La Chine, un paradoxe politico-économique
INTRODUCTION
Plus encore que le reste de l’Asie, le monde chinois fascine par son immensité, sa diversité
et son dynamisme actuel. L’impact planétaire des récentes crises financières asiatiques a du
reste bien confirmé qu’il faut désormais compter avec la gigantesque zone d’influence
chinoise où coexistent la richissime Hong Kong tout juste sortie de 150 ans de tutelle
britannique, l’île de Taïwan farouchement indépendante, la chine continentale au socialisme
de marché et les tout puissants « Chinois d’outre mer » qui compose sans doute la diaspora la
plus influente du monde. On peut cependant observer que si la Chine connaît aujourd’hui un
tel dynamisme sur le plan économique, avec notamment une croissance qui culmine aux
alentours des 8% depuis maintenant plusieurs années, il ne faut pas oublier que pendant plus
de 30 ans après la fondation de la République populaire de Chine, le système communiste,
mené par les apparatchiks aux pouvoirs, n’a consisté qu’a renfermé le pays sur lui-même, tout
en imposant comme dans tous les pays qui suivaient ce système, une politique de répression
basé sur le fameux livre rouge de Mao Tse Tung et sa tristement célèbre révolution culturelle.
Pendant toutes ses années l’Empire du milieu, ci ce n’est la remise en cause de l’autarcie
économique maoïste ainsi que la plupart des grands principes économiques du communisme,
n’a que très peu révolu sa politique autoritaire et répressive qui caractérise les dernières
« dictatures » du monde. Il faut donc remarquer que la Chine a pour paradoxe d’être à la fois
l’un des derniers régimes communistes de la planète ainsi qu’une économie qui bat tous les
records de croissance. Les réformes en cours à partir de 1978, et l’arrivée de Den Xioping
(1976-1996), ont métamorphosé l’économie chinoise : l’agriculture a été décollectivisée, les
prix et le commerce libéralisés, les marchés ont remplacé le plan central, et les capitaux
étrangers affluent, avec même pour demain la possibilité pour les investisseurs étrangers
d’acquérir 30% ou plus des sociétés cotées. De plus la consommation alimentaire des 1
milliard 130 million de Chinois a enfin dépassé le seuil de subsistance et s’est diversifiée,
l’équipement des ménages en bien durable a fait un bond en avant. Mais ces progrès ont
(comme tous les progrès probablement) des effets pervers qui se font déjà ressentir : la
montée des inégalités, le risque d’un chômage massif et d’une détérioration des services
collectifs.
Considéré par les investisseurs occidentaux comme l’eldorado économique de prochain
siècle, avec le plus grand marché du monde (1,2 milliards d’habitant), l’Empire du milieu
adopte progressivement le capitalisme a l’ère mondialisation. Entre le scénario russe de la
libéralisation ratée et la voie indienne de modernisation, la Chine de Jiang Zemin expérimente
l’alchimie complexe de l’économie socialiste de marché alors qu’elle négocie son entrée dans
l’Organisation Mondial du Commerce. On peut alors se demander comment peut coexister
ces deux formes de systèmes, que sont un régime communiste et une économie de marché,
qui s’averre être au premier abord des antagonistes ? Comment le communisme influence t’il
cette économie ? Est-ce que finalement l’un des deux des deux finira par prendre
irrémédiablement le pas sur l’autre ?
Pour traiter cette question nous verrons dans un premier temps, comment se caractérise ce
régime qui se dit communiste et qui va apparaître au prochain congrès du parti communiste
qui a lieu ce mois de novembre, comme l’un des grands leaders du monde communiste. Puis
dans un second temps nous analyserons la situation économique actuelle de la Chine tout en
essayant d’expliquer ce que l’on caractérise aujourd’hui par « économie socialiste de
marché ». Enfin dans un troisième temps, nous verrons d’une part comment le régime
communiste influence sur de nombreux point la politique économique du pays, notamment
dans le domaine de l’information de cette économie, et d’autre part comment peut-on
envisager l’avenir de cet immense pays aussi bien sur le plan politique qu’économique.
I.La Chine marqué par son passé.
