Effet du vieillissement cognitif sur les

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Mémoire et vieillissement
Effet du vieillissement cognitif
sur les performances mnésiques
M.C. Gély-Nargeot, C. Mure, C. Guérin-Langlois, K. Martin, I. Descours
C vieillissement individuel s’organise
ommunément, la représentation du
autour des notions de perte et de déclin.
Cette assertion, pour le moins réductrice,
recèle néanmoins une part d’authentique en
regard du strict cadre de cet article. Dans la
L ’ E S S E N T I E L
foison des études portant sur le vieillissement cognitif, se dégage un large consensus
en faveur d’un effet délétère de l’âge sur la
performance des fonctions cognitives [1].
Plus spécifiquement, la mémoire serait la
composante la plus vulnérable [2] et sa perM A I N
■ Psychologie du vieillissement : Le
vieillissement est un concept multifactoriel,
dont l’étude ne peut se réduire à l’analyse
isolée d’une seule de ces composantes.
Décrire les effets de l’âge sur les fonctions
mnésiques ne peut faire l’économie d’évoquer en préalable les limites et difficultés
conceptuelles, théoriques et méthodologiques qui lui sont inhérentes.
■ Mémoire et cognition : L’ esprit,
système de traitement, est devenu un
modèle de fonctionnement. C’est pourquoi,
dans cet article, l’identification et l’interprétation de la nature des troubles mnésiques liés
à l’âge s’opèrent en référence aux modèles
théoriques actuels de la mémoire, approche
systémique empruntée à la Psychologie
Cognitive.
■ Clinique du vieillissement cognitif de
la mémoire et conséquences : Il en
résulte que les effets de l’âge sur la mémoire
ne correspondraient pas à une détérioration
mais à des modifications de l’architecture
fonctionnelle, interne, de la cognition. Cellesci doivent cependant s’interpréter en regard
de la singularité du sujet. L’examen psychologique prend en compte le fractionnement de
la mémoire, mais intègre également la particularité psychologique de l’individu âgé. En
cela il permet d’affiner une décision diagnostique et d’apprécier l’occurrence du risque
démentiel sous-jacent.
Presse Med 2000 ; 29:849-57
© 2000, Masson, Paris
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P O I N T S
Effect of normal aging on memory
performance
■ Psychology of aging: This article sums
up studies on influence of normal aging in
memory. Aging is a process involving many
dimensions: Psychological, Biological and
Social. These elements interact with each
other and needed to be considered in the
description of human memory aging.
■ Cognitive approach of human
memory: Moreover, researches on human
memory have been conducted within the framework of current theoretical views of
memory. The present review provides an outline of the cognitive neuropsychology models
of memory, its nature, components and organization.
■ Clinical approach of aging and
memory, consequences: This introduction
may help the reader to understand more
clearly empirical evidence of age-related differences in memory and attentional functioning. In closing, the human factors psychologists must be take in account while adopting
a global approach of the understanding of
memory aging. Psychological field provides a
complete structure for assessing human
being and is helpful before to conclude between normal or pathological memory aging.
M.C.Gély-Nargeot, C. Mure,
C. Guérin-Langlois et al.
f o rmance déclinerait dès la cinquième
décennie. Le problème est d’importance
puisque mis en exergue par l’augmentation
de la longévité et de la proportion de sujets
âgés [3]. Si, à la fin du siècle prochain, l’hypothèse d’une longévité moyenne de 130 ans
s’avère vérifiée, cela permet de convenir que
les véritables effets du vieillissement de la
population reste encore à découvrir. En l’état
actuel, l’épidémiologie appliquée aux
troubles de la mémoire liés à l’âge offre des
conclusions parcellaires, floues, vo i r e
contradictoires. Selon certains auteurs, [4] la
prévalence des troubles mnésiques liés à
l’âge serait de 38,4 %, et celle du déclin
cognitif de 26,6 %. Pour d’autres [5] le taux
de sujets âgés présentant une atteinte mnésique ne serait que de 5,8 %. Dans une étude
française récente [6], il est fait état d’une
proportion de 60,8 % de personnes âgées
ressentant un trouble mnésique et de 15,5 %
d’entre eux l’ayant exprimé sous forme de
plainte à leur médecin généraliste. L’importante variabilité de ces résultats s’explique
i n c o n t e s t a blement par la non-prise en
compte de nombreux biais composites qui
corroborent la difficulté à appréhender le
processus de vieillissement. De fait, l’étude
du potentiel mnésique de la personne ● ● ●
Institut de Psychologie de la Sorbonne (MCGN),
Centre Universitaire de Boulogne, BoulogneBillancourt.
La Triade (CM), Hôpital Charles Foix, Ivry sur Seine.
Service de Réadaptation gérontologique (CGL),
Hôpital Notre Dame, Paris.
Unité de Neurologie comportementale (KM), Service
de Neurologie A (ID), Hôpital Gui de Chauliac,
CHU de Montpellier.
Correspondance : M. C. Gely-Nargeot, Institut de Psychologie de la Sorbonne, Centre Universitaire de Boulogne,
71, avenue Edouard Vaillant, F 92100 Boulogne-Billancourt.
TEL/FAX : 04 67 02 09 29.
e-mail : chris•nargeot@wanadoo•fr
Reçu le 17 novembre 1999 ; accepté le 31 mars 2000.
La Presse Médicale ➞ 849
D O SS I E R
Mémoire et vieillissement
âgée impose en préalable une réflexion sur
les difficultés de son approche.
Les effets de l’âge
sur la mémoire :
difficultés de son approche
Difficultés conceptuelles : où se situe
la normalité pour un sujet âgé ?
