une longue durée de dialyse seraient des
facteurs favorisants. Le délai d’apparition est de 2-8 ans
après la transplantation. La forme tubulo-papillaire
représente la forme la plus fréquente, jusqu’à 90% [2].
Le risque de cancer de la prostate est de 2-5 [1] mais
est controver, probablement par insuffisance de
suivi. Dans l’enquête du Comité de Transplantation de
l’AFU [3], 28 cancers ont été recensés chez 2338 rece-
veurs (incidence en 1998 : 1,2%). Le délai moyen d’ap-
parition a été de 58 mois.
Le risque de cancer de vessie est de 2-5 [1]. Le délai
d’apparition est de 3-4 ans. Le BCG est contre-indiqué.
L’agressivité de ces cancers est mal connue mais les
formes indifférenciées seraient plus fréquentes que dans
la population générale [3]. Le traitement comporte la
conservation du transplant, une réduction de l’immuno-
suppression et un traitement adapté au stade du cancer.
Après transplantation, un suivi annuel systématique
des receveurs est recommandé comprenant un toucher
rectal, une échographie des reins propres et de la ves-
sie, un dosage du PSA et une cytologie urinaire.
Avant la transplantation, la recherche d’un cancer uro-
logique doit faire partie du bilan systématique. Un can-
cer urologique localisé n’est pas une contre-indication
à la transplantation si un délai adapté au stade et au
type de cancer est respecté. Le bilan d’extension à l’is-
sue de ce délai doit être normal. Compte tenu des
risques différents de récidive des cancers après trans-
plantation [4], un délai inférieur à 2 ans est suffisant
après un cancer du rein incidentel ou une tumeur
superficielle de vessie. Un délai de 2 ans est recom-
mandé pour les cancers du rein et de prostate localisés
et de faible grade. Un délai d’au moins 5 ans est néces-
saire pour les cancers du rein de plus de 5 cm ou symp-
tomatiques, pour les cancers de prostate indifférenciés
et pour les tumeurs de vessie de stade supérieur à T1.
REFERENCES
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TUMEURS UROTHELIALES INDUITES PAR
CHIMIOTHERAPIE OU RADIOTHERAPIE
C. Théodore (Villejuif)
Il existe une sensibilité particulière à la carcinogénèse
chimique de l’urothélium : tissu à renouvellement rapi-
de et expo lors de l’excrétion de tabolites
toxiques, sensibilité connue en dehors du contexte de la
iatrogénicité (influence du tabac et des colorant chi-
miques).
En revanche, l’urothélium n’est pas directement expo-
sé aux radiations ionisantes dans des conditions natu-
relles mais seulement en cas d’accident ou de traite-
ment anti-cancéreux.
Pour la radiothérapie le potentiel carcinogène est
connu. La plupart des cas de la littérature concerne des
patientes guéries de cancers gynécologiques, principa-
lement des cancers du col utérin ou de l’ovaire.
- Etude portant sur 10.709 patientes irradiées pour can-
cer gynécologique avec dose de 67,7 grays et durée
médiane d’observation de 22 ans : risque relatif de can-
cer urothélial de 4,66 [6]
- Etude sur femmes traitées pour cancer de l’ovaire
avec chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie ou radio-
chimiothérapie, risque relatif :
• 1.9 pour la radiothérapie seule
• 3.2 pour la 1chimiothérapie seule (comportant du
cyclophosphamide)
• 5.2 pour l’association des deux [5]
Pour la chimiothérapie anticancéreuse, le potentiel car-
cinogénique intrinsèque dépend du type de médica-
ments et du mode d’administration.
Les médicaments les plus carcinogènes sont les alky-
lants.
Pour le mode d’administration, la durée et le temps de
latence depuis la première exposition sont encore plus
importants que la dose (comme pour l’exposition au
tabac). Les alkylants administrés à petites doses pen-
dant longtemps sont donc les plus dangereux.
Ces situations thérapeutiques sont surtout rencontrées
lorsque les alkylants ont été employés per os comme
immuno-suppresseurs dans des maladies bénignes, sur-
tout dans les maladies dites de système ou dysimmuni-
taires, plus rarement à titre anticancéreux.
Il faut accorder une mention particulière pour le
cyclophosphamide (endoxan) dont les 2 effets secon-
daires les plus notables sont la myélosuppression et la
cystite chimique qui peut être prévenue par le mesna
employé seulement lors des administrations à fortes
doses et/ou avec le dicament "frère" l’ifosphamide.
La modalité la plus toxique en terme de carcinogénèse
est le cyclophosphamide 100 mg par jour pendant plu-
sieurs années. Le tissu le plus sensible étant la moëlle
hématopoiétique, les leucémies myéloïdes induites
sont les plus connues.