A. Autorité et planification (1949-1977).
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la guerre civile reprend entre les nationalistes
de Chang Kaï-chek et les communistes de Mao Tsé-Tung. Mais avec la fuite du
gouvernement nationaliste en 1948 sur l’île de Taïwan, la république populaire de Chine est
proclamée le 1er octobre 1949 à Pékin. Le modèle de développement soviétique est alors
adopté par le nouveau régime. Entre 1949 et 1952, le nouveau régime communiste entreprend
plusieurs campagnes de réformes et de propagandes. C’est ainsi que la réforme agraire de
1950 aboutira en 1955 à la collectivisation des terres. Y succède ensuite la nationalisation des
grandes entreprises ainsi que la confiscation des biens étrangers et des émigrés nationalistes.
Lorsque la guerre de Corée prend fin en 1953, le cadre de l’économie socialiste est en place.
Une planification impérative centralisée est mise en place.
Au printemps 1956, est lancée la campagne des « Cents Fleurs » destinée à encourager la
libre discussion. Les débats contradictoires qui en découlent aboutissent à une très vive
critique du régime communiste chinois. Le modèle soviétique n’a pas apporté les fruits
escomptés. La priorité donnée à l’industrie lourde est en contradiction avec la révolution qui a
été menée par les masses paysannes. Sur plan extérieur la Chine est en désaccord avec
l’URSS sur différents points de la politique extérieur de ce dernier. En effet la Chine est
hostile à la détente qui s’amorce entre les Etats-Unis et l’URSS, ainsi que sur le recul de
Khrouchtchev à Cuba. C’est ainsi que Mao décide d’élaborer une voie socialiste
chinoise : « marcher sur ses deux jambes », c’est à dire continuer le progrès industriel sans
négliger l’agriculture. Dès lors, la Chine abandonne le modèle soviétique qu’elle n’a appliqué
que brièvement et partiellement. Elle ne l’abandonne pas pour le meilleur, au contraire, ce
sera pire. Mao précipite son pays dans une série de catastrophes.
Sa première catastrophe est le grand bon en avant et son mouvement productiviste et
pharaonique, qui doit permettre, grâce à un redoublement d’efforts, de rattraper et de dépasser
la Grande-Bretagne en 15 ans. Cela provoque une effroyable famine contre laquelle le régime
lutte, mais en sacrifiant des zones rurales entières. Le grand bon consiste à mobiliser toutes
les forces humaines pour pallier au manque de capitaux et de techniciens par le travail des
masses paysannes sous-employées. Très vite on se rend compte de l’échec du grand bon. La
Chine connaît, au début des années 60, sa plus grande famine.
Puis, en 1966, apparaît la Révolution culturelle de Mao qui s’appuie sur la jeunesse étudiante
contestataire des Gardes Rouges pour réduire les signes de l’autorité et détruire les symboles
du passé (époque féodale). Mais la véritable raison de cette révolution culturelle reste
l’épuration du parti communiste au pouvoir et la prise de ce pouvoir par Mao. Ce dernier veut
combattre ceux qui détiennent des potes de direction et qui se sont engagés dans la voie
capitaliste. Les Gardes Rouges sillonnent tout le pays pour détruire tous les monuments, livres
et autres vestiges inspirés de l’ancienne culture chinoise. Mao Tsé-Tung est l’objet d’un culte
de personnalité. Des millions de Chinois portent sur eux le Petit livre rouge qui est le recueil
des pensées de Mao. Avec la révolution, ce dernier bouleverse la société chinoise, la structure
du gouvernement, le système d’enseignement ainsi que l’économie. Elle développe un culte
de la personnalité de Mao et s’accompagne d’une très dure répression qui fait plusieurs
millions de victimes.
Le Petit Livre rouge de Mao
Après la mort de Mao Tse-Tung en 1976, le 11e du parti communiste chinois qui se déroule
en 1977, met fin officiellement à la Révolution culturelle. Mais la Chine actuelle conserve les
cicatrices de ce traumatisme. En effet on retrouve dans les mentalités des autorités une
certaine réticence évoquer ce passé peu lointain. Il y a eut par exemple l’interdiction de
diffuser dans les salles de cinéma chinoise le dernier film de Daï Sijie, Balzac et la petite
tailleuse chinoise, qui raconte l’histoire de jeunes garçons qui sont envoyés en camp de
rééducation, sous la révolution culturelle, étant considérés comme des élites, ils appartiennent
au médical et scientifique, et ainsi comme des ennemis du parti communiste. De plus, persiste
encore une sorte de répression exercée par ces mêmes autorités. On ne peut néanmoins pas
dire qu’une certaine liberté n’existe pas. On constate une certaine liberté de parole, la pétition
verbale est admise dans des limites convenues, refusant en tout cas la violence, le blocage des
routes, les menaces. « L’Etat est à la fois surpuissant car il maintient son système policier,
même s’il est moins visible, moins brutal. Mais il est aussi sous-puissant car il ne peut pas
trop « pressurer » ceux qui font partie de la classe étatique, d’où le mécontentement possible
devant ces inégalités. » écrit F.R. Hutin. Le régime aurait donc conscience qu’un soulèvement
est toujours à prévoir avec cette population chinoise qui se laissent emporter violemment d’un
seul coup. Mao disait déjà : « Une seule étincelle peut mettre le feu à la plaine ». De plus se
pose toujours la question du respect des droits de l’homme. On dit qu’il est de moins en moins
bafoués. Cependant, par simple arrêté administratif, on peut détenir des personnes durant trois
ans sans jugement. La peine de mort est appliquée, 3500 exécutions par ans. On a, de plus,
recours à des prélèvements d’organes sur les corps des condamnés à la peine capitale. On fixe
ainsi la date de certaines exécutions en fonction du besoin de certains organes.