L’étude du déclin mnésique met à l’épreuve,
implicitement, la classification des troubles
de la mémoire associés à l’âge et renvoie,
fatalement, à la définition du normal et du
pathologique [7], chez la personne âgée tant
elle est équivoque [8]. La définition courante
de la normalité comme état de pleine santé,
acceptable pour les sujets jeunes, devient
caduque avec l’avancée en âge. En effet, lors
du vieillissement usuel, on assiste à l’installation progressive d’un grand nombre de
pathologies mineures et non cérébrales, dont
l’incidence s’amplifie avec l’âge. On peut
donc affirmer qu’en regard de cette définition binaire stricte, il n’y a plus de sujets
normaux au-delà de 70 ans.
Selon une autre conception moins manichéenne [9], on peut considérer la population des sujets âgés comme une entité originale qui se distribue de façon « normale »,
c’est-à-dire selon une distribution Gaussienne. Est alors normal ce qui se rencontre
dans la majorité des cas. Cette conceptualisation a pour avantage d’inclure tous les
sujets et, ainsi, de ne pas restreindre l’étude
des modifications mnésiques liées à l’âge à
un échantillon constitué de sujets supranormaux, non représentatifs de la population
générale des personnes âgées. À l’inverse, le
risque en est d’introduire des individus aux
performances sub-pathologiques et ainsi
d’abraser la distinction « normal/pathologique », corroborant la notion contestée d’un
continuum entre ces 2 pôles [10].
En conclusion, le vieillissement ainsi
opérationnalisé met en exergue une pluralité
de genres : il n’existe pas un vieillissement
au singulier mais des vieillissements car
fonction des individualités. Le vieillissement
i n d ividuel peut ainsi être qualif ié de
p a t h o l ogique, d’usuel, d’optimal et de
réussi [11].
850 ➞ La Presse Médicale
Difficultés théoriques :
pluralité des déterminismes
agissant sur la cognition
Différents travaux ont insisté sur la nécessaire prise en compte des va r i a bles non
cognitives qui influent indirectement sur la
cognition [12] et en particulier sur le fonctionnement de la mémoire [13].
Il est fait allusion ici aux déterminismes
biologiques, affectifs, sociaux [14].
Du point de vue neurobiologique, différents travaux [15, 16] rapportent, chez les
sujets âgés, une hypo-activité du cortex préfrontal lors du traitement d’informations
mnésiques. Or, l’implication du cortex préfrontal, dans l’encodage et le rappel de ces
informations, est un fait reconnu [17, 18].
Les déficits mnésiques des sujets âgés s’expliquent ainsi et en partie, par une réorganisation fonctionnelle de l’activité cérébrale
sous l’effet de l’âge [19]. De plus, le
vieillissement des organes sensoriels entrave
indirectement la saisie correcte de l’information et restreint ainsi l’efficience de sa
mémorisation. Selon une étude récente, les
variables sensorielles sont fortement corrélées avec l’état cognitif des sujets âgés [20].
Enfin, la prévalence de la consommation de
médicaments prescrits et non prescrits augmente considérablement avec l’âge [21].
Les sujets de plus de 65 ans font l’objet, en
moyenne, d’une douzaine de prescriptions
par an. Parmi celles-ci, les psychotropes y
figurent majoritairement. Outre les interactions médicamenteuses possibles, l’impact
n é gatif des psychotropes sur les perf o rmances mnésiques et attentionnelles
est actuellement un fait démontré et
avéré [22].
D’autre part, l’idée d’une influence de
facteurs environnementaux sur le cerveau,
tant dans sa structure que dans son fonctionnement, a été rationalisée ces dernières
années puis largement validée [23]. Le
concept de plasticité cérébrale ainsi né s’est
transformé peu à peu, sous l’influence de
travaux en psychobiologie, en notion de
capacité de réserve cognitive [24]. Le potentiel des habilités cognitives évolue ainsi
sous l’effet de l’entraînement. En particulier, un degré d’exercice élevé dans une activité cognitive donnée (Use-Dependency
Concept) [25] mobilise et engage l’utilisa-
tion de compétences antérieures surapprises, véritables schémas de connaissances automatisés. Ce phénomène explique
les capacités de compensation liées à l’âge
ainsi la mémoire des chiffres d’un ancien
comptable demeurerait plus performante au
cours des ans que celle d’un musicien. Le
paramètre de réserves cognitives, plus précis que la notion globalisante de niveau culturel, doit donc être impérative m e n t
contrôlé dans toute étude abordant les relations âge et mémoire [26].
L’être humain étant un tout indivisible,
les variables agissant sur la cognition peuvent être également d’origine affective. Peu
d’écrits ont porté sur la personnalité du sujet
vieillissant. Toutefois, un de ses traits caractéristiques serait de devenir plus attentif à ce
qui se passe en lui, il passerait ainsi du
monde extérieur à un univers dava n t a g e
intérieur [27]. Selon la perspective psychodynamique, la personnalité de la personne
âgée se caractériserait par un manque
d’énergie imputable au refoulement. On
peut ainsi, en regard de la théorie freudienne, comprendre aisément que les manifestations déficitaires de la mémoire, dues à
l’âge, ne puissent être dissociées de la dynamique aff e c t ive. De plus, le travail psychique du sujet vieillissant [28] est reconnu
pour se centrer sur un travail de deuil inhérent aux pertes subies (perte de soi, perte de
fonction, perte d’objets). Ce mouvement de
deuil, sans cesse réactivé par la réalité de la
perte, a pour corollaire la dépression. La
vieillesse s’accompagne ainsi très fréquemment d’un syndrome dépressif [29] dont
les effets délétères sur la mémoire sont
notoires [30].
