Jean Cabanel 22/02/09 1 20- Le Talmud 20 - le Talmud Elle

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20 - le Talmud
Elle – Bonjour Jean, nous reprenons donc notre récit avec les rabbins juifs, ainsi que vous nous
l’aviez dit, la dernière fois
Lui – Bonjour Claire. Oui, ce sera d’ailleurs une de nos difficultés puisqu’il nous faut parler maintenant
de deux religions en parallèle : la religion juive et la religion chrétienne.
Elle – Oui, mais vous m’avez dit qu’au début,
importante...
la religion chrétienne est très localisée et peu
Lui – et de plus le judaïsme a derrière lui, un passé de 500 ans d’histoire.
Elle – Nous en avions parlé lors de notre treizième rencontre. Peut-être serait-il bon de faire un peu
le point sur ce que nous savons.
Lui – Eh bien lors de cette émission, nous avions noté que les juifs parlaient l’araméen en Judée, qu’il
y avait une grande dispersion de ceux-ci dans le bassin méditerranéen, et que le grec était devenu la
langue...
Elle – véhiculaire , je me souviens de cette expression bizarre. Mais il n’y a pas que vous qui ayez
bonne mémoire. Moi aussi, je peux vous dire que les juifs d’Alexandrie utilisaient une version grecque
de la Bible : la Septante ; que les juifs de Palestine avaient perdu le pouvoir politique ; qu’ils étaient
divisés en sectes religieuses comme les sado.. les sadé...
Lui – vous voulez dire comme les saduccéens, les partisans du Temple. Il y avait aussi les
Pharisiens...
Elle- ah oui, les séparés, très attentifs à observer minutieusement la loi de Moïse. Et puis il y avaient
les baptistes, les esséniens. Nous avons parlé de tout cela
Lui – Et puis il a eu ce grand moment de la guerre juive de 66 à 70 de notre ère, avec la destruction
du deuxième temple, par les Romains. Et justement, à ce propos, c’est pendant cette même période
qu’il y a eu l’événement Jésus et la naissance du christianisme. Puis il y a eu une dernière révolte
avec...
Elle- Bar Kokheba, j’ai eu assez de mal à prononcer son nom. Et cela a été la fin du judaïsme
palestinien et biblique
♦
Lui – La fin, c’est vite dit. C’est vrai que les juifs furent chassés de Jérusalem. Mais ils sont vite
revenus, car Jérusalem est pour eux, le cœur de leur pays, ce pays que Dieu a leur a donné.
Elle – On constate encore aujourd’hui l’importance de cette conviction. Mais, dites-moi, comment ontils vécu cela ? sans doute d’une façon dramatique ?
Lui – Bien sûr. Ils ont considéré que la fin du temple et l’’expulsion de Jérusalem étaient comparables
à un rideau de fer qui tombait entre eux et Dieu. Ils étaient comme abandonnés par Dieu parce qu’ils
avaient péché.
Elle – Et nous avions noté qu’ils considéraient entrer dans le grand exil. Mais ils ne sont pas restés
inactifs et ils ont accru leur étude de la loi de Moïse, la Loi de Dieu, la Torah..
Lui – qui est à la fois la loi écrite...
Elle – la Bible juive....
Lui – et la loi orale. D’ailleurs ils se sont empressés de la mettre par écrit...
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Elle – la Mishna. Bon , eh bien tout va bien. Le travail est fait. Que leur reste-il à faire à ces rabbins
juifs ?
Lui – Tout, Car telle qu’elle est la loi, elle est inutilisable dans sa forme.
Elle – Et pourquoi, je vous prie ? Ne m’avez-vous pas dit que les rabbins en avaient tirés 613
obligations et interdictions : les misvoth ?
Lui – Oui bien sûr; mais cela ne s’est pas fait aussi facilement. Car il fallait adapter une loi faite
principalement pour le temps de la vie nomade au désert, bien que déjà des adaptations aient été
faites lorsque les israélites furent passés de la vie nomade à la vie sédentaire.
