Suivi biologique du patient diabétique de type 2_FE PREST 1072(01)

GENERALITES
L'ANAES a publié en Janvier 1999, ses recommandations pour le "suivi du
patient diabétique de type 2 à l'exclusion du suivi des complications". Nous
vous présentons ici les grandes lignes concernant le suivi biologique du DNID
(Diabète Non Insulino Dépendant = type 2). Le dépistage des complications
oculaires, cardio-vasculaires, neurologiques et la prévention de la plaie du
pied ne sera pas abordé.
Vous pouvez prendre connaissance de l'intégralité de ces recommandations et
références de l'ANAES sur le site internet www.anaes.fr.
Le DNID progresse rapidement dans les pays en voie de développement mais
également dans les pays industrialisés : aux USA, environ 6% de la population
adulte est touchée et 20% des personnes de plus de 60 ans. En Europe, on
retrouve des chiffres identiques : environ 16% des plus de 60 ans ont un
DNID. Les complications sont fréquentes et graves, au pire : amputation,
cécité, insuffisance rénale. En France, selon les régions, 13 à 25% des
dialysés sont des diabétiques (dont plus de 80% de DNID). Les complications
sont d'autant plus retardées que le dépistage est précoce. Actuellement, on
estime environ à 7 années en moyenne le retard au diagnostic (Au moment du
diagnostic : 10 à 29% des patients présentent une rétinopathie, 10 à 37% une
protéinurie).
DIAGNOSTIC
Le diabète sucré est défini par une glycémie > ou = 1,26 g/l (7 mmol/l) chez
un sujet à jeun depuis au moins 8 heures, vérifiée à 2 reprises. Ce critère de
diagnostic n’est pas un seuil d’intervention pharmacologique.
Le dosage de l'hémoglobine glyquée ou l'hyperglycémie provoquée par voie
orale ne sont pas recommandés pour poser le diagnostic de diabète sucré.
Les arguments en faveur du diabète de type 2 sont des arguments cliniques
de probabilité : âge > 40 ans, index de masse corporel > 27kg/m2, absence ou
taux faible de cétonurie et surtout antécédents familiaux de diabète de type 2.
SUIVI GLYCEMIQUE
Un bon contrôle glycémique du diabète de type 2 est recommandé pour :
-retarder, voire prévenir, la survenue et/ou ralentir la progression des
complications microvasculaires (rénales, ophtalmologiques, nerveuses…)
-prévenir la survenue des complications cardiovasculaires (dont la principale
est l'atteinte coronarienne)
Le suivi du contrôle glycémique du diabète de type 2 doit reposer sur le
dosage gulier de l'HbA1c effectué tous les 3 à 4 mois, les objectifs
glycémiques se traduisant en objectifs d’HbA1c. Ils doivent être individualisés
en fonction de l’âge du patient, des comorbidités et du contexte pschyco-
social.
L’objectif optimal à atteindre est une valeur d’HbA1c < ou = à 6,5%
Si l'HbA1c = 6,5%, il n’y a pas lieu de modifier le traitement (sauf effets
indésirables, par exemple un risque d’accidents hypoglycémiques sous
sulfamides ou insulinothérapie).
Lorsque l’HbA1c se situe entre 6,6% et 8% sur 2 contrôles successifs, une
modification du traitement peut être envisagée, en fonction de l’appréciation
par le clinicien du rapport avantages / inconvénients du changement de
traitement envisagé.
Lorsque la valeur de l’HbA1c est > à 8% sur deux contrôles successifs, une
modification du traitement est recommandée.
Si le diabète est diagnostiqué chez un patient âgé (âge > à 70 ans, définition
à moduler par les comorbidités), un objectif d’HbA1c comprise entre 6,5 et
8,5% peut servir de référence, mais il est essentiel d’individualiser cet objectif
en fonction du contexte médical et social.
La mesure de la glycémie au laboratoire n’est pas indispensable pour le suivi
du diabète de type 2 mais elle garde un intérêt dans les cas particuliers
suivants :
pour contrôler la précision des mesures de glycémie capillaire chez un
patient qui pratique l’auto surveillance glycémique
en cas de changement de traitement, en particulier prescription de
sulfamides, ou encore affection intercurrente ou prescription d’une médication
diabétogène, chez un patient qui ne pratique pas l’auto surveillance
glycémique. Il est alors utile d’avoir des résultats glycémiques sans attendre 3
mois la valeur de l’HbA1c.
lorsque les techniques disponibles du dosage de l’hémoglobine glyquée ne
répondent pas aux exigences de qualité définies plus bas. Il est alors sans
doute préférable de disposer d’une mesure fiable de la glycémie.
La glycosurie et la fructosamine ne sont pas recommandées.
RAPPEL :
Le taux de formation de l'hémoglobine glyquée est directement proportionnel à
la concentration de glucose : le niveau d'hémoglobine glyquée dans un
échantillon de sang apporte comme information une histoire de la glycémie
portant sur les 120 jours précédents, correspondant à la durée de vie des
globules rouges. L'hémoglobine glyquée pourra donc être dosée tous les 3 à 4
mois.
