CURRICULUM Le point sur l’ergométrie en 2012 dans le diagnostic de la maladie coronarienne Olivier Panteta, Pierre Monneyb, Nicole Aebischer b a b Service de médecine intensive adulte (SMIA), CHUV, Lausanne Service de cardiologie, CHUV, Lausanne Quintessence P L’ergométrie est l’examen de première intention en cas de suspicion de maladie coronarienne chez les patients à probabilité pré-test intermédiaire. P Un test d’imagerie de stress sera préféré comme test initial en cas d’altération de l’ECG de base pouvant masquer une réponse ischémique à l’effort, en cas d’incapacité d’effectuer un effort physique sur tapis roulant ou bicyclette et en cas de symptômes avec antécédent de revascularisation coronarienne. P L’utilisation de scores cliniques (Morise simple score) aide le clinicien à reclasser le patient dans une catégorie de probabilité faible, intermédiaire ou élevée de maladie coronarienne au terme du test d’effort. P Nombre de patients resteront en classe de probabilité intermédiaire après l’ergométrie et nécessiteront un test d’imagerie de stress. Une collaboration étroite avec le cardiologue est indispensable pour le choix et la réalisation du test le plus adapté à un patient particulier. P Chez les patients pour lesquels un diagnostic de maladie coronarienne a été retenu, une stratification pronostique (estimation de la mortalité annuelle) à partir des paramètres du test d’effort est indispensable pour guider le traitement initial. Introduction Olivier Pantet Les auteurs ne déclarent aucun soutien financier ni d’autre conflit d’intérêt en relation avec cet article. Malgré les développements importants dans le domaine de l’imagerie cardiaque, le test d’effort conserve une place importante dans le diagnostic non invasif de la maladie coronarienne, en particulier pour les patients symptomatiques présentant une probabilité pré-test intermédiaire (15–85%). Sous réserve d’un ECG de repos normal et d’une capacité d’effectuer un effort physique sur bicyclette ergométrique ou tapis roulant, l’ergométrie reste le test diagnostique de première intention de par sa large disponibilité et son faible coût. Les tests d’imagerie de stress ont une sensibilité supérieure à l’ergométrie mais devraient être réservés aux patients pour lesquels une ergométrie n’est pas praticable, dans les cas où la probabilité de maladie coronaire reste intermédiaire au terme de l’ergométrie, et en cas d’antécédent de revascularisation coronaire chirurgicale ou percutanée [1]. Bien que sa performance diagnostique soit moindre, l’ergométrie reste le seul test qui puisse évaluer la capacité d’effort et l’adaptation hémodynamique du patient à l’effort. Ces paramètres ont une valeur pronostique importante et doivent être pris en compte lors de chaque ergométrie. L’objectif de cet article est de rappeler les principes d’évaluation de la probabilité pré-test et post-test de maladie coronarienne à l’aide de l’ergométrie, sur la base (1) de la reproduction des symptômes à l’effort, (2) de la réponse ECG, (3) de l’adaptation hémodynamique à l’effort et (4) de la phase de récupération. Les principes de la stratification pronostique par l’ergométrie seront également évoqués. Nous rappellerons au préalable quelques principes pratiques essentiels au bon déroulement du test. Sécurité, contre-indications et critères d’arrêt L’ergométrie n’est pas un examen dénué de risques. Toutefois, à condition d’en respecter les contre-indications, les complications sont rares. On estime le risque de complication entraînant une hospitalisation à 1:10 000 tests (arythmie majeure 90,2%, infarctus aigu 0,04% et mort subite 0,01%) [2]. La majorité d’entre elles surviennent durant la phase de récupération. Les contre-indications au test (tab. 1 p) doivent être passées en revue au cours d’une brève anamnèse et d’un examen clinique dirigés. On recherchera en particulier une anamnèse récente de douleurs thoraciques au repos, une consommation crescendo de nitroglycérine ou la présence d’un souffle de sténose aortique à l’auscultation. Il est également important