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UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE
Détermination du type d’une réaction
en chimie organique
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par Julien CALAFELL
Lycée Bellevue - 31031 Toulouse Cedex 4
Françoise MILON
Université Paul Sabatier - 31062 Toulouse Cedex 9
[email protected]
et André GILLES
31320 Aureville
[email protected]
[email protected]
RÉSUMÉ
Après avoir revu les définitions de l’IUPAC (Union internationale de chimie pure et
appliquée) des réactions d’addition, d’élimination et de substitution, nous modéliserons
ces réactions et étudierons des exemples. Dans une deuxième partie, nous essaierons de
dégager des règles simples permettant d’attribuer à certaines réactions le qualificatif
nucléophile ou électrophile.
INTRODUCTION
Dans les nouveaux programmes de chimie organique de terminale scientifique, il est
demandé aux élèves de classer les réactions en trois catégories : addition, substitution et
élimination. On peut noter que les réactions acide base et redox, classiques en chimie
générale, sont deux autres catégories également présentes en chimie organique. Cet exercice est délicat, car on remarque que certains élèves de licence ou de CPGE (Classes
préparatoires aux grandes écoles) ont parfois des difficultés à classer les réactions proposées. Les discussions que nous avons eues sur le sujet lors des JIREC (Journées de l’innovation et de la recherche dans l’éducation en chimie) 2012 à Toulouse montrent que cette
classification est loin d’être évidente.
Le type de réaction en chimie organique est généralement qualifié par un adjectif
(électrophile, nucléophile, radicalaire, etc.). Ce n’est pas, heureusement, une exigence du
programme de terminale, mais cela pourra se rencontrer dans les documents donnés aux
élèves pour analyse. Nous aborderons donc cette question dans un deuxième temps.
Nous allons commencer par donner les définitions de l’IUPAC avant d’en discuter
la transposition qui peut être envisagée dans l’enseignement.
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1. LES DÉFINITIONS DE L’IUPAC
On trouve ces définitions sur Internet dans le Goldbook en anglais :
Il a été traduit en français par Jean-Claude RIChER et édité par Tec & Doc. Voici quelques
extraits de : Compendium de terminologie chimique [1].
http://goldbook.iupac.org/
1.1. Équation d’une réaction chimique
« Représentation symbolique d’une réaction chimique dans laquelle on indique les
entités réagissantes sur la partie gauche et les entités produites sur la partie droite. Les
coefficients placés près des symboles et des formules des entités sont les valeurs absolues des nombres stœchiométriques. On utilise divers symboles pour relier les réactifs et
les produits ; ils ont les significations suivantes : = pour une réaction stœchiométrique ;
" pour une réaction qui globalement se déplace vers la droite ; D pour une réaction qui
va dans les deux sens ; ? pour une réaction équilibrée. ».
Remarque : L’avant-dernier symbole caractérise deux réactions inverses dont les
vitesses ne sont pas égales alors que le dernier symbole caractérise les deux réactions à
l’état d’équilibre. Dans l’écriture des réactions chimiques ci-dessous ces conventions ne
sont pas toujours utilisées. En particulier, il faudrait utiliser plus souvent les doubles
flèches dans les mécanismes où les étapes sont élémentaires en vertu du principe de
réversibilité microscopique.
1.2. Réaction élémentaire
Réaction pour laquelle on n’a pas détecté (ou il n’est pas nécessaire de suggérer
l’existence) d’intermédiaire réactionnel pour décrire la réaction chimique au niveau moléculaire. On fait l’hypothèse qu’une réaction élémentaire se produit en une seule étape
réactionnelle et qu’elle se produit par un seul état de transition.
1.2.1. Réaction d’addition
« Réaction chimique entre deux ou trois entités moléculaires conduisant à un seul
produit réactionnel contenant tous les atomes de tous les réactifs, avec formation de deux
liaisons chimiques et réduction globale de la multiplicité des liaisons dans au moins un
des réactifs. Le processus inverse est une réaction d’élimination. L’addition peut se produire sur un seul site (addition α, 1/1/addition), sur deux sites adjacents (1/2/addition) ou
sur deux sites qui ne sont pas adjacents (1/3/- ou 1/4/additions, etc.). Par exemple :
(a)
h+ + Br – + (Ch3)2C=Ch2 " (Ch3)2CBr-Ch3 1/2/addition.
