9
Conjoncture et prévision
évaluation périodique du positionne-
ment cyclique des économies est
naturellement sujette à des incertitu-
des, même s’il s’agit d’une apprécia-
tion du présent et non d’une projec-
tion. Pour s’en rendre compte, il suffit d’ob-
server que, même sur le passé, il existe une
incertitude entourant la datation
ex post
que
l’on peut faire des points de retournement
cycliques.
La datation des cycles pass n’est alie
« officiellement »1que par quelques pays
dans le monde comme le NBER aux Etats-
Unis, l’IESR au Japon et lISAE en Italie.
Encore faut-il pciser que seul le cycle clas-
sique est daté. Par contre, pour la grande
majorité des pays et notamment pour la zone
euro, il n’existe pas de datation « officielle ».
Concernant la datation des cycles de la zone
euro, il existe depuis 2000 de nombreuses étu-
des dont nous avons essayé d’extraire le
consensus2(une vingtaine de datations sont
recensées). Coe-Rexecode, lui-même, propose
des datations que l’on trouvera en page 15. Il
est intéressant de constater une incertitude non
négligeable d’environ un semestre sur les data-
tions passées mais aussi des divergences d’ap-
préciation sur l’existence de certains cycles.
Dans le cas du cycle classique de la zone
euro, on observe une divergence sur la data-
tion du début de la récession liée au premier
choc pétrolier : entre le premier et le troi-
sième trimestre 1973. De même, la sortie de
cette récession est localisée entre le premier
et le troisme trimestre 1975. Ces divergen-
ces peuvent être dues aux méthodes ou aux
bases de dones (les ries officielles pour
la zone euro remontent à 1990 et me à
1995 avec les nouvelles séries du PIB à prix
chnés). Il existe un débat sur l’existence
d’une seule récession sur la riode 1980-82
ou d’une double-cession. Le creux de la
cession de 1992-93 est localisé entre le pre-
mier trimestre et le troisme trimestre 1993.
Enfin, certains auteurs identifient une ces-
sion en 2001 et 2003, mais en se basant sur
l’indice de production industrielle ou lindice
de confiance industriel, ce qui nous semble
contestable (voir Bengoechea
et al.
, 2006).
Dans le cas du cycle de croissance de la zone
euro, les datations sont moins nombreuses
(moins d’une dizaine). Il existe une grande
incertitude sur les premres années de la
cennie 80 à cause, en particulier, de la
reprise contra-cyclique en France due à la
politique de relance économique après les
élections de 1981. Le but des anes 1990
est aussi difficile à dater du fait de la réunifi-
cation allemande qui décale l’économie alle-
mande par rapport au cycle conjoncturel de
la zone euro. Même sur le pic de 2000 l au
ralentissement américain, on observe une
Positionnement cyclique
des économies
par Jacques Anas et Laurent Ferrara
Cet article récurrent de la revue Diagnostic(s) vise à fournir chaque trimestre
une évaluation actualisée du positionnement cyclique des grandes économies.
Nous rappelons quelques concepts méthodologiques utilisés pour obtenir
une première datation des points de retournement récents et une détection
rapide des points de retournement en cours ou imminents. L’article se clôt
par un « focus » sur les caractéristiques du cycle classique.
1Il n’y a pas en vérité de datation « officielle » mais
des datations d’organismes publics à forte noto-
riété et dont la légitimité est reconnue des
experts.
2Dans le cadre d’une étude pour le compte
d’Eurostat.
L
10
Conjoncture et prévision
incertitude entre le deuxième et quatrme
trimestre 2000. Sur la période cente, le
creux de 2003 est ts rarement identifié.
Approche ABCD
Le cycle économique peut être fini de plu-
sieurs façons avec, pour chacune de ces défi-
nitions, une chronologie forcément différente
des « points de retournement ». Dans le suivi
empirique des cycles, on retient rale-
ment trois définitions : le cycle classique, le
cycle de croissance et le cycle daclération.