Après 16 ans d’exercice d’une politique basé sur le modèle soviétique et son imposante
autorité, ainsi que 10 autres années avec Mao à la tête du pouvoir et Révolution culturelle, il
n’est pas anormal d’observer qu’il existe encore aujourd’hui des traces de ces politiques dans
le régime actuel, même si celui a su apporter de nombreux changements. Cependant en ce qui
concerne la politique économique ce n’est pas Mao qui a influencé les gouvernements
d’aujourd’hui mais c’est un autre homme qui a su apporter des réformes et aller dans la
direction d’une certaine ouverture de la Chine, Deng Xioping.
B. Vers l’ouverture.
Après la mort de Mao, puis de ces deux successeurs c’est donc Deng Xioping qui prend le
pouvoir en décembre 1978. Son but est simple, il veut améliorer la qualité de vie des
habitants, créer des emplois, augmenté la productivité et moderniser l’appareil productif grâce
à l’importation de travail et de matériel technologique. Pour y arriver il faut que la Chine
assouplisse le fonctionnement de son économie tout en généralisant le système de
responsabilité de son économie. Dès lors, il y a « 4 grandes réformes » : l’agriculture,
l’industrie, l’armée et les sciences et technique. Cette ère peut être décomposer
chronologiquement en quatre phases. La première qui couvre la période de 1979-1984 est
consacrée à la correction de certains excès de la période maoïste : ralentissement de
l’investissement, ré allocation des ressources en faveur de l’agriculture et de l’industrie
légère, réajustement des prix relatifs. Parallèlement les autorités chinoises mènent à bien la
dé-collectivisation des terres. La deuxième phase de réforme (1984-1988) est centrée sur la
déréglementation des prix, la décentralisation des décisions économique, le développement
d’unité de production non étatique et l’ouverture du marché intérieur. Mais un problème se
pose, la libéralisation de la demande de la demande précède celle de l’offre, provoquant de
grave de grave déséquilibre macro-économique. Dans ce contexte, la troisième phase (1988-
1992) est marquée par la suspension des formes voir même par un retour en arrière dans
certains domaines comme par exemple le contrôle centralisé des prix à la consommation et du
crédit. Les réformes reprennent timidement à la fin de l’année 1991, et la quatrième phase est
celle de l’accélération décisive du processus d’ouverture de la Chine au commerce mondiale.
Mais pour arriver à l’économie de marché la Chine est passée par de nombreuses phases
depuis l’arrivée de Deng Xioping en 1978. En effet, à « l’économie planifiée complétée par
les mécanismes du marché » succède en 1984 « l’économie planifiée de marchandises », puis
en 1987 « la régulation du marché par l’Etat et des entreprises par le marché », en 1989 « la
combinaison organique du Plan et du marché » et enfin depuis le deuxième voyage de Deng
Xiaoping dans le sud en 1992, « l’économie socialiste de marché ». Par de là toutes ses
appellations qui sont le nom des différents modèles officiels assignés par les autorités
chinoises, on peut donc affirmer que l’économie de la Chine est aujourd’hui une économie de
marché. Une doctrine politique est née en 1992, les idéaux du socialisme ne sont pas
incompatibles avec l’économie de marché. C’est ainsi qu’on peut considérer Deng Xioping
comme l’instigateur de la greffe capitaliste en Chine, car c’est lui qui a crée en 1979 les
quatre premières Zones Economiques Spéciales (ZES), puis en 1984 quatorze autres Zones de
Développement Economique (ZDE).
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