En conclusion, la réponse au vieillissement n’est donc qu’individuelle. Elle est
fonction des réserves cognitives, des ressources biologiques, environnementales,
psychologiques. Comment peut-on alors
prétendre l’observer d’un point de vue
unique et monolithique ?
Difficultés méthodologiques :
comment appréhender le vieillissement cognitif ?
Les modifications du potentiel mnésique
sont, le plus souvent, mises en évidence par
des études transversales. Dans ce dessein, les
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M.C. Gély-Nargeot et al.
p e r f o rmances mnésiques de groupes de
sujets d’âges contrastés (jeunes-vieux),
o b s e rvées conjointement à un moment
résolu, sont mises à l’épreuve de la comparaison. Cette méthode a pour inconvénient
majeur d’être biaisée par un effet dit de
cohorte puisque l’on compare des sujets possédant un bagage antérieur culturel, socioéconomique, nutritionnel etc., différent et
propre à chaque génération. L’idéal serait
d’employer une méthode longitudinale permettant de suivre dans le temps un même
groupe d’individus. Toutefois, cette méthode
s’avère trop coûteuse en nombre de sujets,
du fait des sorties d’étude par abandon
(baisse de la motivation…) ou par décès. La
fiabilité des résultats est également mise en
cause, puisqu’en règle générale la méthode
transversale tendrait à exagérer les effets
de l’âge, la méthode longitudinale à les
minimiser.
Actuellement, 2 méthodes d’approche
permettent de mieux comprendre le vieillissement cognitif [31]. L’approche analytique
qui décompose le fonctionnement cognitif
en systèmes de traitement autonomes, agissant sur des types d’informations particuliers. Cependant, on ne peut prétendre avoir
identifié, de façon exhaustive, l’intégralité
des composantes de la mémoire. Deux
concepts récents, celui de mémoire implicite et de mémoire prospective, montrent
que les limites de la connaissance peuvent
encore être reculées… L’autre approche,
dite globale, repose sur une vue plus holistique du fonctionnement cognitif. Dans
cette seconde perspective, les effets de l’âge
s’expliquent par une altération de facteurs
généraux (vitesse de traitement …) qui
affectent indirectement certaines des composantes précitées. Néanmoins, les
recherches actuelles font état de divergences
quant à la prépondérance de ces facteurs,
pour expliquer les effets de l’âge sur la
cognition.
En conclusion, l’opérationnalisation de
l’étude de vieillissement humain n’est donc
pas chose aisée. En mesurer pleinement les
d i ff icultés conceptuelles et méthodologiques, se souvenir de leurs limites, est le
préalable indispensable à une approche des
effets liés à l’âge sur les performances mnésiques, qui se doit de ne pas être univoque.
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La multitude des facteurs co-dépendants
tend à éclipser la prétention à vouloir appréhender l’effet de l’âge sur la mémoire par un
éclairage unique. En réponse à cela se développe actuellement une double approche
combinée, systémique et holistique [32], au
but heuristique de saisir les relations d’interdépendance structurelles et fonctionnelles du
psychologique, du biologique et du social.
Une telle approche multifactorielle contextuelle interactive constitue, pour notre
domaine, une voie de recherche prometteuse
pour le futur.
Les effets de l’âge sur la
mémoire : aspects théoriques
Le concept de mémoire
Il semble important de rappeler ce qu’est la
fonction elle-même avant d’en aborder son
fonctionnement. Parmi les habiletés cognitives, la mémoire occupe une place centrale,
elle tient son nom de Mnémosyne, déesse
Grecque fécondée par Zeus qui enfanta les
9 muses. Depuis l’Antiquité, la mémoire
préside ainsi à la connaissance, à la création,
à la prophétie. Sa conception n’a cessé
d’évoluer au fil du temps. Depuis Ribot, elle
est devenue un fait biologique ; avec Charcot et Freud, ses relations avec la conscience
sont explicitées ; pour Bergson, elle est
Habitude et Proust, quant à lui, relèvera
l’importance du contexte. Mais l’avancée la
plus remarq u a ble dans le champ de la
connaissance de la mémoire humaine s’explique par l’apport des sciences cognitives et
principalement celui de la Neuropsychologie cognitive.
Modélisations de la mémoire
humaine
Le courant cognitiviste actuellement dominant stipule que la mémoire ne constitue pas
une fonction unitaire, qu’elle est une
construction complexe et composite de systèmes agissant sur des formes particulières
de souvenir. Cette énumération de composantes peut être représentée sous forme de
modèles théoriques et sert, en neuropsychologie, de cadre doctrinal pour l'analyse des
troubles présentés par le sujet [33].
Modélisation selon l’approche
analytique
Différents travaux ont permis de dégager
une conception dualiste de la mémoire :
mémoire à court terme (MCT), et mémoire à
long terme (MLT). Récemment [34], il fut
suggéré de remplacer le concept de mémoire
à court terme par celui de mémoire de travail, afin de souligner la richesse de sa fonctionnalité. Cette mémoire, toujours en travail
mais de capacité limitée, permet de dépasser
l’instant présent grâce à un stockage actif de
l’information. Elle a donc une double fonction : traiter les informations et maintenir le
résultat des opérations effectuées. Elle effectue ces opérations grâce à l'association de
sous-systèmes esclaves qui interagissent.
L'administrateur central, système de contrôle
attentionnel, en est la composante majeure.
Il supervise et coordonne l'information issue
de deux systèmes asservis : la boucle articulatoire et le calepin visuo-spatial.