Coe-Rexecode se concentre sur le suivi
conjoncturel des pics et creux des deux pre-
miers types de cycles, dans le cadre d’une
approche inge dite ABCD. Depuis 1995,
Coe-Rexecode a développé un système d’indi-
cateurs mensuels probabilistes permettant de
tecter en temps réel les pics et les creux
des cycles classique et de croissance. Ainsi,
les indicateurs avancés de retournement
conjoncturel (IARC) permettent d’anticiper
les points A et D du cycle de croissance. Ils
sont calculés pour la France, l’Allemagne,
l’Italie, la zone euro et les Etats-Unis. D’autre
part, les indicateurs d’ente et sortie de
cession (IESR) fournissent une probabilité
d’occurrence des points B et D, délimitant les
phases de récession économique pour les
Etats-Unis et la zone euro. Enfin, plus cem-
ment, Coe-Rexecode a mis au point un indi-
cateur statistique du rythme de croissance
(IRC), qui fournit tous les mois une estima-
tion instantanée de la vitesse de croissance
de la France et de la zone euro.
Nous rappelons rapidement la finition des
trois types de cycles, repsens sur la figure
de la page 12.
Le cycle classique
Le cycle classique (
business cycle
) reproduit
le cycle du niveau d’activité global d’une éco-
nomie. C’est la finition la plus pandue
dans la littérature. Les points de retourne-
ment (noms B et C dans la figure page 12)
de ce cycle limitent les périodes de crois-
sance gative, ou récessions, des périodes
de croissance positive. Bien entendu, dans la
ali, une période de croissance négative
sera reconnue comme une cession si elle
obéit aussi à des critères minimum de durée
et/ou d’intensité ainsi qu’à une diffusion suf-
fisante au sein de l’économie. Par exemple,
bien que la croissance en zone euro soit
devenue négative en 2001 et 2003 dans plu-
sieurs grands pays dans le sillage de la ces-
sion américaine de 2001, cet épisode na pas
été suffisamment diffusé pour que l’on puisse
parler de cession globale. Les pics et creux
de ce cycle classique étant les moments la
croissance s’annule pour devenir négative ou
positive, on les appellera respectivement
entrées et sorties de récession.
Le cycle de croissance
Le deuxième cycle, très largement évoqué
notamment en Europe, est le cycle de crois-
sance (
growth cycle
). Ce cycle est défini
comme l’écart de la série utilisée (générale-
ment le PIB) à sa tendance de long terme. Ce
cycle de croissance possède des points de
retournement (nommés A et D sur la figure
page 12) qui peuvent s’interpréter assez facile-
ment. En effet, le pic A du cycle de croissance
est le moment où le taux de croissance repasse
au-dessous du taux de croissance tendanciel.
De même, le creux C représente le moment
il repasse au-dessus. En effet, le pic est atteint
lorsque la dérivée de l’écart à la tendance s’an-
nule, donc lorsque la dérivée de la série (assi-
milable au taux de croissance instantané) égale
la dérivée de la tendance (soit la pente de la
tendance si celle-ci est linéaire). Comme il faut
donner un nom aux phases baissières et haus-
sières, nous parlerons respectivement de ralen-
tissement conjoncturel et de reprise (ou
rebond) conjoncturelle. De me, nous
dénommerons les pics A et les creux D, les
points de retournement conjoncturels.
11
Positionnement cyclique des économies
Le cycle daccélération
Le troisième cycle est le cycle d’accélération ou
cycle du taux de croissance. Le pic du cycle
d’accélération (point αsur la figure page 13)
représente le maximum atteint par le taux de
croissance, et le creux (point β sur la figure
page 13) indique que le taux de croissance est
passé par son point bas. Il est difficile de don-
ner un nom aux phases de ce cycle. Il est en
tout cas périlleux de parler de ralentissement
lorsque le taux de croissance franchit un pic.
Par exemple, lorsque la croissance trimestrielle
du PIB de la France, passe de 4 % l’an à 3 %,
on ne peut parler de ralentissement conjonctu-
rel car le PIB continue de croître à un rythme se
situant au-dessus de sa croissance tendancielle.
