1
Introduction à la Torie des Jeux : les
jeux non coopératifs
P
AUL
M.,
L
EPELLEY
D.
ET
S
MAOUI
H.,
CEMOI,
U
NIVERSITE DE
L
A
R
EUNION
1
,
S
OMMAIRE
2
I – Introduction ........................................................................................................................... 2
II – Les différentes formes de jeu ............................................................................................... 2
III – Les jeux statiques ............................................................................................................... 4
IV – Les jeux dynamiques : résolution par la récurrence à rebours ......................................... 18
V – Les jeux dynamiques : l'approche en termes de stratégies ................................................ 31
VI – Quelques applications ...................................................................................................... 37
VII – Conclusion ...................................................................................................................... 45
VIII – Annexe ........................................................................................................................... 45
IX – Bibliographie .................................................................................................................... 47
1
For corresponding, dominique.lepelley@univ-reunion.fr, michel.paul@univ-reunion.fr, hatem.smaoui@univ-
reunion.fr.
2
Ce texte est la « version longue » d’un article publié en novembre 2013 par Ecoflash, revue du CNDP.
2
I – Introduction
Construite dans la seconde partie du XXème siècle sur les contributions séminales de Von
Neumann et Morgenstern (1944) et Nash (1951), la Théorie des Jeux (TDJ) étudie les
situations d’interaction stratégiquele sort de chacun dépend non seulement de ses propres
décisions mais aussi des décisions prises par les autres. Ce type de situations est très fréquent
en économie (on pense bien sûr aux situations de concurrence imparfaite) mais aussi en
sciences politiques (vote stratégique, compétition électorale…), en biologie (théorie de
l'évolution) ou en sociologie (peer pressure, société de la confiance/défiance …). L’objet de la
TDJ est de formaliser ces interactions pour tenter d’en prévoir l’issue (approche positive)
mais aussi d’aider le ou les joueurs à choisir la « bonne » stratégie (approche normative).
Il est convenu de distinguer deux grandes familles de jeu : les jeux coopératifs dans lesquels
les joueurs peuvent passer des accords qui les lient de manière contraignante et les jeux non
coopératifs dans lesquels les joueurs sont entièrement libres de leurs décisions au moment
ils font leurs choix. L’objet de ce texte est de présenter brièvement les principaux types de
jeux non coopératifs et les outils qui permettent de les analyser dans un contexte
d’information complète tous les aspects du jeu sont bien connus des décideurs. Les jeux
coopératifs sont analysés quant-à-eux dans un second document.
II – Les différentes formes de jeu
On distingue en TDJ plusieurs catégories de jeux selon trois grands critères que sont (i) la
capacité des joueurs à s'engager de façon formelle sur leurs décisions futures, (ii) la nature de
l'information et (iii) le caractère statique ou dynamique du jeu. Cette classification est
nécessaire car, selon le type de jeu auquel on fait face, on n'emploie pas (nécessairement) les
mêmes outils pour le résoudre.
Le dernier critère est simple. Ainsi, on dira d'un jeu qu'il est dynamique si le déroulement du
jeu procure de l'information à au moins un joueur ; dans le cas contraire, il est statique. Le
premier critère renvoie aux deux grandes approches, coopératif vs non coopératif, autour
desquelles s'est construite historiquement la TDJ. Pour l'essentiel, l'approche coopérative
s'intéresse à la prise de décision collective, c'est-à-dire à des situations l'on doit décider en
3
commun de ce qu'il conviendra de faire. Il y a ainsi une phase de négociation avant le
déroulement du jeu, cette dernière débouchant sur la signature d'un contrat exécutoire (i.e. qui
a force de loi) et par lequel les joueurs s'engagent sur les actions qu'il conviendra de prendre
au cours du jeu. L'approche non coopérative quant à elle s'attache à prévoir ce qui sera joué de
manière spontanée par des joueurs entièrement libres de leurs décisions au moment où ils font
leurs choix. Le point est qu'il peut alors y avoir ou non une phase de négociation avant le
déroulement du jeu, en vue de se coordonner par exemple, mais si négociation il y a, les
accords qui sont susceptibles d'être passés n’ont pas force de loi (par exemple, parce qu'ils
seraient illégaux). A ce titre, les joueurs, s’ils honorent les engagements qu'ils auraient pu
prendre durant cette phase de gociation, le font non pas parce qu'ils sont tenus de le faire
mais bien parce que cela sert leurs intérêts.
Le critère touchant à la nature de l'information est le plus complexe. On distingue notamment
(i) l'information parfaite vs imparfaite, (ii) l'information complète vs incomplète et (iii)
l'information symétrique vs asymétrique selon le schéma suivant :





 