(b)
Br2 + Ch2=Ch-Ch=Ch2 " BrCh2-Ch=Ch-Ch2Br (1/4/addition)
ou
BrCh2Ch(Br)-Ch=Ch2 (1/2/addition).
Si le réactif ou la source des addends de l’addition ne sont pas spécifiés, on parle alors
d’une transformation d’addition. ».
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1.2.2. Addition
« 1. Se réfère à une réaction d’addition ou à une transformation d’addition.
2. Terme flou pour désigner la formation d’un adduit (pour un exemple, voir acide de
Lewis).
3. Terme flou pour désigner toute association ou fixation. ».
1.2.3. Adduit
« Espèce chimique nouvelle, AB, dont chaque entité moléculaire est formée par
combinaison directe de deux entités moléculaires distinctes, A et B, avec changement de
connectivité, mais pas de perte, d’atomes provenant des fragments A et B. Des stœchiométries différentes de 1:1 sont aussi possibles, par exemple, un bis-adduit (2:1). Quand
A et B sont des groupes appartenant à la même entité moléculaire, il peut se former un
“ adduit intramoléculaire ”. C’est un terme général qui devrait être utilisé, chaque fois
qu’il est approprié, de préférence à celui moins explicite de complexe. On l’utilise aussi
spécifiquement pour les produits d’une réaction d’addition. Pour des exemples, voir :
adduit de Lewis ; adduit-pi… ».
Exemples d’adduits
Commentaires
L’IUPAC distingue « Addition » et « Réaction d’addition ». La définition qui nous
intéresse est celle de la « réaction d’addition ». Les exemples donnés montrent que cette
définition s’applique à un bilan et non à une réaction élémentaire, bien que cela ne soit
pas précisé. En conséquence la réaction élémentaire d’un acide de Lewis comme Cl+ ou
h+ sur une double liaison C=C n’est pas une « réaction d’addition », mais une « addition »
au sens flou du terme selon l’IUPAC !
(a)
Reprenons le premier exemple :
h+ + Br – + (Ch3)2C=Ch2 " (Ch3)2CBr-Ch3
Ce bilan se décompose en deux étapes élémentaires dont la première est :
® h+ + (Ch3)2C=Ch2 " (Ch3)2C +-Ch3 est une « addition » ou une « réaction de transfert de proton », mais pas une « réaction d’addition » puisque les deux liaisons simples C-h et C-Br ne sont pas encore formées. Le carbocation intermédiaire peut être
qualifié d’adduit.
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® La deuxième étape est l’addition de l’ion bromure et du carbocation.
C’est l’ensemble des deux étapes qui constitue la « réaction d’addition ». Notons qu’on
peut aussi qualifier ce bilan de réaction d’oxydoréduction interne ou dismutation puisque
le C bromé est oxydé et le C hydrogéné est réduit.
1.2.5. Réaction de substitution
« Réaction élémentaire, ou réaction par étapes, au cours de laquelle un atome ou un
groupe d’une entité moléculaire est remplacé par un autre atome ou groupe. Par exemple :
Commentaire
Ch3Cl + Oh – " Ch3Oh + Cl– ».
L’IUPAC précise que cette définition s’applique à une réaction élémentaire ou à une
réaction par étape. Il n’est pas dit que cela s’applique à un bilan stœchiométrique. Si cette
interprétation très restrictive et contraignante est correcte, nous ne pouvons donc pas qualifier de « réaction de substitution » une réaction dont on ne connaît que le bilan stœchiométrique, mais cela doit se faire en examinant la suite des étapes de la réaction. Nous verrons
que cela a d’énormes conséquences par la suite.
1.2.6. Réaction de transfert de proton
« Réaction chimique dont l’essentiel est le transfert intermoléculaire ou intramoléculaire d’un hydron (proton) d’un site liant à un autre. Par exemple :
Ch3CO2h + (Ch3)2C=O " Ch3CO2– + (Ch3)2C=O+-h » (1)
1.2.6. Oxydation
« 1. Enlèvement global et total d’un ou de plusieurs électrons d’une entité moléculaire (appelé aussi “ désélectronation ”).