Il est aussi contestable de parler de reprise
conjoncturelle lorsque la croissance passe de
2 % l’an à 1 % : même si le taux augmente,
il reste négatif, ce qui correspond à une baisse
d’activité, donc à une riode cessive.
Paradoxalement, le cycle d’accélération est le
plus populaire auprès des praticiens. Il est
approché par le glissement annuel ou le taux de
croissance trimestriel (du PIB en général).
Datation des cycles
La mise au point d’une chronologie officielle
des points de retournements des cycles éco-
nomiques dun pays représente un outil
d’une grande utilité pour les analystes écono-
miques. Une telle chronologie permet par
exemple de comparer des pays ou des zones
dans une optique cyclique, ou bien de classi-
fier des indicateurs conjoncturels en fonction
de leur avance ou de leur retard par rapport
au cycle de référence. A ce jour, peu de pays
possèdent une chronologie officielle des
cycles. La plus populaire est sans nul doute la
datation du cycle classique des Etats-Unis,
établie depuis 1854 et maintenue à jour par le
comité de datation du NBER composé de sept
experts. Leurs conclusions sur les dates d’en-
trée et de sortie des récessions américaines
ont un impact fort sur les agents économi-
ques, en particuliers les marchés financiers,
la Federal Reserve ou les décideurs politi-
ques. D’autres instituts américains s’intéres-
sent également à la datation des cycles, tels
que par exemple l’ECRI (Economic Cycle
Research Institute) ou The Conference Board.
Au Japon, le ESRI (Economic and Social
Research Institute), organe du gouvernement,
a également effect une datation du cycle
classique japonais.
En Europe, il n’existe pas encore de data-
tion officielle des cycles, le CEPR (Center for
Economic Policy Research) s’est inspiré de
l’expérience du NBER et a formé en 2003 un
comité de huit experts pour déterminer les
dates du cycle classique de la zone euro.
L’office européen de statistiques, Eurostat,
s’est également penc sur la question et a
engagé de nombreux travaux de recherche sur
le sujet, mais sans encore publier de datation
officielle. Enfin, un nombre croissant de tra-
vaux acamiques ont également contribué à
la mise au point de thodologies adapes à
la datation des cycles passés au sein de plu-
sieurs pays et/ zones économiques. S’agissant
du cycle de croissance, l’OCDE propose égale-
ment une chronologie des cycles de crois-
sance pour ses ressortissants.
Coe-Rexecode propose de son co ses pro-
pres datations des cycles classiques et de
croissance pour différents pays ou zone. Pour
effectuer ces datations, nous avons travail
sur l’indice de la production industrielle (IPI)
manufacturre et le PIB trimestriel, en se
basant sur un algorithme simple de Bry et
Boschan (1971), modifié par Harding et
Pagan (1999). Par la suite, des mesures de
rité du cycle, finie comme le produit
de l’amplitude par la due, ont permis d’éli-
miner certains faux cycles. De plus, pour la
zone euro dans son ensemble, nous avons
assuré la cohérence entre les cycles des pays
et le cycle commun aggé. S’agissant du
cycle de croissance, il a été estimé à l’aide
d’un double filtre de Hodrick-Prescott pour
ne recueillir que les fluctuations de moyen-
terme comprises entre 1,5 an et 8 ans.
12
Conjoncture et prévision
Cycle du taux
de croissance
ou cycle
d'accélération
(
accelation
cycle
),
représenté par
le taux de
croissance
instantané de la
production.
Cycle des
affaires ou cycle
classique
(
business cycle
),
représenté par
le niveau de la
production.
Cycle de
croissance
(
growth cycle
ou deviation
cycle
),
représenté par
l'écart du
niveau de la
production à sa
tendance.
Les fluctuations de la production
Cycle des affaires
α
.
D
.
β
.
B
.
C
.
A
.
niveau
tendance
Cycle de croissance
phase de ralentissement
A
.
D
.
0
phase de récession
écart à tendance
Cycle du taux de croissance
α
.
β
.
B
.
C
.