Schéma 1: les différents concepts d’information
De façon générique, la distinction entre information parfaite et imparfaite est simple. Ainsi, en
information parfaite, « on sait tout » ou, plus exactement, « on sait que l'on saura tout ce qu'il
sera utile de savoir au moment il faudra prendre une décision ». En revanche, en
information imparfaite, il y a au moins une chose pertinente pour la prise de décision que l'on
ignore (toujours au moment où il faudra prendre une décision). Ainsi, des joueurs qui agissent
à tour de rôle en observant à chaque fois ce qui a été joué par les autres, comme aux échecs
par exemple, évoluent dans un contexte d'information parfaite. En revanche, s'ils le font sans
savoir ce qui a été joué auparavant, comme dans une enchère scellée pour l'attribution d'un
marché public par exemple, l'information est imparfaite.
4
Par la suite, il s'avère que cette première distinction n'est pas suffisante et il convient
également de savoir, lorsque l'information est imparfaite, si les joueurs connaissent avec
certitude les gles du jeu, ces dernières incluant l'ensemble des joueurs (qui joue ?), les
ensembles d'actions possibles (que peuvent faire les joueurs ?) et les fonctions de règlements
(combien obtiennent les joueurs ?). Si tel est le cas, l'information est complète ; dans le cas
contraire, elle est incomplète et elle devient asymétrique si certains connaissent mieux les
règles du jeu, le plus souvent les fonctions de règlement, que d'autres. On notera que
l'information complète est une hypothèse forte dans certains contextes (comme dans les
enchères par exemple car elle suppose que chacun connait les prix de réserve de tous) et
raisonnable dans d'autres (comme aux échecs par exemple). D'autre part, les modèles
d'agence, d'anti-sélection et de signaux, développés en Théorie des Contrats et grandement
utilisés dans les domaines de l’économie du travail, de la finance d'entreprise, de l'assurance,
de la fiscalité …, sont des jeux à information asymétrique.
III – Les jeux statiques
Les jeux statiques sont les jeux les plus simples que l'on peut rencontrer en TDJ. Ils décrivent
des situations dans lesquelles chaque joueur joue une seule fois et ce sans connaître les choix
des autres. De ce fait, les décisions sont prises dans un contexte d'information imparfaite ; les
autres éléments nécessaires à la prise de décision sont, en revanche, supposés connus de tous.
A) La bi-matrice des règlements
Un jeu est défini du point de vue formel par la donnée de trois éléments que sont l'ensemble
des joueurs , les ensembles de stratégies
, …,
et les fonctions de
règlement
, , ces dernières étant définies sur le produit cartésien des
ensembles de stratégies
(qui constitue l’ensemble des résultats possibles du
jeu) et à valeurs dans . Ces différents éléments constituent ce que l’on appelle la forme
normale du jeu

.
Dans le cas à deux joueurs, ils peuvent être synthétisés de
façon simple dans un tableau appelé bi-matrice des glements (pour peu que les ensembles
de stratégies contiennent un nombre fini d'éléments). Pour illustrer, considérons le jeu (1)
dans lequel le joueur 1 joue en ligne et le joueur 2 en colonne (par convention). La situation
décrite est celle de deux firmes qui se font concurrence par les prix. La première colonne liste
5
les stratégies possibles du joueur 1, dans le cas présent vendre à prix bas ou à prix élevé,
tandis que la première ligne décrit celles du joueur 2 (idem). Chaque cellule du tableau, en se
situant à l'intersection d'une ligne et d'une colonne, représente un résultat possible du jeu que
l'on renseigne en faisant figurer les règlements obtenus pour la combinaison de stratégies
considérée (le premier chiffre indique le profit de 1, le second celui de 2). Concrètement, la
lecture du tableau indique que chaque firme obtiendra un profit de 40 si elles fixent toutes les
deux un prix bas, que 1 obtiendra un profit de 100 et 2 un profit de 10 si 1 fixe un prix bas et 2
un prix élevé, etc.
prix bas
prix élevé
prix bas 40,40 100,10
prix élevé
10,100 90,90
Bi-matrice 1 : le dilemme du Prisonnier
Par la suite, le problème consiste à savoir ce que les joueurs vont jouer, ici les niveaux de prix
qu’ils vont sélectionner, dans un contexte où, si chacun connaît toutes les données du jeu
(hypothèse d'information complète), on n'observe pas ce que l'autre est en train de faire
(l'information est donc imparfaite). Qui plus est, s'il est possible de discuter avant le
déroulement du jeu, chacun reste entièrement libre de sa décision au moment il fait son
choix (approche non coopérative).
B) Résolution par des relations de dominance
L'équilibre en stratégies strictement dominantes La résolution du jeu (1) est
particulièrement simple car chaque joueur a une stratégie qui est objectivement la meilleure.
En effet, quoi que fasse le joueur 2, 1 a toujours intérêt à jouer prix bas car cette stratégie
permet de meilleurs règlements (soit  avec  dans l'éventualité où 2 jouerait prix bas
ou  avec  dans l'éventualité 2 jouerait prix élevé). Similairement, quoi que
fasse le joueur 1, 2 a toujours intérêt à jouer prix bas car, dans tous les cas de figure, son
règlement est meilleur comparé à celui que permet son autre stratégie (soit  ou  contre
 ou , selon que 1 joue prix bas ou prix élevé). Dans ces conditions, les stratégies
optimales sont bien définies et le résultat du jeu (ou équilibre) est directement constitué du
1 / 50 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !