Le diagnostic de la trypanosomose humaine africaine

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LES MALADIES TROPICALES (1)
Le diagnostic de la trypanosomose
humaine africaine
Hana Talabania,*, Thierry Ancellea
RÉSUMÉ
SUMMARY
L trypanosomose
La
t
humaine
h
i africaine
f i i à Trypanosoma
T
brucei
b
i gambiense
bi
ou T.b. rhodesiense, qui sévit exclusivement en Afrique, est très rarement
observée en Europe chez des voyageurs ou des migrants (quelques cas
annuels). L’incubation peut être longue et variable. La maladie débute
par une phase lymphatico-sanguine où prédominent fièvre et adénopathies cervicales, suivie quelques mois plus tard d’une phase méningoencéphalitique comportant de nombreux symptômes neurologiques et
psychiatriques. L’évolution, sans traitement, aboutit à la cachexie et un
coma conduisant à la mort du patient. Les traitements, souvent toxiques,
diffèrent selon la phase. Le diagnostic de la maladie, difficile à évoquer,
doit donc être complété par un diagnostic de phase.
Il est orienté par un syndrome inflammatoire (VS et CRP élevées), une
plasmocytose avec vacuoles (cellules de Mott) et une forte élévation des
IgM sériques. Le diagnostic direct de la première phase se fait par mise en
évidence du trypanosome dans le suc ganglionnaire, ou dans le sang, par
frottis, goutte épaisse ou après concentration par centrifugation en tube
capillaire (test de Woo), ou passage en micro-colonne échangeuse d’ions.
Dans la seconde phase, le diagnostic est évoqué devant un titre élevé
d’IgM dans le LCR, une cytorachie élevée et une protéinorachie supérieure
à 450 mg/L. Il est confirmé par la découverte de trypanosomes dans le
LCR après double centrifugation. Il existe de nombreuses méthodes de
diagnostic sérologique (immunofluorescence, ELISA…). La technique la
plus utilisée sur le terrain est le CATT en raison de sa simplicité. Les techniques de biologie moléculaire sur le sang et le LCR (PCR, LAMP) sont
maintenant applicables et permettent encore d’augmenter la sensibilité.
Trypanosomose africaine – maladie du sommeil –
diagnostic biologique – Trypanosoma.
1. Introduction
La trypanosomose humaine africaine (THA) est une maladie parasitaire sévissant exclusivement sur le continent
africain entre les latitudes 15° nord et 20° sud. Sa dénomination commune de « maladie du sommeil » fait sou-
a Laboratoire de parasitologie-mycologie
Hôpital Cochin
Faculté de médecine Paris Descartes.
27, rue du Faubourg Saint-Jacques
75679 Paris cedex 14
* Correspondance
[email protected]
article reçu
reç le 1err septembre,
septembre accepté le 16 no
novembre
embre 2010
© 2011 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.
Diagnosis of human African trypanosomiasis
Trypanosoma brucei gambiense or T.b. rhodesiense
Trypanosomiasis, whose extension is limited to
Africa, is very occasionally reported in Europe in
travellers or migrants. The early stage of the disease
during which the parasites are restrained to the
blood and lymphatic system is characterised by
fever and cervical lymphadenopathies. The meningoencephalitic phase occurs several months later, with
a progressive neurological and mental deterioration
proceeding to coma. If untreated, the disease is always
lethal. The current treatment are different according
to the stage and are toxic.
Diagnosis might be difficult and has to be completed
with a determination of the stage.
It is guided by an inflammatory syndrome (increased
C reactive protein and erythrocyte sedimentation
rate), plasmocytosis (Mott cells) and elevated IgM
titers in the serum. The diagnosis of the first stage
requires demonstration of parasites in blood or
lymph-nodes aspirates. Sensitivity is improved by
the use of haematocrit centrifuge technique (Woo
test) or by miniature anion exchange centrifugation
technique. During the second stage the examination
of cerebrospinal fluid (CSF) may show high level
of Immunoglobulin M, increased cells count
(>5 cell/μl) or protein concentration in the CSF
(> 450 mg/L). The diagnosis of the neurological stage
is confirmed by the detection of trypanosomes by
double CSF centrifugation technique. There are many
immunological techniques to detect specific antibodies
in the serum (indirect immunofluorescence, ELISA…).