Dans les mêmes circonstances, des cancers urothéliaux
induits ont été décrits dans :
- Maladie de Wegener [9, 11]
- Polyarthrite rhumatoïde [1]
- Sclérose en plaque avec peut-être facteur de risque
supplémentaire du fait des sondages répétés [2]
- Syndrome néphrotique [7]
- Transplantés rénaux [4]
- Lymphomes non Hodgkiniens de bas grade permet-
tant une survie prolongée [10]
- Cancer de l’ovaire [5, 12]
Les caractéristiques de ces cancers induits sont particu-
lières :
-Caractéristiques épidémiologiques : risque fonction de
la dose avec un premier seuil à 20 G (RR=6) et un
deuxième seuil à 50 G (RR=14.5) [10] mais surtout de
la durée d’exposition et du temps de latence : médiane
7 ans après le début du traitement mais le risque aug-
mente sans liitation de durée [8].
- Caractéristiques biologiques : description de muta-
tions du gène suppresseur de tumeur p53 à un site par-
ticulier (Exon 6) permettant de tracer le métabolite
toxique : probablement la moutarde au phosphorilami-
de et non l’acroléine.
-Caracristiques cliniques : agressivité particulière
[3] : sur 12 tumeurs recenes, toutes étaient de
grade 3 et 5 des 6 patients traités par résection endo-
scopique seule pour une forme superficielle seule
pour une forme superficielle sont survivants à long
t e r m e .
Conclusion
Il faut prévoir une surveillance serrée des patient(e)s,
ayant reçu plus de 20 g de cyclophosphamide : cysto-
scopies systématiques ? cytologies ? En tout cas la
vigilance est de règle devant toute symptomatologie en
particulier des hématuries indolentes. Peut-être faut-il
discuter la nécessité d’une agressivité initiale particu-
lière des traitements.
REFERENCES
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TUMEURS DE VESSIE APRES RADIOTHERAPIE
DE PROSTATE
A. Villers (Lille)
Le risque de cancer de vessie radio induit est connu
depuis longtemps, mais dans les cas où la radiothérapie
représente le seul traitement efficace, les bénéfices
attendus du traitement occultent ce risque.
Dans le cancer de la prostate pour lequel la discussion
thérapeutique est ouverte entre radiothérapie et chirur-
gie radicale, le risque thérapeutique à long terme doit
être évalué.
L'équipe de radiothérapie de l'Université de Columbia
a rapporté (1)une étude épidémiologique sur le risque
de deuxième cancer chez les patients irradiés pour un
cancer de la prostate localisé. Les données ont été ana-
lysées entre 1973 et 1993 à partir des fichiers de 9
registres des tumeurs d'un programme d'épidémiologie
du NCI (SEER) recouvrant environ 10% de la popula-
tion américaine.
Le nombre de cancers de prostate enregistré a été de
122 123; 51 584 ont été traités par radiothérapie exclu-
sive et 70 539 par chirurgie radicale. La probabilité que
des patients opérés aient reçu une radiothérapie com-
plémentaire a été estimée à 6%, les traitements adju-
vants n'étant pas mentionnés dans les fichiers.
La méthodologie utilisée a permis une comparaison du
risque de deuxième cancer après radiothérapie à celui
observé après chirurgie indépendamment d'un éventuel
traitement adjuvant. Les données recueillies dans les
fichiers du SEER ayant recouvert une période d'au
moins 10 ans avant l'utilisation du PSA, ont montré que
l'âge moyen des patients était de 71 ans dont 9,7% de
moins de 60 ans, alors que celui des patients diagnosti-
qués en 1995 par le National Cancer Data Base était de
69 ans dont 14.7 % de moins de 60 ans.
L'augmentation significative de tumeurs de vessie
associées à la radiothérapie a été observée par diffé-
rents auteurs [2, 3].
D'après NEUGUT [2], le risque de développer un cancer
de vessie 8 ans après la radiothérapie est augmenté de
1.5 et de 1.3 entre 5 et 8 ans. Cette augmentation du
risque n'est pas considérable. Cependant, il n'a pas été
possible dans l'étude [3] d'identifier le stade et le grade
des lésions et de le comparer au stade et au grade des
carcinomes urothéliaux sporadiques en dehors de toute
radiothérapie préalable.
Quelle surveillance après radiothérapie pro s t a-
tique:
Il n'y a pas suffisamment de données actuelles pour
proposer une attitude de surveillance chez des gens qui
cumulent des facteurs de risque de carcinome urothé-
lial, radiothérapie prostatique ou pelvienne ainsi que
tabagisme ou exposition à des carcinogènes. Il n'y a
donc pas de surveillance proposée (cystoscopie ou
cyto-diagnostic urinaire ou recherche d'hématurie
microscopique).
Cependant, il ne faut pas méconnaître ce risque, et éva-
luer par cystoscopie et biopsies en cas de lésion sus-
pecte les patients en cas d'hématurie macroscopique
récidivante, même si le diagnostic de cystite post-
radique a été porté sur une précédente cystoscopie
Quelle attitude en cas d'antécédents de carcinome uro-
thélial et d'indication de traitement d'un cancer prosta-
tique?