L’administrateur central contrôle les
actions selon 2 voies indépendantes. La première, automatique, concerne les compétences rodées qui renvoient à des schémas
préétablis. La seconde, volontaire et intentionnelle, intéresse le contrôle des opérations
non routinières par le biais du Système
Attentionnel de Supervision (SAS) [35]. La
boucle phonologique comprend un stock
phonologique qui supporte, de façon brève,
la trace mnésique et une boucle articulatoire
qui permet le maintien temporaire de l'information par auto-récapitulation le temps
qu’elle soit traitée. Le calepin visuo-spatial
stocke et contrôle l'information visuo-spatiale. Toutefois, peu de données sont disponibles sur cette composante difficile d'accès.
Pour une bonne gestion de l’information
nouvelle, cette mémoire de travail utilise des
informations du contexte présent, mais va
é galement chercher, en mémoire à long
terme, toutes les connaissances antérieures
et informations utiles par le biais de processus inférentiels.
La mémoire à long terme permet à la fois
le maintien et la récupération d’informations
sur une durée de quelques minutes à plusieurs années. Elle se décompose également
en sous-systèmes différenciés. Cert a i n s
auteurs ont milité pour une organisation de
la mémoire à long terme constituée ● ● ●
La Presse Médicale ➞ 851
D O SS I E R
Mémoire et vieillissement
de systèmes parallèles et indépendants [36].
Ils distinguent ainsi une mémoire déclarative, qui permet de récupérer de façon intentionnelle et consciente l'information, d'une
mémoire procédurale non volontaire. La
mémoire déclarative se divise, elle-même, en
2 composantes : la mémoire épisodique et la
mémoire sémantique. La mémoire épisodique gère les événements biographiques
vécus dans un contexte temporo-spatial singulier. L'utilisation du contexte va permettre
de spécifier avec précision l'information
nouvelle, afin de la rendre singulière et ainsi
pouvoir mieux la récupérer. La mémoire
sémantique dépasse un épisode particulier
de la vie du sujet, elle résulte en fait de l'accumulation de différents épisodes. Toutefois,
elle transcende un contexte particulier pour
ne retenir que ce que ces épisodes ont en
commun. Elle en retire alors un savoir universel et stocke ainsi des connaissances
générales sur le monde environnant. La
représentation de ces connaissances s’organise sous forme de modèles mentaux qui
permettent alors à l'esprit de reconstruire la
réalité, d'en concevoir les alternatives, d'en
vérifier les hypothèses. Ainsi, grâce à cette
mémoire, les événements externes sont traduits en modèles internes, afin d'être manipulés pour comprendre et raisonner.
Les systèmes mnésiques se différencient
également selon les procédures et tâches
expérimentales utilisées afin de les évaluer.
Dans ce cadre précis, la mémoire explicite
réfère au système mesuré par des tâches
directes qui requièrent des processus actifs
et conscients de récupération (rappel, reconnaissance). La mémoire implicite est la composante estimée par des tâches qui ne
demandent pas le rappel intentionnel ou
conscient (effet d’amorçage, apprentissage
de procédures).
L’architecture de la mémoire ne cesse de
p r ogresser ; actuellement, un nouve a u
modèle propose une organisation hiérarchique commune à ces systèmes. Les différentes composantes sont enchâssées les unes
aux autres et ne sont donc pas indépendantes
comme ce fut décrit auparavant [37].
Enfin, à ces différentes mémoires impliquées dans les souvenirs rétrospectifs, fut
opposée la mémoire prospective, véritable
mémoire du futur… Cette mémoire se défi-
852 ➞ La Presse Médicale
nit par rapport au souvenir d’actions à effectuer à un temps donné : transmettre un message, prendre un médicament, régler ses
impôts, passer chez son boucher. Elle préside à l'établissement d'un programme d'actions et est fondamentale dans la gestion du
quotidien.
Outre ces systèmes, différents processus
participent aux opérations mnésiques. Le
processus d’encodage intègre à la trace mnésique les caractéristiques d’un événement.
C’est dire qu’il porte non seulement sur l’information « cible » mais également sur le
contexte dans lequel cette information a été
présentée. Le contexte saisit les dimensions
cognitives, environnementales, émotionnelles de la situation de mise en mémoire, il
offre ainsi un caractère distinctif à l’information lors de sa saisie, la rend unique, non
interchangeable. Le niveau de traitement de
la saisie de l’information s’effectue selon un
continuum allant d’une analyse sensorielle
superficielle jusqu’au niveau plus profond
qui autorise l’accès au sens : le nive a u
sémantique. Cette notion de profondeur du
traitement [38] est fondamentale, car plus
l ’ i n f o rmation est traitée en profondeur,
mieux elle est mémorisée. Une trace mnésique forte et durable caractérise donc une
information traitée à un niveau sémantique.
Au moment de la saisie de l’information, les
opérations d'encodage peuvent s’effectuer
soit sur un mode automatique ou, au
contraire, exiger de l'attention (effortful).
Plus le niveau de traitement est profond,
davantage il est exigeant en ressources attentionnelles. La récupération a pour fonction
de rechercher l'information stockée en
mémoire. Elle peut se faire selon plusieurs
modalités de rappels : évocation libre, rappel indicé, reconnaissance. De nombreux
arguments empiriques ont permis d'opposer
l’évocation à la reconnaissance. L’évocation
désigne la situation où l'individu doit récupérer une information par une stricte réactivation mentale coûteuse en énergie mentale
(effortful). La reconnaissance, au contraire,
est une décision mnésique qui porte sur les
conditions d'occurrence d'une information
en la présence de son équivalent perceptif au
moment de sa récupération. Elle s'av è r e
donc beaucoup plus aisée que le rappel libre
puisqu’elle se fonde sur le même contexte
que celui de l’encodage, y partage des d’indices communs, sollicite moins les ressources attentionnelles que dans la première
condition.
