Il est classique de décrire : la tentative de suicide, acte incomplet se soldant par un
échec, dont l'intentionnalité suicidaire est donc souvent discutable ou de toute façon
à discuter ; la velléité suicidaire, acte plus ou moins ébauché ; l'idée du suicide,
simple représentation mentale de l'acte, voire le chantage au suicide dont il faut
savoir aussi se méfier de l'apparence. Est exclu volontairement le concept de
"parasuicide", pas forcément aussi négligeable qu'il est décrit (32). En tout espèce de
cause, la bénignité apparente du geste (type phlébotomie : 31) ne doit pas faire
exclure la prudence. Au total, se pose classiquement la question du dit et du non-dit
dans les conduites suicidaires (18).
A ce sujet, on ne peut négliger ce qu'il est convenu d'appeler les fonctions
suicidaires :à la suite de E. Stengel et N.G. Cook (40), nous nous sommes intéressé
comme d'autres à cet aspect de la crise suicidaire très lié à l'intentionnalité d'un geste
éventuellement mortel(28). C'est ainsi que si l'auto-agressivité est logiquement à la
base de la suppression de soi, il convient, comme l'ont fait nombre de
psychanalystes, de rappeler l'existence fréquente de l'hétéro- agressivité (base entre
autres du chantage) ; sont également décrites la catastrophe, la fuite, la grande
majorité des comportements suicidaires étant sous-tendue par la fonction d'appel
justifiant la nécessité d'intervention systématique en matière de crise suicidaire.
Cette dernière peut aussi se masquer sous une attitude de jeu, correspondre à un
anniversaire ou dans le passage à l'acte à venir répondre à une attitude ordalique ou
oblative…
Cette approche plus psychologique n'exclut naturellement pas l'importance de tel ou
tel déterminant psychopathologique de la crise suicidaire.
N'y-a-t-il pas bien souvent derrière ces intentionnalités variées, constitutives de la
crise suicidaire, un désir de vivre mieux (7), autrement (27) ou bien un désir
d'absolu (10)?
"L'émergence de la crise suicidaire, véritable dérèglement du sens de l'auto-
conservation trouve son moteur dans l'envahissement soudain du psychisme par une
passion de destruction plus que par un désir de mort qu'on serait en peine de définir.
Une des fonctions de la crise suicidaire est bien de court-circuiter l'espace et le
temps inhérent à la communication. La crise suicidaire, quand elle devient publique
constitue l'urgence par excellence, un moment décisif qui mobilise impérieusement
l'autre" (33).
C'est dire les difficultés que peuvent éprouver en face d'elle l'omnipraticien ou le
médecin hospitalier (39), en fait toute personne confrontée à sa reconnaissance chez
l'autre, l'écoute du désir du suicide mettant en cause la position personnelle de
l'écoutant, praticien ou pas (42). Si un dialogue ne s'instaure pas, le geste suicidaire
qui risque de survenir peut avoir alors comme signification un acte de
communication …(41). Les écoutes du suicidant furent d'ailleurs le thème de la
huitième réunion du G.E.P.S. en 1976 à Reims .
On doit à ce sujet évoquer le rôle important des associations, s'efforçant de prévenir
le suicide, dont les pratiques ont évolué avec généralement abandon de la réponse
"d'accompagnement" (jusqu'à la mort), adaptation aux appelants dits "chroniques"
(11) et autres progrès dans l'écoute du suicidaire. La perception des motivations de
l'appelant suicidaire est certainement une vraie base de prévention du geste auto-
agressif (25) mais on est obligé de reconnaître que l'identification clinique du risque
suicidaire est en toute espèce de cause bien souvent des plus difficiles (30).
Mais qu'en est -il de la durée de la crise suicidaire? Il s'avère aussi qu'elle peut être
très variable, allant au minimum de quelques secondes (tel le brusque raptus
idaire du grand mélancolique) à des formes beaucoup plus durables de quelques