Almost every control programme in endemic areas
used the card agglutination test for trypanosomiasis
which is simple, quick and easy to perform. New
molecular techniques improve the diagnostic of the
parasite infection and the stage determination.
Human African trypanosomiasis –
sleeping sickness – diagnosis.
vent oublier son extrême gravité se caractérisant par une
méningo-encéphalite d’évolution constamment fatale en
l’absence de traitement. L’agent pathogène, Trypanosoma
brucei gambiense en Afrique occidentale et centrale
et Trypanosoma brucei rhodesiense en Afrique orientale et australe, est transmis par la piqûre d’un insecte
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Figure 1 – Glossina sp. adulte.
CD ANOFEL4 – Association française des enseignants et praticiens
hospitaliers de parasitologie et mycologie médicale – 2010.
vecteur, la glossine ou mouche tsé-tsé (figure 1), ellemême infestée à partir d’un repas sanguin sur un hôte
atteint de trypanosomose.
Après la grande épidémie des années 1920, la maladie
avait fortement décru en Afrique en raison de l’efficacité
des méthodes de dépistage-traitement systématique mises
en place dans les pays d’endémie. Elle avait quasiment
disparu en 1965. A partir des années 1970-80, l’incidence
de la maladie a augmenté de façon exponentielle du fait
de la désorganisation des services de lutte, de l’abandon
Tableau I – Liste des pays d’endémie
de trypanosomose humaine africaine.
Niveaux d’endémie
Très élevé :
profil épidémique
T. b. gambiense
T. b. rhodesiense
Angola
RD Congo (ex-Zaïre)
Soudan (sud)
Elevé
Cameroun
des programmes de dépistage-traitement et des mouvements massifs de populations réfugiées ou déplacées
entre zones d’endémie et zones indemnes.
La répartition géographique de la THA est caractérisée
par un éparpillement en multiples foyers dont les limites
suivent les contraintes de l’écosystème du vecteur. On
estime qu’il existe 250 foyers qui touchent une trentaine
de pays d’Afrique sub-saharienne (tableau I). Les pays les
plus atteints sont la République démocratique du Congo,
l’Angola, le sud du Soudan et l’Ouganda. Ces quatre pays
représentent plus de 90 % des cas humains recensés.
L’OMS [1] estime que la population à risque s’élève à
70 millions de personnes, le nombre de cas existants entre
300 000 et 500 000 et le nombre de nouveaux cas annuels
à quelques dizaine de milliers. Par ailleurs, on considère
que seulement 10 % des zones atteintes font l’objet d’une
surveillance correcte.
Dans le monde, le nombre de cas notifiés hors d’Afrique
ne dépasse pas une cinquantaine par an [2]. Aux EtatsUnis, une trentaine de cas seulement a été publiée pendant le siècle dernier [3]. En Europe, la plus grande série
publiée porte sur 109 cas observés entre 1904 et 1963 [4].
L’incidence de la THA d’importation est faible en raison
de la distribution très focalisée de la maladie dans des
zones rarement visitées par les voyageurs. Néanmoins,
l’accroissement du nombre de séjours dans des zones
touristiques africaines de plus en plus reculées (safarisphotos, tourisme « écologique ») et les migrants africains
augmentent ce danger potentiel. En France, où les conditions bio-climatiques sont défavorables à l’installation
du vecteur, la transmission autochtone est inexistante,
hormis l’éventualité d’une contamination accidentelle de
laboratoire. Une enquête portant sur la période 1980-2004
a recensé 26 cas publiés [5] et 2 cas rapportés. Il s’agit
donc d’une pathologie observée exceptionnellement en
France et le diagnostic ne peut être évoqué que s’il existe
la notion d’un séjour en zone d’endémie de THA.