de se remémorer les critères d’arrêt du test d’effort avant de commencer l’examen. Rappelons que pour une ergométrie diagnostique, un test limité par les symptômes est préférable: le patient poursuit donc son effort tant qu’il sent qu’il peut continuer. Le rôle du médecin est de s’assurer que la poursuite de l’effort ne présente pas de risque accru de complication, et il n’arrêtera prématurément le test que si l’une des conditions listées sur les tableaux ci-contre devait apparaître [3] (tab. 1). Bien entendu, si le test vise à exclure une ischémie myocardique à l’effort, l’ECG de repos doit être exempt d’anomalie pouvant perturber l’interprétation d’une réponse ischémique [3] (tab. 2 p). Estimation de la probabilité pré-test La probabilité pré-test s’estime sur la base de l’âge, du sexe et du caractère des douleurs thoraciques, à l’aide des tables de Diamond et Forrester. Ces tables ont établi la prévalence de la maladie coronaire dans chacune des sous-populations à partir d’observations angiographiques et de données d’autopsie [4] (tab. 3 p). Alternativement, on utilise le score de Morise [5] qui prend additionnellement en compte les facteurs de risque cardio-vasculaires principaux ainsi que le status œstrogénique chez la femme. Ce score s’est montré au moins Forum Med Suisse 2012;12(29–30):578–584 578 CURRICULUM Tableau 1 Les contre-indications au test (tiré avec autorisation des guidelines ACC/AHA 2002 [3]). aussi précis que les tables de Diamond et Forrester (tab. 4 p). Contre-indications absolues Infarctus aigu (48 heures) Angor instable à haut risque Arythmies non contrôlées symptomatiques ou hémodynamiquement mal supportées Sténose aortique sévère symptomatique Insuffisance cardiaque symptomatique non contrôlée Embolie pulmonaire ou infarctus pulmonaire aigu Myocardite ou péricardite aiguë Dissection aortique aiguë Contre-indications relatives Sténose du tronc commun Sténose aortique modérée Désordre électrolytique, en particulier, les variations de la kaliémie, susceptibles de modifier la morphologie du ST Hypertension artérielle sévère (systolique >200 mm Hg et/ou diastolique >110 mm Hg) Tachyarythmies ou bradyarythmies Cardiomyopathie hypertrophique obstructive ou autres formes d’obstruction dynamique à l’éjection Handicap physique ou mental ne permettant pas un examen optimal Bloc atrioventriculaire de haut degré Indications absolues à stopper le test Chute de la pression artérielle de >10 mm Hg par rapport à la tension de départ, accompagnée d’évidences d’ischémie Angor modéré à sévère Symptômes centraux progressifs (ataxie, vertiges ou présyncope) Signes de mauvaise perfusion (cyanose ou pâleur) Difficultés techniques à monitorer l’ECG ou la pression artérielle Désir du sujet de stopper Tachycardie ventriculaire soutenue Sus-décalage ST (≥1,0 mm) dans les dérivations autres que V1 ou aVR, sans onde Q pré-existante Indications relatives à stopper le test Chute de le pression systolique de ≥10 mm Hg en l’absence d’évidence d’ischémie Modification ST ou QRS tels que sous-décalage ST (>2 mm, horizontal ou descendant) ou modification marquée de l’axe électrique Arythmies autres que la tachycardie ventriculaire soutenue, incluant extrasystoles ventriculaires polymorphes, triplets, tachycardie supraventriculaire, BAV du 2e ou 3e degré, bradyarythmies Fatigue, dyspnée, sibilances, crampes musculaires, claudication Développement d’un bloc de branche gauche ou d’un trouble de la conduction intra-ventriculaire ne pouvant être distingué d’une tachycardie ventriculaire Angor progressif Réponse hypertensive (systolique >250 mm Hg et/ou diastolique >115 mm Hg) Tableau 2 Anomalies ECG rendant une ergométrie non interprétable (tiré avec autorisation des guidelines ACC/AHA 2002 [3]). Syndrome de pré-excitation Rythme électro-entraîné Bloc de branche gauche ou retard de la conduction intraventriculaire avec QRS >120 msec Sous-décalage ST de >1 mm sur l’ECG de repos Analyse des réponses à l’effort Angor durant le test d’effort L’angor d’effort est corrélé à la présence et à l’étendue de la maladie