La mémoire de travail, les processus
d’encodage et de récupération de l’information, sont des systèmes de gestion et de
traitement de l’information alimentés par
l’attention.
Modélisation selon l’approche globale
L’approche globale est la plus utilisée actuellement car elle fournit l’explication la plus
économique et la plus intégrée des effets de
l’âge sur le fonctionnement cognitif en général et sur la mémoire en particulier.
Dans cette perspective, les effets de l’âge
sur une performance s’expliquent par l’altération d’un nombre restreint de mécanismes
généraux, véritables médiateurs entre la
variable « âge » et la fonctionnalité de la
c ognition. Trois facteurs généraux sont
aujourd’hui identifiés : la vitesse de traitement de l’information, les mécanismes d’inhibition, la mémoire de travail. Tel un prisme
déformant, ils affecteraient indirectement
l’efficience du fonctionnement mnésique.
Cette approche n’est pas antinomique de la
précédente, elle privilégie seulement une
interprétation plus intégrée des modifications liées à l’âge sur les tâches à effectuer
au détriment d’explications locales inhérentes à l’altération spécifique des multiples
processus impliqués dans la réalisation de
ces tâches.
Concept et modélisation
de l’attention
L’attention est ainsi reliée directement aux
systèmes et aux processus mnésiques. Elle
se déf init par rapport à la conscience :
« C’est la sélection d’un événement ou
d’une pensée et son maintien dans la
conscience » [39]. L’attention est une fonction mentale aux processus multiples et à
l’architecture hiérarchisée. Quatre principaux processus la composent : l’attention
sélective (dirigée et partagée), l’attention
soutenue, les ressources attentionnelles, le
contrôle de l’activité mentale. L’attention
sélective correspond à la capacité à extraire
une information pertinente d’un « bruit de
fond ». Ceci sous-tend 2 types de méca22-29 avril 2000 / 29 / n° 15
M.C. Gély-Nargeot et al.
nismes : un premier qui « rehausse » l’information à traiter, un second qui inhibe les
informations distractrices [40]. L’attention
soutenue est de nature continue et correspond à la vigilance : elle a une fonction
d’alerte et offre une résistance à la distraction. L’attention c’est également un réservoir de ressources attentionnelles plus ou
moins sollicitées selon le type d’opération
mentale à réaliser. Plus l’analyse d’un stimulus est profonde et extensive, plus l’investissement attentionnel (donc la quantité
de ressources mobilisée) est élevé. Enfin,
l ’ a c t ivité mentale est part i c u l i è r e m e n t
contrôlée puisqu’elle oscille sans arrêt entre
la flexibilité cognitive et la distraction. Le
contrôle attentionnel préside à l’équilibre de
ces deux processus antagonistes mis en
balance. La flexibilité est nécessaire au
maintien cohérent d’une activité orientée
vers un but, et procède d’opérations telles
qu’ajuster, comparer, réactualiser, élaborer
une stratégie nouvelle, vérifier le résultat
atteint. Ces activités cognitives, regroupées
sous le terme de fonctions exécutives sont
sous le contrôle, quant à elles, du Système
Superviseur Attentionnel (SAS) cité plus
haut. Ce modèle stipule une double organisation du contrôle de l’action. Le premier
niveau concerne l’activation de routines
spécifiques, sur-apprises. Ces séquences
d'action se déroulent en l’absence de tout
processus attentionnel délibéré, leurs résolutions se font sur un mode automatique.
Toutefois, la confrontation à la réalité
fait que le sujet ne doit pas être prisonnier
de ses programmes habituels, être asservi
à des réponses devenues stéréotypées.
Alors entre en jeu un second système
attentionnel de supervision de capacité limitée, pour la gestion de tâches nouvelles,
inhabituelles, nécessitant une certaine
planification.
En conclusion, la mémoire n’est pas une
fonction unitaire. Elle engage une série de
processus séquentiels indépendants qui,
cependant, interagissent les uns avec les
autres. L’attention lui est intimement liée et
en est la véritable cheville ouvrière. Pour
comprendre et interpréter le ou les dysfonctionnements de la mémoire, on doit en sonder, non seulement chacune de ses composantes, mais également en explorer les inter22-29 avril 2000 / 29 / n° 15
actions qui les relient. C’est cette démarche
pour laquelle nous avons opté.
Les effets de l’âge
sur la mémoire :
aspects empiriques et cliniques
Selon l’approche analytique
Dans une perspective analytique, les effets
de l’âge sur la performance mnésique sont
rapportés aux différents systèmes et processus du fonctionnement mnésique. Les
troubles de la mémoire trouvent ainsi leur
explication en regard des modèles structuraux et processus de traitements énumérés
au paragraphe précédent. Ce type d’approche rend intelligible l’atteinte sélective de
certaines composantes ou opérations mnésiques et met en exergue les capacités épargnées par l’âge.
De nombreux travaux ont souligné l’effet
délétère du processus de vieillissement sur
la mémoire de travail. Cette mémoire, véritable pièce maîtresse du fonctionnement
cognitif, serait particulièrement sensible aux
effets de l’âge. Cependant, son explication,
loin d’être univoque, reste particulièrement
controversée [41]. Selon certains auteurs
[42], l’effet de l’âge réduit les capacités de
stockage de cette mémoire. Pour d’autres
[43], il affecte davantage les capacités
de l’administrateur central donc les ressources attentionnelles imparties aux opérations de stockage et de traitement de l’information.
