Forum Med Suisse 2009;9(43):774 774
cabinet
Durant la phase aiguë, il est possible de doser
rapidement les taux de lithium et de valproate. Les taux
sériques optimaux de lithium sont de l’ordre de 1,0 à
1,2 mmol/l, au-delà de quoi les effets indésirables
augmentent. Un bon effet antimaniaque est confirmé
pour la carbamazépine également. En cas de traitement
combiné – ce qui est plutôt la règle dans les troubles
bipolaires –ilnefaut pas négliger le potentiel d’induction
des enzymes hépatiques. La carbamazépine abaisse les
concentrations plasmatiques des antipsychotiques,
antidépresseurs, antiépileptiques et anticonceptionnels,
et potentiellement les concentrations de carbamazépine
après quelques semaines par effet d’auto-induction
enzymatique [9, 10]. L’ oxcarbazépine a peu d’influence
sur les enzymes hépatiques, mais les doses administrées
doiventêtre plus élevées. Le valproate inhibele
métabolisme de plusieurs substances.
Le traitement de la manie est pratiquement toujours
aigu. Pour les états d’excitation maniaque, il existe des
formes intramusculaires d’olanzapine (attention aux
associations avec les benzodiazépines!) et d’aripiprazole.
L’ état d’esprit survolté de la manie donne la certitude
d’être en pleine forme, ce qui complique le traitement
ou le rend impossible. Les patients et leur entourage
doivent apprendre à reconnaître les premiers symp-
tômes de la manie comme signaux d’alarme et àcontac-
ter sans tarder le médecin.
Manie avec symptômes psychotiques
Ce sont iciles antipsychotiques, atypiques,qui agissent,
généralement associés à un stabilisateur de l’humeur.
L’ efficacité de l’aripiprazole, de l’olanzapine, de la
quétiapine et de la rispéridone – en monothérapie – est
confirmée dans des études contrôlées (tab. 3) [3, 9].
Tr aitement du «Rapid Cycling»
Le traitement est difficile, surtout dans les changements
d’humeur rapidesetrépétés. Il faut si possible éviter les
antidépresseurs à long terme, ou au moins les associer
àunstabilisateur de l’humeur.Lelithium et le valproate
sont censés être équivalents dans le «Rapid Cycling»
[9]. En cas de réponse insuffisante, le CANMAT [3]
propose de passer à l’olanzapine ou à une association
de deux stabilisateurs de l’humeur.Entroisième
intention entrent en ligne de compte les autres
antipsychotiques atypiques (quétiapine, rispéridone,
clozapine). Les patients en «Rapid Cycling» souffrent
parfois d’une hypothyroïdie, exigeant elle aussi un
traitement [9, 10].
Tr aitement des troubles bipolaires mixtes
Dans un trouble mixte, les symptômes maniaques et
dépressifs sont présents simultanément. Leur pronostic
est moins bon malgré le traitement et le risque suicidaire
est plus élevé. Le valproate, la lamotrigine et la
carbamazépine sont meilleurs qu’un traitement de
lithium [8, 9]. Certains arguments veulent que les
antipsychotiques atypiques soient eux aussi efficaces.
Les antidépresseurs doivent être utilisés avec retenue.
Tr aitement à long terme
(prévention des récidives)
Il fait suite aux traitements aigu et d’entretien et doit se
poursuivre à long terme, voire à vie [2, 3], ce qui est
souvent assez mal accepté. Les recommandations ne
sont pas unanimes: les américaines (APA2002)
préconisent un traitement àlong terme après le premier
épisode maniaque déjà, le NICE et la «World Federation
of the Societies of Biological Psychiatry» (WFSBP) après
le second épisode maniaque [4, 6]. Mais pour décider
d’un traitement à long terme, il faut également tenir
compte de l’intensité de l’épisode maniaque, de la
prédisposition familiale, du jeune âge, des symptômes
résiduels, du trouble anxieux ou de la dépendance
concomitants, sans oublier la situation existentielle
actuelle.
Pourquoi le traitement à long terme
est-il si important?
La nécessité d’un traitement àlong terme des troubles
bipolaires est requise en raison d’un nombre important
de récidives: après la première hypomanie ou manie,
la probabilité de récidive est de 90% [2], de 60 à80%
après interruption d’un stabilisateur de l’humeur et
même de 20 à50% sous traitement. De nombreux
patients ne bénéficient en outre pas d’une rémission
symptomatique et fonctionnelle, ce qui augmente le
risque de récidive. Ceci est également vrai en présence
d’une consommation de substances, de symptômes
psychotiques ne corres-pondant pas àl’humeur et d’une
anamnèse familiale positive. Chaque épisode favorise
l’ap-parition de
nouvelles phases, avec
pour consé-quence une
plus mau-vaise qualité
de vie, une résistance au
traitement et des
hospitalisations plus
longues [3, 5]. Certains
arguments veulent que
les épisodes cumulés provoquent des altérations structu-
relles dans le cerveau, supposées être àl’origine des
dysfonctions cognitives [3, 7, 8]. Ces dernières sont
probablement réversibles ou peuvent être prévenues par
un traitement aussi précoce qu’adéquat (tab. 4 p).
Il n’y apratiquement aucune étude sur l’impact d’un
traitement àlong terme au delà de 18 mois. Sont
Ta bleau 4.Tr aitement à long terme (prévention des récidives) des troubles
bipolaires selon le CANMAT [3].
Options Choix
1re intention Lithium, lamotrigine (pour manies légères), valproate, olanzapine,
quétiapine, aripiprazole en monothérapie
(lithium ou valproate) + quétiapine, rispéridone dépôt
2eintention Carbamazépine, lithium + valproate, lithium + carbamazépine,
(lithium ou valproate) + olanzapine, lithium + rispéridone, lithium
+ lamotrigine, olanzapine + fluoxétine
3eintention Plus phénytoïne, clozapine, ECT, topiramate, gabapentine,
acides gras oméga 3, oxcarbazépine
ECT = électro-convulsivothérapie.
Certains arguments veulent
que les épisodes cumulés
provoquent des altérations
structurelles dans le cerveau,
supposées être à l’origine
des dysfonctions cognitives