INSTITUT SUPERIEUR DU SPORT ET DE L’EDUCATION PHYSIQUE DU KEF DEPARTEMENT DES SCIENCES HUMAINES Cours de psychosociologie Enseignant : Anis TURKI 2011-2012 Cours de psychosociologie UEep1 : Les caractéristiques des groupes restreints, la dynamique de groupe, le leader et le leadership, l’approche sociométrique, l’autorité et la cohésion. J’aime la Psychosociologie 2LFEP 2010-2011 4-Les théories du leadership : ......................... 23 Sommaire 4-1-L’approche basée sur la personnalité : 23 Sommaire ..................................................................... 2 4-3-L’approche des contingences : .............. 23 LE GROUPE .............................................................. 4 4-4-L’approche transactionnelle :................ 23 1-La psychosociologie : ...................................... 4 2-Historique des recherches de groupe : ......... 4 ● Aux Etats-Unis : ........................................... 4 ● En France : .................................................... 5 ● En Allemagne :............................................. 6 ● En Angleterre : ............................................. 7 3-Le concept de groupe : .................................... 9 3-1-Distinctions des cinq catégories fondamentales : ................................................ 10 - La foule : ...................................................... 10 - La bande : .................................................... 11 - Le groupement : .................................... 11 - Le groupe primaire ou groupe restreint : ........................................................................ 11 - Le groupe secondaire : .......................... 11 3-2-Les phases de développement d’un groupe : .............................................................. 11 3-2-1-Phase individualiste compétitive : ....... 12 4-2-L’approche basée sur les comportements :............................................ 23 4-5-L’approche transformationnelle : ......... 23 5-Les recherches en termes de syntalité de groupe : .............................................................. 23 5-1-Le groupe de résolution de problèmes : ........................................................................ 24 5-2-Le groupe engagé dans une activité longue et de technicité floue : ..................... 24 5-3-Le groupe réuni en activités de détente et de loisir : .................................................... 24 5-4-Le groupe réuni pour déléguer des représentants : ............................................... 24 6-Aptitude et attitudes fondamentales : ........ 24 6-1-Absence de dogmatisme : ...................... 24 6-2-Compétence interpersonnelle :............. 24 7-Les diverses formes d’autorité et d’influence du leader : ..................................... 25 7-1-Le chef institutionnel :........................... 25 7-2-La personne centrale : ............................ 25 7-3-La personne préférée : ........................... 26 3-2-2-Phase de frustration et de conflit : .... 13 7-4-La personne qui s’engage dans des actes de commandement : ..................................... 26 3-2-3-Phase d’harmonie et d’élaboration de normes :.......................................................... 13 7-5-La personne la plus influente : ............. 26 3-2-4-Phase d’intégration fonctionnelle des dimensions de solidarité et de tâche : ........ 14 7-5-1-Influence sur les individus : .............. 26 7-5-2-Influence sur l’organisation :............. 27 4-L’équipe sportive :..................................... 15 7-5-3-Influence de la syntalité : ................... 27 LEADER ET LEADERSHIP ...................................... 21 8-Les fonctions du leader :............................... 27 1-Le leader : ....................................................... 21 9-Deux leaders complémentaires : ................. 28 2-Le leadership : ............................................... 21 L’APPROCHE SOCIOMETRIQUE.............................. 29 2-1-Le leadership fonctionnel : ................... 22 1-La sociométrie : .............................................. 29 2-2-Le leadership d’expertise : .................... 22 2-Le questionnaire sociométrique : ................ 30 2-3-Le leadership socio affectif : ................. 22 3-Le sociogramme : ........................................... 31 3-La fonction de leadership : ........................... 22 2 J’aime la Psychosociologie 4-L’indice d’interaction dans le groupe : ....... 31 2LFEP 2010-2011 5-L’indice de cohésion du groupe : ................ 31 6-Limites de la sociométrie et analyse relationnelle : .................................................... 31 L’autorité dans le groupe .............................................. 32 1-Le modèle théorique de Norman et R. F. Maier : . 32 1-1-Le principe : ................................................... 32 1-2-Les nuances nécessaires : .............................. 32 1-3-La structure autocratique : ............................ 33 1-4-La structure démocratique : .......................... 34 2-Les modèles relationnels de l’autorité : ............... 35 2-1-Le modèle linéaire : ....................................... 35 2-2-Le modèle à trois dimensions : ...................... 35 2-3-Les deux fonctions essentielles dans les deux types de relation : ............................................... 35 2-3-1-Fonction opérationnelle (rôle de progression) :................................................... 35 2-3-2-Fonction psychologique (rôle d’entretien) : [198] ................................................................ 36 3-L’expérience de Lippit et White : ...................... 36 4-L’expérience de Desaunnay :................................ 37 5-La maturité psychologique du groupe : ............ 38 La cohésion ................................................................ 40 1-L’équipe dans les sports collectifs et la cohésion :............................................................... 40 2-Les facteurs socio-affectifs de la cohésion: .... 43 2-1-Les facteurs socio-opératoires :................. 43 3-La cohésion, le conformisme et le déviationnisme : ................................................... 44 4-La cohésion et l’intuition : ............................... 44 5-La maturité du groupe : .................................... 45 5-1-Productivité et maturité du groupe : ........ 45 3 J’aime la Psychosociologie 2LFEP 2010-2011 LE GROUPE « Les grandes constructions mythiques soustendent l’autoreprésentation du groupe, de sa valeur, de ses finalités et la justification de son fonctionnement pour l’ensemble social. Notons ici la puissance des métaphores organiques qui traversent ces représentations : le groupe pour être efficace doit être doté d’un « esprit de corps » et ses « membres », du même « sang », doivent faire corps avec leur « chef » et avec tous ceux auxquels est confiée la fonction de penser et de décider : « la tête », le « cerveau ». C’est dans le même registre métaphorique que le groupe est réputé dangereux, imprévisible comme une « femme saoule » » Victor Hugo - - 1-La psychosociologie : En fait, bien qu’il soit à présent très employé, le mot psychosociologie est récent et il n’a conquis que depuis peu le droit de cité. Beaucoup confondent purement et simplement psychologie sociale et psychosociologie. De fait, la différence n’est pas très facile à établir. Il existe cependant un mode d’approche des problèmes humains que l’on peut qualifier de psychosociologie. La psychosociologie s’exerce à deux niveaux : elle étudie, d’une part, les relations interpersonnelles en référence à la vie sociale. Les communications entre les personnes sont inséparables du contexte social. C’est en ce sens que l’on parle de psychosociologie industrielle pour dire que l’on étudie les relations industrielles ; d’autre part, la psychosociologie analyse les groupes restreints. Alors que le psychologue social considère les grands groupements que sont les classes sociales, les communications et les comportements de masse, le psychosociologue observe les petits groupes, dont les membres peuvent se connaître et entretenir des relations directes. [164] La psychosociologie est une branche de la psychologie sociale qui a son originalité propre. 2-Historique des recherches de groupe : ● Aux Etats-Unis : C’est entre 1925 et 1935 qu’une véritable psychologie scientifique des groupes prend son essor aux Etats-Unis. Elle est parallèle à une réflexion philosophique qui privilégie la relation à autrui dans la formation de la personnalité humaine (George H. Mead), et le rôle de groupe primaire dans la socialisation des instincts individuels (Charles H. Cooley). Selon G. H. Mead, la personnalité de l’enfant se développe en relation avec des « autruis significatifs », membres de la famille et camarades de jeux ; l’enfant n’apprend pas seulement les règles du jeu ; il intériorise les attitudes des autres par suite d’une disposition naturelle à prendre le rôle d’autrui et peut ainsi prendre conscience de lui comme distinct des autres. Avec Cooley, on peut dire que l’homme se trouve comme animal groupal : « Il ne faut pas croire que l’unité du groupe primaire soit faite 4 J’aime la Psychosociologie seulement d’harmonie et d’amour. Cette unité implique toujours des différenciations et généralement des rivalités ; elle comporte l’affirmation de soi et les diverses passions individuelles ; mais ces passions sont socialisées par la sympathie et se plient, ou tendent à se plier, à la discipline d’un esprit commun ». La Sociométrie : au cours d’une enquête dans une institution d’adolescentes délinquantes, en 1930 (l’Institution Hudson, près de New York), Jacob Levi Moreno, déjà inventeur du psychodrame, vérifie et met au point la technique sociométrique. Les êtres humains sont reliés les uns aux autres par trois relations possibles : sympathie, antipathie, indifférence. Les relations peuvent se mesurer à partir d’un questionnaire où chaque membre d’un groupe indique qui dans le groupe il choisi et rejette comme compagnons. En effet il y a des conditions historiques particulières qui ont contribué à l’essor de la psychosociologie du groupe en USA : 1- sur le plan industriel le souci de « rendement », à l’époque de la récession économique, déterminera les responsables à faire étudier, par des psychologues, les facteurs du rendement des équipes de travail. 2- sur le plan politique, les problèmes posés par le triomphe du national-socialisme et par les procédés de sa propagande <incitèrent les dirigeants à mettre au programme des recherches : l’analyse des phénomènes collectifs et les moyens d’action sur les groupes humains. 3- sur le plan militaire, de même que la préparation hâtive de leur entrée en guerre en 1917 avait favorisé le développement fulgurant de la psychotechnique pour la sélection des chefs, < de même la préparation hâtive à la deuxième guerre mondiale força les USA à intensifier les recherches sur les facteurs de cohésion et l’efficacité des petites unités, sur les éléments du « moral » des petits groupes isolés en opérations, et sur les moyens de formation accélérée par les méthodes de groupe. [176] 2LFEP 2010-2011 ● En France : Durkheim et la conscience collective : Sans distinguer entre groupe restreint et société globale, Durkheim, le fondateur de l’Ecole Sociologique Française, à la fin du XIX ème siècle, jette les bases d’une théorie de groupe. Le passage du clan à la société est celui de la solidarité mécanique à la solidarité organique fondée sur la division du travail. Durkheim définit le groupe social comme étant plus que la somme de ses membres, c'est-à-dire comme totalité (définition que Sartre, à la lumière de la dialectique hégélienne, rectifiera : le groupe n’est pas une totalité, mais une totalisation en cours). Il forge l’hypothèse d’une conscience collective (un groupe à ses perceptions, ses sentiments, ses volitions propres). Il ébauche l’analyse des fonctions psychologiques. Sartre et la perspective dialectique : Les membres du groupe en fusion vivent, selon Sartre, trois expériences : celle de la solidarité, celle de l’appartenance (ou de l’intégration) à une réalité collective nouvelle, celle d’autrui comme tiers régulateur de mon action dans l’action commune. L’impossibilité de changer la vie est niée et surmontée : l’action du groupe affirme l’impossibilité de cette impossibilité. La devise républicaine transcrit l’expérience du groupe en fusion : praxis commune qui de l’impossibilité d’agir (liberté) ; chacun est équivalent de chacun, son semblable homogène (égalité) ; chacun a besoin de chacun pour que le groupe existe (fraternité). Le groupe en fusion, dit encore Sartre, c’est la raison constituante. Tout groupe, une fois constitué, est donc obligé de prendre des mesures pour survivre. Deux ordres de mesures selon Sartre, et qui instaurent des contraintes. Premièrement, le groupe pourchasse en son sein tout membre suspect de vouloir se retirer de 5 J’aime la Psychosociologie l’action commune. Chacun est considéré comme un traître en puissance. D’où les conflits, les oppositions, les épurations, la « Terreur », qui vise à « liquider le sériel en chacun au profit de la communauté », qui institue « l’obligation de la fraternité ». D’où le « serment » par lequel chacun s’engage à maintenir l’appartenance au groupe. « Nous sommes frères en tant qu’après l’acte créateur du serment nous sommes nos propres fils, notre intervention commune ». Au stade précédent, la fraternité était une expérience vécue, une invention libre surgie dans le moment. Maintenant, chacun l’impose à chacun dans la durée. Deuxièmement, le groupe se fixe des règles, se donne une juridiction, dégage ses procédures, de travail et de décision, émet ou admet certaines normes communes. ● En Allemagne : Freud et la psychanalyse : A la même époque, Freud propose des clés tout à fait différentes pour expliquer les phénomènes de groupe, qu’il rattache aux processus mis en évidence par la psychanalyse. Ses deux écrits fondamentaux sur la question sont « Totem et Tabou », en 1913, et « Psychologie collective et analyse de Moi», en 1920. [75] Divers travaux anthropologiques (Darwin, Robertson, Smith) lui suggèrent une mythologie psychanalytique expliquant la transmission de la famille au groupe. Au début était le père de famille, tyran violent, se réservant pour lui la possession des femelles et chassant ses fils dès qu’ils grandissent pour éviter qu’ils ne portent atteinte à ce droit de propriété ; les frères qui finissent par se révolter en s’unissant, ils procédèrent en commun – car nul ne peut s’excepter et tous doivent être complices – au meurtre du père et au festin où le mort est mangé. Cette communication totémique matérialise l’identification de chacun à l’aïeul envié et redouté ; elle symbolise l’égalité et la solidarité de 2LFEP 2010-2011 tous ; elle fonde la société nouvelle qui reposera sur deux tabous, c'est-à-dire sur une tendance à renoncer à tuer et à manger l’animal totémique (substitut du père mort idéalisé), renoncer à avoir des rapports sexuels avec les femmes ou les filles du père, leurs parentes (d’où le tabou de l’inceste et la règle de l’exogamie). Ce récit légendaire et intemporel se fait l’écho de plusieurs composantes des relations humaines mises à jour par l’expérience psychanalytique : ambivalence (c’est-à-dire intrication d’admiration et de jalousie) des enfants envers l’image paternelle, ainsi que des subordonnés envers ceux qui exercent l’autorité ; identification pleine de repentir à cette image une fois rejetée ; idéalisation du père mort, divinisé et devenant objet d’un culte ; essai d’une société démocratique, où tous les hommes, fils de ce père devenu symbolique, c’est à dire législateur, seraient frères et égaux, inventeraient la justice entre eux et le respect mutuel de leurs vies ; efficacité du meurtre accompli en commun pour apaiser les sentiments de culpabilité, pour réaliser l’identification de chacun au personnage ainsi commémoré et pour incarner l’unité d’action du groupe. Le mythe freudien répond à la question : existe-t-il, du point de vue psychologique, une autre source d’autorité et d’organisation du groupe que l’autorité patriarcale ? Les relations humaines dans l’industrie- Elton Mayo (1880-1950) est un professeur de philosophie australien, qui s’intéresse à la psychologie du travail au point d’occuper divers postes dans l’industrie. Il poursuit sa carrière aux Etats-Unis, où il dirige, de 1926 à 1947, le Département de la Recherche Industrielle de l’Université Harvard. 6 J’aime la Psychosociologie Les hypothèses dégagées des expériences des test-room sont confirmées et précisées : la signification que prend pour l’homme son travail dépend de son histoire personnelle, de ses expériences passées et présentes au sein de groupes internes et externes à l’entreprise. « Les individus qui constituent un atelier au travail ne sont pas purement et simplement des individus ; ils forment un groupe au sein duquel ils ont développé des habitudes de relations entre eux, avec leurs supérieurs, avec leur travail, avec les règlements de l’entreprise ». [169] La perspective dynamique : Kurt Lewin- Psychologue de l’école de Berlin, tôt émigré aux U.S.A., K. Lewin (1890-1947) a transposé d’abord dans l’étude de la personnalité humaine, puis dans celle du groupe, les principes de la Gestaltthéorie ou psychologie de la forme. Celle-ci avait montré que la perception et l’habitude portaient non pas sur des éléments mais sur des « structures », des organisations ou des réorganisations de sensations ou de souvenirs. Semblablement, Lewin explique l’action individuelle à partir de la structure qui s’établit entre le sujet et son environnement à un moment donné. Cette structure est un champ dynamique, c'est-à-dire à un système de forces en équilibre : quand l’équilibre est rompu, il y a tension chez l’individu et son comportement a pour but le rétablissement d’un équilibre. Le groupe est conçu pour Lewin comme une réalité « suigeneris », irréductible aux individus qui le composent, et à la similitude de leurs buts ou de leurs tempéraments. Le groupe est un certain système d’interdépendance : a- entre les membres du groupe ; 2LFEP 2010-2011 b- entre les éléments du champ (buts, normes, perceptions du milieu extérieur, division des rôles, statuts, etc.). Le système d’interdépendance, propre à un groupe à un moment donné, explique le fonctionnement du groupe et sa conduite, aussi bien le fonctionnement interne (sous-groupes, affinités, rôles) que l’action sur la réalité extérieure. Là réside la force du groupe, ou plutôt le système des forces qui le font agir, et qui l’empêchent d’agir. D’où l’expression dynamique des groupes, pour désigner cette méthode d’étude qu’on aura l’occasion de la franchir avec plus de détails. L’expression « Group Dynamics » apparaît pour la première fois en 1944 dans un article de Lewin consacré aux rapports entre la théorie et la pratique en psychologie sociale et dont on peut extraire ce passage significatif : « Dans le domaine de la dynamique des groupes plus qu’en aucun autre domaine psychologique, la théorie et la pratique sont liées méthodologiquement. Si elle est correctement assurée, cette liaison peut fournir des réponses a des problèmes théoriques et peut, en même temps, renforcer cette approche rationnelle de nos problèmes sociaux pratiques qui est une des exigences fondamentales de leur résolution. » L’idée de l’expression firent fortune et inspirèrent la création d’un organisme d’études, le « Research Center of Group Dynamics », qui s’intégra quelques années plus tard (en 1948) à l’ « Institue for Social Research » dans le cadre de l’Université Ann Arbor du Michigan. ● En Angleterre : Les présupposés de base dans les groupes restreints : L’Anglais W. R. Bion est le premier psychanalyste d’orientation Kleinienne qui ait fourni une explication dynamique des groupes « restreints ». Il a développé ses réflexions en animant des groupes thérapeutiques à la fin de la dernière 7 J’aime la Psychosociologie guerre mondiale à la Tavistock Clinic de Londres. Son apport est considéré comme essentiel par tous les spécialistes de la dynamique des groupes. Bion a montré en 1961 que dans tout groupe, quel qu’il soit, il existe deux niveaux : le niveau de la tâche : c’est celui qui correspond au niveau conscient chez l’individu, les membres du groupe coopèrent pour la réalisation du travail, les règles de fonctionnement et la distribution des rôles sont connus de tous. Le niveau de la « valence » : il concerne les activités sous-jacentes aux activités de travail (appelées aussi « activités protomentales »), toute la sphère affective qui entoure le niveau rationnel. Cette « chimie sociale » peut bloquer la réalisation de la tâche comme l’accélérer. Elle est organisée autour de ce que Bion nomme des « présupposés de base ». La valence peut en effet être définie comme la capacité qu’ont les individus, lorsqu’ils sont en groupe, de se combiner de façon instantanée et involontaire selon une hypothèse de base. Véritables schèmes organisateurs du comportement d’un groupe, ces « présupposés de base », au nombre de trois sont liées entre elles, alternent les unes avec les autres, voire représentent différents aspects l’une de l’autre. Quelles sont donc ces trois hypothèses de base ? 1La dépendance : dans un groupe qui fonctionne au niveau de la dépendance, ces membres se conduisent tous comme s’ils voulaient être protégés par le leader, nourris par lui intellectuellement et affectivement. Considéré unanimement comme celui qui sait, le leader peut céder à l’appel séduisant du groupe. S’il le fait sans avoir analysé et rendu compte au groupe de sa « chimie sociale » du moment, il provoquera une sécurité, voire une euphorie de courte durée, la tâche se trouvant bloquée à nouveau par les anxiétés sous-jacentes au groupe. S’il ne cède pas à l’appel du groupe, le leader peut alors être victime de la troisième « hypothèse ». 2Le couplage (pairing) : le groupe couplage se définit essentiellement par le sentiment d’espoir. Celui-ci se trouve concrétisé dans les liens de sympathie qui sont en train de se nouer, sous les yeux du groupe, entre deux participants. Pour le groupe, passif à ce moment-là, ce rapprochement est comme la promesse que les 2LFEP 2010-2011 problèmes actuels du groupe trouveront une solution. Mais il s’agit d’un espoir messianique, qui ne sera pas réalisé. « Les idées optimistes verbalement exprimées sont des rationalisations destinées à produire un déplacement dans le temps et un compromis avec les sentiments de culpabilité. » Voilà, selon Bion, le mécanisme qui préside à une telle hypothèse. 3L’attaque – fuite (fight-flight) : au niveau de cette hypothèse, le groupe se comporte comme s’il était réuni pour lutter contre un danger, pour attaquer ou fuir quelqu’un ou quelque chose. Laissant de côté la tâche, les membres du groupe agressent le leader, un membre du groupe, s’en prennent au groupe dans son ensemble ou fuient en parlant d’autre chose. Dans une telle situation, seul un leader qui donne au groupe des occasions de fuite ou d’agression est accepté. L’analyse des résistances psychologiques sur lesquelles bute se trouve le plus souvent rejetée au cours de cette phase. [6] [28] Repérer cette dynamique sous-jacente dans un groupe de travail, en parler pour la dépasser, c’est donc s’assurer contre les risques de piétinement, de frustrations et de conflits inutiles. Si l’on croit Bion, la nature de la communication qui s’établit entre les membres constitue un indice précieux de la prédominance des présupposés de base sur le fonctionnement rationnel : plus le groupe, en effet, correspond à une présupposé de base, moins il est rationnel dans ses communications verbales, les paroles ne semblent plus être qu’un moyen pour communiquer des sons, le groupe semble avoir perdu la capacité de former, des symboles. Ce phénomène que M. Klein a montré chez les enfants en bas âge, souligne une fois de plus la richesse de la comparaison entre certains phénomènes de groupe et certains mécanismes psychiques individuels de la prime enfance. C’est le mérite de Bion d’en avoir tenu compte, tout en ayant fourni un schéma d’analyse de groupe dépassant la simple analogie entre dynamique psychique individuelle et dynamique psychique groupale. Les travaux de Bion – dont l’ouvrage principal : « Expériences in Group », a été traduit en français – ont fortement contribué à éclairer les aspects inconscients de la vie collective. 8 J’aime la Psychosociologie 3-Le concept de groupe : Le groupe est un fait global dont l’individu est une partie interne, assez indistincte ; la partie tend à la fusion dans le tout ; l’individu ne se pose pas de question sur le groupe, il vit dans, par et pour le groupe. Tels sont les groupes où il n’y a pas d’autres perspectives que la cohabitation, le travail commun, les distractions en commun, la recherche ou la production en commun des subsistances et la défense du territoire (famille, clan, tribu, village) ; l’individu isolé du groupe par accident ou par châtiment ne sait pas survivre et meurt. Leclerc (1999) définit le groupe comme un champ psychosocial dynamique constitué d’un ensemble repérable de personnes dont l’unité résulte d’une certaine communauté du sort collectif et de l’interdépendance des sorts individuels. Ces personnes, liées volontairement ou non, sont conscientes les unes des autres interagissent et s’influencent directement. [107] Les groupes peuvent également être classés selon leur niveau de fonctionnement. Sur cet aspect, Richard (1995) [197], reprenant la typologie de Lewin (1959) [155], établit une distinction entre psychogroupe et sociogroupe. Le premier type de groupe constitue une fin en soi : « les membres se réunissent parce qu’ils se trouvent bien ensemble … ils ressentent un besoin commun, très souvent purement affectif, et leur association contribue à satisfaire ce besoin. ». Le deuxième type de groupe rassemble des personnes qui entretiennent des relations dans le but de travailler à la résolution d’un problème commun ou à la modification de situations similaires : « les individus s’allient à cause de l’attrait, de l’intérêt pour une tâche qui leur est 2LFEP 2010-2011 présentée ». Si le premier s’apparente davantage à un groupe de traitement, le second est plus proche d’un groupe de tâche. Evidemment, ces deux types de groupes ne se présentent pas à l’état pur ; le plus souvent, le groupe tient à la fois du psychogroupe et du sociogroupe. Par exemple, lorsqu’un intervenant social met sur pied un groupe d’éducation ou un groupe de soutient, les membres s’engagent au départ à participer dans le but de faire des apprentissages ou d’apporter des changements à leurs situations individuelles ; le groupe s’apparente alors plutôt à un sociogroupe. Mais pour que les membres continuent d’être actifs et tirent pleinement profit des avantages qu’offre la participation à un groupe, ils doivent tisser des liens affectifs entre eux et trouver plaisir à cet ensemble ; le groupe présente alors également des caractéristiques du psychogroupe. Buts Motivation Structure Membres Psychogroupe : groupe centré sur les personnes (gang ou clique) Le groupe luimême. Les relations avec les personnes. Satisfaire des besoins affectifs. Informelle. Peu de règles de fonctionnement. Normes implicites. Volontaires Homogènes. Sociogroupe : groupe centré sur la tâche (commission, comité, etc). Exécuter, accomplir une tâche, s’organiser. Attrait pour la tâche. Compétence. Attrait pour les membres vus comme plus adéquats. Formelle : président, secrétaires, etc. Règles imposées : mandat, limite de temps, etc. Volontaires ou involontaires. Plus hétérogènes (âge, statut, profession, etc.) Tableau n°4 : les caractéristiques du psychogroupe et du sociogroupe. En effet, le sociogroupe recherche une fin qui transcende (extérieur) le groupe. C’est un groupe où les relations entre les membres existent d’abord en vue de travailler à un problème commun. Les liens entre les membres sont 9 J’aime la Psychosociologie pratiquement inexistants au moment de la formation du groupe. Les individus s’allient à cause de l’attrait, de l’intérêt pour une tâche qui leur est présentée et à laquelle ils s’attèlent quelquefois avec plus au moins d’enthousiasme. Plus tard ils développent un sentiment d’union, une conscience de groupe mais, du point de vue de l’existence consciente, leur groupe à l’origine n’est qu’une création visant l’atteinte d’objectifs. S’organiser pour être plus adéquats. Le processus s’apparente alors à une recherche d’action et d’organisation. Remarquons que ces deux types de groupes (psychogroupe et sociogroupe) se retrouvent rarement à l’état pur dans la réalité, ce sont plutôt des abstractions dont nous nous servons à des fins didactiques. Le plus souvent, tout groupe comporte un mélange de caractéristiques qui tiennent à la fois du psychogroupe et du sociogroupe dans des dosages relatifs et variables. Ainsi, suivant le moment de son évolution, un groupe peut se situer, plus près de l’un ou l’autre des pôles. [18] [54] [197] 3-1-Distinctions des cinq catégories fondamentales : Les faits de groupe se distinguent des faits psychiques individuels parce qu’ils se rapportent à une pluralité ou à un agglomérat d’individus. Il faut au moins deux individus pour composer un groupe, dit le sens commun. En fait, il n’existe aucune personnalité normale qui soit psychologiquement isolée des autres. Elle nous semble imposer les cinq distinctions fondamentales qui suivent : - La foule : Quand les individus se trouvent réunis en grand nombre (plusieurs centaines ou plusieurs milliers) dans un même endroit, sans avoir 2LFEP 2010-2011 cherché explicitement à se réunir, on a affaire à des phénomènes de foule. La théorie de « l’unité mentale des foules » : Le Bon formula l’hypothèse d’une affectivité collective inconsciente : « dans certaines circonstances données » disait-il « et seulement dans ces circonstances, une agglomération d’hommes possède des caractères nouveaux fort différents de ceux de chaque individu qui la compose. La personnalité consciente s’évanouit, les sentiments et les idées de toutes les unités sont orientés dans une même direction… la collectivité devient alors ce que, faute d’une expression meilleure, j’appellerai une foule organisée, ou si l’on préfère, une foule psychologique. Elle forme un seul être et se trouve soumise à la loi de l’unité mentale des foules. ». Le Bon ajoute plus loin : « le fait le plus frappant présenté par une foule psychologique est le suivant : quels que soient les individus qui la composent, quelque semblables ou dissemblables que puissent être leur genre de vie, leurs occupations, leur caractère ou leur intelligence, le seul fait qu’ils sont transformés en foule, les dote d’une âme collective. Cette âme les fait sentir ». [106] 10 J’aime la Psychosociologie - La bande : La foule se définit par la psychologie de la simultanéité. Une foule a la solitude en commun. La bande, par contre, a la similitude en commun. Quand des individus sont réunis volontairement, pour le plaisir d’être ensemble, par recherche du semblable, il s’agit d’une bande. - Le groupement : Quand des personnes se réunissent ensemble, en nombre petit, moyen ou élevé (plusieurs dizaines ou centaines, rarement plusieurs milliers), avec une fréquence de réunions plus ou moins grande, avec une permanence relative des objectifs dans l’intervalle des réunions. Le nom qui convient est celui de groupement Les buts des groupements répondent à un intérêt commun à ses membres. Ceux-ci en sont partiellement conscients. - Le groupe primaire ou groupe restreint : Il présente les caractéristiques suivantes : nombre restreint des membres, tel que chacun puisse avoir une perception individualisée de chacun des autres, être perçu réciproquement par lui et que de nombreux échanges interindividuels puissent avoir lieu ; poursuite en commun et de façon active des mêmes buts, dotés d’une certaine permanence, assumés comme buts du groupe, répondants à divers intérêts des membres, et valorisés ; relations affectives pouvant devenir intenses entre les membres (sympathie, antipathies, etc.) et constituer des sous-groupes d’affinités ; forte indépendance des membres et sentiments de solidarité ; union morale des membres du groupe en dehors des réunions et des actions en commun ; différenciation des rôles entre les membres ; constitution de normes, de croyances, de signaux et de rites propres au groupe (langage et code du groupe). La distinction entre le groupe primaire et le groupe secondaire est du sociologue américain C. H. Cooley, il distingue : « par groupes primaires, 2LFEP 2010-2011 j’entends ceux caractérisés par une association et une coopération intimes et face à face … Le résultat de cette association intime est, du point de vue psychologique, une certaine fusion des individualités en un tout commun, de sorte que la vie commune et le but du groupe deviennent la vie et le but de chacun… » - Le groupe secondaire : Le groupe secondaire ou organisation est un système social qui fonctionne selon des institutions (juridiques, économiques, politiques, etc.), à l’intérieur d’un segment particulier de la réalité sociale (marché, administration sport, recherche scientifique, etc). Une entreprise industrielle, un hôpital, une école, un parti politique, un mouvement philanthropique sont des organisations. 3-2-Les phases de développement d’un groupe : L’expérience de la vie des groupes nous apprend que le sentiment d’être membre d’un groupe ou d’en former un n’est pas ressenti lors de la première rencontre des personnes qui ont accepté de poursuivre un ensemble d’objectifs. Ce sentiment ou cette impression ne se manifeste qu’après un nombre plus ou moins variable de rencontres ; la solidarité commence alors à poindre dans le groupe. Il ne suffit donc pas de réunir des gens supposément matures pour que le 11 J’aime la Psychosociologie groupe acquière ipso facto sa maturité : le groupe ne peut s’utiliser de façon autonome comme ressource pour satisfaire les besoins des individus qui le composent et atteindre l’objectif de leur réunion. La motivation d’un certain nombre de personnes à se réunir avec d’autres pour mieux atteindre des objectifs projetés est la base sur laquelle repose la formation du groupe. Cependant les sentiments d’appartenance et d’interdépendance ne se développent qu’au fil des rencontres et dans des conditions favorables. Lorsque nous réunissons des personnes qui désirent poursuivre des objectifs avec la possibilité que ces derniers deviennent communs, nous pouvons remarquer sur le plan de la structuration des relations interpersonnelles, quatre phases : 3-2-1-Phase individualiste compétitive : La situation nouvelle et l’inconnu dans lequel chacun s’embarque provoquent beaucoup d’insécurité. Les sentiments surgissent à l’égard de soi-même mais peu sont exprimés : inadéquacité, incertitude, inquiétude quant à son rôle actuel et futur dans le groupe. N’est révélé que ce qui paraît approprié : chacun restant plutôt réservé, prudent, gentil, pas hostile mais méfiant. On se réfugie derrière la structure formelle où l’on tente de s’en donner une nouvelle pour contenir tout ce qui est vécu et perçu comme menaçant. En l’absence de structure, par exemple, rares sont les groupes qui ne discutent pas pour se donner ce qu’on appelle un animateur, parfois un secrétaire, etc. pour survivre, certains individus, parfois « attaquent » en exprimant leurs impressions premières de peur d’être « attaqués », d’autres observent, évaluent les dangers potentiels et agissent avec beaucoup de circonspection. Selon Tuckman (1965, 1977), au départ il y a beaucoup de manifestations de dépendance très marquée à l’égard du responsable, de la fatigue d’autorité. De façon plus souvent indirecte que directe, les gens tendent de vérifier leurs perceptions et impressions premières ; ils testent, mesurent prudemment, vérifient jusqu’où on peut aller entre membres et moniteur, ce qu’on peut dire et ne pas dire. Tuckman considère cette phase comme en étant une d’orientation et présente cette phase selon la figure suivante : 2LFEP 2010-2011 [223] La flèche à l’intérieur des petits cercles indique que chacun est centré sur lui. Le cercle pointillé révèle que l’ensemble du groupe ou (que) ce qui s’y passe échappe à tous et chacun. Les conduites de chaque individu ne semblent pas porter sur l’ensemble mais sur lui-même. Figure n°1 : la première phase du développement d’un groupe. - La conscience de la totalité : au cours de cette première phase, où en est la conscience de la totalité du groupe pour les membres ? Chacun étant centré sur lui, sur la satisfaction des besoins personnels pour lesquels il s’est joint au groupe, l’idée ou la représentation de la totalité lui échappe. Peu de membres sont donc conscients de l’atmosphère du groupe. La conscience est plutôt individuelle, elle s’apparente à un état d’alerte ou à une attitude de vigilance devant un danger possible. Cela rend difficile la représentation de l’ensemble du groupe. 12 J’aime la Psychosociologie 3-2-2-Phase de frustration et de conflit : Quand la personne censée être responsable refuse la direction de l’ensemble, les gens développent généralement de l’hostilité à son égard, la perçoivent comme inadéquate et inefficiente. Ils lui reprochent silencieusement de se retrouver dans une telle situation. Il y a souvent confrontation entre ceux qui veulent une structure définie à l’avance et ceux qui la refusent. Les centres d’intérêts deviennent les procédures, les décisions, les contrôles. Parmi ceux qui refusent toute structure, certains cherchent à exercer leur propre influence ou à affermir leur statut personnel. Il y a les « pour » et les « contre ». L’apparition de comportements plus authentiques soulève certaines craintes. Se manifestent alors des tendances à se regrouper selon les affinités ou les perceptions valorisées. Des confrontations d’influence s’observent et remettent constamment en jeu la possibilité d’atteindre des objectifs en commun. Tuckman parle, pour sa part, de conflit intragroupe et de période orageuse. Il y a, en effet, des polarisations qui débouchent sur de véritables conflits. Se forment alors des sous groupes d’affinité ou d’identification à des personnes. Il y a aussi des oubliés. Les sous-groupes luttent pour déterminer les orientations. Ils peuvent se cristalliser et parfois se reformer quelque temps après. 