coronarienne, et il est important de relever à quel palier du test d’effort et à quelle fréquence cardiaque les symptômes surviennent. L’apparition d’angor isolé à l’effort a montré une valeur prédictive comparable à celle d’un sous-décalage ST isolé et l’association des symptômes et de l’anomalie ECG à l’effort a été corrélée une très haute prévalence (90%) de maladie coronarienne [6]. Au plan pronostic, l’association des deux anomalies a été associée à un doublement de la mortalité à 5 ans par rapport à la présence d’une modification ECG isolée à l’effort, sans angor [7]. A l’inverse, le registre CASS [8] montre que chez les patients avec maladie coronarienne traitée conservativement, le risque de décès ou d’infarctus myocardique à 7 ans était similaire entre les patients souffrant d’ischémie silencieuse et les patients présentant un sous-décalage ST symptomatique à l’effort. Malgré les controverses concernant la valeur diagnostique et la prise en charge [9] de l’ischémie silencieuse, un sousdécalage ST asymptomatique justifie des investigations complémentaires. Modifications ECG à l’effort L’ECG se modifie de façon physiologique à l’effort. On peut notamment observer une réduction d’amplitude de l’onde R, une verticalisation de l’axe QRS, un sousdécalage du point J et un raccourcissement de l’espace QT [10]. Le sous-décalage du segment ST Un sous-décalage pathologique à l’effort a les caractéristiques suivantes (fig. 1 x): – Amplitude 01 mm (00,1 mV) mesurée 80 ms après le point J (ou 60 ms si FC >130/min) – Morphologie horizontale ou descendante L’apparition d’un sous-décalage pathologique à l’effort est associée à la présence d’une sténose significative (>50%) sur au moins un tronc coronarien épicardique. L’anomalie s’observe le plus fréquemment dans les dérivations précordiales gauches (V4–V6), et la distribution des sousdécalages ne permet pas de localiser le territoire ischémique. Plus rarement, le sous-décalage ne se développe qu’en phase de récupération (5 à 11% des tests anormaux); sa valeur diagnostique est alors égale à celle du sous-décalage survenant à l’effort [11]. Le sus-décalage du segment ST Significatif s’il dépasse 1 mm [12], le sus-décalage est une réponse peu fréquente à l’effort. Il n’a aucune valeur diagnostique dans les dérivations présentant des ondes Q pathologiques (zones d’ancien infarctus). En l’absence d’ondes Q, il suggère une ischémie critique ou un spasme coronarien à l’effort, et sa distribution sur l’ECG 12 pistes permet de localiser la zone ischémique. Le sus-décalage est associé à un risque accru d’arythmies ventriculaires Forum Med Suisse 2012;12(29–30):578–584 579 CURRICULUM malignes et constitue une indication absolue à l’arrêt du test. Isolé en aVR, il est souvent considéré à part et ex- Tableau 3 Tables de Diamond-Forrester: prévalence de la maladie coronarienne selon l’âge, le sexe et le caractère des douleurs (reproduction partielle [4] avec autorisation). Age Angor typique Angor atypique Non angineuse Pas de douleur Hommes 30–39 70% 22% 5% 2% 40–49 87% 46% 14% 6% 50–59 92% 59% 22% 10% 60–69 94% 67% 28% 12% 30–39 26% 4% 1% 0,3% 40–49 55% 13% 3% 1% 50–59 79% 32% 8% 3% 60–69 91% 54% 19% 8% Femmes Probabilité de maladie coronarienne: • Haut risque: >84% • Risque intermédiaire: 13–84% • Bas risque: <13% • Très bas risque: <5% Définition de l’angor typique selon Forrester: – Douleur ou inconfort rétro-sternal – Provoqué par l’effort ou l’émotion – Soulagé en <10 min par le repos ou la nitroglycérine – Typique si 3 critères présents – Atypique si 2 critères présents – Non angineux si un seul critère présent clu des études traitant du sus-décalage ST à l’effort [13]. Le sus-décalage en aVR a été associé à la sténose du tronc commun ou de l’IVA ostiale [14], et peut révéler une maladie multi-tronculaire, en particulier s’il s’accompagne d’un sous-décalage en V5 [15]. Les blocs de branche et les arythmies L’apparition à l’effort d’un bloc de branche gauche [16], droit, ou d’un hémibloc est rare. Elle peut correspondre à une ischémie septale sévère, surtout