Enfin, il est raisonnable de penser que
l’altération de cette mémoire puisse être liée
indirectement à un problème touchant à la
contribution de la mémoire à long terme
pour la récupération de l’information [44].
La mémoire à long terme sémantique est,
quant à elle, spécialement résistante aux
effets négatifs de l’âge [45]. L'organisation
et la manipulation des concepts ne semblent
pas être altérées par l’âge et expliquent la
bonne préservation de cette mémoire. D'un
autre point de vue, l’accès aux connaissances sémantiques serait également préservé lors du vieillissement normal. Il en est
autrement lors du vieillissement pathologique, offrant là une dissociation intéres-
sante à exploiter aux fins de diagnostic différentiel.
Les déficits liés à l’âge, de la mémoire à
long terme épisodique sont notables et particulièrement étayés par la littérature actuelle.
L’altération de cette composante résulterait
non pas d’une atteinte du système épisodique en lui-même, mais serait le reflet de
modifications fonctionnelles portant sur les
opérations d’encodage et de récupération
(pour revue [46]).
Les sujets âgés éprouveraient davantage
de difficultés que les sujets jeunes à mettre
en œuvre spontanément les opérations d’encodage sémantique du fait d’un amoindrissement de leurs ressources attentionnelles
[47]. En particulier, des capacités d’attention
sélective moins opérantes entraveraient la
saisie des principaux aspects de l’encodage,
rendant alors la trace mnésique plus labile et
moins spécifique. Du fait de cette atteinte
des processus d’encodage sémantique, l’information saisie incomplètement deviendrait
davantage interchangeable et serait alors
moins accessible [48]. Selon d’autres
auteurs, les sujets âgés présenteraient un
déficit dans l’encodage des informations
contextuelles, associées à l’information cible
[49]. En vieillissant, les inform a t i o n s
contextuelles ne jouent plus leur rôle d’indice pour la récupération de l’information
cible.
Les personnes âgées, à l’instar des sujets
jeunes, rencontrent également des difficultés dans le rappel des informations. En particulier, elles deviennent moins aptes à autoinitier, de façon active, les opérations de
récupération. Le rappel libre, le plus coûteux
en effort attentionnel puisque sans aide possible, est le plus affecté ; en reconnaissance,
la performance mnésique se normalise car
facilitée par l’apport de l’information livrée.
Le poids de l’effet de l’âge sur la sensibilité
de la récupération épisodique varie donc
selon la nature plus ou moins contrôlée de la
tâche à effectuer [50]. Il a été également
démontré que la recherche de l’information
stockée dépend, non seulement de la mise en
œuvre contrôlée de ces processus actifs,
mais est relative également à un accès automatique basé sur un sentiment de familiarité.
Cette voie directe et automatique, sollicitant
peu les ressources attentionnelles, est ● ● ●
La Presse Médicale ➞ 853
D O SS I E R
Mémoire et vieillissement
particulièrement épargnée par les effets de
l’âge.
On remarque ainsi la prégnance du
contexte lors des opérations d’encodage et
de récupération du souvenir. Cette donnée
récente a permis de signaler la survenue
d’une altération, liée à l’âge, du souvenir des
particularités du contexte. Le déclin de la
mémoire épisodique lié à l’âge s’expliquerait ainsi et en partie par des souvenirs du
contexte significativement plus labiles que
les souvenirs du contenu. Ceci incite à penser que les traitements du contexte et du
contenu dépendent de mécanismes différents. Cela est d’autant plus plausible que
bon nombre de sujets âgés parviennent à
rapporter le contenu d’un souvenir tout en
ayant totalement oublié les conditions de son
acquisition [51]. L’oubli de la source d’un
souvenir ouvre la voie aux souvenirs illusoires. Les sujets âgés sont particulièrement
vulnérables à certaines distorsions de la
mémoire. Étant moins aptes à rappeler un
souvenir, ils se fondent alors davantage sur
un jugement de familiarité [52]. De plus, différents travaux se rapportant à la neuropsychologie de la mémoire ont mis en évidence
l’implication de structures cérébrales différentes lors des traitements de contexte et de
contenu. Ainsi, l’oubli du contexte est corrélé au dysfonctionnement frontal ; celui du
contenu de l’information au dysfonctionnement hippocampique [53].
Les travaux concernant la mémoire procédurale ont donné lieu à des résultats discordants. Pour certains, les sujets âgés peuvent développer de nouvelles habiletés grâce
à l’entraînement [54]. Cependant, d’autres
études infirment ces résultats, et rapportent
que le déficit de la mémoire procédurale
s’expliquerait par la lenteur des sujets âgés.
La mémoire implicite se maintient, quant
à elle, bien avec l’âge. Ceci est lié au fait que
ce type de tâche n’exige pas des sujets de se
souvenir de la source de l’information ou de
s’engager dans des processus de recherche
stratégiques explicites [55].
La plainte du sujet âgé concerne le plus
souvent la mémoire prospective, et explique
l’augmentation de l’utilisation d’aidesmémoire externes (agenda…) par ces derniers. Les sujets âgés s’adaptent et compensent ainsi en partie et en milieu naturel leur
854 ➞ La Presse Médicale
déficience mnésique. Toutefois, lorsque des
paradigmes expérimentaux explorent ces
aspects prospectifs, certains résultats deviennent contradictoires. Selon diff é r e n t s
auteurs, le vieillissement affecte la mémoire
prospective, dès lors que la tâche utilisée sollicite également la mémoire rétrospective.