RD Congo (sud-est)
Centrafrique
Ouganda (sud-est)
Congo
Tanzanie
2. Clinique
Côte-d’Ivoire
Gabon
Guinée
Ouganda (nord-ouest)
Tchad
Faible
Bénin
Kenya
Burkina-Faso
Mozambique
Guinée équatoriale
Zambie
Mali
Togo
Statut mal connu
Gambie
Botswana
Ghana
Burundi
Guinée Bissau
Ethiopie
Liberia
Rwanda
Niger
Malawi
Nigeria
Namibie
Sénégal
Swaziland
Sierra-Leone
Zimbabwe
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Après une période d’incubation parfois caractérisée par la
survenue d’un chancre d’inoculation (trypanome) (figure 2)
autour de la piqûre de la glossine infectante, la maladie
évolue schématiquement en deux phases d’abord lymphatico-sanguine, puis neurologique. La durée d’évolution est
très variable entre les individus et les premiers symptômes
peuvent apparaître plusieurs mois après l’infection.
r A la phase lymphatico-sanguine, outre des signes généraux non spécifiques (céphalée, malaise, asthénie, vertiges,
arthralgies, amaigrissement), on observe deux symptômes
majeurs : la fièvre et la présence d’adénopathies à prédominance rétrocervicale et susclaviculaire. De nombreux
autres signes inconstants peuvent être observés (hépatosplénomégalie, trypanides, œdème facial, prurit).
r A la phase neurologique, se développe un véritable
syndrome méningo-encéphalitique caractérisé par de
nombreux troubles sensitifs, moteurs, psychiatriques, des
troubles de la vigilance et du sommeil. En l’absence de traitement, l’état du patient se détériore inéluctablement vers
un coma dont l’issue est mortelle dans la totalité des cas.
LES MALADIES TROPICALES (1)
3. Traitement
La difficulté de la prise en charge thérapeutique de la
THA provient de l’absence de médicaments qui soient
à la fois efficaces et bien tolérés. Tous les produits existants présentent une toxicité marquée. Dans la première
phase de la maladie, on utilise la pentamidine (Pentacarinat©) pour les infections à T. gambiense et la suramine
sodique (Moranyl©) pour les infections à T. rhodesiense. Ces
deux produits sont inefficaces à la phase neurologique ;
il faut alors utiliser soit l’éflornitine (DFMO) hélas souvent
non disponible sur le terrain, soit encore le mélarsoprol
(Arsobal©) extrêmement toxique provoquant la survenue
d’encéphalopathie arsenicale fatale dans environ 3 à 5 %
des cures. Des essais récents ont montré que l’association
éflornitine et nifurtimox, molécule utilisée dans le traitement
de la trypanosomose américaine (maladie de Chagas),
présentait le meilleur rapport efficacité/toxicité.
Le diagnostic biologique de la THA est donc particulièrement délicat dans un pays non-endémique comme la
France, où la symptomatologie clinique est trompeuse.
La plupart des efforts récents de développement de techniques diagnostiques ont privilégié les qualités de simplicité
d’exécution, d’acceptabilité et de faible coût en raison
de la nécessité de dépister, sur le terrain, des malades
vivant dans les zones les plus déshéritées de la planète.
Néanmoins, il est impératif que ces techniques soient
performantes en raison du double enjeu de la létalité et
de la nécessité de distinguer les deux phases évolutives
pour dispenser le traitement adapté.
4. Les méthodes de diagnostic
Aucun signe clinique n’étant pathognomonique de la maladie, le diagnostic de THA requiert nécessairement des
techniques de laboratoire.
Sur le terrain, un dépistage actif des personnes infectées
est préconisé par le comité d’experts de l’OMS (WHO
expert committee 1998). La détection d’anticorps spécifiques permet de sélectionner les patients qui subiront une
recherche directe du parasite. En France, le diagnostic de
THA est en général réalisé par des laboratoires spécialisés
en parasitologie. Néanmoins le diagnostic biologique peut
être effectué, dès les premières semaines après contamination, par l’observation d’un frottis sanguin, d’une goutte
épaisse ou d’autres liquides biologiques.
Figure 2 – Trypanome ou chancre d’inoculation.
CD ANOFEL4 – Association française des enseignants et praticiens
hospitaliers de parasitologie et mycologie médicale – 2010.
gammaglobulines et tout particulièrement des IgM dans
le sang et dans le LCR avec des taux parfois très élevés, de 8 à 16 fois les concentrations habituelles. Cette
activation polyclonale non spécifique des lymphocytes B
peut parfois entraîner un retard au diagnostic du fait de
l’augmentation de différents anticorps spécifiques d’autres
pathogènes (Toxoplasma gondii, Cytomegalovirus, Borrelia
burgdorferi…) ou de l’augmentation d’auto-anticorps [6-8].