2LFEP 2010-2011 3-2-3-Phase d’harmonie et d’élaboration de normes : Quand les résistances et les polarisations antérieures sont dépassées, un certain apaisement s’installe. Des sentiments très forts de fierté d’être ensemble et de ne pas être comme les autres groupes se développent. En même temps, le groupe élabore ses propres normes de fonctionnement, un modus vivendi, en vue d’éviter les conflits qui pourraient à nouveau diviser le groupe. Ces normes explicitent le type de relation à avoir pour être bien ensemble, se soutenir contre tout ce qui pourrait mettre en jeu le groupe. Ces mots comme « nous », « notre groupe » caractérisent les expressions de tous les membres. Ce sentiment d’harmonie à tout prix s’accompagne souvent d’un refus d’échange avec d’autres groupes. De l’extérieur, les comportements de groupe sont vus comme visant un contentement béat, suffisant, gentil. Les membres sont plus intéressés à développer des relations humaines, comme l’affirment certains, qu’à poursuivre leurs objectifs. Ces derniers sont perçus comme un prétexte à leur rassemblement qui leur apparaît maintenant essentiel. C’est comme une phase d’adaptation interne, une période de bonne volonté et d’harmonie. Tuckman appelle cette phase, la phase de développement de normes de cohésion. Les membres acceptent le groupe et l’idiosyncrasie de chacun. Le groupe est accepté par tous. C’est pour le maintenir et le prolonger qu’on se donne des normes. Contrairement aux normes formelles du début de la vie du groupe, les normes élaborées sont informelles et peuvent primer sur les normes formelles. Souvent, les conflits sont évités pour préserver l’harmonie du groupe. Les membres sont préoccupés de se donner des normes pour avoir de bonnes relations qu’on veut cultiver. Les limites du groupe sont imperméables à toute influence extérieure. Figure n°2 : la deuxième phase du développement d’un groupe. Lors de cette phase, il y a plus particulièrement conscience d’une dualité. 13 J’aime la Psychosociologie Figure n°3 : la troisième phase du développement d’un groupe. 3-2-4-Phase d’intégration fonctionnelle des dimensions de solidarité et de tâche : Nous sommes à la phase finale de productivité et de centration sur le groupe pour le maintenir et l’adapter comme instrument d’action pour atteindre ses objectifs. Les membres se manifestent du support de façon plus authentique, s’informent les uns les autres de leurs réactions émotives à la suite d’une activité. Ils n’évitent pas les conflits mais apprennent plutôt à les résoudre. Ils acceptent sans problème la responsabilité de leur comportement sans s’en défendre et participent à leur tâche de poursuivre les objectifs qu’ils acceptent comme les leurs. L’atmosphère de collaboration et de solidarité n’est plus centrée sur la protection mais sur la réalisation. Les membres se sentent moins préoccupés par leur intégration personnelle dans le groupe, ils sont plutôt ouverts aux autres, clarifient leurs incompréhensions de façon plus régulière. Le groupe est plus apte à faire face à ses problèmes et à les résoudre. La distribution des tâches et des rôles se fait avec plus de lucidité tient compte des ressources de chacun. C’est ici qu’est senti et vécu le groupe en activité et non plus en contemplation de lui-même. C’est ici aussi que se détachent dans la conscience, à la suite de l’expérience vécue avec intensité, les sentiments d’appartenance et d’interdépendance dans l’atteinte des objectifs. La véritable notion de groupe est maintenant décrite de façon tout à fait significative. Il y a là une signification personnelle que ne peut avoir une définition purement livresque. Non seulement le groupe mais aussi sa formation ont maintenant un sens bien précis pour les membres qui en font partie. Tuckman (1965) parle de phase de performance. 2LFEP 2010-2011 Le groupe devient un instrument de résolution de ses propres problèmes dans la poursuite de ses objectifs. L’activité concernant la tâche se caractérise par l’émergence des solutions et structure interpersonnelle rend le groupe apte à s’utiliser comme ressource à l’atteinte des objectifs communs. [221] Figure n°4 : la quatrième phase du développement d’un groupe. Le groupe est un instrument organique et souple destiné à poursuivre des objectifs. Ces derniers étant la raison d’être du rassemblement initial. Les membres sont conscients de l’importance du fonctionnement interpersonnel dans la poursuite des objectifs. Ils sont aussi plus conscients de l’interinfluence et de l’interdépendance des membres. Ils se sentent comme l’outil, l’instrument à la disposition de tout le groupe pour se réaliser les activités projetées. Ils sont conscients de la communauté des objectifs, les échanges de réactions émotives constituent le régulateur du groupe et les membres se sentent unifiés et non pas divisés. En résumé comme l’écrit Turgeon (1978), le groupe a atteint l’étape de l’autonomie, et il en est conscient, grâce aux échanges authentiques qui informent continuellement l’ensemble et qui en assurent la régulation dans la situation ici et maintenant. [224] L’objectif de notre expérience sera d’essayer d’amener notre groupe expérimental à cette phase d’autonomie, de productivité, d’autogestion et de performance. 14 J’aime la Psychosociologie 4-L’équipe sportive : Pour Fleurance Ph. en sports collectifs, l’équipe n’est pas un assemblage de virtuoses sains et forts, mais un groupe humain cohérent où les plus fines nuances de chaque personnalité doivent participer volontairement à l’épanouissement harmonieux et constant d’une personnalité collective originale. [72] On a proposé récemment (1993) une définition complète de l’équipe sportive : « une équipe sportive est un collectif d’individus qui possèdent une identité collective, qui ont des but et des objectifs communs, qui partagent un sort commun, qui développent des modèles structurés d’interaction et des modalités de communication, qui manifestent une interdépendance personnelle et à la tâche, une attraction interpersonnelle réciproque et se considèrent eux-mêmes comme un groupe » ce dernier critère, subjectif, renvoie à ce que Erickson (1972) a appelé l’identité « sentie » qui est avant tout une réalité subjective, réflexive et nécessairement ressentie par l’individu. La définition insiste en outre sur les similitudes des membres du groupe qui sont nécessaires pour qu’émerge une équipe, l’émergence d’une identité repose ici sur l’existence de l’identique dans le collectif. Pour Chapuis R. et Thomas R. (1988) une équipe de sport collectif se compose aussi d’individus qui pratiquent la même activité, s’imprègnent d’un même savoir technique. Elle présente donc une sensibilité particulière et se caractérise par un mode d’expression spécifique conforme à sa personnalité de base. [50] L’équipe sportive constitue un moyen efficace pour le développement harmonieux de la personnalité ; elle présente toutes les sollicitations pouvant inciter chacun à participer à l’évolution d’une praxie qui met en rapport l’intention du pouvoir actualisé par le projet final, les projets particuliers, et les normes du groupe. 2LFEP 2010-2011 Mais l’équipe constitue un type particulier de groupe restreint. Sa spécificité tient à une forte solidarité de ses membres qu’indique l’origine du mot. Celui-ci provient du Germain Skip qui a donné esquif et qui signifie bateau. L’équipe c’est l’équipage embarqué pour un même sort. Le destin de l’équipe est partagé par tous les membres. Ce risque collectif retrouvé typiquement dans la cordée d’alpinistes où le lien interpersonnel est matérialisé, où la défaillance de l’un des membres peut être fatale à tous, mais où chacun peut être sauvé par ses compagnons. L’observateur découvre au sein de l’équipe l’essence de ce qui caractérise les groupes restreints : une association et une coopération intime< le résultat de cette association est de point de vue psychologique une certaine fusion des individualités en un tout commun de sorte que la vie commune et le but du groupe deviennent la vie et le but de chacun. La façon la plus simple peut-être de décrire cette totalité est de dire qu’elle est un nous ; ceci implique l’espace de sympathie et d’identification mutuelle dont le terme nous est l’expression naturelle. Comme la note Maisonneuve, la notion d’équipe a pris une extension certaine à partir de la fin de la deuxième guerre mondiale. Alors que « ce terme restait confiné au domaine du labeur matériel (l’équipe d’ouvriers) ou de certains jeux collectifs, le terme a été utilisé et prôné dans un très grand nombre de secteurs sociaux et à des niveaux très variés de responsabilités ». Pour l’auteur, ce phénomène est dû à une transformation des rapports interpersonnels. Le commandement autoritaire étant contesté, le travail d’équipe se développe car, dans ce type de groupe, les relations sont plus égalitaires que dans les autres organisations. 4-1-Les différents types d’équipes sportives : Le terme d’équipe sportive désigne des groupes de concurrents pour lesquels les tâches à accomplir sont de nature différente ? Ainsi lorsqu’une équipe d’athlétisme participe à un championnat, le résultat collectif s’obtient par simple addition des places ou des points obtenus par chaque membre qui agit relativement indépendamment de ses coéquipiers. En revanche, lors d’un match de football, les joueurs doivent coordonner très finement leurs actions. 15 J’aime la Psychosociologie Entre ces deux types extrêmes d’équipes s’en situent deux autres pour lesquels les articulations des actions entre partenaires, sans présenter la précision de celles des joueurs de sports collectifs, nécessitent cependant une certaine harmonie. Les équipes de relais en athlétisme ou en natation, les équipes de rameurs en aviron constituent l’un de ces types intérimaires, l’autre regroupe les équipes où tous les concurrents effectuent la même tâche, mais sans lien mécanique, telle une équipe de cyclistes. Il existe donc quatre genres d’équipes sportives qui se distinguent selon un degré d’interaction entre les membres et une différenciation des rôles plus ou moins prononcés. - En sport collectif elle représente le groupe principal. Souvent le terme d’équipe sportive est employé pour les désigner exclusivement, et c’est essentiellement de ces équipes dont il sera question dans cet ouvrage. Les interactions entre les équipiers sont très complexes et la différenciation des rôles, élevée. - Dans la seconde catégorie, celle des disciplines où il s’agit de trouver une certaine cadence dans l’effort collectif, comme en aviron, en tandem, en relais, l’interaction diminue, ainsi que la différenciation des rôles. Ici, il est possible de distinguer deux sous-groupes. Dans l’un, les efforts sont effectués simultanément ; c’est le cas par exemple d’une équipe de rameurs, dans l’autre, les efforts sont réalisés séquentiellement, les équipes de relais le caractérisent. La différenciation des rôles est quelque peu plus élevée et l’interaction un peu moins forte dans celui-ci par rapport à celui-là. - L’importance de ces deux variables décroît encore dans la troisième catégorie, dont les 2LFEP 2010-2011 - équipes de cyclistes, les équipes de coureurs de cross-country sont les prototypes. - Enfin, dans la dernière catégorie, le terme d’équipe est employé pour désigner un groupe où les membres effectuent des tâches séparées. L’interaction est faible, mais la différenciation des rôles peut être élevée. [50] Au-delà des définitions données à propos du groupe, les caractéristiques de certains d’entre eux ont été discutées. F. Lorenzi-Cioldi distingue notamment le groupe « collection » et le groupe « agrégat ». Le groupe « collection » désigne un ensemble d’individus ayant chacun sa spécificité, et qui conservent leur singularité. C’est généralement un groupe dominant, dans lequel chaque membre est présenté comme autonome et responsable. On retrouve ces idées de groupe « collection » et de groupe « agrégat » en sport collectif. Dans une équipe en réussite, chaque joueur est distingué des autres, il a une personnalité qui le différencie, et on insiste sur la diversité des joueurs qui forment le groupe. Dans l’équipe en difficulté, au contraire, les discours renforcent l’idée que tous sont dans l’embarras et que ce n’est pas le moment de faire paraître des différences entre les joueurs. [167] La valeur de l’équipe n’est pas fonction de l’addition des capacités individuelles, mais de leurs combinaisons dans une complémentarité active. L’équipe sportive se présente comme un ensemble dynamique se distinguant par l’originalité de ses structures fonctionnelles et par la complexité de ses structures émotionnelles. Elle agit en tant que force opérationnelle par l’organisation de son potentiel physique, intellectuel et technique ; elle agit aussi en tant que force intégratrice des courants affectifs pour le maintien de sa cohésion. La recherche de buts communs lui confère une originalité propre et 16 - - - J’aime la Psychosociologie impose à chacun un statut et un rôle. Ainsi, l’équipe peut présenter un degré d’organisation élevé et une grande diversité de styles, en fonction des nécessités opérationnelles. Confronté à la nécessité d’atteindre des objectifs et régulièrement soumis à évaluation, le groupe sportif présente sans doute dans le registre affectif les trois manifestations décrites par Gilles Arnado : il est le foyer d’anxiétés individuelles suscités par l’exposition au jugement d’autrui sur sa compétence, son utilité, son style, voire son être même. Des craintes identitaires du type angoisses de morcellement ou de fragmentation du soi peuvent être générées par les positions concurrentielles entretenues par la logique sportive. En période de crise, d’échec, l’existence de ce type d’anxiétés peut limiter l’expression de point de vues divergentes, endiguer l’émiettement des actions afin de préserver au groupe sa valeur contenante et protectrice ; il est un champ propice aux tentatives de valorisations narcissiques ; au sein d’un groupe de tâche, engagé dans une recherche de production, face au responsable hiérarchique peuvent se gagner statuts et reconnaissances, se négocie ambitions et revendications personnelles, jusqu'à faciliter l’affirmation de véritables perversions narcissiques ; il est enfin un carrefour de stratégies où s’entrecalent objectifs conscients et inconscients, où s’expriment des conflits de rôles, où se tissent des réseaux d’influence enchevêtrés. Cette animation pourrait être décrite selon la logique d’autres paradigmes, par exemple celui de la sociologie des organisations et se référer aux logiques d’acteurs dans un système et à leurs stratégies de pouvoir. D’un point de vue psychanalytique, l’agitation interne d’un groupe peut viser à satisfaire les fantasmes de chacun, ou bien à confronter des rôles intégrés, acceptés par le groupe (rôle d’organisateur<). En fait, on trouve dans l’équipe de sport collectifs, et de façon aussi vive que dans tout groupement humain, le problème essentiel de la relation. Que suis-je pour les autres ? Suis-je reconnu et estimé ? Telle est la question que se pose, de manière consciente ou inconsciente, le joueur qui prend le risque de s’intégrer à la collectivité. 2LFEP 2010-2011 Quant au terrain sur lequel il pénètre, il est hélas un champ de bataille soumis aux pressions multiples de l’ambition, du gain, de la vanité ou, tout simplement, du désir de vaincre à tout prix. L’entraînement à la pratique du sport collectif constitue un cas d’école. L’entraîneur doit faire preuve de finesse pour créer, préserver et entretenir les dynamiques collectives et individuelles. Il s’agit de bien connaître les enjeux de la compétition pour chaque équipier et pour l’équipe, de maîtriser le rapport entre le collectif et les individualités, d’identifier le réseau des relations et des décisions dans l’équipe, de faire preuve d’autorité et de mansuétude< Pour Rey J. P. l’entraîneur fait face à des phénomènes qu’il faut à tout prix comprendre et maîtriser. Comment s’y prendre pour construire une équipe de sport collectif ? Au-delà de l’adhésion aux valeurs d’entraide et de coopération, il est confronté à des dilemmes et des problèmes pratiques difficiles ; comment être impartial et équitable ? Comment créer et maintenir la cohésion et l’entraide ? Peut-il développer la créativité dans ce groupe ? Par quels moyens ? Quelles sont les modalités de pratiques ? Autant de problèmes qui, non envisagés, sont susceptibles de déclencher des crises et qui, bien résolus, contribuent à la réussite de l’équipe et cimentent une culture sportive. [196] Autant de responsabilités qui nécessitent un savoir approfondit de la nature humaine, des spécificités des groupements humains, une culture très large, une observation pénétrante et la connaissance des stratégies et des techniques qui peuvent être déployées. L’appel au psychologue du sport et au Préparateur Psychologique et Mentale s’avère indispensable. Dans la réflexion sur l’optimisation de la performance dans le sport de haut niveau, la recherche des facteurs centraux de la performance collective se présente comme la plus complexe. La psychologie du sport s’intéresse depuis les années 70 aux phénomènes de groupe observables dans les équipes de sports collectifs de haut niveau, en particulier avec les premiers travaux de Rainer Martens sur la cohésion (Martens et Peterson, 1971) [168] 17 J’aime la Psychosociologie La plupart des travaux ont tout d’abord été centrés sur cette notion de cohésion, qui s’est progressivement enrichie, devenant un concept multidimensionnel intégrant à la fois la cohésion sociale et la cohésion fonctionnelle (liée à la tâche), puis différenciant l’intégration au groupe de l’attraction pour le groupe (Brawley, Carron et widmeyer, 1987) [37] De nombreux travaux ont d’abord mis en évidence les relations entre cohésion de l’équipe et performance (Carron et Chelladurai, 1981). [43] Mais cette hypothèse a été parfois réfutée dans le cadre de recherches sur les équipes professionnelles qui mettent en évidence l’indépendance entre la cohésion sociale et la performance de l’équipe (Davids et Nutter, 1988). Finalement les travaux semblent insister surtout sur l’importance de l’intégration des joueurs à la tache de l’équipe pour l’amélioration de la performance collective ( Shangi et Carron, 1987 ; Brawley et Widmeyer, 1987) [208]. Un autre axe de réflexion a porté plus particulièrement sur les relations entraîneurs/entraînés (Carron et Bennett, 1977) [42] et sur la notion de style de leadership des entraîneurs (Chelladurai, 1984) [51]. Sur ces différents champs d’étude, l’excellent ouvrage de G. Luschen et G. Sage « Handbook of social science of sport », permet de situer l’état des recherches, car il comporte une bibliographie internationale d’environ 3000 titres sur 134 travaux répertoriés dans la section « organisation, administration, planification, politique », à peu près un tiers traitent des organisations, soit seulement une quarantaine. La section « groupes restreints, équipes, phénomènes relationnels » comporte 172 titres dont la moitié est constituée par des recherches centrées sur l’équipe, soit donc la double de celles des organisations. Il existe pourtant une demande de la part des entraîneurs. Toutes ces recherches permettent de disposer aujourd’hui d’outils d’évaluation fiables qui permettent de décrire certains paramètres de la situation d’une équipe (niveau de cohésion, modalité de leadership de l’entraîneur, personnalité). D’autres recherches effectuées en psychologie sociale s’avèrent très instructives pour l’entraîneur d’équipes sportives, notamment 2LFEP 2010-2011 celles centrées sur la coaction. De même, un certain nombre d’études de psychologie sociale dans le milieu du travail apportent des enseignements utiles à l’entraîneur, telles celles de Deutsch [61] qui a montré qu’un groupe fonctionne mieux sur un mode coopératif que sur un mode compétitif. En effet, la compétition inter membres tend à réduire la cohésion. Lorsque les responsables établissent un rapport entre le salaire et la productivité en milieu industriel, la cohésion du groupe de travail s’en ressent. Ces faits doivent évidemment intéresser les entraîneurs d’équipes professionnelles dans lesquelles les joueurs sont inégalement rétribués. Il en est de même des travaux de Seashore sur la dimension du groupe. Celle-ci influence plusieurs facteurs, notamment le moral et la cohésion. 