Résumé de la Conférence / Débat à Dinard - 15 Octobre « La vie d’une personne dys (dyslexie dyspraxie dysphasie) : de l’enfance à l’âge adulte » E. BONJOUR, Enseignante en psychologie du développement de l’enfant Rennes2, La compréhension du sens est une compétence qui consiste à décoder les mots ; c’est une compétence spécifique puisque elle n’est utilisée qu’en lecture, pour déchiffrer les mots écrits. Il est bien évident que l’enfant dyslexique n’a pas de problème de compréhension, cette compétence élaborée du sens n’est pas atteinte par la dyslexie. En revanche, ce n’est que parce qu’il ne parvient pas à décoder les mots écrits qu’il éprouve des difficultés à lire les textes et à les comprendre Une définition de la dyslexie : (OMS) trouble persistant de l’apprentissage de la lecture et de l’orthographe qui gène l’acquisition des mécanismes nécessaires à leur maitrise, mais aussi à l’acquisition de son automatisme. Ce trouble se traduit par au moins 18 mois de retard de lecture par rapport à l’âge scolaire, cet écart est considéré comme valable chez les enfants de 8 à 12 ans. Il n’est pas question de problème de compréhension, c’est bien d’un problème de décodage dont il s’agit. La dyslexie n’est pas due à un trouble de l’intelligence, ni à un déficit sensoriel, qu’il soit auditif ou visuel. Elle n’est pas liée à un trouble psychologique, pas plus qu’à une origine sociale défavorable. Les définitions classiques de la dyslexie utilisent davantage des critères d’exclusion. Selon le Fédération Mondiale de Neurologie d’un trouble manifesté par des difficultés d’apprentissage de la lecture en dépit d’une éducation conventionnelle, d’une intelligence normale et d’un milieu socioculturel ordinaire. La dyslexie peut être associée à d’autres troubles, notamment à des troubles du langage oral, et peut être accompagnée de troubles de l’attention, de la mémorisation, de l’orientation et de la latéralisation, et de troubles du graphisme. Pour définir la dyslexie, il faut absolument prendre en compte les différents niveaux auxquels ce trouble peut être décrit. On a tendance à apporter une grande importance à ce que l’on observe, ce que l’on peut voir, autrement dit au niveau comportemental. Si on considère les différents niveaux auxquels le trouble peut être décrit, a minima on peut considérer au niveau biologique que la dyslexie est un trouble d’origine constitutionnelle. Ce trouble a des conséquences sur le traitement de l’information (notamment phonologique), observables dans le domaine du langage écrit. Il ne faut pas négliger, pour comprendre le trouble dyslexique, les facteurs environnementaux : ils peuvent aggraver les manifestations du trouble (par exemple une langue très opaque, très irrégulière, va aggraver la manifestation comportementale). En revanche, les remédiations dont l’enfant peut bénéficier peuvent rendre, au contraire, ces manifestations comportementales moins importantes. Si on réduit la dyslexie à une lenteur excessive dans la lecture, à la réalisation de fautes typiques (les inversions de lettres, etc.) on risque de passer à côté d’une vraie définition du trouble. Par exemple, Stanovitch (note :Psychologue en sciences cognitives) est un auteur qui a étudié la dyslexie, et qui a mis en évidence ce qu’on appelle l’effet Mathieu : une personne dyslexique, parce qu’elle a moins accès à l’écrit et aux informations écrites, va avoir des difficultés dans des domaines plus généraux (par exemple, parce qu’elle a moins la possibilité d’apprendre au travers des textes, elle aura peut-être moins de vocabulaire, ou moins de connaissances générales que d’autres personnes) ; ce n’est pas lié directement au trouble, mais bien au fait qu’elle a moins accès à l’écrit. Donc vous voyez ici que les manifestations comportementales peuvent toucher d’autres domaines que la lecture, et si on réduit le trouble à cette manifestation comportementale, alors on risque de considérer que les difficultés sont plus importantes