4.2. Diagnostic direct
La méthode de certitude pour établir le diagnostic est la
mise en évidence des trypanosomes dans le sang périphérique, le suc de ponction ganglionnaire ou le culot de
centrifugation du LCR. La forme du parasite dite « trypomastigote » est toujours extracellulaire. Le trypanosome
est allongé avec un corps cellulaire en forme de feuille et
un noyau central, d’environ 20-35 μm de longueur et de
2,5 à 3 μm de largeur. Il possède à la partie postérieure
un kinétoplaste où prend naissance le flagelle (figure 1).
La sensibilité du diagnostic direct dépend de la quantité
de trypanosomes circulants, du volume de sang examiné
et de l’expérience de l’observateur. Le diagnostic est
plus simple pour T. rhodesiense car la parasitémie est, en
général, plus élevée.
La recherche d’antigène circulant n’est plus pratiquée en
raison de son manque de sensibilité.
Le diagnostic peut être effectué sur différents prélèvements.
4.2.1. Aspiration du chancre d’inoculation
4.1. Signes biologiques non spécifiques
Les signes d’appel biologique de la THA sont non spécifiques et peuvent associer un bilan hépatique et une
fonction rénale perturbés. Les marqueurs habituels d’inflammation comme la C réactive protein (CRP) ou la vitesse
de sédimentation peuvent être augmentés.
La numération formule sanguine révèle une anémie et une
hyperleucocytose avec monocytose et surtout plasmocytose. Certains plasmocytes se transforment en cellules très
volumineuses bourrées de vacuoles : les cellules de Mott.
Une thrombocytopénie peut également être observée.
L’étude des protéines révèle une diminution de l’albuminémie et surtout une augmentation très importante des
Le diagnostic de THA peut être effectué précocement par
ponction du chancre d’inoculation. En effet, dans les pays
non-endémiques comme la France, les patients peuvent
consulter de façon précoce lors de l’apparition de la fièvre
et lorsque le chancre est encore visible. La ponction du
chancre est examinée à l’état frais ou après fixation au
May Grunwald Giemsa.
4.2.2. Ponction ganglionnaire
La palpation des ganglions postérieurs cervicaux doit
être pratiquée devant tout examen sérologique positif.
Les adénopathies sont fermes, mobiles et indolores souvent situées au niveau latéro-postérieur du cou ou en sus
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Figure 3 – Frottis sanguin
Trypanosoma brucei gambiense (MGG).
Le QBC est très sensible et permet également le diagnostic
du paludisme [10-12].
La technique de chromatographie en mini colonne
d’échange d’anions (m-AECT) permet également d’augmenter la sensibilité de l’examen direct [12, 13]. Le sang
est passé à travers une colonne de diéthyl amino-éthyl
(DEAE)-cellulose. Les éléments figurés du sang sont
chargés plus négativement que les trypanosomes et
sont donc adsorbés sur la colonne d’échange d’ions,
tandis que les trypanosomes sont élués en conservant
toute leur viabilité. L’éluat est centrifugé et examiné au
microscope.
4.2.4. Liquide céphalo-rachidien (LCR)
claviculaire (signe de Winterbottom). L’examen à l’état frais
du suc ganglionnaire, entre lame et lamelle, permet de distinguer les trypanosomes mobiles. La sensibilité varie en
fonction de stade (plus sensible dans les phases précoces)
et de la souche parasitaire. La lecture du frottis coloré au
May Grunwald Giemsa peut être gênée par de nombreux
artefacts (lyse des trypanosomes, précipités de fibrine).
4.2.3. Sang
L’examen de sang à l’état frais permet de mettre en évidence les trypanosomes par leur mobilité. Cette technique
est simple et peu coûteuse mais elle est cependant peu
sensible (seuil de 10 000 trypanosomes/ml). Il est important de la faire rapidement pour éviter l’immobilisation et la
lyse des trypanosomes. Une alternative à cette technique
est le frottis mince d’une goutte de sang colorée au May
Grunwald Giemsa (figure 3).