Elle – En avez-vous des preuves de ces adaptations ?
Lui – Oui, par exemple à propos du vin. Les différents livres de la Loi parlent de l’interdiction de boire
du vin. Or cela suppose d’une part que les nomades connaissaient le mot vin, et par conséquent la
vigne. Dans le Deutéronome, on a cette phrase bizarre au chapitre 28 verset 39 « Tu planteras des
vignes et tu ne boiras pas de vin, ni tu feras de cueillette, car les vers la mangeront »
Elle – effectivement, c’est assez singulier. ? Pourquoi planter des vignes ?
Lui – Plus probablement, les israélites en pénétrant dans Canaan..
Elle – Je rappelle, c’était l’ancien nom de la Palestine...
Lui – ils ont du voir des cités où les habitants cultivaient la vigne, et buvaient le bon jus de la treille,
peut être avec excès...
Elle – Un verre ça va, deux verres, bonjour les dégâts...
Lui- Et puis il y a aussi ce commandement : tu ne déplaceras pas les bornes qui limitent le champ de
ton voisin....
Elle – effectivement, c’est vilain. Et déplacer des bornes dans le désert, c’est plutôt difficle. Donc bien
des aspects de la loi ont été revisités après l’installation en Canaan. Mais c’est plutôt rassurant : le
travail de mise à jour est fait.
Lui – Oui et non, car il y a sans cesse des petits détails de la vie courante qui exigent une appréciation
nouvelle pour dire ce qu’il faut faire.
Elle – en quelque sorte, les rabbins doivent faire de la jurisprudence, au cas par cas. Et cela a dû
provoquer de nombreuses discussions.
Lui – C’est ce qui s’est passé : il a fallu se disputer, s’affronter, se chamailler pour dire ce qui doit être
fait pour respecter la Loi. Les juifs ont utilisé un mot qu’on peut traduire par l’expression : comment
marcher ensemble ?
Elle – ne me dites pas ce mot ; il doit être imprononçable
Lui – Si je vais vous le dire : c’est le midrash halaka. Midrash veut dire rechercher et Halaka
marcher. Et savez-vous ce qu’est le Midrash hagada ?
Elle – C’est vous qui être en train de devenir gaga. Et que dit votre gâtisme avancé ?
Lui - A côté des lois de jurisprudence, il faut éduquer le peuple et les jeunes. On leur raconte des
histoires édifiantes destinées à conforter leur sens moral. Ces récits constituent la hagada.
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Elle – Bon cela ne prend tout de même pas six siècles, ce travail de jurisprudence et de récits
édifiants.
Lui – Eh bien justement si. Pendant six siècles, les rabbins vont s’ingénier à mettre au point tous les
aspects quotidiens de la loi. Ils vont reprendre les récits bibliques et ceux de la Mishna. Ils vont les
commenter...
Elle – ne vous emballez pas, je persiste à dire que cela ne demande pas six siècles.
Lui – Les suivants vont à leur tour faire des commentaires sur les commentaires. Et puis il faut aussi
commenter les targums, ces traductions de la Bible en araméen qui dépassent le stade de la simple
traduction pour devenir de nouvelles interprétations de la Torah.
Elle – Ah bien oui, comme ça, je comprends la durée. Et ils se sont arrêtés par épuisement ?
Lui – Non, mais d’autres centres d’intérêt vont surgir ; et ce sera la fin de ce gigantesque travail. Deux
écoles rassembleront les résultats de ces travaux.. Le nom donné à ces travaux est le Talmud, c’està-dire l’enseignement.
Elle- Et quelles sont ces deux écoles ?
Lui – Celle de Jérusalem et celle de Babylone. Mais le Talmud le plus important est celui de Babylone.
On le considère comme un chef d’oeuvre de l’humanité. D’ailleurs, le Talmud est le Livre des juifs par
excellence.
♦
Elle – C’est très bien ce que vous me dites, mais tous les juifs n’ont pas participé à la rédaction des
Talmuds. Et que faisaient les autres ?