si elle s’accompagne d’angor. Le diagnostic différentiel est celui d’une altération des voies de conduction avec présence d’un bloc lié à la fréquence. En cas de doute et par principe, un complément d’investigations est recommandé. La présence d’extrasystoles ventriculaires durant l’effort est essentiellement corrélée à l’âge du patient et une association avec la présence d’ischémie n’a pas pu être démontrée. En revanche, la présence d’ESV multiples (>7 ESV/ min, doublets, triplets) durant les 5 premières minutes de la phase de récupération est associée à un pronostic légèrement plus défavorable à long terme. La tachycardie ventriculaire est une réponse rare. Elle peut être déclenchée par une ischémie transmurale (sus-décalage ST) mais elle peut également compliquer une hypotension à l’effort. Elle est considérée comme une réponse ischémique jusqu’à preuve du contraire (fig. 2 x). Les tachycardies supra-ventriculaires sont peu fréquentes, de l’ordre de 6%, et ne sont pas associées à l’ischémie myocardique. Elles annoncent toutefois un risque accru de fibrillation auriculaire dans le futur [17, 18]. Réponses physiologiques et hémodynamiques à l’effort Tableau 4 Score pré-test de Morise: probabilité basse de 0 à 8 points, intermédiaire de 9 à 15 points, haute >15 points (reproduction partielle [5] avec autorisation). Variable Age Status œstrogénique (uniquement pour les femmes) Angor anamnestique (selon Forrester) Définition Somme Homme Femme <40 ans <50 ans +3 40–54 ans 50–64 ans +6 055 ans 065 ans +9 Positif (pré-ménopause ou substitution) –3 Négatif +3 Typique +5 Atypique +3 Non angineux +1 Diabète Anamnèse et/ou ttt par diète, ADO ou insuline +2 Hypercholestérolémie Anamnèse et/ou traitement médicamenteux +1 Hypertension Anamnèse et/ou traitement médicamenteux +1 Tabagisme Actif ou ancien +1 Anamnèse familiale positive 1er degré <60 ans: infarctus, PTCA, PAC ou MS +1 Obésité BMI >27 kg/m2 +1 Score total: Evaluation de la capacité d’effort La capacité d’effort est exprimée en équivalents métaboliques (METs) et dépend principalement de l’âge, du sexe et de l’état d’entraînement du patient. Un MET correspond à la consommation en oxygène d’un individu au repos, soit 3,5 ml/kg/min. Des valeurs prédites de capacité d’effort selon l’âge et le sexe (en METs) ont été dérivées à partir de populations de références [19, 20] et s’élèvent à (14,7–0,11 x âge) pour l’homme et à (14,7–0,14 x âge) pour la femme. Une réduction de la capacité d’effort est fortement corrélée à la mortalité [21]. La capacité d’effort est jugée satisfaisante si >85% de la valeur prédite est atteinte. Adaptation chronotrope La fréquence cardiaque augmente rapidement dès les premières minutes de l’effort, par inhibition du tonus vagal. Par la suite, l’accélération est plus progressive, suivant la stimulation sympathique. La fréquence cardiaque maximale théorique (FCMT en batt/min) est estimée à 220 – âge. La compétence chronotrope est la capacité d’un sujet d’atteindre sa FCMT. Elle s’exprime en % de la FCMT ou par le calcul de l’index chronotrope. Ce dernier se calcule à l’aide de la formule suivante: Index chronotrope = (FC max – FC repos) / (FCMT – FC repos) Forum Med Suisse 2012;12(29–30):578–584 580 CURRICULUM A B Figure 1 A Exemple de sous-décalage du point J avec segment ST ascendant, physiologique à l’effort. B Exemple de sous-décalage ST pathologique. Figure 2 Survenue d’une tachycardie ventriculaire à 220/min au terme d’un test d’effort (FC 170/min) chez un patient sportif présentant des symptômes atypiques. Notez la présence d’extrasystoles fréquentes (flèches), isolées ou en doublet avant l’apparition de l’arythmie. Forum Med Suisse 2012;12(29–30):578–584 581 CURRICULUM La compétence chronotrope est satisfaisante si le sujet atteint >85% de la FCMT ou si l’index chronotrope est >0,8 (>0,62 sous bêtabloqueurs) pour un effort subjectivement maximal. Dans le cas contraire, on parle d’incompétence chronotrope. L’incompétence chronotrope est associée à une mortalité plus élevée [22, 23]. Tableau 5a Score post-test de