La goutte épaisse, bien que plus longue, a pour avantage
d’augmenter la sensibilité (seuil de 5 000 trypanosomes/ml)
et permet le diagnostic d’autres parasitoses (paludisme,
microfilaires).
En raison de la parasitémie souvent très faible, il est
souvent nécessaire d’avoir recours à des techniques de
concentration.
La centrifugation en tubes capillaires ou technique de Woo
[9] est fondée sur la séparation des différents éléments du
sang en fonction de leurs gravités spécifiques. Le sang,
prélevé sur des tubes capillaires héparinés, est centrifugé
à 3 000 g pendant 10 minutes. L’observation au microscope permet de visualiser les trypanosomes se situant à
l’interface plasma-globules rouges.
Le système QBC ® (Quantitative Buffy Coat, BectonDickinson) est une variante de la centrifugation en tubes
capillaires. Cette technique utilise la capacité de l’acridine
orange à rendre fluorescent les noyaux et les kinétoplastes.
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L’examen du LCR est indispensable pour déterminer le
stade de la maladie qui définira le traitement à administrer.
La présence de trypanosome dans le LCR permet une
classification du patient à la phase neurologique. Cette
technique est rapide et peu coûteuse mais elle manque
de sensibilité. Un patient est également considéré à la
phase neurologique lors de la découverte [1] :
r d’une cytorachie supérieure à 5 éléments/μl et une présence de trypanosome dans le système lymphatico-sanguin ;
r d’une protéinorachie supérieure à 450 mg/L ou une
cytorachie supérieure à 20 éléments/μl et une présence
de trypanosome dans le système lymphatico-sanguin.
Le liquide est clair est hypertendu. On y trouve des lymphocytes et parfois des cellules de Mott, qui sont très
fortement évocatrices de THA.
La recherche de trypanosome se fait par simple ou double
centrifugation. L’hyperprotéinorachie est la conséquence
d’une synthèse intrathécale importante d’IgM. Un test
d’agglutination sur carte a été développé pour quantifier
les IgM dans le LCR (LATEX/IgM ; ITM ; Antwerp) [14].
Il semble qu’il y aurait une association entre le taux d’Interleukine 10, d’IgM, d’anticorps spécifiques anti-trypranosome, la quantité de protéines avant traitement et le risque
de rechute après traitement. En revanche, la présence de
trypanosomes dans le LCR ne semble pas être associée
à un risque plus important de rechute [15].
4.3. Culture in vitro ou
inoculation à l’animal
Ces techniques sont lourdes et coûteuses et ne sont
utilisées que dans un objectif d’isolement de la souche
pour la recherche.
4.4. Diagnostic indirect
Les tests sérologiques mettant en évidence des anticorps
spécifiques de T.b. gambiense sont des méthodes initiales
de diagnostic et la positivité de ces tests doit être confirmée par une recherche directe du parasite. De nombreux
tests ont été mis au point pour un dépistage de masse sur
le terrain. La sensibilité et la spécificité de ces tests sont
faibles et dépendent des antigènes utilisés, du type de prélèvement (sang, plasma, sérum ou salive). Cependant leur
utilisation n’apporte qu’un diagnostic de présomption ; ils
ne différencient pas une infection passée et guérie et une
infection présente. En effet les anticorps apparaissent 3 à
4 semaines après l’infection et peuvent persister jusqu’à
3 ans après le traitement [16].
LES MALADIES TROPICALES (1)
Le test sérologique couramFigure 4 – Test d’agglutination sur carte ou CATT
ment utilisé pour le dépistage
(card agglutination test for trypanosomiasis).
de masse de la trypanosomose
humaine est le test d’agglutination sur carte ou CATT (card
agglutination test for trypanosomiasis) [17] (figure 4).
C’est un test d’agglutination
utilisant des antigènes variables
LiTat 1.3. de T.b. gambiense.