4-2-Le public et ses influences : L’une des particularités de l’équipe sportive est qu’elle est soumise à une influence externe lors de l’accomplissement de sa performance et de son rendement. Le public est un facteur de rentabilité ou d’inhibition. Le public véhicule les rumeurs, les amplifie et les déforme. Il participe de cœur à l’action, apprécie les qualités du jeu, manifeste ses sentiments, vit et réagit différemment selon son éducation sportive. Qu’il soit partial ou impartial, il représente toujours le témoin aimé ou redouté qui sanctionne l’effort, qui crée, entretient ou détruit Le dialogue équipier public, parfois très fruste, explique les attitudes faciles de cabotinage qui satisfont le goût partagé de l’exhibitionnisme. Mais le dialogue devient parfois aussi très émouvant ; le joueur, porté par la foule s’engage au delà de ses forces habituelles ; il incarne vraiment le personnage que l’on désire qu’il soit. Les passions s’exaltent en parfaite communion, jusqu’au délire : l’homme appartient alors à la foule et l’exprime en s’exprimant. Le public agit sur les dirigeants et décerne parfois leurs décisions ; il agit aussi sur l’entraîneur et le rend responsable de la qualité des prestations. Le joueur tient à rester digne du rôle qu’on lui accorde ; il lui arrive même de s’identifier au personnage que l’on se fait de lui. Dans la majorité des cas, il aime être admiré par la foule et éprouve le besoin d’être soutenu et même protégé par elle. En réalité, il se sent très frêle en 18 J’aime la Psychosociologie face de la puissance qu’elle représente, et le fait d’en être admiré devient une garantie contre son abandon. Le public agit aussi sur les décisions des dirigeants en lui imposant ses préférences. L’argent qu’il consent à donner pour les spectacles de qualité lui permet d’exiger d’être entendu quant aux choix des joueurs. Cette réalité explique l’intérêt que ces derniers attribuent à l’opinion publique. Ils savent que leur sécurité dépend souvent de l’appréciation de ces personnes anonymes qui remplissent les stades, et qu’elle dépend aussi, par voie de conséquence, des médias. Les relations que ces derniers entretiennent avec les spectateurs peuvent dans certains cas devenir pathologiques. Nos recherches dans ce domaine sont révélatrices d’une inquiétude latente dont sont victimes les joueurs immatures. Certains entraîneurs utilisent cette inquiétude pour rendre les joueurs plus dociles, plus malléables. Leur conception est relativement acceptable dans la mesure où les joueurs conscients de leurs responsabilités peuvent surmonter leurs propres difficultés, mais cette façon d’opérer peut être dramatique pour les joueurs vulnérables car l’inquiétude se transforme souvent en angoisse et l’angoisse engendre des comportements de repli. L’action de ces contempteurs ou zélateurs farouches semble recéler les mêmes ambiguïtés : leur caractéristique commune est de détenir, par l’affichage d’une dimension spéculaire un pouvoir puissant de mise en jeu de l’identité de l’athlète, de responsabilisation, de jugement : soit de pouvoir induire dans le très court terme le désenchantement, la perte d’illusion et d’amour, ou tout au contraire l’illusion et la complaisance narcissique. Antonelli (1968) avait décrit lors des premiers travaux en psychologie du sport un syndrome du champion fait de suffisance, mégalomanie, hypertrophie du Moi< développé par l’athlète en réaction à de rapides et spectaculaires promotions sur la place publique. De telles inductions sont puissantes dans leurs effets et réversibles. Elles épousent souvent des rythmes accélérés dont la temporalité n’est pas celle de l’élaboration psychologique ; elles connaissent des inversions spectaculaires de sens. 2LFEP 2010-2011 Pour ces raisons, elles s’avèrent déstabilisantes puisque l’athlète ne peut gérer selon ses propres capacités d’adaptation les affects suscités. Certes l’entraîneur averti joue le rôle de pare excitation et tempère ces effets, catalyse l’élaboration. Il n’en reste pas moins que le sportif peut osciller de la grandiosité à la rage narcissique selon que ces gratifications lui sont octroyées ou retirées, selon toutes les modalités de la relation soi objet, en fonction de son degré de vulnérabilité narcissique et de sa tolérance aux influences extérieures. Lorsque le soutien populaire et l’explosion du public soutiennent l’effort de l’athlète, celui-ci peut nourrir l’illusion de la toute-puissance. La symbiose vécue avec les adorateurs ouvre un espace indéfini où s’engouffre le fantasme de grandeur. Elle alimente un vécu de coïncidence à soi-même, de totalité, voire un certain « sentiment océanique ». Mais la compétition fragilise par l’actualisation des imitations fonctionnelles, elle étalonne sans pitié les valeurs et l’athlète adulé devient la proie des critiques et dénonciations sur la place publique. Celui-ci orienterait et maintiendrait l’énergie libidinale du sportif vers une représentation idéalisée de soi, vers la recherche insatiable de toute puissance, vers le dépassement permanent, vers le franchissement des limites (Labridy, 1993). [100] Par son identité, sa conformité, son antériorité dans la même quête, l’entraîneur apparaîtrait à l’athlète comme son miroir, il cristallise la projection de son Moi Idéal narcissique. Quand à l’institution sportive, elle crée et maintient la possibilité d’une satisfaction hallucinatoire du désir narcissique. Elle accrédite en l’occurrence d’une représentation héroïque de soi et cautionne sans cesse l’illusion de la toute puissance, le vertige du solipsisme. Dans l’actuel contexte social, le sport tend en effet à perdre sa signification première au profit du sport instrument de pouvoir ou de séduction. Les entraîneurs sont trop souvent conduits à utiliser la volonté de puissance des joueurs ou le désir de plaire comme procédés pédagogiques. Ce système de formation rend finalement ces derniers trop sensibles aux réactions du public et de la presse. ? Cette explication est confirmée par les faits. Comment expliquer l’inhibition de 19 J’aime la Psychosociologie certaines équipes face à leur public si on rejette sur le plan de l’analyse l’importance considérable de l’attitude des spectateurs et de la presse ? Comment expliquer la raison qui incite certaines équipes à préférer jouer à l’extérieur sur leur propre public leur est favorable ? En définitive, l’émancipation des joueurs suppose une longue maturation de leur affectivité. Si l’action se nourrit d’émotions celles-ci doivent être maîtrisées. Le sport collectif ne doit pas être un combat de gladiateurs où le vaincu est à la merci du public qui exige du vainqueur le respect de sa propre logique « vaincre ou mourir ». Si le sport spectacle présente des vertus quand il répond aux exigences de l’esthétique, lorsqu’il devient le jouet de l’économie, ses vertus disparaissent au profit d’intérêts trop particuliers : il s’enferme alors dans le cercle infernal de la surenchère mercantile ; il dépouille l’homme de sa propre liberté ; il rend esclave de l’argent. Si nous réfléchissants à la signification humaine et sociale du sport collectif, celle-ci lui restitue sa dimension culturelle car elle en fait un instrument de formation de la personnalité. A l’inverse, il ne viendrait jamais à l’esprit de prétendre que le sport spectacle est un instrument de formation, sauf si nous acceptons le principe de l’exploitation de l’homme pour l’homme. [50] Finalement quand on parle de sport collectif, d’équipe, de jeu collectif, il est nécessaire de faire référence aux théories de groupe qui ont déjà subi l’épreuve de la validation et de l’expérimentation. Certes, il est toujours possible de dire que le sport collectif est plus, et peut être autre chose qu’une équipe est plus et autre chose qu’un simple groupe de tâche. Toutes les explications qui sont données du fondement des liens affectifs, de la signification existentielle du sport collectif, de la diversité des finalités qui conduisent l’organisation et le fonctionnement de l’équipe et des groupes restreints sont multiples et la connaissance de l’étude psychanalytique du groupe est un moyen essentiel pour la lecture des interactions et du phénomène de groupe. 2LFEP 2010-2011 20 J’aime la Psychosociologie « La fonction première du leadership est de produire plus de leaders, pas plus d’adeptes » RALPH Nader LEADER ET LEADERSHIP 1-Le leader : Le mot et le concept viennent de l’anglais leader. Le mot est apparu au XIIIème siècle en Angleterre. Le mot est beaucoup plus ancien, il vient du verbe anglais « to lead », qui signifie mener. En effet le terme « leader » désigne « toute personne qui a une influence marquante sur les membres de son équipe, qui contribue à la cohésion de l’équipe, à la satisfaction des besoins de ses membres et à la réalisation des objectifs collectifs ». Le concept de leader désigne un individu qui, par un processus d’influence sociale (le leadership), amène le groupe auquel il appartient à atteindre des objectifs collectifs (Doron et Paroy, 1991). Le leader dispose d’un pouvoir d’influence sur les membres et sur le collectif considéré dans sa totalité ; le leader influe sur l’organisation, par la détermination des objectifs et des moyens à mettre en œuvre pour les atteindre, sur l’activité et la performance du groupe (Oberlé, 1995). Le leader conduit les membres à innover, suscite leur motivation pour les projets collectifs, s’intéresse à leurs aspirations et à leurs sentiments. Les caractéristiques d’innovation et de motivation distinguent le leader du manager. Ce dernier est présenté dans la littérature comme un gestionnaire de groupe, qui obtient la participation des membres aux projets collectifs par son autorité (Johnson et Johnson, 1994). Toutefois, la distinction entre leader et manager ne paraît pas aussi claire que ne le laissent entendre Johnson et Johnson (1994). Les 2LFEP 2010-2011 rôles attribués au leader englobent souvent des rôles de manager. Ainsi, Chambon (1998) évoque deux objectifs généraux essentiels pour un leader : la gestion des moyens humains et matériels pour atteindre des résultats déterminés ; la transformation de ces moyens et de leur organisation pour atteindre des objectifs nouveaux à redéfinir. Un leader - manager ou un leader transformatif selon l’objectif général poursuivi par le leader. A la suite des travaux de J. L. Moreno, les psychosociologues l’appellent souvent le « leader sociométrique », car, au sein d’un groupe, il laisse place pour un autre leader, plus en rapport avec le but à atteindre ; il est rarement celui qui pèse d’un poids décisif dans l’évolution fonctionnelle d’un groupe. [46] Aussi n’est-il pas surprenant que l’on ait pu décompter jusqu’à 130 définitions du leadership dans la littérature spécialisée antérieure à 1949 (Bentz, cité par Bass, 1960) comme le remarque R. Pagès (1954) on assiste à « l’éclatement du concept vulgaire du leadership dès qu’on lui applique des critères définis ». 2-Le leadership : Le leadership désigne l’influence qu’un membre d’un groupe exerce sur les autres. Autrement dit, le leadership est le rôle du leader, comportement de leader, position sociométrique de leader dans un groupe. Le leadership est un comportement d’influence, accepté sans contrainte, ni menaces par les membres du groupe, comportement qui oriente le groupe vers des buts communs et assure le maintien du groupe. 21 J’aime la Psychosociologie Le leadership émerge d’actions ou d’actes qui aident le groupe à se mouvoir vers ses buts ou aident les membres du groupe à travailler ensemble en collaboration. Le leadership doit être vécu comme une séquence plus ou moins longue d’actions qui satisfont aux besoins d’un groupe particulier à un moment précis. Pour Barker et al. (1987) : « le leadership est un acte d’influence, volontairement accepté par les membres du groupe, qui oriente un groupe vers ses buts reconnus et qui maintient le groupe comme groupe ». [19] Il est à rappeler deux points importants dans la différenciation et l’observation du processus de leadership dans un groupe restreint : le leadership psychologique ne peut être identifié qu’en considérant le champ total du groupe dans sa relation avec le milieu. C’est l’effet réel d’actions sur l’ensemble du groupe dans l’atteinte de ses objectifs qui permet de différencier et d’identifier le leadership. N’est ce pas le groupe qui donne le leadership à une personne en l’écoutant et en adhérant à l’idée ou au geste actuel posé à ce moment précis ? Le groupe fonctionne, adhère à l’acte posé répondant à ses besoins de collaboration et de réalisation de tâche. Le leadership est un problème de communication d’influence. De ce fait, comprendre la communication, c’est une partie comprendre le leadership. Selon le principe de la communication, avant de communiquer de l’influence aux membres du groupe ; il faut d’abord être à l’écoute de ce groupe, être influencé par l’état actuel pour ensuite communiquer par des paroles ou des actes qui provoquent l’adhésion des membres. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’un groupe formel dont le chef est imposé, ils lui préfèrent généralement le terme headship. Dans les groupes organisés au sein d’une institution, le chef tenant le pouvoir est le « headship » de cette institution, pour le compte de laquelle il exerce : celle ci lui confère le droit de commander et les moyens de se faire obéir. Il résulte de cette situation l’existence d’un certain nombre d’attentes de comportements, non seulement du chef vis-à-vis des subordonnés, mais réciproquement de la part des subordonnés vis-àvis du chef. Mais il arrive que le chef institutionnel, le « responsable » vis-à-vis des échelons supérieurs, n’accomplisse, en fait, qu’un très petit nombre 2LFEP 2010-2011 d’actions de leadership, et que se manifestent des « leaders occultes », dont l’importance pratique est loin d’être négligeable. Le leadership des membres de l’équipe est particulièrement important à trois moments précis du travail. A ces trois moments, un type particulier de leadership aura plus d’impact et pourrait faciliter la réalisation du travail de l’équipe. [216] 2-1-Le leadership fonctionnel : A l’étape du choix des procédures et de l’organisation du travail, la personne qui arrive à influencer l’équipe pour établir un mode de fonctionnement efficace est celle qui joue normalement un leadership fonctionnel. 2-2-Le leadership d’expertise : Il est lié à l’influence qu’exerce une personne, au moyen de ses connaissances, ses habiletés, ses compétences pour faire progresser le groupe lors de la définition des objectifs, des taches, des orientations et lors du choix des moyens à déployer pour réaliser le travail. 2-3-Le leadership socio affectif : Il est joué par la personne qui, par son esprit ouvert et chaleureux, arrive à établir un climat amical entre les membres de l’équipe principalement lors des premières rencontres du groupe de travail. 3-La fonction de leadership : Drevillon J. ajoute que le meneur de groupe doit exercer trois fonctions principales. Nous nous contenterons de les évoquer. [66] Fonction de production : l’animateur doit faire circuler et recueillir l’information, proposé en temps opportun des conclusions (jamais dès le début, sous le prétexte de se réassurer en obtenant le consensus. Il doit faire agir le groupe. Fonction de facilitation : il doit résoudre des difficultés d’ordre logique. Il faut définir le sujet, le but, la méthode, le plan ; il faut dénoncer les déviations, les manques d’information. Il doit encore, ce qui est capital, proposer l’élaboration de conclusions intermédiaires acceptables sinon acceptées par tous. Il est aberrant d’attendre la fin d’une réunion pour tirer des conclusions. Il est nécessaire au contraire de marquer les étapes du 22 J’aime la Psychosociologie débat par des synthèses partielles transcrites sur un tableau. Le chef a encore une fonction de régulation : c’est à dire qu’il doit être capable de résoudre les problèmes affectifs posés par les relations du groupe avec la question et surtout par les relations interpersonnelles. On conçoit que cette mission soit des plus délicates. Il faut signaler que dans les groupes de gens « formés », c’est le groupe qui se charge en grande partie de cette régulation. 4-Les théories du leadership : Dans le contexte anglo-américain ; l’essence du Leadership repose sur un amalgame harmonieux de savoirs, de savoir-faire et de savoir être qui ne sont pas décernés avec l’attribution d’un pouvoir ou d’une autorité institués. I. Pelletier résume les théories du leadership en cinq approches essentielles. 4-1-L’approche basée sur la personnalité : Certains aspects semblent fondamentaux pour réussir un bon Leadership : l’intelligence, l’initiative et l’assurance personnelle. Encore faut-il que ces traits de personnalités s’accordent avec les cibles de l’influence. 4-2-L’approche basée sur les comportements : Le leadership intégrateur, qui concilie à la fois les objectifs de la tâche et les relations qu’elle suppose, en représente le type idéal. 4-3-L’approche des contingences : Rey J. P. présente des styles de leadership plus ou moins appropriés selon les situations. Outre la gestion de la tâche et des rôles qu’elle suppose, la maturité psychologique et professionnelle des subordonnés (être capable de se fixer des objectifs réalistes, être plus ou moins engagé dans la tâche<) est une dimension importante dans la réussite du leadership. 4-4-L’approche transactionnelle : La capacité d’un dirigeant à exercer un leadership sur ses subordonnés ou ses collaborateurs dépend, en partie, de sa capacité à accepter leur influence. 