Morise pour les hommes (bas risque <40, intermédiaire de 40 à 60 et haut risque >60) (reproduction partielle [39, 40] avec autorisation). Variable Définition Somme Fréquence cardiaque maximale Moins de 100/min +30 100 à 129/min +24 130 à 159/min +18 160 à 189/min +12 190 à 220/min +6 Sous-décalage ST à l’effort 1 à 2 mm +15 >2 mm +25 Age >55 ans +20 40 à 55 ans +12 Angor anamnestique (selon Forrester) Typique +5 Atypique +3 Douleurs d’origine non cardiaques +1 Hypercholestérolémie Anamnèse ou ttt médicamenteux +5 Diabète Anamnèse ou ttt médicamenteux +5 Angor durant l’ergométrie Présent +3 Raison de l’arrêt du test +5 Score total: Tableau 5b Score post-test de Morise pour les femmes (bas risque <37, intermédiaire de 37 à 57 et haut risque >57). Variable Définition Somme Fréquence cardiaque maximale Moins de 100/min +20 100 à 129/min +16 130 à 159/min +12 160 à 189/min +8 190 à 220/min +4 1 à 2 mm +6 >2 mm +10 Age >65 ans +25 50 à 65 ans +15 Angor anamnestique (selon Forrester) Typique +10 Sous-décalage ST à l’effort Hypercholestérolémie Atypique +6 Douleurs d’origine non cardiaques +2 Anamnèse ou ttt médicamenteux +10 Diabète Anamnèse ou ttt médicamenteux +10 Angor durant l’ergométrie Présent +9 Raison de l’arrêt du test +15 Positif (préménopause ou substitution) –5 Négatif +5 Status œstrogénique Score total: Adaptation tensionnelle En réponse à la stimulation sympathique et à l’augmentation du débit cardiaque, la tension artérielle systolique augmente progressivement avec l’effort alors que la tension artérielle diastolique ne varie pas [24]. En l’absence de norme clairement établie, on s’attend à une augmentation de la TA systolique d’au moins 30 mm Hg pour une valeur absolue au pic d’effort supérieure à 140 mm Hg. Si ces valeurs ne sont pas atteintes lors d’un effort subjectivement maximal, l’adaptation tensionnelle est jugée insuffisante, et identifie un pronostic plus défavorable [25, 26]. L’hypotension à l’effort est définie soit par une chute de la TA systolique de plus de 20 mm Hg après une augmentation initialement adéquate de la TA, soit par une chute de la TA systolique en-dessous de la valeur de repos [27]. Il s’agit d’une réponse très anormale indiquant l’arrêt immédiat de l’effort. Elle est associée à une mortalité accrue, à la présence d’ischémie myocardique étendue et à un risque d’arythmie ventriculaire en récupération [28–30]. L’hypertension à l’effort [31] est définie par une TA systolique au pic d’effort supérieure à 210 mm Hg chez l’homme ou 190 mm Hg chez la femme. Une augmentation de la TA diastolique de plus de 10 mm Hg à l’effort représente également une réponse hypertensive. Bien que n’étant pas prédictive d’une mortalité accrue, l’hypertension d’effort semble indiquer un risque accru de développer une HTA de repos. Double produit Le double produit (TA systolique x FC) reflète la consommation d’oxygène du myocarde et représente un indice du stress myocardique durant l’épreuve d’effort [32]. Les valeurs normales de DP ne sont pas clairement établie dans la littérature, mais on peut retenir en pratique les valeurs suivantes comme ordre de grandeur: – Double produit (DP) adéquat si >25 000 au pic d’effort – Augmentation du DP adéquate si >10 000 [33] La valeur du DP permet une interprétation plus nuancée d’une réponse ischémique à l’ECG, un sous-décalage ST survenant à un faible DP (<20 000) correspondant probablement à une maladie coronaire plus sévère qu’un sous-décalage survenant à DP élevé (>30 000) [34, 35]. L’incapacité d’augmenter le double produit >10 000 à l’effort est associée à une augmentation de la mortalité [33]. Physiologie lors de la phase de récupération Fréquence cardiaque A l’arrêt de l’effort, la fréquence cardiaque redescend rapidement aux valeurs de repos avec l’arrêt de la stimulation sympathique et la restauration du tonus vagal. Normalement, on s’attend à une réduction de la FC de >22 bpm à 2 minutes en position assise [36]. La persistance d’une FC élevée en récupération est associée à un pronostic plus défavorable. Tension artérielle systolique La