0
taux de croissance instantané
Source : Coe-Rexecode
13
Positionnement cyclique des économies
Présentation de l’IRC
Lindicateur de rythme de croissance (IRC) est un indicateur mensuel permettant d’évaluer, en
temps réel, le « rythme de croissance » d’une économie. Il est calcu sur la base des enquêtes
de conjoncture. Il a été calculé pour l’instant pour la France et la zone euro. Le « rythme de
croissance » correspond à la croissance sous-jacente de l’économie. En effet, il appart que le
taux de croissance trimestriel du Produit inrieur brut (PIB) publ par les différents instituts
de statistiques officiels est bruité. De plus, celui-ci n’est disponible que trimestriellement avec
un délai d’un à trois mois et parfois avec des révisions non gligeables. Il ne permet donc pas
un suivi optimal, en temps el, de la conjoncture. L’indicateur mensuel propo a pour objec-
tif de cerner chaque mois la pente « réelle » de la croissance et d’en repérer les inflexions. Il
constitue donc un outil pcieux pour valider les signaux des indicateurs avans IARC. De
plus, il permet de calculer chaque mois un acquis de croissance.
Le rythme de croissance s’obtient par lissage de la variation trimestrielle glissante d’une esti-
mation du PIB mensuel. Il est expri en rythme annualisé. Contrairement aux indicateurs de
croissance publiés par d’autres organismes, l’indicateur IRC ne vise pas à estimer la variation
trimestrielle du PIB telle qu’elle est puble par l’INSEE ou Eurostat, mais à évaluer le rythme
de croissance sous-jacent qui, par finition, est moins volatil. Cependant, dune année à l’au-
tre, le bruit se compense, si bien que les taux de croissance annuels de l’indicateur de Coe-
Rexecode et celui du PIB officiel sont proches.
Principaux résultats
Nous présentons les principaux résultats rela-
tifs aux datations des cycles classiques et de
croissance, issus des calculs de Coe-
Rexecode, pour les Etats-Unis et la zone euro,
depuis 1970 jusquau troisième trimestre
2006.
Depuis le début des années 1970, les réces-
sions sont des phénomènes rares. Jusqu’à ce
jour, les Etats-Unis ont connu cinq périodes
de cessions : le premier choc trolier
(1973-75), le second choc trolier ayant
entraîné deux cessions consécutives (1980
et 1981-82), la récession de 1990-91 et enfin
en 2001, le en partie à l’éclatement de la
bulle boursière et au sur-investissement tech-
nologique. La zone euro dans son ensemble
en a connu seulement quatre, retardées de
quelques mois par rapport aux Etats-Unis, la
dernière cession aricaine ne s’étant pas
propae à la zone monétaire euroenne.
Certes, depuis fin 2000, plusieurs pays de la
zone ont connu des épisodes récessifs,
notamment l’Italie et l’Allemagne, entraînant
à plusieurs reprises l’ensemble de la zone
dans un climat économique quasi-cessif.
Toutefois, il ne semble pas que la zone euro
ait connu une récession au sens traditionnel
du terme. Le débat sur la datation de la zone
euro porte sur le second choc pétrolier qui
aurait entraî, selon les études, une seule
longue période de récession de trois ans entre
1980 et 1982 ou deux périodes entrecoupées
d’une phase de reprise. Pour notre part, nous
plaidons plut en faveur du second scénario.
S’agissant du cycle de croissance, les Etats-
Unis ont connu depuis 1970 sept cycles de
croissance, seuls les cycles de 1984 et 1994
ne s’étant pas transformés en cession. Le
lai moyen entre un pic A et un pic B est
d’environ sept mois, alors que ce lai est
beaucoup plus court pour les sorties de cycle.
On l’estime à environ un mois, sauf pour les
deux dernres sorties de récession qui ont
été marquées par une phase de croissance
sans emploi. Sur cette mêmeriode, la zone
euro a connu sept cycles de croissance, seuls
les pics A de 1977, 1986, 1995 et 1998 n’ont
pas été suivis par un pic B. Par comparaison
avec les Etats-Unis, ceci montre que la zone
euro est plus marqe par les ralentisse-
ments, qui ont tendance à persister, que par
les cessions, soulignant ainsi une moindre
amplitude cyclique (voir tableau page 15)
.
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