La glycation non enzymatique des protéines, en l'occurrence l'hémoglobine,
est différente de la glycosylation, mécanisme enzymatique de la biosynthèse
protéique. La dénomination d'hémoglobine glyquée doit donc être utilisée,
celle d'hémoglobine glycosylée souvent employée pour désigner le même
paramètre, est impropre. Il existe différentes formes d'hémoglobines glyquées:
HbA, HbAO, HbA1, HbA1c, Hb pré-A1c, Hb glyquée.
L'hémoglobine A1c est la fraction la mieux caractérisée. Elle représente 80%
de l'hémoglobine A1 et c'est sa valeur qui a été validée pour le suivi du
diabétique. Le taux de l'HbA1c est indépendant des variations journalières de
la glycémie et n'est pas affecté par l'exercice, le jeûne, ni par l'ingestion
récente de sucres.
Concernant le dosage de l'Hb glyquée, les recommandations de l'ANAES sont
les suivantes :
Le dosage de l'Hb glyquée pour un même patient doit être réali dans le
même laboratoire afin que les résultats successifs soient comparables. Le
compte-rendu d’analyses doit mentionner la technique utilisée, si cette
technique a été certifiée par les sociétés internationales de standardisation,
l’intervalle des valeurs de référence et les CV intra et inter laboratoires.
La technique utilisée doit de préférence doser l'HbA1c (valeurs de référence :
4 à 6%) et les coefficients de variations doivent être inférieurs à 5%.
SUIVI DES FACTEURS DE RISQUE VASCULAIRE
Le suivi du diabète de type 2 comporte le suivi et la prise en charge des
facteurs de risque vasculaire souvent associés au diabète sucré : tabagisme,
HTA et anomalies lipidiques.
Un bilan lipidique à jeun doit être effectué une fois par an. Il comporte le
dosage du cholestérol total, du cholestérol HDL, des triglycérides et le dosage
direct ou le calcul (si triglycérides < 4,5 g/l) du cholestérol LDL.
Après 6 mois de mesures hygièno-diététiques et après obtention du meilleur
contrôle glycémique possible, la valeur du cholestérol LDL sert de référence
pour instaurer un traitement médicamenteux hypolipémiant.
Une intervention médicamenteuse est entreprise si :
LDL > ou = 1,90 g/l (4,9 mmol/l) sans autre facteur de risque
LDL > ou = 1,60 g/l (4,1 mmol/l) + un facteur de risque
LDL > ou = 1,30 g/l (3,4 mmol/l) + au moins 2 facteurs de risque
Les facteurs de risque sont les suivants:
âge (> 45 ans pour les hommes et > 55 ans pour les femmes ou ménopause
précoce non traitée)
antécédents familiaux de maladies coronaires précoces ou d'artériopathie
tabagisme en cours
HTA
cholestérol HDL < 0,35g/l (0,9 mmol/l)
triglycérides > 2g/l
présence d'une microalbuminurie ou d’une protéinurie
Un taux de cholestérol HDL > ou = 0,60g/l constitue un facteur protecteur,
soustraire alors "un risque" au score.
Remarque :
La formule de FRIEDEWALD pour calculer le cholestérol LDL est la suivante:
Cholestérol LDL = Cholestérol total – Cholestérol HDL - (Triglycérides/5)
D'après cette formule, plus le taux de triglycérides est élevé, plus le taux de
LDL est bas. Il y a là un paradoxe, car l'application stricte de la formule
implique que les triglycérides ont un rôle protecteur sur la paroi artérielle !!! Le
calcul du LDL cholestérol n'est donc pas d'une bonne fiabilité chez les
diabétiques de type 2 et les sujets hypertriglycéridémiques.
Il est bien certain que, lorsque l'on disposera d'un dosage de cholestérol LDL
direct, fiable et reproductible, cette formule approximative sera abandonnée.
DEPISTAGE DES COMPLICATIONS RENALES
L'insuffisance rénale (IR) est une complication grave du diabète de type 2 : il
s'agit le plus souvent d'une néphropathie diabétique (atteinte glomérulaire)
mais il peut s'agir d'une néphropathie d'un autre type ou d'une pathologie
rénovasculaire. Le suivi du diabétique de type 2 aura donc pour objectif le
dépistage et la prévention d'une atteinte rénale (et non pas le dépistage de la
seule néphropathie diabétique). Un bon contrôle glycémique et tensionnel
prévient le risque de survenue d'une néphropathie diabétique.
Il convient de mesurer une fois par an la créatininémie à jeun, avec calcul
de la clairance (C) selon la formule de Cockcroft :
C (ml/min) = (140 - âge en années x poids Kg x K) / créatinémie (µmol/l)
K = 1,25 pour l'homme et 1 pour la femme
Si la créatinine est exprimée en mg/l, il faut en multiplier le chiffre par 8,8 pour l'obtenir
en µmol/l.