que le trouble n’en génère. De la même façon, les enfants dyslexiques développent des stratégies de compensation ; aussi, avec le développement de ces stratégies, les manifestations comportementales du trouble peuvent être moins apparentes. Pour certains, la dyslexie « disparait » parce qu’elle ne se manifeste plus de façon aussi évidente, alors que le trouble persiste. Voici pour la définition de la dyslexie, et on peut à partir des résultats récents la définir de cette façon : La dyslexie est un trouble spécifique de l’apprentissage, dont les origines sont neurobiologiques. Elle est caractérisée par des difficultés dans la reconnaissance exacte et/ou fluente (automatique) des mots, ainsi que par une orthographe des mots et des capacités de décodage limitées. Ces difficultés résident dans la composante phonologique du langage, qui est souvent inattendue par rapport aux autres capacités cognitives de l’enfant et à l’enseignement dispensé dans sa classe. Les conséquences secondaires peuvent inclure des problèmes dans la compréhension de la lecture ; cela peut entrainer des compétences réduites dans la lecture, qui pourraient empêcher la croissance du vocabulaire de l’enfant et ses connaissances générales La nature des difficultés des enfants dyslexiques : pour bien comprendre les difficultés éprouvées, il convient d’étudier la lecture experte, autrement dit automatique, caractérisée par la précision du décodage. Automaticité : le lecteur expert reconnait les mots d’un texte rapidement et sans effort. Pour mettre en évidence le caractère irrépressible de la reconnaissance des mots, il existe l’effet Stroop, du nom de son auteur (note : (wikipédia) désigne l'interférence observée entre une tâche principale et un processus cognitif interférant) qu’on peut mettre en évidence : On propose plusieurs mots, dont on doit nommer la couleur de l’encre (pas le mot) avec laquelle le mot est écrit {l’expérience est réalisée avec un membre de l’assistance, lecture de différents mots en couleur, avec des pièges comme le mot rouge écrit en jaune … le sujet répond « rouge », et explique que la lecture du mot est privilégiée par rapport à l’identification de la couleur de police utilisée, et que l’exercice est difficile} Un lecteur expert ne peut pas ne pas lire, c’est automatique et irrépressible. Ici (l’expérience) il faut inhiber le résultat de ce traitement automatique de lecture pour répondre correctement. [Diaporama : Un autre exemple, pour pouvoir comprendre que lorsqu’on ne bénéficie pas de ce traitement automatique, éprouve-t-on des difficultés à lire ?] Lorsqu’on casse l’automaticité de la lecture, c’est une activité qui devient lente et laborieuse, demande beaucoup d’attention et qui permet difficilement d’accéder au sens du texte. (diapositive) Pour lire, vous avez dû développer des stratégies compensatoires, qui peuvent être : La subvocalisation : stratégie qui permet de retenir l’information en mémoire Recherche d’indices contextuels : « devinettes », puisque les indices que le texte offre vont nous permettre d’anticiper les mots à venir (diapositive : texte où on a enlevé les espaces entre les mots ; pour lire ce texte, il a fallu rechercher des indices pour opérer le bon découpage) « ilsetientdebout » ; exemple pour un mauvais lecteur, qui commence par « ils », puis recherche du verbe, « etient », mot inconnu, … Stratégie qui ralenti la lecture et peut entrainer des erreurs Chez le lecteur expert, l’utilisation de ces indices contextuels est trop tardive pour influencer la reconnaissance des mots écrits ; néanmoins, on peut utiliser de manière intentionnelle ces stratégies pour lire dans un contexte perturbé (mot effacés sur des feuilles abimées, photocopie de mauvaise qualité, …). Chez le lecteur moins habile ou inexpérimenté, le traitement des mots écrits est lent et cognitivement coûteux en ressources attentionnelles et mémorielles, et l’utilisation des indices contextuels devient nécessaire, seulement