Une goutte de ce réactif est
mélangée avec une goutte
de sang puis agitée pendant
5 minutes. Le résultat est visible
à l’œil nu. Ce test présente
l’avantage d’être applicable
directement sur le terrain, facile
d’emploi et peu coûteux. Sa
sensibilité varie de 87 % à 98 %
Une goutte de ce réactif est mélangée avec une goutte de sang puis agité pendant 5 minutes.
selon les études. Des réactions
L’agglutination, si elle a lieu, est visible à l’œil nu.
faussement positives peuvent
être parfois rencontrées en cas
(96 %) dans la détermination du stade de la maladie [25].
d’infection par des formes animales de trypanosomose.
Il existe en revanche des faux positifs dans le sang avec
Des « faux négatifs » peuvent être observés en cas de phédes trypanosomes non pathogènes pour l’homme. Dans
nomènes de zone (sérums ayant un titre élevé d’anticorps)
le LCR, ces discordances sont difficiles à expliquer et
ou lorsque certaines souches, notamment au Cameroun
et au Nigeria, sont dépourvues du gène codant la protéine
pourraient être dues à une présence d’ADN du parasite
LiTat 1.3 [18]. Pour palier à ce problème, un test au latex
sans parasite visible en microscopie. La PCR permet
composé d’une suspension lyophilisé de particules de
également de détecter les rechutes. Cependant, il existe
latex sensibilisés avec une combinaison de 3 antigènes
des résultats discordants et un manque de reproductibilité
de surface purifiés LiTat 1.3, 1.5, 1.6 a été étudié. Cette
des méthodes de PCR [29].
technique semble plus spécifique mais avec une égale
Njiru et coll. ont utilisé la technique LAMP (loop mediated
sensibilité de 71 à 100 % [19, 20].
isothermal amplification) pour amplifier plusieurs cibles
L’immunofluorescence indirecte a été utilisé avec succès
d’ADN de T.b. rhodesiense. Cette technique prometen Guinée équatoriale, au Gabon et en République du
teuse semble très sensible avec un seuil de détection
Congo [21]. Cette technique utilisant des trypanosomes
de 1 trypanosome/ml dans le sang et ne requiert aucun
fixés est très spécifique et sensible et peut être utilisée
matériel de thermocyclage coûteux. Il existe cepensur sérum ou éluat obtenu à partir de sang sur papier
dant un risque de contamination des échantillons [30].
filtre. Cependant elle exige un équipement spécifique
Une équipe a récemment utilisé la technique NASBA
(microscope à fluorescence).
(nucleic acid sequence-based amplification) couplée à
Enfin la technique ELISA est, actuellement, très largement
une technique d’oligochromatographie afin d’amplifier et
utilisée dans de nombreux laboratoires pour le sérodiade détecter l’ARN du parasite. Cette technique avec un
gnostic de nombreux pathogènes, notamment en raison
seuil de détection de 10 parasites/ml de sang serait une
de sa simplicité et de sa possibilité d’automatisation. Dans
alternative intéressante sur le terrain [31].
le cadre du diagnostic de trypanosomose, la technique
ELISA peut être utilisée sur le sérum, l’éluat obtenu à
partir de sang sur papier filtre, le LCR et la salive [22,
5. Conclusion
23]. Il n’existe cependant pas de réactif commercialisé en
France et le coût de la technique semble élevé compte
Le développement du tourisme vers l’Afrique peut conduire
tenu du faible nombre quotidien de sérum à analyser.
à l’observation de cas de trypanosomose africaine et il
faut savoir y penser en cas de symptomatologie non
4.5. Biologie moléculaire
expliquée à la suite d’un voyage, même ancien, en zone
Les techniques de biologie moléculaire offrent une alternad’endémie. Le diagnostic n’est pas toujours facile du
tive plus rapide, plus sensible et spécifique de la détection
fait des nombreuses étiologies possibles pour les fièvres
de l’ADN de T. gambiense dans différents milieux biolodu retour. L’isolement du trypanosome dans différents
giques. Avec un seuil de détection dans le sang de 1 à
liquides biologiques permet un diagnostic de certitude. La
40 trypanosomes selon les études, la PCR (polymerase
sérologie et la PCR présente un intérêt chez les patients
chain reaction) est plus sensible que les autres techniques
avec une faible parasitémie.
[24-28]. En comparaison avec la double centrifugation
du LCR, plusieurs équipes ont démontré que la PCR
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
effectuée sur le LCR était la technique la plus sensible
conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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