2. Augmentation du nombre d’oxydation de tout atome dans un substrat.
3. Gain d’oxygène et/ou une perte d’hydrogène par un substrat organique.
Les critères (1) et (2) s’appliquent à toutes les oxydations ; le critère (3) s’applique
souvent, mais il n’est pas toujours facile de le démontrer. […] ».
1.2.7. Réduction
« Transfert total d’un ou de plusieurs électrons à une entité moléculaire (on dit aussi
“ électronation ”) et, plus généralement, le contraire des processus décrits sous oxydation
(2) et (3). ».
(1) L’exemple ci-dessus, donné par l’IUPAC, concerne une réaction de l’acétone en milieu acide éthanoïque.
On pourrait bien entendu donner de nombreux exemples en solution aqueuse.
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2. MODÉLISATION
Les trois types de réactions peuvent être modélisés, mais ce n’est pas sans risque.
® Réactions d’addition (s’applique à un bilan) :
A=B + C-D " C-A-B-D ou A=B + C + D " C-A-B-D
Il y a bien formation de deux liaisons simples et diminution de la multiplicité d’une
liaison.
Variantes : A≡B + C-D " C-A=B-D ou A≡B + 2 C-D " C2A-BD2
® Réactions d’élimination :
C-A-B-D " A=B + C-D ou C-A-B-D " A=B + C + D
® Réaction de substitution (s’applique à une réaction élémentaire ou par étapes connues,
mais non à un bilan dont le mécanisme est inconnu). L’équation A + B " C + D ne
suffit donc pas à définir une substitution. Il faut s’assurer qu’un atome ou groupe
d’atomes de A est remplacé intégralement par un atome ou groupe d’atomes de B.
Variantes :
A + B-C " A-B + C
ou
A-B + C-D " A-C + B-D
(ou +B +D).
3. PROBLÉMATIQUE
Au cours d’une réaction chimique, il y a souvent intervention d’au moins deux composés. La détermination de la catégorie de réaction impliquée est ambiguë.
Exemple
(1)
La réaction de formation de P correspond-elle à une addition (nucléophile) des
composés A et B ou à une substitution (électrophile) sur le composé A ?
Cette réaction correspond en tout point à la définition de la « réaction d’addition » :
la liaison double C=O de B devient une liaison simple et on forme deux liaisons simples
C-C et O-Mg. Considérer que cette réaction est une substitution du groupe -MgBr par
–Ch2OMgBr n’est pas correct pour plusieurs raisons :
– elle correspond au modèle de l’addition A=B + C-D " C-A-B-D ;
– le groupe –Ch2OMgBr qui remplacerait le groupe –MgBr n’est pas contenu entièrement dans B donc cela ne peut être une substitution d’après les exemples de l’IUPAC.
L’examen approfondi permet de donner une réponse univoque à la question posée…
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4. EXEMPLES DIVERS
4.1. Réactions d’addition
La réaction d’un alcène avec le dibrome (ou le dihydrogène...) est clairement une
« réaction d’addition ».
(2)
Cette réaction s’effectue en deux étapes : une première addition conduit à un intermédiaire, un ion bromonium ponté, puis par une deuxième addition se fixe l’ion bromure.
La réaction catalytique d’hydrogénation d’un alcène est aussi une réaction d’addition
multiétapes au cours de laquelle des étapes d’adsorption ou désorption physique et chimique ont lieu, la réaction proprement dite se fait entre espèces adsorbées sur le catalyseur. Dans tous les cas, c’est donc bien le bilan stœchiométrique qui est ici encore appelé
« réaction d’addition ».
4.2. Réaction d’élimination
(3)
Il s’agit d’une réaction d’élimination : il y a bien deux liaisons simples rompues sur
les atomes de carbone entre lesquels il y a augmentation de la multiplicité de la liaison.
4.3. Réaction de substitution
Exemple donné par l’IUPAC : Ch3Cl + hO – " Ch3Oh + Cl –
(4)
C’est une substitution qui se déroule en une seule étape : c’est à l’approche de l’ion
hydroxyde que l’ion chlorure s’éloigne de sorte que la liaison C-O se forme en même
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temps que la liaison C-Cl se casse. La même équation traduit donc le bilan et le mécanisme.