TA systolique redescend rapidement à l’arrêt de l’effort. La persistance d’une TA élevée en phase de récupération (de l’ordre de >90% de la valeur de pic d’effort après 3 minutes de récupération) a été corrélée à la présence d’une maladie coronarienne. Toutefois, une valeur Forum Med Suisse 2012;12(29–30):578–584 582 CURRICULUM seuil n’a pas pu être établie, principalement en raison des difficultés à mesurer avec précision la TA au pic de l’effort [37]. Interprétation des résultats Qualité globale et interprétabilité L’interprétation d’une ergométrie effectuée à but diagnostique implique qu’un effort maximal a été fourni. Une ergométrie peut être jugée ininterprétable si le test a été interrompu prématurément (test sous-maximal), notamment en raison de douleurs articulaires, troubles de l’équilibre, dyspnée ou collaboration insuffisante. Evaluation diagnostique de la maladie coronarienne Dans son interprétation la plus simple, l’ergométrie diagnostique associe le développement d’un sous-décalage ST pathologique à l’effort à la présence de maladie coronaire. Cette interprétation binaire du test implique un risque non négligeable de faux diagnostics (faux positifs et faux négatifs). Une méta-analyse rapporte que la précision diagnostique de l’ergométrie est modeste, avec une sensibilité moyenne de 68 8 16% et une spécificité de 77 8 17% [38] en utilisant la coronarographie comme référence diagnostique de la maladie coronarienne (présence de sténose de 050% sur 01 tronc coronarien). Au vu de ces limitations, le résultat de l’ergométrie doit impérativement être interprété selon la probabilité prétest de maladie coronaire, en prenant en considération les paramètres non-ECG du test d’effort. Plutôt que d’exprimer le résultat de l’ergométrie en «positif» ou «négatif», on reclassera les patients en 3 catégories de probabilité post-test, «faible», «intermédiaire» ou «élevée». Des scores d’évaluation de la probabilité post-test ont été développés et validés sur de larges collectifs afin d’aider le clinicien. Ils prennent en compte non seulement la réponse ECG et la survenue d’angor à l’effort, mais également l’âge, les facteurs de risque cardio-vasculaires principaux et la fréquence cardiaque au pic. Ils ont montré une bonne capacité d’identification et de stratification de la sévérité de la maladie coronarienne, tant dans les cohortes de dérivation que dans les cohortes de validation prospective, pour l’homme [39] et pour la femme [40] (tab. 5 p). Evaluation pronostique du test d’effort L’évaluation pronostique du patient est indissociable de l’évaluation diagnostique durant un test d’effort. Cette évaluation est indispensable dans l’analyse décision- Tableau 6 Duke Trademill Score (bas risque 0+5, intermédiaire –10 à +4, haut risque 9–11). Duke Treadmill Score = Durée de l’exercice1 – (5x sous-décalage ST2)–(4x angor d’effort3) Durée de l’exercice en minutes Sous-décalage ST en millimètres (Noter 0 si <1 mm) 3 Angor d’effort: Absent (0), Non limitant (1), Limitant l’effort (2) 1 2 nelle pour décider de l’agressivité du traitement de la maladie coronarienne. Les patients jugés à faible risque (<1% de mortalité par an) bénéficieront d’un traitement médicamenteux initial tandis que les patients à risque élevé (>3% de mortalité par an) justifieront une revascularisation coronarienne d’emblée [1]. De nombreux paramètres non-ECG du test d’effort, tels que la capacité d’effort, la compétence chronotrope ou l’adaptation tensionnelle, ont été corrélés avec le risque de décès et sont utilisés pour évaluer le pronostic cardiovasculaire du patient. Le Duke Treadmill Score (DTS) est un score simple prenant en compte la durée de l’exercice (en minutes du protocole de Bruce), la sévérité du sous-décalage ST et la survenue d’angor à l’effort; il a montré une bonne capacité à stratifier les patients en risque faible (survie 99% à 4 ans), intermédiaire (95% à 4 ans) et élevé (79% à 4 ans) de mortalité. Les recommandations américaines sur la pratique de l’ergométrie préconisent un calcul systématique de ce score au