2LFEP 2010-2011 A certains moments de leur vie, les individus ont besoin de se référer à un « grand rassembleur » qui pourrait les aider à accomplir des projets qu’ils sont incapables de mener seuls. Ce « grand rassembleur » doit savoir interpeller, créer les conditions émotionnelles et détecter ce qui est important chez les autres. Il doit savoir déléguer en restant attentif à tous, sans exception, et proposer des idées nouvelles, inviter les autres à remettre en cause leurs méthodes de travail et leur façon d’aborder les problèmes. « Le besoin de chef apparaît dés qu’il y a conscience d’une action commune » écrit R. Hugonnier. Il symbolise l’existence du groupe. Il permet au groupe d’exister. Son rôle n’est pas discuté. Il représente le groupe à l’intérieur et à l’extérieur ; il est le gardien des objectifs, assure la convergence des efforts, assume les risques, lève les obstacles, organise, fait régner l’ordre et les règles qui assurent la vie du groupe, tranche les différends qui peuvent surgir< il est évident qu’il ne détient l’autorité que par la confiance que lui font les autres. De même ils n’adhèrent, ne participent, n’agissent, que par cette confiance < Dans les années 1950, avec R. B. Cattel, s’est précisée la notion d’un schéma d’équilibre entre la personnalité du chef et les caractéristiques du groupe pris dans son ensemble. Ces caractéristiques de climat du groupe, qui englobent des traits en relation avec la tâche et des traits d’affectivité, sont ce que R. B. Cattel nomme la syntalité du groupe. [196] 5-Les recherches en termes de syntalité de groupe : En fait il semble difficile de négliger tout à fait la variable de la personnalité du leader, même si la variable de structure du groupe est importante. Le problème se posait dans les termes suivants : quelles sont les qualités requises du leader dans telle ou telle structure de groupe ? Rien ne dit en effet qu’un leader jouera son rôle à la perfection sur ce rôle est trop éloigné de ses caractéristiques personnelles. 4-5-L’approche transformationnelle : 23 J’aime la Psychosociologie Comme il dit l’Américain Irving Knickerbocker : « En réalité, le chef existe en fonction des besoins d’un groupe de gens et de la nature de la situation au sein de laquelle ce groupe s’efforce d’agir ». Ce n’est pas là un démenti à la théorie du champ, mais c’est reconnaître au champ une certaine polarité. R. B. Cattel, au terme de longues recherches menées à l’aide de l’analyse factorielle, déterminera quatre sortes de groupes, présentant quatre types de Syntalité : 5-1-Le groupe de résolution de problèmes : Par exemple un groupe d’ingénieurs occupés au forage d’un puits. Le leader aura une influence due à sa compétence, mais limitée à l’exécution de la tâche. Il faut donc une note intellectuelle générale élevée, une bonne créativité, une certaine indépendance de caractère pour affirmer éventuellement une solution originale. 5-2-Le groupe engagé dans une activité longue et de technicité floue : Activité plus ou moins hasardeuses du fait même de sa durée ; par exemple une nation en guerre. Il faut à son chef audace, absence d’anxiété, certitude. 5-3-Le groupe réuni en activités de détente et de loisir : Ou pour toute action ne nécessitant aucune structuration : il faut un leader sociométrique, dominant puisque les membres attendent de lui qu’il donne le ton, amis agréable. 5-4-Le groupe réuni pour déléguer des représentants : Ces représentants auront à faire face à des tâches variées, mais qui toutes représentent un aspect de mobilisation, un aspect défensif, sinon offensif : les représentants sont en général les défenseurs de certains intérêts. Il faut aux leaders force de caractère et esprit pratique : par exemple les leaders syndicaux. 2LFEP 2010-2011 6-Aptitude et attitudes fondamentales : Les travaux de C.Argyris, de B.M. Bass, de L. Festinger, de T. Gordon et de M. Rokeach nous permettent de dégager et d’articuler, au moins provisoirement, l’anatomie du « leadership » fonctionnel en petits groupes de travail. Ces divers auteurs le définissent en termes d’aptitudes ou d’attitudes fondamentales dans l’exercice de l’autorité. A partir de là, il devient possible de tracer le profil psychologique du « leader idéal ». Les traits essentiels de sa personnalité seraient les suivants : 6-1-Absence de dogmatisme : Le « leader » d’un groupe de travail doit posséder d’abord des qualités de flexibilités mentale et émotive à l’égard tant de la tache à exécuter, des structures de son groupe que des privilèges et prérogatives de sa fonction. Rokeach, a pu démontrer que psychologiquement il y a équivalence entre dogmatisme d’une part et étroitesse d’esprit, rigidité émotive, autoritarisme, conformisme mental, stéréotypie de rendement d’autre part. Par contre le même auteur a pu établir par ses travaux que l’absence de dogmatisme est en corrélation significative avec la flexibilité intellectuelle, l’ouverture à autrui, l’accord au réel, la disponibilité à l’événement et surtout la créativité. L’absence de dogmatisme permet au « leader » d’assumer ses rôles avec un sens constant du relatif de ses propres opinions, une conscience aiguë du caractère provisoire de ses propres décisions, du degré de subjectivisme de ses perceptions de soi et d’autrui. Aussi demeure-t-il ouvert à des consultations, réceptif aux suggestions d’où qu’elles viennent, confiant dans les ressources du groupe, pour liquider ses propres conflits et pour accéder à des niveaux et à des rythmes plus fonctionnels de créativité. C’est aussi pourquoi il se refuse à tout absolutisme dans ses propos, à toute prétention à l’infaillibilité et à l’irrévocabilité dans ses décisions. 6-2-Compétence interpersonnelle : En petit groupe de travail, l’intégration des membres ne saurait s’amorcer, encore moins s’achever, si les membres n’éprouvent pas les uns pour les autres de l’estime et du respect. Ils ne 24 J’aime la Psychosociologie s’impliqueront dans l’exécution de la tâche et ne se sentiront solidaires de sa réussite que lorsqu’ils auront pu vérifier et s’assurer de la compétence de chacun. Il s’agit alors de la compétence que chaque membre doit posséder dans la sphère spécifique de tâche qu’ils ont à accomplir ensemble. Mais non moins essentielle à l’intégration et à la créativité d’un groupe de travail est la compétence du « leader » à devenir un catalyseur et un coordonnateur pour son groupe. Pour assumer ces deux rôles-clés, le « leader » doit posséder une compétence fondamentale ou générique, qu’Argyris [12], après Lewin, appelle la compétence interpersonnelle. Elle lui est tellement essentielle que dans la plupart des cas elle lui suffirait, à elle seule, pour le rendre parfaitement fonctionnel dans l’exercice de son autorité. La compétence interpersonnelle est constituée d’un ensemble d’aptitudes et d’attitudes acquises, organiquement liées entre elles. L’absence de dogmatisme lui est présupposée, génétiquement parlant. Essentiellement elle consiste à rendre le « leader » capable d’établir avec autrui des rapports interpersonnels authentiques. Etant capable d’authenticité avec autrui et aussi avec soi, il crée alors par sa seule présence aux autres, des climats de groupe à l’intérieur desquels des relations de travail puissent évoluer : de formelles, artificielles et stéréotypées qu’elles pouvaient être au début, elles tendent alors a devenir fonctionnelles, spontanées et créatrices. Pour faire preuve, dans l’exercice de son autorité, de compétence interpersonnelle, le « leader » doit donc avoir fait l’apprentissage de l’authenticité. Il doit ainsi avoir appris à s’affranchir de ses peurs de soi et d’autrui, à s’objectiver à l’égard de soi et d’autrui au point de pouvoir s’accepter et accepter les autres inconditionnellement. Car le plus souvent ce qui rend le « leader » incapable d’être présent positivement à chacun des membres du groupe ce sont ses attitudes défensives à l’égard d’autrui. Autrui est perçu comme une menace soit à l’intégrité de son être, soit à la sécurité de son devenir au mirage. [164] 7-Les diverses formes d’autorité et d’influence du leader : Devant cette multiplicité de définitions certains auteurs tels que Morris et Seeman (1950) Gibb 2LFEP 2010-2011 (1945), Bass (1960) ont essayé de les classer. Il se dégage de leurs classifications un certain nombre de catégories sur lesquelles on s’accorde généralement. [74] 7-1-Le chef institutionnel : Le chef institutionnel est celui qui est imposé au groupe, le plus souvent par des structures sociales préétablies, pour occuper des fonctions de direction. C’est, par exemple, le doyen de faculté, le général d’armée, le directeur d’usine ou le capitaine d’équipe sportive. Bon nombre de travaux sur le leadership menés sur des groupes formels accordent un intérêt tout particulier au chef institutionnel en tant que leader. Ainsi, afin de guider des études sur le leadership menées dans la Marine Américaine, Shartle et Stogdill (1952) ont proposé, dans un but de simplification, de considérer comme leader celui qui occupe des fonctions de direction, le leadership n’étant qu’un aspect de l’organisation. D’autres se sont livrés à l’analyse de la biographie de grands hommes (Cox, 1926), ou à l’étude du comportement de différents chefs institutionnels (Stogdill, Cocon, 1957), avec l’espoir de pouvoir en dégager un certain nombre de caractéristiques communes. Ceux qui se placent dans cette perspective pensent que l’influence de la personne qui détient le pouvoir est prépondérante dans l’étude des phénomènes de leadership et que la manière dont elle est exercée est importante à analyser pour en comprendre les mécanismes. Bass (1960) remarque que cette définition du leader est associée au concept de statut et qu’elle n’implique pas forcément la reconnaissance de la valeur du chef par les membres du groupe. 7-2-La personne centrale : C’est Redl (1942) qui, s’inspirant du travail de Freud (1922) et considérant le leadership comme une relation interpersonnelle, a introduit le concept de personne centrale pour désigner la personne du groupe sur laquelle est centrée l’attention, c'est-àdire qui représente le centre d’intérêt du comportement des membres du groupe. Freud appelait leader une telle personne mais Redl pense qu’il est préférable de réserver cette appellation à 25 J’aime la Psychosociologie un seul des dix types de personnes centrales qu’il décrit. Il s’agit pour lui de la personne à laquelle les membres du groupe veulent ressembler, s’identifier, Bass (1960) propose d’associer à cette définition le concept d’esteem qui, pouvant être traduit soit par estime, soit par considération, implique aussi bien la reconnaissance de la valeur que celle du pouvoir. Les autres types de personne central décrits par Redl sont le patriarche souverain, le tyran, l’objet d’amour, l’objet d’attaques agressives, l’organisateur, le séducteur, le héros, la « mauvaise influence » et le « bon exemple ». 7-3-La personne préférée : Le développement des techniques sociométriques imaginées par Moreno (1934) et leur utilisation pour l’étude du leadership (Jenning, 1934) [93] ont conduit certains chercheurs à mettre l’accent sur la personne préférée, le leader sociométrique. Il s’agit, non plus forcément de la personne à laquelle on souhaite ressembler, mais de celle avec laquelle on désire s’associer pour entreprendre tel ou tel type d’activité en commun. Selon le critère sociométrique d’association proposé il entre généralement une certaine part d’affectivité dans le choix effectués, de sorte que la personne préférée n’est pas forcément celle qui a le plus de valeur ou le plus d’autorité pour mener à bien la tâche commune, mais celle qui plaît le plus. Cependant, bien que le leader sociométrique ne soit pas forcément un meneur, un certain nombre d’études font état d’une corrélation significative entre les individus les plus choisis et ceux qui sont reconnus comme leaders par des observateurs entraînés (Gibb, 1950, Bales, 1953). 2LFEP 2010-2011 7-4-La personne qui s’engage dans des actes de commandement : L’intérêt est porté cette fois, non plus sur ce qu’est la personne détenant l’autorité, mais sur ce qu’elle fait pour faciliter au groupe l’atteinte du but fixé. Carter (1952) et Hemphill (1952), pour lesquels conduire un groupe consiste à s’engager dans une action visant à engendrer une structure d’interaction nécessaire à la résolution d’un problème commun, identifient les leaders d’après la fréquence relative de leurs actes de leadership. L’imprécision, la variété et le manque d’homogénéité de tels actes font que leur décompte est difficile et très discutable. Ces actes peuvent d’ailleurs ne pas avoir la même importance selon les situations. Ainsi Stogdill (1952) a démontré que dans des positions de leadership différentes les personnes s’engagent dans des comportements spécifiques différents. D’autre part le leader ainsi défini n’est pas forcément celui dont l’influence est prépondérante dans le groupe puisqu’on ne tient pas compte de l’efficacité de ces actes. Alors que pour Hemphill les actes de leadership sont limités à ceux concernant la modification de la structure d’interaction, pour Bass le champ en est plus large et comprend tous les actes qui contribuent à faire progresser le groupe vers son but. 7-5-La personne la plus influente : La plupart des définitions précédentes font appel de façon implicite à la notion d’influence exercée, ou tout au moins tentée, mais celle-ci n’y est pas particulièrement valorisée. Certains chercheurs ont, par contre, accordé un intérêt particulier à l’exercice de l’influence, que celle-ci soit considérée en fonction de son action sur les individus, sur l’organisation ou sur la syntalité. 7-5-1-Influence sur les individus : L’idée de comportement influent apparaît déjà chez Binet (1900) pour qui le leader est un individu qui exerce volontairement ou non de l’influence sur les autres. Seeman et Morris (1950) définissent les actes de leadership comme des actes accomplis par des « personnes qui influencent d’autres personnes dans une direction commune » et la position de leader en 26 J’aime termes de d’influence. la Psychosociologie « statut relatif dans une hiérarchie 7-5-2-Influence sur l’organisation : Stogdill (1950) définit le leader comme un individu qui se différencie des autres membres d’une organisation en raison de l’influence qu’il exerce sur la détermination du but et sur les activités destinées à l’atteindre. 7-5-3-Influence de la syntalité : Assez voisine de celle de Stogdill est la position de Cattell (1951) pour qui le leadership est également une variable distribuée. Chaque individu dans un groupe peut exercer une certaine influence sur la syntalité, c'est-à-dire sur l’activité globale du groupe et notamment sur la performance. Le leader est alors défini comme « une personne ayant une influence démontré sur la syntalité du groupe » et le leadership, par « l’amplitude du changement de syntalité (par rapport à la moyenne) produit par cette personne ». C’est également la position que nous avons adoptée dans nos travaux (Lambert, 1957) en distinguant toutefois l’influence directe, dépendant de la valeur de la participation de chacun à l’exécution de la tâche, et l’influence indirecte, dépendant de l’action exercée sur les autres membres du groupe en vue de maintenir leur participation à un certain niveau et d’en assurer la coordination (Lambert 1960, 1967). [102] Ces diverses définitions reflètent assez bien l’évolution des travaux sur le leadership. Au début, les chercheurs se placent dans une perspective essentiellement psychologique, ont recherché certaines caractéristiques physiques, intellectuelles ou caractérielles propres aux chefs institutionnels en vue d’établir une typologie de leader. L’échec de la plupart de ces recherches (Stogdill, 1948) les ont conduits à adopter un mode d’approche psychosociologique où le leadership apparaît, au niveau de l’individu, non plus comme un ensemble de traits personnels mais comme un ensemble d’attributs du rôle que joue l’individu dans le groupe, et, au niveau du groupe, comme un processus d’interaction. Le leadership est alors une condition et une qualité de la structuration du groupe. Enfin, progressivement, l’idée que le leadership devrait être traité comme une variable distribuée 2LFEP 2010-2011 s’est implantée et l’on parle actuellement plus volontiers de structure d’influence ou d’influence sociale que de leadership dont l’emploi rappelle trop la dichotomie classique meneur - suiveur. 8-Les fonctions du leader : Krech et Crutchfield (1948) ont établi une liste de 14 fonctions pouvant être remplies par le leader : exécuteur, planificateur, responsable de la discipline, expert, représentant du groupe à l’extérieur, contrôleur des relations internes, pourvoyeur de récompenses et de punitions, arbitre, exemple, symbole du groupe, substitut de la responsabilité individuelle, idéologue, image du père et bouc émissaire. Suttel (1955) propose les cinq catégories de comportements suivantes qui semblent correspondre assez bien à cette fonction bien qu’elles ne doivent pas être entièrement indépendantes : 1- Instruit : - décrit la tâche et le but ; - précise les tâches de chacun et la façon dont elles s’articulent ; indique que le but commun dépend de la performance de chacun. 2- Supervise : contrôle la performance de chaque membre ; rectifie les erreurs ; conduit les discussions concernant l’efficacité de la performance. 3- Informe : indique l’utilité de l’information ; indique pourquoi elle est présentée par le leader ; ajoute des explications quand un membre en informe un autre ; indique pourquoi le leader demande de l’information 4- ordonne : donne les raisons de ses ordres ; délègue ou retire l’autorité. [74] La compétence pour la tâche : il n’est pas évident, à priori, que l’aptitude spécifique pour la tâche entreprise par le groupe soit un déterminant du leadership. Si dans les équipes sportive ou dans certains groupes de travailleurs c’est généralement 27 J’aime la Psychosociologie un individu particulièrement qualifié qui s’impose, dans d’autres groupes chargés d’une tache plus complexe, avec des responsabilités plus étendues, la direction est confiée, plus volontiers à de bon coordinateurs sachant s’entourer de personnes compétentes plutôt qu’à des techniciens suspectés, à tort ou à raison, de sectarisme. Cela pourrait expliquer l’échec de certaines recherches comme celle de Carter et Nixon (1949) qui ont examiné des groupes se livrant à des tâches diverses et pour lesquels ils ne peuvent conclure à une relation entre le résultat à des tests d’aptitudes et l’influence mesurée d’après quatre critères très différents. 9-Deux leaders complémentaires : Des groupes ont tendances à avoir deux leaders complémentaires : - un spécialiste de la tâche ; - et un spécialiste des problèmes socio affectifs. Il est apparu fréquemment que le leader efficace au niveau de la tâche n’était pas forcément celui qui avait le plus de relations amicales avec les autres membres du groupe. Et à l’inverse, le leader le plus aimé par le groupe n’était pas forcément le plus efficace pour accomplir la tâche que s’était assigné le groupe. Quelle que soit l’orientation théorique privilégiée, les études sur le leadership attirent l’attention sur l’aspect dynamique de ce processus ; l’entraîneur ne peut pas se figer sur un style de leadership ou un style décisionnel. Au contraire l’entraîneur ou le leader doit disposer d’une gamme de styles de leadership ou décisionnels, pour s’adapter aux besoins des individus, à la dynamique du groupe, à la tâche et à l’environnement physique et social. 2LFEP 2010-2011 Dans la conception actuelle, si l’on doit porter un jugement de valeur sur ce que doit être un chef, il faut surtout tenir compte de l’attente des membres. On conçoit donc qu’un style de leadership repose sur un mécanisme d’adaptation entre ce que les gens attendent et ce que le chef peut donner ou veut donner. Les « dix commandements » du bon chef n’existent pas. Les recherches de Hollingworth et Stogdill sur l’intelligence du leader, montrent que le meneur est légèrement plus intelligent que les membres de son groupe. Par contre, s’il est trop intelligent, il n’est pas compris et n’est pas meneur. 