Autres exemples
® Réaction d’un organomagnésien avec un dihalogène :
® Substitution par étapes :
(5)
(6)
Le 2-méthylpropan-2-ol est acidifié et donne un ion alkyloxonium qui se déshydrate
spontanément, le carbocation formé fixe ensuite un ion chlorure :
La réaction de transfert de proton conduit à un équilibre très rapidement établi. En fin
de compte, le groupe Oh est remplacé par Cl : c’est une substitution par étapes. C’est
la connaissance du mécanisme qui permet de l’affirmer.
® Substitution intramoléculaire
(7)
Cette réaction n’est pas une élimination puisque la multiplicité d’aucune liaison n’augmente. En pratique, elle se déroule en milieu basique en commençant par une réaction de transfert de proton :
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La substitution interne a lieu ensuite :
4.4. Réactions complexes
Premier exemple
(8)
Cette réaction de formation d’un ester est apparemment une substitution semblable
à la réaction précédente. Mais attention, c’est en fait un bilan stœchiométrique que nous
ne pouvons donc pas qualifier a priori de « réaction de substitution » puisque cela ne
concerne que des réactions élémentaires ou par étapes. Le mécanisme bien connu est
représenté par les deux étapes suivantes :
La première étape est une addition (et pas une réaction d’addition, car à ce stade,
on n’a formé qu’une seule liaison simple) ; l’adduit est le siège d’un transfert de proton
interne. L’ensemble de ces deux premières étapes est une réaction d’addition. La dernière étape est une réaction d’élimination. Cette réaction est une addition-élimination
et non une substitution. Dire que son bilan est une substitution consisterait à appliquer la
définition de l’IUPAC à un bilan stœchiométrique, ce que l’IUPAC ne recommande pas.
Dans l’ignorance du mécanisme de la réaction, il n’est donc pas possible de caractériser une telle réaction.
Remarque : Si dans l’enseignement supérieur, lorsqu’on s’adresse à des étudiants déjà
cultivés en chimie organique, il est possible de dire « cette réaction a un bilan analogue à
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une substitution, mais son mécanisme montre bien que c’est une addition-élimination »,
en revanche, se limiter au premier membre de cette phrase en terminale est fort périlleux
pour la suite. En effet lorsque les étudiants rencontreraient les mécanismes des substitutions nucléophiles (SN), ils chercheraient naturellement à les appliquer à l’estérification
et cela ne pourrait que les conduire à des échecs.
Deuxième exemple
(9)
Dans cette réaction l’éthane-1,2-diol réagit préférentiellement avec la cétone et non
le groupe ester (le diol est chimiosélectif). Il semble s’agir d’une addition, mais cela ne
correspond pas au modèle A=B + C-D " C-A-B-D puisqu’il y a en plus formation d’une
molécule d’eau. Ce n’est pas non plus une substitution pour plusieurs raisons :
– Il y a modification de la multiplicité de la liaison C=O.
– Ce n’est pas une réaction élémentaire (il y a trop de liaisons concernées pour que tout
se passe en une étape). C’est donc une réaction multiétapes et seul l’examen de l’ensemble des étapes pourrait permettre de conclure.
La réaction se décompose ainsi :
® Étape 1
Cette première étape est clairement une « réaction d’addition » qui conduit à un hémiacétal : la liaison double devient simple et on a formé deux liaisons simples.
Nous n’avons pas représenté ici les étapes de transfert de protons : dans un premier
temps, un proton se fixe sur l’oxygène du carbonyle, puis a lieu l’addition du diol par
l’un des atomes d’oxygène qui enfin perd un proton.
® Étape 2
(10)
Dans cette deuxième étape, une molécule d’eau est « éliminée ». Peut-on pour autant la
qualifier d’élimination ? Une réaction d’élimination est rigoureusement l’inverse d’une
réaction d’addition : cela implique l’augmentation de la multiplicité d’une liaison, or ici,
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aucune liaison simple ne devient double. Pouvons-nous alors la classer dans les substitutions, le groupe hO-Ch2– venant remplacer le groupe –Oh, en perdant un proton ?
En fait, cela se passe comme n’importe quelle déshydratation intermoléculaire d’alcool
en éther en milieu acide :
Il est probable que la déshydratation de l’intermédiaire ionique (l’ion alkyloxonium)
se fasse préalablement à la substitution proprement dite et donc qu’un carbocation
intermédiaire supplémentaire apparaisse, mais cela ne change pas fondamentalement
les choses ni le fait que cette réaction soit bien une substitution.