Il convient de rechercher une protéinurie une fois par an chez le diabétique
de type 2. La bandelette urinaire standard (albumine/nitrites/leucocytes/sang)
peut être utilisée, elle permettra de mettre en évidence une éventuelle
hématurie ou infection urinaire susceptibles de fausser l'interprétation de
l'albuminurie.
Si la recherche de protéinurie est négative, il est préconisé de mesurer la
microalbuminurie une fois par an.
Le terme de "microalbuminurie" est exclusivement quantitatif et désigne en fait
une albuminurie peu importante et non détectée par les méthodes
traditionnelles de mesure car insuffisamment sensibles. Le dosage de
microalbuminurie est inutile en cas de détection d'une protéinurie.
La présence d'une microalbuminurie chez le diabétique de type 2 est un
marqueur de gravité générale (notamment du risque cardio-vasculaire) de la
maladie, plus qu'un marqueur spécifiquement néphrologique. Elle incitera à
renforcer la prise en charge dans tous les domaines. La présence d'une
microalbuminurie est aussi un facteur prédictif du risque de développer une
protéinurie mais n'est pas un facteur prédictif direct validé du risque de
développer une IR chronique chez le diabétique de type 2.
Un ECBU annuel n'est pas recommandé en dehors de toute symptomatologie
ou signes biologiques.
Des explorations complémentaires, à commencer par la mesure de la
clairance de la créatinine endogène, doivent être envisagées impérativement
dans les cas suivants : présence d'une albuminurie, d'une hématurie ou d'une
infection urinaire, créatininémie > 11,8 mg/l (105 µmol/l) chez la femme et 15,2
mg/l (135 µmol/l) chez l'homme, clairance calculée (Cockcroft) < 60 ml/mm.
RAPPEL :
Il y a plusieurs méthodes pour rechercher la microalbuminurie :
Recueil des urines des 24h (avec mesure parallèle de la créatininurie et la
créatininémie, permettant le calcul simultané de la clairance de la créatinine),
c'est l'examen de référence
Recueil sur 4 h ou sur les urines de la nuit (recueil des urines le matin)
Mesure du ratio microalbumine sur créatinine sur un échantillon d'urine
prélevé à n'importe quel moment de la journée ("spot")
La mesure de "spot" sur un échantillon d'urine est la méthode la plus simple à
mettre en œuvre et évite les erreurs potentielles liées au recueil sur 24h. Le
principe du dépistage est le suivant : un dosage de dépistage et 2 dosages de
confirmation. Un premier test positif (> 30 mg/g créatinine) doit être répété
pour confirmation du fait des variations importantes de la concentration
d'albumine dans les urines.
Si le second test est négatif, il faut réaliser un troisième test. En cas de
positivité sur deux tests de cette méthode simple de dépistage sur échantillon
(résultat exprimé en concentration), il faut confirmer le diagnostic par une
mesure de référence exprimée en débit, soir sur les urines de la nuit, soit sur
les urines de 24 h. En cas de positivité, il convient d'éliminer les causes non
spécifiques de positivité, parfois transitoires : exercice physique important
dans les 24 h de la mesure, infection urinaire, hématurie, fièvre, insuffisance
cardiaque.
En cas de microalbuminurie confirmée sur au moins 2 mesures chez un
patient dont la durée d'évolution du diabète est supérieure à 5 ans, le
diagnostic de néphropathie diabétique est vraisemblable (sans être formel) s'il
existe en parallèle une rétinopathie. Sinon, il est plus prudent de conclure à
une atteinte rénale dont l'étiologie reste à déterminer.
CONCLUSION
Une étude sur la prise en charge du diabète en Midi-Pyrénées a été menée en
1999 par l’Union Régionale des Caisses d'Assurance Maladie (URCAM) et
l’Union Régionale des Médecins Libéraux (URML).
Concernant la surveillance biologique des diabétiques non insulino-traités, les
résultats sont les suivants :
-hémoglobine glyquée:
38% des patients ont eu 1 à 2 dosages dans l’année
7% des patients ont eu 3 à 4 dosages dans l’année
2% des patients ont eu plus de 4 dosages dans l’année
soit au moins un dosage par an pour 47% des patients
-créatinine : 73% des patients ont au moins 1 dosage dans l’année
-microalbuminurie : 8% des patients ont eu au moins 1 dosage dans l’année.
Cette enquête montre que les recommandations de bonne pratique clinique ne
sont pas toujours suivies. Du point de vue économique, une surveillance plus
fréquente de l’HbA1c et de la microalbuminurie pourrait entraîner l’obtention
d’un meilleur équilibre glycémique et une prévention des complications, ceci
pour un coût minime, comparé au prix d’une amputation ou de dialyses à
répétition.
Les résultats de cette étude sont disponibles sur le site internet de l’URML
(www.urmlp.org), ainsi que celui de l’URCAM (www.urcam-midi-pyrenees.fr).
Jean-Pierre BOUILLOUX & Sylvie HAMON
Prochain sujet : exploration biologique de l’allergie chez l’enfant
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