Le rôle central des décisions des médecins – accueil, diagnostic, traitement, prescription,
orientation des patients – dans les systèmes de santé est largement reconnu. L’analyse des
déterminants de ces décisions et des motivations de ces professionnels a constituée un champ
d’étude fertile de l’économie de la santé, notamment par l’analyse des relations d’agence
établies avec les autorités de tutelle ou les patients. Bien que l’influence des variables
monétaires soit indéniable, les travaux récents sur l’hétérogénéité des pratiques médicales
mettent en avant l’influence du contexte d’activité sur ces pratiques (Béjean et alii, 2007,
Pelletier-Fleury et alii, 2007, Borgès Da Silva et alii, 2008) et invitent à un renouvellement
des réflexions sur les déterminants de l’activité médicale.
Les médecins pratiquent dans des organisations de santé, qui varient par leur taille (nombre de
médecins), leur composition (spécialités médicales, diversité des professions de santé) ou
encore leur statut (public ou privé). Or ces organisations ont des effets sur les pratiques
médicales. Lamarche et alii, 2003 montrent ainsi que différents modes d’organisation des
soins de premier recours ont des effets propres en termes d’efficacité et de qualité des soins.
Par ailleurs, ces organisations de santé s’inscrivent elles-mêmes dans un environnement
particulier, celui d’un système de santé, susceptible d’orienter leur performance. L’impact des
systèmes de santé sur plusieurs dimensions (efficience, qualité des soins…) est régulièrement
mesuré par l’OCDE. Des contributions récentes cherchent ainsi à identifier l’influence des
systèmes de santé sur les inégalités d’accès aux soins (Jusot et alii, 2007) ou à déterminer le
poids relatif des paramètres institutionnels et des caractéristiques individuelles dans les
variations internationales d’utilisation des services médicaux (Bolin et alii, 2008). Toutefois,
la prise en compte simultanée des effets organisationnels et systémiques sur les pratiques
médicales n’a reçu que peu d’attention.
Face à la transition épidémiologique (vieillissement des populations, épidémies
industrielles…) et aux pressions financières pesant sur les systèmes de santé des pays
développés, la prévention acquiert une place cruciale. Celle-ci revêt un double enjeu, sanitaire,
pour répondre aux problèmes de santé publique, et financier, comme moyen de limiter les
dépenses curatives futures. Les économistes ont principalement étudié la prévention sous
l’angle de la demande (Loubière et alii, 2004). Des travaux récents se sont également
intéressés à l’offre de prévention du médecin (Franc et Lesur, 2004, Ammi et Béjean, 2008),
dont cette dimension de l’activité avait longtemps été négligée. Ils se sont en revanche peu
intéressés au rôle des systèmes et des organisations de santé en la matière.