Conclusion : la formation de cet acétal cyclique est donc le produit d’une réaction
d’addition suivie d’une substitution.
4.5. Réactions d’oxydation
® Oxydation d’un alcool
Reprenons l’exemple classique de l’oxydation de l’éthanol en éthanal sur catalyseur
(Cu) :
(11)
Cette réaction correspond au troisième alinéa de la définition de l’IUPAC : perte d’hydrogène. On pourrait aussi la relier au deuxième alinéa en utilisant les nombres d’oxydation puisque celui du carbone fonctionnel passe de –I à +I.
Cette réaction correspond aussi à la définition de l’élimination : la double liaison se
forme entre les atomes sur lesquels se cassent les liaisons simples. Mais on ne peut pas
associer oxydation et élimination de manière systématique.
La réaction de la « lampe sans flamme » est aussi une oxydation.
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mais ne peut plus être rattachée à un autre type de réaction.
® Hydratation d’un alcène
Examinons l’hydratation d’un alcène qui est une réaction d’addition :
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(13)
Ici, l’un des atomes de carbone est réduit et l’autre oxydé : en effet, l’un fixe un hydrogène et l’autre un oxygène. Leurs nombres d’oxydations passent respectivement de –I
à –II et de –II à –I.
® Réduction par un hydrure
(14)
La réduction de l’aldéhyde salicylique en saligénine ou alcool salicylique peut-être
faite avec le tétrahydruroborate de sodium. La synthèse conduit d’abord à un adduit :
Cette première étape est évidemment une quadruple réaction d’addition. Elle est
suivie d’une hydrolyse acide (une suite de plusieurs substitutions) :
5. CONCLUSION SUR LA DÉTERMINATION DU TYPE DE RÉACTION
Les définitions de l’IUPAC des réactions d’addition et d’élimination sont assez faciles à appliquer et peuvent être enseignées très tôt. Il n’en est pas de même pour la définition des réactions de substitution qui ne peut être appliquée avec certitude que si le
mécanisme est connu ou fourni aux élèves. Les réactions complexes d’addition-élimination peuvent être identifiées si les deux étapes cruciales sont clairement données.
6. LE QUALIFICATIF DU TYPE DE RÉACTION
Les types de réactions sont qualifiés par un adjectif qui peut caractériser le méca-
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nisme (catalytique, radicalaire, péricyclique…) ou le comportement d’un des réactifs (nucléophile ou électrophile) dans le cas d’un mécanisme ionique. Dans ce dernier cas, chaque interaction faisant intervenir à la fois une entité électrophile et une entité nucléophile,
le choix peut être délicat et n’est pas exigé en terminale.
Pour répondre à cette question, nous allons envisager deux situations différentes :
dans la première, une entité organique réagit avec une entité minérale, dans la deuxième,
les deux entités réagissantes sont organiques.
6.1. Premier cas : une entité organique réagit avec une entité
inorganique
On qualifie la réaction selon le comportement du réactif minéral et non du réactif
organique (2).
Exemples
R-Cl + Oh – = R-Oh + Cl –
est une substitution nucléophile, car l’ion hydroxyde est bien nucléophile.
(15)
h-CN + R-Ch=O = R-Ch(Oh)-CN
est une addition nucléophile, car l’ion cyanure est nucléophile (4).
(17)
Ar-h + Br2 = Ar-Br + h-Br
est une substitution électrophile, car le dibrome est électrophile (3).
h2C=Ch2 + Cl2 = Clh2C-Ch2Cl
est une addition électrophile, car le dichlore est ici électrophile (5).
(16)
(18)
Nous remarquons que dans ces exemples que le qualificatif du type de la réaction
est donné :
– pour une addition, par le comportement de l’entité qui se fixe en premier (6) sur la liaison multiple ;
– pour une substitution, par le comportement de l’entité qui remplace l’atome ou le
groupe partant.
(2) Le qualificatif de « substrat » parfois employé est volontairement banni de cet article car son identification
n’est pas toujours aisée.
(3) L’entité réactive électrophile est l’ion bromonium Br+. Pour le former, on utilise plutôt AlBr3 que Fe dont
le rôle est de former FeBr3 in situ.