Pour d’autres, son atteinte se situe au niveau
de sa gestion de l’ordre temporel des actions
à effectuer [56]. La gestion de l’ordre d’apparition du souvenir dépend des régions
frontales, sensibles aux effets de l’âge, ceci
expliquerait les raisons pour lesquelles, les
personnes âgées éprouvent des difficultés à
gérer correctement l’ordre d’apparition du
souvenir.
La littérature actuelle met, par ailleurs,
l’accent sur l’altération des capacités attentionnelles sous l’effet de l’âge. Selon différents auteurs, cette altération serait prodromique aux déficits mnésiques, en particulier
ceux de la mémoire de travail ; toutefois, son
impact varierait selon la nature des mécanismes attentionnels envisagés. Par exemple,
les sujets âgés ne semblent pas souffrir de
déficits de l'attention soutenue. A contrario,
différentes études ont mis en évidence un
déficit de l'attention sélective.
La réduction des ressources attentionnelles caractérise les sujets âgés. Ces derniers rencontrent des difficultés dès lors que
le traitement de l'information requiert des
processus contrôlés (effortful). Notamment
ces processus sont sollicités pour toute procédure de recherche active et lors de la mise
en œuvre de stratégies volontaires. Ces ressources de traitement limitées expliquent les
difficultés rencontrées par les sujets âgés
pour la gestion simultanée de différentes
opérations mentales, l’encodage sémantique
des informations à mémoriser, leur récupération volontaire. C’est pourquoi différents
auteurs n’hésitent pas à préciser qu’elles
seraient à l’origine des altérations de la
mémoire de travail et de la mémoire épisodique [57, 58].
Enfin, le contrôle attentionnel est fortement affecté par l’âge. Deux de ses aspects,
la division de l’attention entre deux tâches et
la sélection d’informations pertinentes, le
seraient en particulier. La sélection de l’information pertinente a pour corollaire l’inhibition de l’information distractrice. Ces deux
mécanismes (sélection et inhibition) seraient
singulièrement sensibles à l’âge [59].
Par ailleurs, les déficits de mémoire de
travail liés à l’âge pourraient résulter d’une
diminution des récepteurs à la dopamine
dans le cortex frontal. Ceci est corroboré par
différentes études trans-étiologiques qui associent le déficit de la mémoire de travail aux
anomalies dopaminergiques comme pour la
schizophrénie et la maladie de Parkinson.
Selon l’approche globale
Cette approche postule que les effets de
l’âge s’expliqueraient par une allocation
réduite des ressources de traitement [60]. Ce
concept théorique, encore flou renvoie à
l’énergie, au temps, à l’espace, nécessaires
au bon traitement des informations. Sont
ainsi concernées les capacités attentionnelles, en particulier les mécanismes d’inhibition ; la vitesse de traitement de l’information ; la capacité de la mémoire de travail.
Nous ne reviendrons pas sur ce dern i e r
point.
Le traitement cognitif nécessite, en effet,
la sélection et l’activation de certaines informations en mémoire, mais également l’inhibition d’informations non pertinentes au
traitement. Ces informations distractrices
doivent être écartées, afin qu’elles ne puissent entrer en compétition avec l’information cible lors de la phase de traitement. Au
cours du vieillissement, les processus inhibiteurs qui contrôlent l’accès et le maintien
des informations en mémoire de trava i l
deviennent déficients [61]. Cette mémoire
est alors accaparée par des informations non
pertinentes provoquant des phénomènes
d’interférences avec la réalisation de la tâche
en cours. Ceci expliquerait l’augmentation
de la distractibilité avec l’âge. Les personnes
âgées présentent également des difficultés à
inhiber les conduites automatiques au détriment de nouveaux schémas d’action.
Notamment, elles ont du mal à planifier et
organiser leurs actes en fonction d’un but à
atteindre dans un contexte où elles seraient
fortement attirées par des réponses beaucoup
plus automatiques. Certaines données
récentes ont montré que l’inhibition relèverait d’un processus attentionnel contrôlé,
p a rticulièrement coûteux et exigeant en
terme d’énergie de traitement [62]. Ce qui
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M.C. Gély-Nargeot et al.
expliquerait sa vulnérabilité. Enfin, différents travaux ont souligné les difficultés des
personnes âgées dès lors qu’elles sollicitent
leurs capacités de flexibilité. Elles sont donc
moins aptes que les sujets jeunes à passer
rapidement d’un concept à l’autre, à changer
de critère, ce qui a pour conséquence l’augmentation de persévérations liées à l’âge.
Par ailleurs, au fur et à mesure que l’on
avance en âge, on assiste à une augmentation
du temps nécessaire pour traiter l’information. Il existe donc un ralentissement global
du traitement de l’information, qui affecte la
fonctionnalité de la cognition et en particulier celle de la mémoire [63]. Ce ralentissement est indépendant de la baisse de l’exercice intellectuel, consécutive à la cessation
des activités professionnelles, puisqu’il est
présent chez les sujets âgés encore actifs. Ce
ralentissement trouve son origine dans
l’avancée en âge et serait lié à la complexité
de la tâche à effectuer. Une tâche est dite
complexe lorsqu’elle nécessite la combinaison d’informations multiples provenant de
sources variées. Plus la tâche est complexe,
plus le ralentissement est marqué. Différents
travaux ont mis en relation le ralentissement
avec l’efficience de la mémoire de travail.