30 On aboutit à l’idée que l’efficacité d’un style est peut-être en fonction de la situation particulière que vit le groupe. Cette idée se trouve à la base des théories interactionnistes. 28 Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP Physique du KEF L’APPROCHE SOCIOMETRIQUE 1-La sociométrie : Le mot sociométrie (de socius, compagnon et de memtrum, mesure) désigne « tout ce qui se mesure en sociologie ». Moreno présentait la sociométrie comme « la sociologie ». Elle est devenue une technique d’investigation parmi d’autres, en désignant une méthode d’analyse des groupes. En fait, le concept le plus général est celui de socionomie, mais Moreno lui-même préfère employer celui de sociométrie, car il est plus répandu dans tout le domaine scientifique. La socionomie ou sociométrie (au sen large) se divise en trois branches ; la sociodynamique, science de la structure des groupes sociaux, la sociométrie (au sens strict), science de la mesure des relations entre les hommes, la sociatrie, science de la thérapie des systèmes sociaux. Chacune de ces branches englobe un certain nombre de méthodes. La sociodynamique utilise le jeu de rôle. La sociométrie (au sens strict) emploie le test sociométrique. La sociatrie utilise le psychodrame et le sociodrame. En étant à la fois une méthode d’observation et une thérapeutique psychosociale, la sociométrie à trois points de référence : « socius », le compagnon, « metrum », la mesure, le drame «l’action ». Pour parvenir à ces deux fins, théorique et pratique, différentes techniques nous sont proposées : le test sociométrique, le psychodrame le sociodrame et le jeu de rôle. On pourrait dire, fort approximativement, que le test sociométrique et le jeu de rôle sont avant tout les instruments de la recherche alors que le psychodrame et le sociodrame sont plus les outils de la thérapie. Pour J. L. Moreno : « la sociométrie a pour objet l’étude mathématique des propriétés psychologiques des populations ; à cet effet elle met en œuvre une technique expérimentale fondée sur les méthodes quantitatives et elle expose les résultats obtenus par l’application de ces méthodes. Elle poursuit ainsi une Institut Supérieur du Sport et de l’Education enquête méthodique sur l’évolution et l’organisation des groupes et sur la position des individus dans les groupes. L’une de ses préoccupations principales est de mesurer l’intensité et l’expansion des courants psychologiques qui s’infiltrent au sein des populations ». Au sens large, la sociométrie mesure les relations interpersonnelles dans un groupe. Au sens étroit, elle mesure des relations préférentielles exprimées dans une situation de choix. En effet, il est déjà notable que le test sociométrique vise à faire le point des affinités ou des liaisons imaginées ou projetées. Nous ne sommes pas au plan du réel, des actions, mais bien au niveau du fictif, de l’imagerie et du souhaité. Ceci n’ôte rien à sa valeur, car les déclarations sont des conduites qui méritent attention. Mais il ne faudrait pas demander à la sociométrie de nous renseigner sur les groupes en action. Il s’agit bien d’une représentation où les chargent affectives jouent à plein ; il ne faudrait donc pas renforcer cet effet en mélangeant les plans au moment de l’enquête. Enfin et surtout, si l’on se réfère aux conceptions de Moreno, nous disposons d’un instrument de travail nous facilitant, non pas l’étude globale des formes et des fonctions de groupes en tant que tels, mais l’inventaire des affinités, des relations que les individus (les moi) entretiennent entre eux, et une représentation des constellations d’affinités. En fait, on met l’accent sur la communication entre moi et autrui, on dégage un processus intermental (G. Gurvitch). Que la connaissance de cette structure de relations interindividuelles (affectives ou fonctionnelles) nous permette de saisir le « nous » « in statu nascendi » est heureux, mais n’est pas une conclusion obligée< A moins de décider comme Moreno que « les unités sociales sont avant tout des systèmes de préférences, d’attraction et de répulsion mutuelle ». Conscient des limites de sa méthode, Moreno admettait d’ailleurs qu’il soit possible de la compléter par des procédés parasociométriques consistant par exemple en l’observation de conduites réelles, en la notation de la fréquence 29 Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP des contacts ou des rapprochements affectifs (là où ils sont volontaires). D’autres procédés pourront être l’analyse de réseaux de communications, des structures adoptées par les groupes de travail, etc. mais il continuait de dire (comme ses disciples) que la sociométrie telle qu’il l’entendait permettait de saisir les sources spontanées du contact humain, de la relation sociale dont nous ne percevrions, sinon, que des manifestations stéréotypées et déformées. A ce titre, la sociométrie, « géographie interpsychologique » (J. Maisonneuve) est irremplaçable pour l’étude du moi en situation, de l’être au centre de son atome sociale. 2-Le questionnaire sociométrique : Le questionnaire sociométrique (Moreno, 1970) analyse la structure des relations affectives informelles dans un groupe restreint. Il indique la position sociale de chaque membre, les réseaux de relations vécues subjectivement par les membres, la structure socio-affective du groupe. Le questionnaire comprend généralement quatre types de questions. On demande aux membres d’un groupe : 1avec quels partenaires ils souhaiteraient s’associer pour vivre une situation particulière, réaliser une activité ? ; 2- avec quels partenaires ils ne souhaiteraient pas s’associer pour vivre cette situation particulière, réaliser cette activité ? ; 3- par qui croient-ils être choisis ? ; 4- par qui croient-ils être rejetés ? En fonction des hypothèses de recherche, l’observateur peut imposer, un nombre précis de réponses à chacune des situations, comme une organisation hiérarchique des réponses. Les réponses des individus sont reprises dans une Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF matrice sociométrique. A partir de celle-ci, plusieurs indices sont calculés selon que l’on retienne le nombre de choix, ou de rejets, reçus, émis ou attendus par un sujet. Ces indices sont bien présentés dans un ouvrage de Parlebas (1992) ; aussi nous nous contenterons de les mentionner. Le questionnaire sociométrique permet d’apprécier les degrés de popularités et d’impopularité d’un membre en groupe, son expansivité, son antipathie. Cet outil est également employé pour évaluer le statut sociométrique de chaque membre : leader, sujet rejeté, négligé, isolé ou solitaire. Sur le plan groupal on peut apprécier le degré de cohésion socio-affective du groupe, ainsi que la sensibilité relationnelle groupale et le réalisme perceptif groupal. Toutefois, les deux derniers indices sont calculés à partir de la somme des émissions des membres du groupe ; ils ne reflètent donc pas fidèlement la réalité du groupe. La fidélité du questionnaire sociométrique s’obtient par le calcul des corrélations entre les différents items qui mesurent un même critère. La validité de l’outil paraît problématique ; elle dépend de l’honnêteté des réponses des sujets. Aussi, un grand soin est apporté à la détermination des critères du questionnaire, à la perception de la situation par les individus, aux conditions de passation. De plus, Parlebas (1992) suggère de tester la validité de cet outil par une comparaison des réponses recueillis au test sociométrique à d’autres résultats à l’aide d’une autre technique. Le questionnaire sociométrique décrit à un moment précis la structure affective informelle d’un groupe, le statut sociométrique de ses membres. S’il permet de mieux connaître un groupe, il reste descriptif et n’explique pas les relations interpersonnelles mises à jour. Par contre, il peut aider à construire un groupe en fonction de critères déterminés (pour faire correspondre les structures informelles et formelle), ou de travailler avec un collectif sur ses relations interpersonnelles (pour « valoriser » les rejets), sa cohésion socio-affective. Utiliser à plusieurs reprises dans une saison, cet outil renseigne sur l’évolution de la dynamique du groupe, car les indices calculés peuvent être comparés. 30 Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF Indice de cohésion : 3-Le sociogramme : Avec les réponses aux questions, on pourra faire la carte sociométrique du groupe ou le sociogramme qui nous permet de repérer : - les « étoiles », personnages populaires du groupe, choisis en bonne place par beaucoup de participants ; - les « paires », les « trois », les « quadrettes », les « cliques », sous groupes dont les membres se choisissent entre eux ; - les « isolés », les « rejetés », considérés comme marginaux par rapport à la vie du groupe, à ses besoins et à ses objectifs. La disposition des liens de communications informelles constitue un réseau dont on sait qu’il est aussi la carte de canaux non officiels par où passent les informations parallèles et les rumeurs. = ∑choix N (N -1) [202] 6-Limites de la sociométrie et analyse relationnelle : Dans son plus récent ouvrage, J. Maisonneuve souligne les limites de ces méthodes d’investigation : - Elles « laissent entiers les problèmes d’interprétation ». - Elles « saisissent les repères, mais non les processus mêmes de l’interaction » ; - Elles ne tiennent pas compte des facteurs personnels et des facteurs sociaux qui déterminent tant la forme que le contenu des relations dyadiques. [11] 4-L’indice d’interaction dans le groupe : Cet indice indique l’intensité globale des échanges internes dans le groupe. Il manifeste à quel degré celui-ci est structuré et diffère d’une mass amorphe d’individus rassemblés par les circonstances. L’indice d’interaction dans le groupe est le rapport du total des choix et des rejets à la somme de ceux qui auraient été possibles entre N individus. Indice d’interaction = ∑ choix + rejets N (N -1) 5-L’indice de cohésion du groupe : Cet indice exprime l’intensité de l’esprit d’équipe. L’indice de cohésion du groupe est le rapport du total des choix positifs à la moitié de la somme des choix et rejets qui auraient été possibles entre N individus. 31 Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP L’autorité dans le groupe 1-Le modèle théorique de Norman et R. F. Maier : Norman et R. F. Maier ont eu l’idée qu’étant donné qu’il s’agit de représenter les possibilités de composition de trois variables, il est aisé de recourir à un graphique triangulaire. 1-1-Le principe : Rappelons la propriété du triangle équilatéral suivant laquelle la somme des distances de tout point intérieur aux trois côtés est égale à la hauteur ; il suffit que les échelles portées sur les hauteurs (ou les projections sur les côtés) soient exactement les mêmes. On a donc: MD + ME + MF = AH = I. Autocratie A D E M Laisser-faire Démocratie B F H Il est maintenant aisé de représenter la manière dont se composent, dans un grand groupe donné, les modalités de réaction de l’autorité suivant que celle-ci prend sa source dans l’individu, dans le chef ou dans le groupe luimême (considéré dans sa totalité). En fait elle tire sa force des trois à la fois ; dès lors, un point tel que M représente à un moment donné de la vie du groupe l’alliage original que constitue celui-ci par rapport aux sources de l’autorité. Ajoutons que nous plaçons en A le pôle « autocratique », en B, le pôle « laisser faire » et en C C le pôle « démocratique », les hauteurs esquissées du point M sur les côtés représenteront respectivement : - pour MF, la proportion d’autocratie présente dans le groupe ; - pour ME, la proportion de démocratie ; - pour MD, la proportion de laisser-faire. Mais Maier R. F. va plus loin, en définissant trois types intermédiaires de climat : - le « paternalisme », à distance du pôle autocratique et du pôle laisser-faire. - Le type « majoritaire » entre le pôle autocratique et le pôle démocratique ; - Le type « laisser-faire avec discussion », entre le pôle démocratique et le pôle laisser-faire. 1-2-Les nuances nécessaires : Une autre manière d’aborder la typologie du chef dans l’exercice de sa fonction a été proposée par J. A. C. Brown, cet auteur apporte ainsi des nuances, fondées sur sa propre expérience des groupes réels, à la typologie pris comme variable expérimentale par Lewin, Lippit et White. 32 Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP A « Paternaliste » « Majoritaire » L-F D « Laisser-faire avec discussion » On distingue trois types d’autocrate : l’autocrate strict, sévère, strict mais juste. Il ne délègue pas son autorité. Il se comporte comme un homme totalement dépourvu d’affectivité et de générosité, en toute circonstance. Généralement conservateur, il s’entoure de « vieux fidèles serveurs de la maison » à qui il sait octroyer de rares témoignages de satisfaction. L’autocrate bienveillant, « allégé d’une conscience non-conformiste ». se sentant responsable de ses collaborateurs il agit « pour leur bien », tout en attendant d’eux des manifestations de reconnaissance. Il veut qu’on l’aime tout en étant aussi centralisateur et conservateur que le précédent. L’autocrate incompétent, essentiellement « infantile » il n’a pour commander ni les moyens intellectuelles, ni l’équilibre affectif nécessaires. Animé d’une grande volonté de puissance, malgré son manque profond d’assurance, il est obséquieux avec ses supérieurs ; il humilie ses collaborateurs dont il jalouse les talents et qu’il dénigre systématiquement. Il est prêt à tout reniement, mensonge, ou compromission utiles à sa carrière. C’est un faible, qui dépense son sentiment d’infériorité par des comportements impulsifs, souvent contradictoires en raison de sa nature velléitaire. Nous pourrons ainsi isoler avec Brown deux types de démocrates : le démocrate authentique, qui se considère comme « chef d’orchestre » du groupe en train d’exécuter la partition. Il sait déléguer son autorité ; il est sensibilisé au climat du groupe dont il sent qu’il transcende les individus. Son objectif permanent est de chercher à créer réellement les conditions qui permettent la participation de ce groupe institutionnel à l’élaboration et à la mise en œuvre de décisions qui le concernent. On le rencontre rarement dans les organisations caractéristiques de notre actuelle civilisation « technicienne ». le pseudo démocrate peut souhaiter ressembler au précédent, mais il ne peut y parvenir en raison de son manque de maturité affective et de son attitude profonde par rapport à l’autorité, il est rompu à l’emploi des processus les plus efficaces qui permettent de donner temporairement à un groupe l’illusion d’une certaine autonomie : ce n’est au mieux qu’un habile manipulateur. Quant au type laisser-faire, il est représenté par le chef qui a pratiquement abdiqué au profit de son adjoint ou qui en rapporte aux conseils de son éminence grise, à moins qu’il ne laisse ses subordonnés totalement dépourvus de directives. Parfois, il se cantonne dans sa fonction de représentation du groupe : accueillant les visiteurs, présidant les banquets, ambassadeur du groupe dans les manifestations antérieures, son rôle est alors restreint à une conception périmée des relations publiques.[11] 1-3-La structure autocratique : Dans les équipes sportives, dans ce type de structure, les décisions, les choix des objectifs, la répartition des rôles et l’appréciation de la participation appartiennent à l’entraîneur, qui impose les projets et les programmes des actions. L’observation des comportements de joueurs intégrés dans telles équipes révèle trois modes principaux de réactions affectives : 1- l’hostilité : elle est apparente ou masquée, directe ou indirecte à l’égard de l’entraîneur ou de celui des joueurs choisi comme bouc émissaire. Ce dernier permet quelquefois la dilution des tensions. 2- L’apathie : elle est réelle ou simulée. Elle permet de fuir les inconvénients que représente la relation d’autorité. 3- La soumission : elle traduit le manque de maturité et un besoin de sécurité. 33 Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP Le comportement des joueurs peut être passif sans être apathique. Quelquefois il peut être actif et même enthousiaste chez les jeunes et chez les sujets frustes. L’autorité de l’entraîneur est alors tolérée sans réaction, sans inhibition. La structure autocratique crée donc une relation de conditionnement liant l’entraîneur et les joueurs. Celle-ci est parfois efficace mais elle exige d’être entretenue. L’équipe n’accède pas à l’autonomie et la présence de l’entraîneur lui est indispensable. Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF joueurs, en tenant compte de leurs capacités physiques, techniques et psychologiques. En effet, la diversité des tâches exige la distribution des rôles et la mise en place de modèles spécifiques d’action. Chaque coéquipier devient donc titulaire d’un statut qui officialise le sens et le niveau de sa participation à l’intérieur de l’équipe. Ce mode de fonctionnement convient aux immatures ou aux individus qui en retirent des profits matériels suffisamment importants pour accepter ce statut de quasi-objet. Il existe aussi des expériences de management faisant de l’agressivité le seul facteur d’efficacité. Un modèle du genre nous est fourni par un entraîneur Polonais de volley-ball des années 75, qui volontairement s’est voulu suffisamment tyrannique pour engendrer chez les joueurs une véritable haine. Cette haine ne pouvant s’exprimer sur sa personne se concentrait sur les adversaires. Ce déplacement de l’agressivité est compréhensible à travers la théorie Freudienne. [50] 1-4-La structure démocratique : Lorsque l’équipe fonctionne suivant une structure démocratique, la prise de décision, la détermination des objectifs, la répartition des rôles appartiennent à une commission représentative des éléments actifs de l’équipe et de la commission technique. A cette commission participent l’entraîneur et le représentant des joueurs. L’entraîneur peut y jouer le rôle de coordinateur, le rôle de catalyseur et le rôle d’émancipateur. Il est aussi le médiateur naturel entre les intérêts spécifiques du club et ceux, très particuliers, des joueurs qui recherchent dans l’action collective une réponse à leur besoin de progrès et d’amitié. Finalement, la structure démocratique permet aux équipiers de vivre leur autonomie dans l’interdépendance. Cependant, cette structure exige la condition préalable d’une certaine maturité intellectuelle et affective. L’imposer à des individus immatures ou à une équipe habituée à la structure autoritaire risque de provoquer un éclatement et une baisse de régime. On ne passe pas subitement de l’autoritarisme à la démocratie, mais plus sûrement de autoritarisme à l’anarchie. L’organisation démocrate exige l’apprentissage de la participation et de la permanence du dialogue qui permet la confrontation des opinions. Quelle que soit sa structure, l’équipe n’échappe pas à la nécessité de la division du travail et l’entraîneur a intérêt à spécialiser les 34 Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP 2-Les modèles relationnels de l’autorité : 2-1-Le modèle linéaire : Ce modèle engendre une relation à sens unique ; il place les équipiers sous la dépendance du pouvoir qui peut être celui d’un homme (président, entraîneur, etc.