si le mot écrit est le mot attendu, sinon la lecture est encore ralentie ; pour certains lecteurs le contexte n’existe plus. Ce qu’il faut différencier dans cette aide que peut apporter le contexte, c’est une aide à l’identification des mots et à la compréhension des textes. Chez le lecteur débutant, le recours aux informations contextuelles est normal, il soutient la reconnaissance des mots ; on peut favoriser les capacités de prédiction des élèves en proposant des exercices à trous, mais il faut utiliser ces exercices (favoriser ces capacités) pour améliorer les capacités de compréhension des phrases et des textes, apprendre à comprendre, mais surtout pas pour favoriser une stratégie de lecture, qui consisterait en une stratégie d’évitement des difficultés d’identification (Diapositive exemple) Les difficultés de l’élève dyslexique affectent les apprentissages dans toutes les disciplines. Cela se traduit par une difficulté à lire à haute voix, une orthographe déficiente, une difficulté à lire et comprendre en même temps, à résoudre des problèmes la lenteur la difficulté d’organisation la fatigue liée à l’énergie dépensée pour compenser le handicap faute d’automaticité de la lecture, de l’écriture un trouble de la communication orale un découragement face à la lenteur des progrès La précision du décodage : chez le lecteur expert, le traitement est précis ; il lit tous les mots d’un texte, il analyse l’ensemble des lettres d’un mot, il ne devine pas les mots, ne les reconnait pas globalement. Le cerveau ne lit pas chaque lettre mais le mot comme un tout. On considère que pour décoder un texte, il existe 2 procédures chez l’expert, selon la théorie du double accès (modèle à 2 voies de Colter), pour convertir des séquences écrites en séquences prononçables. Procédure d’assemblage : consiste à découper les mots écrits en graphèmes, en les convertissant ensuite en phonèmes ; on obtient des séquences prononçables, qui sont ensuite assemblées, ce qui permet de lire le mot globalement Procédure d’adressage : par celle-ci, les mots sont reconnus directement ; on connait leur configuration orthographique, et on les reconnait même avant de pouvoir les prononcer ; ici les connaissances orthographiques et grapho-morphologiques permettent de différencier le sens des mots homophones Dans ce modèle à double voie, le mot est reconnu par la voie la plus efficace. Comment l’enfant installe ces 2 procédures ? Selon le Modèle de l’apprentissage de Friss, en 3 étapes : Logographique (avant l’apprentissage de la lecture); les mots sont reconnus parce qu’ils sont mémorisés comme des images, à partir d’indices visuels. La lecture consiste surtout en un jeu de devinettes Alphabétique : reconnaissance par assemblage, qui se met en place lorsque l’enfant a appris à lire et à écrire ; il apprend le code. Cette procédure permet de lire des mots nouveaux réguliers, et d’élaborer un lexique orthographique. Orthographique : reconnaissance par adressage des mots connus et irréguliers (monsieur) Certains enfants ne parviennent pas à l’étape alphabétique Ce sont les enfants que l’on qualifie de dyslexiques-phonologiques. La lecture consisterait chez eux en un jeu de devinettes. Lisent difficilement les mots nouveaux, ne reconnaissant que les mots dont ils possèdent une représentation orthographique D’autres enfants ne parviennent pas à l’étape orthographique. Ce sont les enfants que l’on qualifie de dyslexiques de surface. Pas d’élaboration d’un lexique orthographique. Ils utilisent la voie d’assemblage pour lire tous les mots, y compris ceux déjà connus. Appliquent systématiquement les règles de conversion grapho-phonémique On sait, d’autre part, que le trouble dyslexique est associé à d’autres troubles dans les domaines visuels, auditifs et moteurs. Quelle est l’origine du trouble ? Existe-t-il plusieurs dyslexies ? il y a beaucoup d’hypothèses sur le déterminant du trouble dyslexique et les auteurs actuels ne s’accordent pas …