Le risque de carcinome urothélial post-radiothérapie
peut être discuté chez des patients porteurs déjà d'un
carcinome urothélial au moment du diagnostic de can-
cer de prostate.
Il n'y a pas de données permettant d'évaluer si une aug-
mentation du risque de récidive et/ou de progression
existe chez un patient ayant des antécédents de carci-
nome urothélial superficiel de bas grade. Donc il n'y a
pas de restrictions à l'indication d'une radiothérapie.
Peut-on par prudence proposer un autre traitement si
une alternative existe? C'est aux réunions pluridiscipli-
naires de le décider.
Si un carcinome urothélial de stade Ta et de grade 1 à
2 peut être traité que par voie endoscopique, un carci-
nome urothélial de grade 3 ou de stade à T1, et pro-
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Christian Coulange, Jean-Louis Davin et coll. Progrès en Urologie (2002), 12, 510-515
gressant malgré un traitement endo-vésical peut rele-
ver d'une indication de cystectomie. Dans ce cas, la
cystoprostatectomie peut être plus difficile avec un
risque de séquelles notamment d'incontinence plus éle-
vée qu'en l'absence d'irradiation prostatique préalable.
Une indication de cystoprostatectomie totale d'emblée
traitant à la fois la tumeur intra-prostatique et la tumeur
intra-vésicale de risque intermédiaire ou de haut risque
de récidive doit être discutée. En effet, la récidive d'un
carcinome urothélial de stade pT1 imposerait une
cystectomie totale si cette lésion est localisée. Une
entérocystoplastie avec anastomose vésico-uréthrale
ne pourrait être réalisée en cas d'antécédent de radio-
thérapie (risque fonctionnel d'incontinence). Une déri-
vation cutanée urinaire serait la solution la plus pro-
bable entraînant un handicap fonctionnel majeur.
Il n'y a pas de données publiées permettant d'évaluer si
une augmentation du risque de récidive et/ou de pro-
gression existe chez un patient ayant des antécédants
de carcinome urothélial superficiel de bas grade.
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RISQUE DE DEUXIEME CANCER NON
GERMINAL APRES RADIOTHERAPIE
POUR TUMEUR SEMINOMATEUSE
DU TESTICULE
M. Petit (Reims)
La radiothérapie est le traitement de référence après
orchidectomie des séminomes de stades localisés (4%
de rechute) et des adénopathies rétropéritonéales infé-
rieures à 5 cm de diamètre (10% de rechute). La chi-
miothérapie permet de rattraper la quasi totalité des
échecs survenus après radiothérapie.
En dépit de ces résultats carcinologiques, les modalités
classiques de la radiothérapie ont été remises en ques-
tion par la meilleure connaissance des complications
tardives dominées par l’infertilité, les coronaropathies
et les deuxièmes cancers.
Depuis 1984, la politique de prise en charge des sémi-
nomes testiculaires a été modifiée en abandonnant l’ir-
radiation prophylactique du médiastin et des creux sus-
claviculaires pour les stades localisés et les adénopa-
thies rétropéritonéales de moins de 5 cm de diamètre et
en introduisant la chimiothérapie dans le protocole thé-
rapeutique des adénopathies rétropéritonéales de plus
de 5 cm de diamètre.
La revue de la littérature montre des divergences
importantes dans l’estimation du risque relatif de can-
cer métachrone qui varie selon les études entre 1,3 et
7,5 [1, 2, 3, 4, 5].
Ceci s’explique par l’importante hétérogénéité qui
existe entre les différentes séries (paramètres de radio-
thérapie et association radio-chimiothérapie).
En ce qui concerne les seconds cancers solides, une
augmentation de l’incidence des sarcomes a été rap-
portée ainsi que des carcinomes urothéliaux, bron-
chiques, de l’estomac, du pancréas, du côlon, des méla-
nomes malins et des lymphomes non Hodgkiniens.
Il semble que la majorité de ces seconds cancers sur-
vient à proximité immédiate des volumes irradiés.
Il existe une augmentation significative du risque de
deuxième cancer non germinal après irradiation sus et
sous-diaphragmatique.
Après irradiation sous-diaphragmatique seule, le risque
de deuxième cancer n’est pas augmenté après un recul
médian de 6 ans, mais un recul plus important est
nécessaire avant de statuer.
Ces données sont importantes d’autant qu’une alterna-
tive à l’irradiation adjuvante est actuellement en cours
d’évaluation dans le traitement des séminomes testicu-
laires de stades localisés, tel que la chimiothérapie
adjuvante [6].
En outre, l’association de chimiothérapie et de radio-
thérapie augmente le risque de second cancer et parti-
culièrement le risque d’hémopathie maligne.
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