Autre exemple: l’utilisation de façades en ossature bois, pré-
fabriquées en atelier, puis posées par panneaux sur un sque-
lette de bâtiment. Ces panneaux préfabriqués comportent,
outre l’ossature, l’isolant, l’étanchéité, le revêtement exté-
rieur, et même les châssis et les équipements électriques
intérieurs. Aux gains de qualité et de délais (y compris en
s’exonérant en partie des intempéries), s’ajoutent la sécurité
des personnes qui interviennent sur le chantier (moins de
travail en hauteur ou en bordure du vide).
Toutes ces démarches d’industrialisation peuvent être
menées avec n’importe quel matériau de construction
(béton, acier, bois, etc.). Le choix du matériau dépend de
nombreux éléments tels que l’architecture, le coût, la dispo-
nibilité de la filière d’approvisionnement, ou encore l’image
ou l’impact environnemental, etc.
Récemment, ce sont des éléments techniques du bâtiment
qui ont été préfabriqués en atelier: les réseaux des gaines
techniques. Ceux-ci arrivent en un seul bloc sur le chantier,
puis sont installés en une seule manipulation sur toute la
hauteur du bâtiment. Là encore, le gain en qualité et en délai
est évident. En revanche, ces méthodes nécessitent une plus
grande anticipation et préparation des travaux à réaliser.
Au travers de cette approche industrielle, on voit se dévelop-
per une véritable culture du design auprès des concepteurs
(architectes, bureaux d’études) et des entreprises de
construction: cette approche par le design industriel se tra-
duit autant par la recherche de la qualité marchande des pro-
duits, que par la recherche de solutions de production opti-
misées dès la phase conception.
Pour aller plus loin dans la démarche d’industrialisation,
Rabot Dutilleul a également lancé une activité de production
de modules tridimensionnels à ossature bois.
L’investissement dans cette nouvelle activité s’est fait au tra-
vers de l’achat d’une startup, Smart Module Concept, créée
par deux jeunes ingénieurs ayant développé le concept et
construit un démonstrateur.
Depuis 2015, Smart Module Concept a bâti un site de pro-
duction de 15000 m2dans la région lilloise et a enregistré de
beaux succès commerciaux auprès des autres sociétés du
Groupe Rabot Dutilleul (Nacarat et Rabot Dutilleul
Construction), bien évidemment, et auprès de clients exté-
rieurs: bailleurs sociaux, collectivités locales, investisseurs.
Le procédé constructif, l’ossature bois, se prête parfaitement
à cette démarche industrielle, car il relève de la filière sèche
et repose sur des matériaux renouvelables, mais il aurait tout
à fait été possible de choisir aussi le béton ou l’acier.
Le principe consiste à produire en usine des modules et de
les livrer finis sur le site final. La juxtaposition ou la superpo-
sition de modules permet la construction d’un ensemble de
maisons ou d’un immeuble. La dimension des modules est
proche de celle des containers maritimes. Le temps de chan-
tier est ainsi réduit à quelques jours ou quelques semaines,
pour un temps de production en atelier de quelques
semaines à quelques mois. Lors de la construction du
démonstrateur (une maison), les occupants ont pu emména-
ger le jour-même où le chantier avait débuté.
Encore une fois, comparons avec l’industrie, par exemple
l’automobile: est-ce qu’un client se préoccupe de savoir si le
tableau de bord de sa nouvelle voiture a été «préfabriqué»
ou non? Il va davantage s’attacher au produit fini, à la quali-
té des matériaux et à celle de leur mise en œuvre (finitions).
Le vendeur argumentera en ce sens, et bien entendu pas sur
le procédé constructif!
La préfabrication d’ouvrages ou
de parties d’ouvrages
Le développement de la préfabrication dépend beaucoup
des cultures des entreprises et des environnements. En règle
générale, la préfabrication est fort développée en Belgique,
où de grands industriels ont beaucoup investi dans des outils
de production de masse, très mécanisés.
En comparaison, et sans généraliser, on peut dire que la pré-
fabrication est moins développée en France. Le grand effec-
tif d’ouvriers salariés dans les grandes entreprises n’y est cer-
tainement pas étranger : le management vise avant tout à
utiliser son propre outil de production, puisqu’il existe et est
performant.
En Chine, on voit apparaître de nombreuses et ambitieuses
initiatives en faveur de la préfabrication. Deux raisons sont
généralement avancées par les entreprises qui investissent
massivement dans des sites de production: la nécessité de
produire plus pour répondre à la gigantesque demande, et
surtout la nécessité de monter en qualité par rapport à la
construction traditionnelle sur site. Il est plus facile de certi-
fier, puis de contrôler, un site industriel de production. Les
autorités favorisent donc également les développements
d’outils industriels.
Chez Rabot Dutilleul, nous menons plusieurs types de
démarches.
Sur chaque chantier, un calcul économique global permet de
décider au cas par cas ce qui sera préfabriqué et ce qui sera
produit sur le chantier, notamment en matière d’éléments
structurels en béton.
En parallèle, des expérimentations sont menées pour indus-
trialiser la production de parties d’ouvrages. Cette démarche
est d’ailleurs favorisée par le management de l’entreprise. Par
exemple, ces dernières années, l’utilisation de salles de bain
préfabriquées a été expérimentée sur plusieurs chantiers: il
s’agit de faire fabriquer des modules de salle de bain à l’avan-
ce, chez un industriel spécialisé, et de les incorporer au bâti-
ment au fur et à mesure de sa construction. Le contrôle qua-
lité des salles de bain est effectué en sortie d’usine, et celles-
ci sont bien évidemment protégées pendant les travaux. En
fin de chantier, il suffit de déballer les modules et d’en
connecter les réseaux à ceux du bâtiment. Ce procédé pré-
sente des avantages évidents en qualité et en délais de réali-
sation. Ces salles de bain sont construites avec des matériaux
«traditionnels» (murs, carrelage, etc.), de sorte qu’à l’usage
on ne peut pas faire la différence avec des salles de bains
construites de manière «classique». Ici encore, il faut bien dif-
férencier le procédé constructif du produit fini.
34 Mines Revue des Ingénieurs #483 Janvier/Février 2016
Dossier
INDUSTRIALISATION DE LA FILIÈRE BTP