(4) L’ion cyanure est en effet ici le premier à se fixer sur l’atome de carbone du groupe carbonyle ; il se forme
un alcoolate intermédiaire R-Ch(O-)-CN qui piège ensuite un proton.
Autre exemple possible : h2O + h2C=O = h2C(Oh)2.
(5) Ici la liaison double provoque une polarisation de la liaison Cl-Cl qui s’ionise et c’est finalement l’ion chloronium Cl+ qui se fixe en premier sur l’alcène.
(6) Notons que la connaissance du mécanisme est indispensable. Dans le cas de l’addition sur un groupe carbonyle, l’assistance électrophile (>C=O + h+ = >C=O+-h) est généralement le résultat d’un équilibre rapide
préalable à l’addition proprement dite, et ne doit pas être pris en compte ici, comme nous le verrons ultérieurement.
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Remarque
La réaction EtOh + SOCl2 = Et-Cl + SO2 + hCl commence par une addition nucléophile de l’alcool sur la double liaison >S=O, suivie d’une élimination puis une substitution nucléophile. Dans ce cas complexe, la première étape est qualifiée par le comportement du réactif organique, l’alcool, et non du réactif minéral, le chlorure de thionyle. Ce
choix est fait par analogie avec la réaction entre deux composés organiques :
EtOh + R-CO-Cl = R-CO-OEt + hCl ;
ce cas est étudié ci-dessous.
6.2. Deuxième cas : les deux entités sont organiques
Lorsque les deux réactifs sont des entités organiques, on peut procéder par analogie
avec le cas précédent. Encore faut-il pouvoir identifier l’entité organique qui se comporte
comme un réactif minéral.
Cela n’est pas toujours évident à faire pour un élève débutant. Nous allons voir que
les remarques faites à la fin du paragraphe précédent s’appliquent encore ici.
6.2.1. Exemples où un des centres réactionnels
est un hétéroatome
Ch3-CO-O– + R-Cl = Ch3-CO-OR + Cl–
(19)
est une substitution nucléophile par analogie avec la réaction (1). L’atome O de l’ion
éthanoate est le centre nucléophile qui se substitue à l’halogène. On voit que la remarque
faite précédemment est encore valable.
(20)
L’atome d’azote de Ch3-Nh2 est le centre nucléophile qui se substitue à l’halogène :
c’est une substitution nucléophile.
R-Oh + R’-Ch=O = R-O-Ch(Oh)-R’
(21)
dans cette hémiacétalisation, l’assistance électrophile est un équilibre préalable dont on
ne tient pas compte pour qualifier l’addition (cf. note 4, page ci-contre) :
Les centres réactionnels sont le carbone électrophile Cδ+ de la double liaison C=O
et l’oxygène Oδ– de l’alcool.
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L’entité qui se fixe est nucléophile : c’est une addition nucléophile analogue à la réaction
(17).
6.2.2. Exemple où les deux centres réactionnels sont des atomes
de carbone
Premier exemple
Reprenons la réaction (1).
Cette réaction citée plus haut comme exemple de réaction d’addition fait intervenir
deux centres réactionnels carbonés. Le carbone fonctionnel du groupe C=O de B est électrophile et l’entité de A qui se fixe sur ce carbone est le groupe (Ch3)2C=Ch-Ch2 qui est
lié au magnésium, métal fortement électropositif. La liaison C-Mg est donc fortement polarisée (environ 30 % de pourcentage ionique, soit δq/e = 0,3).
et
L’entité qui se fixe sur le carbone fonctionnel de B est donc le carbone nucléophile
qui porte le magnésium : l’addition est qualifiée de nucléophile.
Deuxième exemple
(22)
C’est une réaction d’addition (aldolisation) qui se produit en milieu basique. Un premier transfert de proton permet de créer le centre nucléophile :
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Cet anion (7) est responsable de l’addition nucléophile sur le carbonyle :
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L’aldol est obtenu par transfert de proton et le catalyseur est régénéré :
Troisième exemple
(23)
Cette réaction d’addition a lieu en présence du trichlorure d’aluminium. Celui-ci
provoque l’ionisation de chlorure d’acyle en cation acylium h3C-C+=O et en ion tétrachloroaluminate AlCl4–. Le cation acylium est un réactif électrophile puissant qui se fixe
sur l’alcène du côté le moins encombré pour donner un carbocation tertiaire. L’addition
est donc qualifiée d’électrophile. Au cours de la dernière étape l’ion chlorure se fixe sur
le carbocation et le catalyseur est régénéré.