…) Où celui d’un groupe (commission technique, sociale, etc.…). Chacun se trouve perçu comme individu et non comme personne, c'est-à-dire comme simple unité et non comme un être qui se rapporte à lui-même et qui se distingue justement des autres par ce rapport à luimême. On exploite les capacités pour obtenir toujours plus d’efficacité. Les dirigeants imposent leurs intentions ; mêmes si elles sont généreuses, elles s’appliquent de l’extérieur, risquant de demeurer étrangères aux aspirations légitimes des joueurs. Joueurs Projet collectif 2-2-Le modèle à trois dimensions : Ce modèle, prolongement naturel du précédent, permet le dépassement du conflit par la présence du « tiers médian », rôle que chaque participant peut tenir et que joue fondamentalement le projet collectif. L’entraîneur Entraîneur ne s’impose plus de l’extérieur ; il participe en qualité d’homme d’expérience à la vie interne du groupe ; il favorise la participation qui déclenche l’échange à tous les niveaux. Ainsi, les modèles de la relation déterminent l’esprit et la nature des deux fonctions principales de l’équipe, assurées par tous. 2-3-Les deux fonctions essentielles dans les deux types de relation : L’entraîneur possède deux fonctions dans l’équipe un rôle de progression au niveau opérationnel et un rôle psychologique d’entretien. 2-3-1-Fonction opérationnelle (rôle de progression) : Relation linéaire (entraîneur de type autocratique) L’entraîneur : - choisi et impose les objectifs à long, moyen et court terme ; - conserve l’avantage de l’information ; - choisi et impose les conceptions de jeu ; - définit, organise et fait respecter le plan de travail ; - sanctionne, et distribue les récompenses ; - impose son choix dans la composition de l’équipe ; - distribue les rôles opérationnels individuels. Relation à trois dimensions (entraîneur de type démocratique) L’entraîneur : - propose et fait choisir les objectifs à long, moyen et court terme ; - partage l’avantage de l’information ; - propose et discute les conceptions de jeu ; - propose et fait discuter le plan de travail ; incite les joueurs à le respecter ; - élabore un système de contrôle des récompenses. - Discute de la composition de l’équipe avec les participants ; - Facilite la prise de conscience des capacités individuelles par l’attribution des rôles. 35 Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP 2-3-2-Fonction psychologique (rôle d’entretien) : [198] Relation linéaire (entraîneur de type autocratique) L’entraîneur : - impose les leaders ; - impose son statut ; - se place au centre des intérêts de l’équipe ; - établit à son profit les relations privilégiées ; - refuse les critiques ; - impose ses vues sur le destin de l’équipe ; Relation à trois dimensions (entraîneur de type démocratique) L’entraîneur : - laisse aux joueurs la responsabilité de choisir les leaders capables d’assumer les tâches spécifiques ; - ne fait pas état de son statut pour assurer son autorité ; - se met au service de l’équipe ; - facilite l’organisation des relations privilégiées favorables à l’action de l’équipe ; - accepte et sollicite des critiques ; - discute et recherche la participation dans l’élaboration des normes de l’équipe et l’élaboration des projets ; - favorise l’intégration et l’émergence d’une volonté collective. - favorise la ségrégation pour assurer son autorité. 3-L’expérience de Lippit et White : mutuelle entre ses membres est faible. Quant au groupe Comportements du moniteur dans les expériences de où règne le laisser faire, les actes agressifs sont les plus Lippit et White Caractéristiques des groupes Lippit et white ont eu l’idée de faire une Comportement du moniteur autocratique démocratique Laisser-faire expérience avec trois groupes d’enfants, avec Prise de Par le chef seul En commun Indétermination, une tâche qu’est la construction de masques de décision avec le chef faible théâtre et avec un style d’autorité différent pour (discussion) participation du chacun selon le tableau ci-dessous. Les chef conclusions auxquelles aboutit cette expérience Détermination Données par le Objectifs Aucune aide du concernent l’efficacité et le « moral » du groupe. des activités et chef généraux chef qui fournit En ce qui concerne l’efficacité, les des techniques tracés par le à la demande du expérimentateurs devaient constater que le chef en matériel ou des groupe « autoritaire » est plus productif que le indiquant informations quant les groupe « démocratique ». Il faut en effet du alternatives temps à ce dernier pour répartir les rôles et Répartition de Par le chef Division Aucune prendre les décisions, par contre le groupe la tâche spontanée du intervention du démocratique effectue un travail de meilleure travail chef qualité. Quant au groupe dans lequel règne le Composition Par le chef Libre choix Aucune « laisser faire », son inefficacité est totale. Pour des groupes de par chacun intervention ce qui est du « moral » du groupe, on constate travail qu’il est bien meilleur dans le groupe Appréciations De type De type Aucune, pas de démocratique. La satisfaction des enfants et la « personnel » objectif commentaire sympathie mutuelle sont ici maximales. Les (encouragement consignes de travail sont mieux acceptées, mieux critique). Participations Aucune part Y prend part Aucune part assimilées, parce que décidées en commun, que aux activités dans le groupe autoritaire où elles sont imposées. Ainsi, par exemple, lorsque le nombreux (batailles, détérioration de matériel). La dirigeant disparaît quelques minutes, les enfants satisfaction de ses membres est minimale du fait de s’arrêtent immédiatement et commencent à chahuter l’inefficacité du groupe dont les actions non coordonnées dans le groupe autoritaire alors qu’ils continuent à ne permettent pas une progression de la tâche. travailler dans le groupe démocratique. De plus, les frustrations créent dans le groupe autoritaire et l’agressivité qui en résulte, sont beaucoup plus fortes que dans le groupe démocratique. Enfin, la sympathie 36 Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP C’est dans les groupes autocratiques que l’on constate (par rapport aux groupes démocratiques) : - un maximum d’hostilité vis-à-vis du chef et un minimum de sociabilité entre les membres. - Un maximum de compétition et d’agressivité entre les membres. - Un minimum de « conscience » apporté à l’accomplissement de la tâche (la performance diminue en l’absence du chef) ; - Un maximum de difficulté à suppléer le chef en cas de départ de celui-ci. Une observation plus précise montre qu’il y a, en fait, deux modes de réaction bien distincts parmi les groupes à commandement autocratique : les uns sont ouvertement agressifs, alors que les autres sont en apparence apathiques ; mais dans ce dernier cas, les sentiments d’hostilité à l’égard du chef demeurent beaucoup plus intenses qu’ils ne le sont dans les groupes « démocratiques » ou « laisser faire ». De semblables expériences, souvent répétées et étendues des adultes, ont toujours montré la supériorité du commandement de style « démocratique », non seulement du point de vu de la satisfaction des participants, mais aussi du point de vue de la performance des groupes. 4-L’expérience de Desaunnay : Desaunnay, enseignant en sociologie, chargé de deux groupes de travaux dirigés a adopté dans l’un d’eux un style de direction démocratique et dans l’autre un style de direction autoritaire afin d’observer les effets de ces deux types de direction. L’expérience est similaire à celle de Lewin, Lippit et Whyte. En particulier la définition des deux styles de direction est très voisine. Par contre, la tâche est différente puisque, dans la première expérience, il s’agit d’une activité créatrice et, dans l’expérience de Desaunnay, de l’apprentissage de connaissances. Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF Selon l’hypothèse de travail de l’expérimentateur, le mode de direction du groupe a des effets différents selon les buts et les attentes des étudiants. D’après lui, pour les étudiants d’origine socio culturelle modeste, les études sont un moyen de promotion sociale. Il s’agit d’acquérir des connaissances et des techniques utilisables pour un métier futur. Ils attendent donc que l’enseignant les dirige dans cette voie. Les étudiants issus de milieux socioculturels plus aisés, et en particulier les jeunes filles, au contraire, viendraient à l’Université moins pour acquérir des connaissances utilisables dans un métier ultérieur, que pour acquérir une sorte de vernis culturel. Ces étudiants préfèreraient donc un enseignement moins dirigé et plus libre. Pour tester ces hypothèses, Desaunnay divise à l’intérieur de chaque groupe les étudiants en deux catégories : ceux dont le père possède au moins le baccalauréat et ceux dont le père ne le possède pas le baccalauréat constituant le critère pratique permettant de regrouper les étudiants selon leur origine socioculturelle. Tous les étudiants répondent à la première séance de travaux dirigés à un test de culture générale et sociologique afin de vérifier s’il existe une égalité de niveau initial des connaissances dans les deux groupes. (Albouy S., 1976) [2] Ces résultats qui portent uniquement sur deux groupes restreints, peuvent-ils être généralisés à d’autres étudiants ? Il faudrait pour cela des expériences plus vastes, plus complètes. Cette expérience a, malgré tout, le mérite de montrer que l’on ne peut apprécier la valeur d’un style particulier de direction, sans tenir compte des caractéristiques des individus composant le groupe. D’autres variables que le type de direction, d’ailleurs, peut avoir un effet sur l’efficacité et le moral du groupe, en particulier la manière dont les communications s’établissent en son sein. Lippit et Whyte ont comparé la quantité d’agression entre les membres dans un groupe de garçons soumis à des atmosphères autocratiques et démocratiques. Les personnalités et les types d’activités ayant été maintenus constants, on peut attribuer le changement au climat social ou à la forme de leadership différente. Ils trouvèrent qu’en autocratie la moyenne d’agressivité entre les membres du groupe est soit très haute, soit très basse ; en démocratie, elle se situe à un niveau plus moyen. Supposons que chacun de ces niveaux d’agressivité soit en équilibre quasi stationnaire, et demandons-nous quelles sont les forces qui ont tendance à élever le niveau et quelles sont les forces qui ont tendances à l’abaisser ? Un facteur est le type d’activité : un jeu sauvage offre plus de chance pour des conflits qu’un jeu calme ; une certaine quantité de bagarre peut être amusante pour 37 Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP des garçons. Les forces contre l’agression intergroupe peuvent être l’amitié entre les membres, la présence d’un leader adulte et la solennité de la situation. [2] Didier Anzieu évoque que la conduite autoritaire ou laisser-faire ne crée pas nécessairement un climat de groupe agressif et mauvais et que la conduite démocratique ne provoque pas nécessairement un bon climat. L’expérience des groupes réels le montre abondamment. Certains groupes sont heureux et efficaces avec une conduite autoritaire ou avec une conduite laisser-faire, car ils ont trouvé la conduite qui correspond aux formes et au niveau de leur organisation fantasmatique et ils deviennent malheureux et désordonnés autrement. Inversement une conduite démocratique n’obtient les résultats mis en évidence par l’expérience Lewinienne que si les membres du groupe et le chef ont, au cours de leur développement individuel, dépassé le stade oedipien pour entrer dans la période de latence et que s’ils investissent le groupe précisément à ce niveau. Ceci était d’ailleurs le cas des garçons pré pubères qui s’étaient portés volontaires pour participer à l’expérience de Lewin, Lippit et White. [9] 5-La maturité psychologique du groupe : Selon Beal G. M., Bohlem G. M. et Raudabaugh J. N. pour que le groupe acquière de la maturité, il faut redoubler d’attention dans la définition des buts, des rôles et des principes de base, et dans le choix des techniques. Il faut aussi savoir créer des occasions de satisfaction personnelle et développer par là même l’identification de l’individu au groupe et la cohésion de celui-ci. Enfin chaque membre particulier doit être aidé et rassuré dans l’accomplissement de sa tâche, en même temps que doit lui être donné une chance de réaliser et d’exprimer sa satisfaction personnelle à travers l’accomplissement d’objectifs à court terme. [25] Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF Chapuis R et Thomas R. indiquent que dans le temps vécu par chaque individu d’une façon particulière. Cette différence des niveaux de maturité se traduit par des comportements spécifiques à l’entraînement et au cours de matchs. Les échecs chez un joueur immature peuvent avoir des conséquences dramatiques sur ses attitudes face à ceux qui réussissent. A l’inverse, ses succès risquent d’engendrer une hypertrophie du Moi. Les observations montrent à l’évidence que la qualité des liens qui unissent les joueurs est fragile. Il suffit parfois d’une seule brebis galeuse pour provoquer l’effondrement d’équipes pourtant cohérentes. Ils couvrent plus ou moins bien son étendue. Si les sujets réfléchis ont tendance à balayer du regard l’ensemble des signaux émanant de ce champ, les sujets impulsifs fixent leur regard sur quelques zones de ce champ, laissant dans l’ombre des pages entières de l’espace visuel. Il s’agit, là aussi, d’un problème de personnalité. [50] Des difficultés proviennent aussi des joueurs pas assez mûrs ou trop impliqués dans une situation personnelle. Les idées précaires, les stéréotypes, les habitudes de penser et d’agir découlant d’expériences antérieures très marquantes risquent de rendre les équipiers momentanément imperméables aux sollicitations de l’entraîneur. Les oppositions générales proviennent finalement de la complexité des facteurs psychosociologiques qui apparaissent au cours de la rencontre – équipier – entraîneur. Lorsque celui-ci recherche un effet à valeur psychologique pour atteindre un objectif précis, il doit normalement connaître non seulement la personnalité de son interlocuteur ; mais encore son état émotionnel du moment et ses intentions. Il doit agir dans le sens des motivations de l’équité, et proposer une action qui allie l’utile à l’agréable. D’après Haiman, un groupe productif et jouissant d’une pleine maturité peut être défini grosso modo comme celui qui, dans le cadre des principes démocratiques, progresse vers ses buts avec un maximum d’efficacité et un minimum de perte d’efforts et de temps. Un groupe ayant acquis de la maturité est celui qui : 1- Reconnaît le bien fondé et les limites des procédés démocratiques. 2- Crée un schéma psychologique de liberté permettant à chacun d’exprimer ses sentiments et ses points de vue. 3- Entretient un niveau élevé d’intercommunications. 4- Possède une claire compréhension de ses projets et de ses buts. 5- Possède assez d’initiative et d’esprit de suite pour apporter à ses problèmes une solution rationnelle et efficace qui se traduit par une action. 6- Reconnaît que les moyens doivent s’accorder aux fins. 38 Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP 7- Regarde les réalités en face et base son action sur des faits, non sur des vues de l’esprit. 8- S’emploie à répartir et à faire partager les charges de la direction. 9- Utilise intelligemment les différences d’aptitudes de ses membres et reconnaît la nécessité (à laquelle il se plie) de recourir parfois à des gens de l’extérieur. 10Maintient un équilibre approprié entre la productivité du groupe et la satisfaction d’autres besoins ressentis par le groupe. 11Fait le nécessaire pour que fusionnent d’une façon satisfaisante les principes, besoins et buts individuels et ceux du groupe. 12Est objectif quant à son propre fonctionnement ; sait faire face aux problèmes d’ordre socio affectif et instaurer les modifications voulues. 13Sait déceler la fatigue, la tension, l’atmosphère passionnelle, etc., et prendre les mesures qui s’imposent dans ces différents domaines. 14Etablit l’équilibre approprié entre la solution des problèmes et la marche en avant du groupe. 15Equilibre l’usage des méthodes ayant fait leurs preuves et l’acceptation de tout changement de méthode exigé par les circonstances. 16Cultive un haut degré de solidarité, mais sans jamais brimer l’essor des individualités. 17Etablit un équilibre propice entre l’esprit de coopération et l’esprit de compétition de ses membres. 18Maintient l’équilibre entre l’élément passionnel et l’élément rationnel. [25] Le but de notre expérience ne saurait-il d’amener notre groupe à cet état de maturité psychologique et d’autonomie de fonctionnement ? Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF La question reste du côté des moyens, des interventions et de la réponse du groupe aux transformations et aux changements proposés. « Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous ne faisons rien, c'est parce que nous ne faisons rien qu'elles sont difficiles » (Albert Einstein) 39 Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP « Le soldat américain moyen de la seconde guerre mondial, pour garder son courage sous le feu ne fit pas appel ni à son idéal patriotique ni à sa haine pour l’ennemi. Ce qui soutient son moral fut surtout le sens du devoirs envers son équipe particulière et ses rapports primaires avec ses camarades de combat » Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF figure. La même idée fut reprise par Landers qui distingue des variations de caractéristiques de tâches dans les différents sports. [103] Ce modèle ne rend malheureusement pas compte des observations citées plus haut et réalisées sur certaines équipes de Basket ou les chercheurs notèrent une élévation de la performance suite à une aggravation des conflits internes. Edward Shills, « Cohesion and desintegration in the Wehrmacht in world war II », Public Opinion quarterly, 1948, 40, 12. La cohésion 1-L’équipe dans les sports collectifs et la cohésion : De nombreuses études ont été consacrées à la relation entre la cohésion de l’équipe et sa performance. Un postulat traditionnel du milieu sportif veut que la réussite soit directement fonction de la cohésion, et de nombreux termes sont employés pour caractériser ce fait, esprit d’équipe, unité collective, etc. il faut cependant noter que de nombreuses observations contredisent l’existence d’une relation linéaire entre performance et cohésion. Les premiers travaux réfutant l’hypothèse d’une telle liaison sont dus à l’allemand Hans Lenk qui observa deux équipes de rameurs. Malgré les conflits internes très prononcés elles obtinrent des succès grandissants, l’une étant championne du monde en 1962, l’autre médaille d’argent aux jeux olympiques de 1964. Il s’agissait de bateaux de huit rameurs dans lesquels ont notait l’existence de cliques. Pour expliquer ces contradictions observées dans les résultats des divers travaux, Viet formula l’hypothèse d’après laquelle l’effet des conflits intragroupe varierait suivant les différents types d’équipe. Au sein des disciplines ou les efforts sont parallèles, telles l’athlétisme ou la natation et celles ou les efforts s’ajoutent, telle que l’aviron ou le tir à la corde (les distinctions proposées entre les types d’équipe), l’influence des conflits internes serait bénéfique. Elle serait néfaste dans le cas des équipes de sports collectifs (groupes en interaction). Cette hypothèse est schématisée très simplement à la Des travaux réalisés en psychologie sociale par Lambert [102] peuvent permettre d’émettre une autre hypothèse explicative. La relation entre la tension intragroupe et la performance ne serait pas linéaire mais curvilinéaire. La performance s’élèverait d’abord avec l’augmentation de la tension intragroupe, elle passerait par un maximum puis diminuerait. Lambert distingue deux types d’influence individuelle dans une tâche collective, l’influence directe qui s’effectue par la participation à la tâche et l’influence indirecte qui assure une plus ou moins grande coordination des énergies mises en jeu. « Nombreuses sont les tâches coopératives pour lesquels il existe un but commun qui est généralement la réalisation de la performance maximale, et des buts secondaires, plus ou moins compatibles les uns avec les autres, qui concernent le plus souvent la satisfaction des besoins individuels. Un exemple type est celui d’une équipe sportive dans laquelle tous les membres ont intérêts à coopérer au mieux pour assurer le succès de leur équipe et qui, par ailleurs, ont intérêt à se mettre en vedette, au détriment de leur groupe, pour assurer leur sélection dans les compétitions futures ». Lorsque le degré de compétition intragroupe augmente, Lambert formule trois hypothèses : l’influence directe au niveau du groupe s’élève. L’influence indirecte décroît ; L’influence globale croît d’abord puis décroît. 