LES MALADIES TROPICALES (1)
REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - MARS 2011 - N°430 // 43
gammaglobulines et tout particulièrement des IgM dans
le sang et dans le LCR avec des taux parfois très éle-
vés, de 8 à 16 fois les concentrations habituelles. Cette
activation polyclonale non spécique des lymphocytes B
peut parfois entraîner un retard au diagnostic du fait de
l’augmentation de différents anticorps spéciques d’autres
pathogènes (Toxoplasma gondii, Cytomegalovirus, Borrelia
burgdorferi…) ou de l’augmentation d’auto-anticorps [6-8].
4.2. Diagnostic direct
La méthode de certitude pour établir le diagnostic est la
mise en évidence des trypanosomes dans le sang péri-
phérique, le suc de ponction ganglionnaire ou le culot de
centrifugation du LCR. La forme du parasite dite « trypo-
mastigote » est toujours extracellulaire. Le trypanosome
est allongé avec un corps cellulaire en forme de feuille et
un noyau central, d’environ 20-35 μm de longueur et de
2,5 à 3 μm de largeur. Il possède à la partie postérieure
un kinétoplaste où prend naissance le agelle (figure 1).
La sensibilité du diagnostic direct dépend de la quantité
de trypanosomes circulants, du volume de sang examiné
et de l’expérience de l’observateur. Le diagnostic est
plus simple pour T. rhodesiense car la parasitémie est, en
général, plus élevée.
La recherche d’antigène circulant n’est plus pratiquée en
raison de son manque de sensibilité.
Le diagnostic peut être effectué sur différents prélèvements.
4.2.1. Aspiration du chancre d’inoculation
Le diagnostic de THA peut être effectué précocement par
ponction du chancre d’inoculation. En effet, dans les pays
non-endémiques comme la France, les patients peuvent
consulter de façon précoce lors de l’apparition de la èvre
et lorsque le chancre est encore visible. La ponction du
chancre est examinée à l’état frais ou après xation au
May Grunwald Giemsa.
4.2.2. Ponction ganglionnaire
La palpation des ganglions postérieurs cervicaux doit
être pratiquée devant tout examen sérologique positif.
Les adénopathies sont fermes, mobiles et indolores sou-
vent situées au niveau latéro-postérieur du cou ou en sus
3. Traitement
La difculté de la prise en charge thérapeutique de la
THA provient de l’absence de médicaments qui soient
à la fois efcaces et bien tolérés. Tous les produits exis-
tants présentent une toxicité marquée. Dans la première
phase de la maladie, on utilise la pentamidine (Pentaca-
rinat©) pour les infections à T. gambiense et la suramine
sodique (Moranyl©) pour les infections à T. rhodesiense. Ces
deux produits sont inefcaces à la phase neurologique ;
il faut alors utiliser soit l’éornitine (DFMO) hélas souvent
non disponible sur le terrain, soit encore le mélarsoprol
(Arsobal©) extrêmement toxique provoquant la survenue
d’encéphalopathie arsenicale fatale dans environ 3 à 5 %
des cures. Des essais récents ont montré que l’association
éornitine et nifurtimox, molécule utilisée dans le traitement
de la trypanosomose américaine (maladie de Chagas),
présentait le meilleur rapport efcacité/toxicité.
Le diagnostic biologique de la THA est donc particuliè-
rement délicat dans un pays non-endémique comme la
France, où la symptomatologie clinique est trompeuse.
La plupart des efforts récents de développement de tech-
niques diagnostiques ont privilégié les qualités de simplicité
d’exécution, d’acceptabilité et de faible coût en raison
de la nécessité de dépister, sur le terrain, des malades
vivant dans les zones les plus déshéritées de la planète.
Néanmoins, il est impératif que ces techniques soient
performantes en raison du double enjeu de la létalité et
de la nécessité de distinguer les deux phases évolutives
pour dispenser le traitement adapté.
4. Les méthodes de diagnostic
Aucun signe clinique n’étant pathognomonique de la mala-
die, le diagnostic de THA requiert nécessairement des
techniques de laboratoire.
Sur le terrain, un dépistage actif des personnes infectées
est préconisé par le comité d’experts de l’OMS (WHO
expert committee 1998). La détection d’anticorps spéci-
ques permet de sélectionner les patients qui subiront une
recherche directe du parasite. En France, le diagnostic de
THA est en général réalisé par des laboratoires spécialisés
en parasitologie. Néanmoins le diagnostic biologique peut
être effectué, dès les premières semaines après contami-
nation, par l’observation d’un frottis sanguin, d’une goutte
épaisse ou d’autres liquides biologiques.
4.1. Signes biologiques non spécifiques
Les signes d’appel biologique de la THA sont non spé-
ciques et peuvent associer un bilan hépatique et une
fonction rénale perturbés. Les marqueurs habituels d’in-
ammation comme la C réactive protein (CRP) ou la vitesse
de sédimentation peuvent être augmentés.
La numération formule sanguine révèle une anémie et une
hyperleucocytose avec monocytose et surtout plasmocy-
tose. Certains plasmocytes se transforment en cellules très
volumineuses bourrées de vacuoles : les cellules de Mott.
Une thrombocytopénie peut également être observée.
L’étude des protéines révèle une diminution de l’albumi-
némie et surtout une augmentation très importante des
Figure 2 – Trypanome ou chancre d’inoculation.
CD ANOFEL4 – Association française des enseignants et praticiens
hospitaliers de parasitologie et mycologie médicale – 2010.