Plusieurs explications ont été avancées en
regard des différentes composantes et processus de cette mémoire. Notamment, la
réduction de la capacité de stockage à court
terme s’expliquerait par le ralentissement
affectant le mécanisme de la boucle articulatoire. D’autre part, le stock phonologique
verrait sa capacité réduite ou sa trace décliner rapidement. Enf in, la réduction des
capacités de la mémoire de travail serait due
à un augmentation de la durée de stockage
des informations présentes, empêchant ainsi
aux nouvelles informations d’y accéder. La
vitesse d’auto-récapitulation plus lente
aurait, quant à elle, pour effet d’accroître la
perte des informations. La disparition des
traces mnésiques, présentes dans le stock
phonologique, empêcherait alors leur traitement. Ces différents mécanismes expliqueraient en partie l’oubli.
En conclusion, le vieillissement cognitif
n’affecte pas toutes les habiletés mnésiques
de façon identique. Ainsi, l’effet de l’âge
n’entraîne pas un déclin inéluctable et général de la mémoire. Les faits scientifiques
22-29 avril 2000 / 29 / n° 15
réfutent la croyance populaire et l’on doit
s’habituer à ne plus associer âge et pertes
mnésiques mais unir âge et fonctionnalité
différente. Outre les explications fournies
selon les approches globale et analytique
décrites précédemment, peuvent êtres avancés des arguments neurobiologiques et neurochimiques. En effet, l’hétérogénéité des
atteintes mnésiques s’expliquerait par une
perte neuronale de régions diverses, comme
le cortex préfrontal, l’hippocampe et certaines structures sous-corticales. Les déficits
mnésiques seraient attribuables en partie à
l’altération de processus sous-tendus par ces
structures cérébrales de localisations différentes [64]. Structures qui sont également le
siège d’échanges et de transmissions de
neuro-messagers particuliers. D’autre part,
les sujets âgés, du fait de leur expérience et
connaissances antérieures, mettent en place,
spontanément, des stratégies compensatoires. Les capacités compensatoires,
variables d’un individu à l’autre et fonctions
des caractéristiques personnelles (niveau
culturel, etc.) participeraient à la variabilité
des profils mnésiques rencontrés. Ce potentiel de compensation, propre à la personne
âgée, justifie l’émergence plus ou moins tardive de certains symptômes. Parfois, il parvient même à annihiler certains effets de
l’âge sur la mémoire et laisse augurer d’une
relative préservation de ses habilités mnésiques [65]. Selon les cas, ces capacités peuvent offrir une simple résistance aux modifications mnésiques liées à l’âge ou même
en recouvrir des troubles éventuels. L’examen des sujets âgés susceptibles de développer et d’engager le mieux ce potentiel (sujets
de haut niveau de connaissance et de grande
expérience) nécessite une vigilance particulière, les manifestations de démences débutantes demeurant alors longtemps masquées.
Conclusion : interprétation
et conséquence méthodologique
Les effets de l’âge, sur la mémoire, apparaissent éminemment variables, selon les
composantes mnésiques et/ou attentionelles
impliquées, les processus de traitement utilisés. Toutefois, il existerait un dénominateur
commun, explicatif des effets de l’âge sur la
mémoire, dévoilant ainsi une cohérence
interne à cette pluralité. Cette hypothèse dite
de support environnemental stipule que le
déclin mnésique ne trouverait pas son explication dans une altération véritable des
mécanismes de la mémoire, mais davantage
dans la mise en œuvre auto-initiés de ces
mécanismes. Dans cette perspective, le
vieillissement de la mémoire ne correspondrait pas à une détérioration mais à des
modifications de l’architecture fonctionnelle, interne de la cognition. Autrement dit
ceci permet d’évoquer, chez la personne
âgée, une vulnérabilité cognitive fonctionnelle propre aux tâches proposées, qui est à
dissocier d’un déclin inéluctable de la
mémoire lié à l’âge. Cette évolution de la
fonctionnalité de la mémoire s’expliquerait
par des processus interdépendants ; les
recherches à venir doivent se donner pour
but de fractionner les 3 facteurs généraux
décrits précédemment pour mieux en spécifier les concepts et davantage comprendre
leur fonctionnalité, leur prépondérance sur
la cognition. Ceci reviendrait donc à superposer l’approche analytique à l’approche
globale et constitue vraisembl a bl e m e n t
l’orientation des recherches dans les 5 à
10 ans à venir. Toutefois on peut prédire
qu’avec une telle approche, les performances
cognitives davantage décomposées laisseront
apparaître une variabilité fonctionnelle et
interindividuelle encore plus importante.
Par ailleurs, l’explication du vieillissement de la mémoire se doit de prendre en
compte les altérations sélectives liées à l’âge
des structures corticales (frontales ou hippocampiques) sous-tendant cette fonction. Les
recherches futures devraient permettre d’affiner les relations bi-univoques structures /
fonctions et d’en énoncer les interprétations
relevant des différents champs épistémologiques du domaine des neurosciences. En
l’état actuel, la mise en évidence de troubles
mnésiques électifs et de capacités préservées
rend intelligible, en partie, l’importante hétérogénéité des profils neuropsychologiques
des sujets âgés. Cela a pour conséquence
méthodologique la non-existence d’examen
unique prêt à l’emploi, chacun d’entre eux
devant être adapté à la singularité du sujet
âgé. C’est pourquoi, les psychologues élaborent et utilisent actuellement des ● ● ●
La Presse Médicale ➞ 855
D O SS I E R
Mémoire et vieillissement
méthodes d’évaluation qui sont directement
articulées à la prise en compte du fractionnement de la mémoire, tout en intégrant
nécessairement la particularité psychologique propre à chaque sujet âgé.
Ceci est le préalable indispensable pour
toutes interprétations des modifications de la
mémoire chez la personne âgée dite « normale ». Car, rappelons-le, elles posent le problème diagnostique le plus courant et le plus
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