40 Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF Performance de l’équipe Sports individuels et sport mixtes conflits Type d’équipe Sports collectifs l Probabilité d’amélioration ’ é q u i Probabilité de p baisse e Schéma : effets différenciés de conflits à l’intérieur d’une équipe sportive suivant le type de cette dernière. Performance Probabilité de baisse Influence directe Influence globale Influence indirecte Degré de compétition intragroupe Fig. relation entre le degré de compétition intragroupe et la performance du groupe. les résultats des expériences corroborent les hypothèses. Lambert [102] 41 Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP Lambert vérifie le bien-fondé de ces hypothèses par des expériences de laboratoires. Il observe le rendement d’un groupe de cinq personnes qui doivent déplacer rapidement un mobile à l’aide de câbles de commande individuels, au milieu d’un dispositif à chicanes. La tâche nécessite la coordination des efforts de chacun. L’auteur manipule la tension à l’intérieur du groupe par le biais des récompenses. Il se pourrait que les conclusions contradictoires enregistrées au niveau des recherches effectuées sur la liaison entre performance et cohésion de l’équipe sportive puissent s’expliquer par les travaux de Lambert. Effectivement, suivant le moment où on observe une élévation de la tension intragroupe, on peut noter une amélioration ou une détérioration de la performance. Si on se trouve dans la phase qui précède l’optimum de tension intragroupe la performance s’élèvera; en revanche si on se trouve dans la phase qui suit l’optimum la performance diminuera. Ayant envisagé quelques explications des divergences de conclusions observées dans les travaux effectués par les spécialistes sur les rapports entre performance et cohésion de l’équipe, il convient maintenant de remarquer que nous avons jusqu’ici plutôt traité de l’influence des tensions ou des conflits à l’intérieur du groupe et non pas de celle de la cohésion. Or, s’ils présentent des points communs, ces aspects ne coïncident pas. Le concept de cohésion s’avère complexe et difficile à cerner précisément. De nombreuses définitions en ont été proposées. Pour Lewin il s’agit de « l’ensemble du champ de forces qui agit sur les membres du groupe pour qu’ils restent dans le groupe ». Kelly parle de « l’attrait global du groupe pour tous ses membres ». Muldoon est un peu plus précis. Pour cet auteur la cohésion est « un état dans lequel les membres du groupe, travaillent ensemble à la poursuite d’un but commun, pensent en terme collectif de « nous », adopte une attitude amicale, font en sorte de maintenir le groupe en tant que tel et agissent en tant qu’unité ». Le concept de cohésion apparaît donc multidimensionnel et les facteurs socio affectifs n’en constituent qu’un élément. Ce fait est bien perçu par Diane Gill de l’Université d’Iowa qui, Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF dans un article consacré à la performance de groupe sportif, observe qu’à l’analyse de la cohésion se décompose en deux volets, un premier est constitué par la dimension socio affective qui se mesure grâce à l’outil sociométrique et un second, représenté par l’attirance vers le groupe. L’analyse statistique multidimensionnelle des réponses au questionnaire centré sur la cohésion fait bien apparaître ces deux facteurs. Nousmême d’ailleurs, dans nos travaux que nous avons menés sur des équipes sportives, nous avons montré que les choix affectifs et les choix opératoires ne coïncident pas. Une certaine intimité n’empêche pas nécessairement la cohésion de se manifester. Gill montre que la performance n’est pas liée à l’importance des conflits interpersonnels, mais qu’elle est corrélée au second facteur de la cohésion. Une autre question se pose encore. Elle concerne le sens de la causalité. Des chercheurs ont en effet trouvé des coefficients de corrélation significatifs et assez élevés entre certaines dimensions de la cohésion et la performance. Mais quelle est la cause et quel est l’effet ? On peut en effet postuler que la cohésion engendre une bonne prestation de l’équipe mais aussi qu’une réussite de l’équipe entraîne une élévation de la cohésion. Martens et Peterson formule l’hypothèse d’une relation circulaire entre cohésion, performance et satisfaction, suivant le schéma représenté à la figure suivante : Cohésion Performance Satisfaction Fig : relation entre cohésion, performance et satisfaction. Mais d’autres chercheurs voulant vérifier le bien fondé d’une telle relation ont effectué des travaux plus précis. Carron s’est proposé d’étudier la cohésion et la performance d’une équipe à deux moments différents, t1 et t2. grâce à ce procédé il est alors possible de donner une réponse plus rigoureuse à la question du sens de la causalité. La figure 21 montre en effet que l’on peut calculer six coefficients de corrélations, r1, r2<, r6, tel qu’ils sont représentés sur le schéma. 42 Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF groupes institutionnels où il peut même s’estomper, non sans risque pour la cohésion. Moment t1 Moment t2 Sa force attractive dépend non seulement de sa netteté, mais encore de son adéquation au cohésion cohésion r1 niveau moyen d’aspiration des membres du groupe. r6 - l’attrait de l’action collective : bien que cette r3 r4 activité soit le moyen de poursuivre le but, r5 elle est aussi une source de satisfaction par elle-même ; le sentiment de la progression performance performance r2 vers le but constitue une médiation entre ces deux attraits en réclamant pour critère Fig. : Etude de la liaison entre cohésion et certains succès déterminés. performance d’une équipe par l’observation des - L’attrait de l’appartenance au groupe : ce deux variables à deux moments différents. facteur capital est déjà présent dans le souci Carron. [41] d’effort commun qui anime les précédents, qu’il s’agisse de la poursuite d’une tache Chaque cœfficient présente une signification matérielle, d’une discussion ou d’un jeu. Il particulière. r1 et r2 représentent des cœfficients combine divers affects où peuvent dominer de fidélité (test-retest), r3 t r4, des cœfficients de selon les cas un sentiment de puissance corrélation entre cohésion et performance à un (groupes en expansions, groupes de pression), moment donné, r5, la corrélation qui indique une de fierté (groupes de prestige) ou de sécurité influence de la cohésion sur la performance, et r6, (de tous les groupes bien établis). de la performance sur la cohésion. La Mais il est probable que par delà ces affects le comparaison des valeurs de r5 et r6 permet donc mobile fondamental est celui de communiquer, une inférence causale. Les travaux de Bakeman et de s’unir de quelque façon à autrui en échappant Helmreich [16] d’abord ; puis ceux de Carron et à l’anxiété et à la solitude. L’approche clinique de Ball [41] ensuite, tendent à prouver que la vie affective des groupes, comme de celle des l’influence de la performance sur la cohésion est individus, nous incline à cette interprétation. nettement plus forte que celle de la cohésion sur C’est l’ensemble de ces facteurs qui détermine le la performance. Les auteurs concluent même que processus d’identification des membres à leur cette dernière est probablement inexistante. Parmi groupe et l’intensité (variable) du sentiment du les processus psychologiques et « nous ». A ses plus hauts niveaux ce sentiment psychosociologiques que l’on peut observer au vise à hypostasier le groupe comme valeur sein de l’équipe sportive nous n’avons envisagé transcendante et absolue à la fois par rapport à que la cohésion car il nous a semblé que c’était le ses membres et à toute autre valeur extérieure. plus souvent cité et analysé par les chercheurs Ainsi s’expliquent les sacrifices personnels dont spécialistes mais, certes, d’autres phénomènes certains sujets sont capables, et les phénomènes auraient pu être envisagé tels que par exemple le de fanatisme. moral, les motivations ou les réseaux de Cette identification tend à se concrétiser par des communication, c'est-à-dire autant de concepts expressions symboliques tangibles : noms qui sont liés les uns aux autres. spécifiques, chants, rites, cérémonies, et tous systèmes « figuratifs ». 2-Les facteurs socio-affectifs de la cohésion: Ils comprennent essentiellement : 2-1-Les facteurs socio-opératoires : - l’attrait d’un but commun : ce but peut être Il faut considérer à cet égard : plus ou moins clair selon l’âge et la nature du - la distribution et l’articulation des rôles. Elles groupe. vécu comme un projet parfois en voie dépendent à la fois des activités poursuivies de formation, il est perçu souvent de façon et des aptitudes des divers membres, en plus ritualiste et plus prosaïque dans les 43 Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP - - concernant selon les cas des individus ou des sous-groupes affectés à une même fonction. la conduite du groupe et le mode de leadership. Quoi que fasse – ou ne fasse pas – le groupe, il « se conduit » dans la mesure même où il se maintient ; mais l’étude des groupes, tant formels qu’informels, relève que sur cette conduite chaque membre exerce une influence différente en intensité comme en qualité. Il semble bien qu’aucune opération de productivité (matérielle ou intellectuelle) ne puisse s’effectuer sans un rôle prééminent de chef aux autres membres doit être envisagée dans une perspective de complémentarité, car elle ne dépend pas de la seule attitude de ce chef mais des exigences variables de la situation totale (but collectif, attentes et besoins des membres, position du groupe dans son environnement, etc.) 3-La cohésion, le conformisme et le déviationnisme : Pour Maisonneuve J. la cohésion se manifeste par un ensemble de conduites collectives qui en sont non seulement les symptômes, mais constituent aussi par elles-mêmes des facteurs dynamiques. On se trouve en face d’une causalité circulaire ; directement issues d’une sorte de pression interne, inhérente à toute situation collective, ces conduites contribuent à toute situation collective, ces conduites contribuent à renforcer cette pression et à cristalliser le groupe. Trois d’entre elles sont patentes et peuvent être étudiées quasi expérimentalement dans les groupes en voie de constitution : ce sont le conformisme, la résistance aux déviations et l’agressivité potentielle envers l’extérieur. [106] L’uniformité trop marquée peut être un frein à l’initiative et à la prise de décision. Par exemple, un joueur risque de ne prendre aucune responsabilité sur le terrain par crainte de ne pas respecter les consignes de l’entraîneur. Le professeur d’EPS, qui organise sa classe en équipes ou en ateliers, sait que l’on n’obtient pas toujours les meilleurs résultats avec les groupes formés par affinités. Dans ce cas, les élèves peuvent faire preuve de « paresse sociale » et développer des pratiques qui vont à l’encontre des objectifs éducatifs. A l’inverse si le groupe est Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF organisé pour s’adapter à la tâche à laquelle il est confronté (on parle de groupe de tâche), ses membres sont souvent obligés de construire un réseau de communication, de distribuer des rôles, d’affronter des conflits et des divergences. Il est donc difficile d’anticiper les effets de la cohésion sur la productivité d’un groupe. les tentatives de formulation du concept de cohésion de groupe, qu’elles mettent l’accent sur l’engagement envers le groupe, sur le sens de la communauté ou sur la construction d’une réalité consensuelle, n’expliquent pas la totalité des comportements de groupe, quelle que soit leur taille ou leur degré de concentration (groupe ethnique, club de supporters, etc.) Rey J. P. [196] Nous verrons, à propos des structures de l’équipe et du leadership, que le nivellement autoritaire du petit groupe détruit l’esprit d’équipe. Mais il reste cette forme de compétition est une émulation interne, stimulant les interactions et le dynamisme groupal, et qu’elle est plus expressive de la volonté de participation que d’un souci égocentrique. [173] 4-La cohésion et l’intuition : Chapuis R. et Thomas R. indiquent qu’il existe des joueurs intuitifs qui appréhendent « instinctivement » les signaux extérieurs et en dégagent sans réfléchir la signification profonde. De quelle nature est cette connaissance immédiate ? Pour la psychologie, l’affectivité est à l’origine de cette forme de connaissance. Sa démarche s’appuie sur les observations et expérimentations paraissent au profit d’une simple « gymnastique » mentale. 44 Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP C’est l’action motivante qui donne une direction à l’intention tactique et c’est elle qui la maintient dans les limites du « possible ». Parmi ces principes, il existe un qui retient particulièrement notre attention, il s’agit de l’esprit d’adhésion à la notion de collectivité. La particularité du sport collectif tient au fait que les joueurs doivent être animés par un « esprit collectif ». L’individualisme doit laisser place à la solidarité. C’est finalement la solidarité vécue au sein d’une équipe qui fait progressivement évoluer les mentalités vers des normes de jeu de plus en plus cohérentes. La mémoire s’enrichit d’images dynamiques où l’individu n’est jamais perçu isolément mais dans une configuration riche de potentialités d’actions globales. [50] Nous allons présenter dans le prochain chapitre les deux facteurs qui priment dans la détermination de la cohésion dans une équipe ou un groupe de travail, qui sont la position du leadership et la nature de l’autorité qui règne et commande les relation des individualités entre eux, avec leur leader, avec le responsable et avec le milieu environnant. 5-La maturité du groupe : Ceci s’applique généralement dans deux tâches qui sont celles du groupe. La solution des problèmes et la bonne marche de l’action concernent la sélection, la définition et la poursuite des buts répondant aux nécessités communes. La seconde tâche, soit les opérations de fonctionnement, concerne la construction, le maintient et le renforcement de la structure du groupe et du cadre de ses diverses activités. La première tâche, celle qui concerne la solution des problèmes « productivité » et la seconde sous Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF le nom de « maturité ». La combinaison des deux augmentée de quelques considérations extérieures constituera sa conception finale de la « qualité du groupe ». C’est là-dessus que sera basée toute évaluation. 5-1-Productivité et maturité du groupe : Beal G. M. et Bohlen J. M. ajoutent Par opposition à la productivité (qui est l’activité consistant à résoudre les problèmes du groupe) que la maturité représente la façon de fonctionner du groupe. Encore que le terme ne soit pas tout à fait exact, il exprime assez bien les caractéristiques dont il va être question. Généralement, le groupe jouissant d’une certaine maturité fonctionne avec efficacité ; mais nous ne devons pas oublier qu’il doit par ailleurs être aussi productif que possible. Une organisation appropriée pour ce qui relève de la solution des problèmes procède la plupart du temps de façon à susciter le zèle de ses membres, à assurer de larges satisfactions personnelles, et à propager un moral élevé dans l’ensemble du groupe. Avant que ces objectifs soient atteints, il est généralement nécessaire d’être arrivé à un haut degré de maturité. [25] L’erreur provient du fait que l’idée de maturité implique certaines qualités provenant de l’expérience et du savoir-faire, joints à l’allant et à l’énergie de la jeunesse. En revanche, le manque de maturité implique l’absence de savoir-faire, en même temps qu’une certaine instabilité inhérente à l’extrême jeunesse. La maturité d’une organisation ne se manifeste pas spontanément. Elle se développe grâce à des pratiques éprouvées et à une direction habile et compétente. Comment développer ces deux éléments ? Tout individu, tout ensemble d’individus possède des attributs et des caractéristiques spécifiques. Les méthodes recommandables pour l’un peuvent être inopérantes pour l’autre. Il importe que l’effort créateur porte en direction de la maturité ; une simple formule d’action ne saurait efficace. Les principes de maturité des groupes et de même que celle de dynamique de groupe. Nous analyserons les différentes stratégies et méthodes recommandées et ceci selon la situation du groupe. La direction habile et compétente est 45 Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP Institut Supérieur du Sport et de l’Education Physique du KEF fournie à travers les leaderships du groupe et la fonction du PMP médiateurs d’une possible transformation productive. La maturité du groupe se révèle avant tout dans l’art avec lequel il sait combiner avec efficacité les aptitudes diverses des membres. C’est à travers les aptitudes diverses de ses membres, c’est à travers ce processus qu’un groupe sans maturité en acquiert. Il est tout à fait possible que la façon dont le groupe a procédé pour s’élever à un certain stade de maturité doive subir des transformations au fur et à mesure que les conditions changent. [25] 46 Cours psycho-sociologie 2010-2011 2LFEP Bibliographie : 1. Aebischer V.et Oberlé D. 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