Quatrième exemple
(24)
(7) Notons que l’anion énolate est stabilisé par résonance :
Quoique la charge soit à près de 85 % localisée sur l’oxygène, la réaction suivante, sous contrôle orbitalaire, s’explique à partir de la formule mésomère carbanion.
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La réaction fait encore intervenir l’ion acylium préparé à partir de chlorure d’éthanoyle et AlCl3. Sur le benzène, le cation acylium remplace un proton :
C’est donc une substitution électrophile.
Cinquième exemple
(25)
La base forte permet de former un carbanion avec le malonate de diéthyle. Le carbanion est un réactif nucléophile puissant qui remplace ensuite le brome du 2-bromopropane :
On a donc une réaction de substitution nucléophile sur le dérivé halogéné dont le carbone fonctionnel est électrophile.
7, CONCLUSION SUR LA DÉTERMINATION DU QUALIFICATIF DU TYPE
DE RÉACTION
Tous ces exemples classiquement rencontrés sont en accord avec les conclusions
suivantes :
– pour une addition, par le comportement de l’entité qui se fixe en premier sur la
liaison multiple ;
– pour une substitution, par le comportement de l’entité qui remplace l’atome ou le
groupe partant.
Application
Ci-dessous un exemple d’exercice d’application qui pourrait être donné à un élève
de terminale S (extrait de Les Mille et Une questions de la chimie [2]).
« L’adrénaline, appartenant à la famille des catécholamines, joue un rôle fondamental
comme médiateur de l’excitation du système nerveux central. Un excès d’adrénaline, proDétermination du type d’une réaction en chimie organique
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voqué par un état de stress ou lors d’une activité physique, entraîne une accélération du
rythme cardiaque et une augmentation de la pression artérielle. Ci-dessous un schéma
de synthèse possible de l’adrénaline à partir du composé A.
Écrire complètement les équations des réactions des étapes 2, 3, 4, 5 et 6 du schéma de
synthèse de l’Adrénaline et dire à quel type de réaction elles appartiennent. ».
Réponses
Étape
Bilan
Type de réaction
2
B " C + H 2O
4
D + Oh – " E + Br –
C + Br2 " D
3
5
6
Élimination
E + Ch3Nh2 " F + hBr
F + 2hI " Adrenaline + 2 Ch3I
Tableau 1
Addition (électrophile)
Substitution (nucléophile)
Substitution (nucléophile)
Deux substitutions (nucléophiles)
L’étape 1 se décompose en deux réactions élémentaires : dans un premier temps il se
forme le composé P qui a pour formule :
Vol. 107 - Février 2013
Julien CALAFELL…
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UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE
Écrire l’équation de la réaction de formation de P et dire à quel type de réaction elle
appartient.
Étape
1
Bilan
A + Ch3MgBr " P
Type de réaction
Tableau 2
Addition (nucléophile)
Remarque : Il faut en fait trois équivalents de hI dans l’étape 6, car l’azote basique
de la fonction amine capte un proton en priorité. Ensuite, ce sont les atomes d’oxygène
des groupes méthoxy qui deviennent des ions oxonium. L’ion iodure vient alors se fixer
sur le carbone du groupe méthyle en chassant le groupe phénol (SN2). Lors d’un lavage
basique, l’amine est régénérée.
REMERCIEMENTS
Les auteurs tiennent à remercier Jacques Drouin pour ses remarques et ses corrections.
BIBLIOGRAPHIE
[1] RIChER J.-C. Compendium de terminologie chimique - Recommandations IUPAC
avec lexique A/F. Technique & Documentation, 2e édition, 1999.
[2] RÉDOGLIA S. et UhL L. Les Mille et Une questions de la chimie - 1ère année PCSI(PC).
Ellipse, 2006.
Julien CALAFELL
Professeur de chimie - PCSI
Lycée Bellevue
Toulouse (Haute-Garonne)
Françoise MILON
Professeur agrégé
Université Paul Sabatier
Toulouse (Haute-Garonne)
André GILLES
Professeur retraité
Aureville (Haute-Garonne)
Détermination du type d’une réaction en chimie organique
Le Bup n° 951
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