terme de toute ergométrie [41] (tab. 6 p). Plus récent, le score de Cleveland fait intervenir les facteurs pronostiques indépendants les plus récemment identifiés, comme la réduction de la fréquence cardiaque ou la survenue d’arythmie en phase de récupération. Ce score, validé sur plus de 30 000 patients, s’est montré légèrement supérieur au DTS dans la stratification pronostique [42]. Il est disponible en ligne uniquement à l’adresse http://clinicriskcalculators.org. Eléments d’analyse décisionnelle Le résultat du test d’effort, après détermination de la probabilité post-test, doit être intégré dans un plan de prise en charge globale du patient [43]. Pour les patients à probabilité post-test élevée de maladie coronaire, la prévalence de maladie coronaire (01 vaisseau avec sténose 050%) est de l’ordre de 80 à 95%. Un traitement d’aspirine et d’anti-angineux est recommandé et ces patients doivent être adressés au cardiologue. Une approche invasive par coronarographie est souvent préconisée dans cette population, en particulier si les symptômes surviennent à l’effort léger et si l’évaluation pronostique identifie le patient comme étant à risque élevé. Pour les patients à probabilité post-test faible, il est important de garder en mémoire que le risque de maladie coronaire significative n’est pas nul. Dans cette catégorie de patients, en moyenne, la probabilité de maladie coronaire significative est de l’ordre de 10 à 25% et la probabilité d’une maladie pluritronculaire (02 troncs coronaires avec sténose 070%) de l’ordre de 4%. L’origine des douleurs est donc le plus probablement non coronaire et ces patients peuvent être rassurés, en particulier si l’évaluation pronostique les classe à faible risque de mortalité (<1% par an). En cas de récidive, le jugement clinique fera décider de l’indication à un test complémentaire [39]. Pour les patients à probabilité post-test intermédiaire ou en cas d’ergométrie ininterprétable, le test d’effort n’a pas réussi à exclure une atteinte coronarienne significative. Un test complémentaire d’imagerie de stress est Forum Med Suisse 2012;12(29–30):578–584 583 CURRICULUM alors indiqué, comprenant essentiellement l’IRM de perfusion, l’échocardiographie de stress, ou la scintigraphie myocardique. Le choix de l’examen le plus approprié dépendra des comorbidités du patient (insuffisance rénale, asthme, obésité morbide), des éventuelles contre-indications à l’administration d’adénosine, de dobutamine ou d’atropine, des principes de radioprotection (éviction dans la mesure du possible d’examens exposant le patient aux radiations), ainsi que de l’expertise locale dans la réalisation de ces examens. Un avis cardiologique est nécessaire et, dans l’intervalle, un traitement anti-angineux d’épreuve peut être débuté. Conclusion L’ergométrie est un examen simple, peu coûteux et très accessible. Il est le premier test diagnostique indiqué en cas de suspicion de maladie coronarienne, sous réserve d’un ECG de repos normal et de la capacité du patient à fournir un effort physique sur tapis roulant ou sur bicyclette. Ses performances diagnostiques sont toutefois limitées et exigent une interprétation soigneuse des réponses ECG et non-ECG en fonction de la probabilité pré-test de maladie coronaire. L’utilisation de routine de scores diagnostiques a montré son utilité dans la stratification de la probabilité post-test de maladie coronarienne. Nombre de patients conserveront une probabilité intermédiaire au terme du test d’effort et nécessiteront à un examen complémentaire d’imagerie de stress. Enfin, pour les patients pour lesquelles un diagnostic de maladie coronaire a été retenu, une stratification pronostique est indispensable car elle permet d’orienter la stratégie thérapeutique. Correspondance: Dr Olivier Pantet Service de médecine intensive adulte (SMIA) CHUV CH-1011 Lausanne Olivier.Pantet[at]chuv.ch Références Vous trouverez la liste complète et numérotée des références dans la version en ligne de cet article sous www.medicalforum.ch. Forum Med Suisse 2012;12(29–30):578–584 584