sous-prolétariat (le prolétariat en haillons, lumpenproletariat en
allemand).8 Dans le chapitre inachevé du Capital, il n’en distingue que
trois : les salariés, les capitalistes et les propriétaires fonciers (ANNEXE
2).
Cette contradiction entre ouvrages théoriques et historiques n’est
peut-être qu’apparente. Elle peut se résoudre en considérant que la
polarisation en deux grandes classes serait le résultat de l’extension du
mode de production capitaliste à l’ensemble de la société. Dans ces
conditions, certaines classes sont appelées à disparaître. De plus, on peut
faire des regroupements dans la mesure où Marx n’évoque souvent que
des fractions de classes. En outre, le chapitre inachevé du Capital est
vraiment trop peu développé pour pouvoir servir de base à une
présentation de la théorie marxiste des classes sociales.9
Si le prolétariat a conscience de ses intérêts, il cherchera à les
défendre contre la bourgeoisie. Le prolétariat se développe avec la grande
industrie. Il devient de plus en plus nombreux et de plus en plus fort
alors que les autres classes (petite et moyenne bourgeoisie) finissent par
disparaître dans les phénomènes de concentration. En développant la
grande industrie, la bourgeoisie produit ses « propres fossoyeurs ».
Il viendra en effet un moment où le prolétariat, sûr de sa force, se
constituera en classe dominante lors d’un épisode révolutionnaire. En
expropriant la bourgeoisie, il socialisera les moyens de production. Cette
première phase (le socialisme) porte encore les stigmates du capitalisme
(monnaie, État, inégalités), mais dans une phase supérieure (le
communisme) chacun travaillera selon ses capacités et recevra selon ses
besoins.
En se constituant en classe dominante, le prolétariat abolit les
classes sociales. Le communisme est une société sans classe et sans État
puisque l’État n’est qu’un instrument de domination d’une classe sur
l’autre. C’est la fin de l’histoire entendue comme stade ultime du
changement social, dans la mesure où, pour Marx, la lutte des classes
était le moteur de l’histoire.
Marx analysait une réalité économique et sociale, celle du dix-
neuvième siècle. L’histoire sociale du vingtième siècle ne va pas
forcément confirmer son analyse. En effet, les critiques dominantes de la
conception marxiste conteste sa vision dualiste et la réduction de la
8 - Karl Marx, 1850, Les luttes des classes en France (1848-1850), Québec, Les classiques des
sciences sociales, 2002 (Édition électronique).
9 - Faute de mieux, on s’est longtemps contenté de la définition de Lénine dans La grande
initiative : « on appelle classes de vastes groupes d’hommes qui se distinguent par la place
qu’ils occupent dans un système historiquement défini de production sociale, par leur rapport
(la plupart du temps fixé et consacré par les lois) vis à vis des moyens de production, par leur
rôle dans l’organisation sociale du travail, donc par les modes d’obtention et l’importance de
la part de richesses sociales dont ils disposent ».