Lui – Eh bien ils étudiaient la Loi pour bien l’appliquer dans la vie courante. Si bien qu’il en est résulté
une orthopraxie caractéristique du judaïsme
Elle – Vous voulez dire que la religion juive se caractérise par une série d’actes scrupuleux. Le juif se
regarde pratiquant la loi.
Lui – Nous l’avions déjà dit à propos du souci de respecter le “pur“ lorsque nous avions parlé de la loi
et de la pureté. Mais cette caractéristique montre aux autres peuples le particularisme juif.
Elle – Et nous avions noté également que ce particularisme a entretenu un certain antijudaïsme.
J’aimerais que vous me parliez de quelques traits de la piété des juifs ?
Lui - Il y a d’abord la pratique journalière. Le juif pieux respecte les moments de la journée par des
prières appropriées. Parmi les prières, trois sont les plus importantes. Ce sont les dix huit
bénédictions, Shemoné Esré ; le Shéma Israël et le kadish
Elle – Pouvez-vous être plus explicite ?
Lui – Les Dix huit bénédictions sont des louanges : “Béni sois-tu, toi notre Elohim, roi de de l’univers,
etc.“ Le Shéma Israel reprend le début du chapitre 6 du Deutéronome :“ Ecoute Israël, Adonaï notre
Elohim , Adonai un.“ C’est une affirmation très forte du monothéisme, et le kadish est la prière de
sanctification . Le Notre Père chrétien a peut être été inspiré par le Kadish. Ces prières sont dites
plusieurs fois par jour et le kadish par les enfants orphelins
Elle – On m’a dit qu’au lever, le juif disait « merci Mon Dieu de ne pas m’avoir fait femme »
Lui - Effectivement. Mais il y a le pendant pour la femme « merci mon Dieu de ne pas m’avoir fait
homme ». En fait, il s’agit d’affirmer la gratitude par rapport à son état. Mais comme on parle plutôt
des Hommes. ...Trois fois par jour , le juif pieux prie : le matin c’est la prière du sharit. A midi c’est la
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prière de la Minha qui rappelle le temps où le juif faisait des offrandes au temple, à Jérusalem. Le soir,
à la tombée de la nuit, c’est la prière d’Arbit qui introduit le croyant dans la paix de la nuit.
Elle – Nous avions signalé le rite de la circoncision pour les garçons. Y a-t-il comme un catéchisme ?
Lui – Les garçons vont à la yeshiva, l’école talmudique, et à treize ans, ils sont autorisés à lire un
passage de la Torah, devant l’assemblée à la synagogue, le jour du sabbat. C’est la bar-mistva. Le
garçon est devenu Fils de la Loi et entre ainsi dans la vie d’adulte juif.
Elle – On assimile cette fête à la première communion chrétienne.
Lui – Oui, on fait beaucoup trop d’assimilation ; ce qui n’est pas toujours heureux. Le jour du sabbat, il
y a une bénédiction spéciale du pain et du vin. Et puisqu’on parle d’assimilation, voilà une tradition
que les chrétiens ont emprunté au judaïsme.
Elle – Comment cela ? Vous voulez dire que les chrétiens ont repris cette bénédiction du vin et du
pain dans la messe, par exemple ?
Lui – Bien sûr. Le repas de Jésus et ses apôtres du jeudi saint n’est pas autre chose que le repas
sabbatique, en particulier celui de la veille de Pâques. Le sens en sera changé aux yeux des
chrétiens, par les paroles de Jésus : ceci est mon corps, ceci est mon sang. De plus tout le
déroulement du culte chrétien est calqué sur le déroulement du culte synagogal.
Elle – Vous ne m’avez pas parlé des fêtes juives.
Lui – Il y a d’abord ce qu’on appelle les fêtes de pélerinage qui rappellent le temps de la marche dans
le désert : Pâques, Pentecote et la fête des tentes.
Elle – Ah oui, Pâques célèbre la sortie d’Egypte.
Lui – cela se dit Pessah, le passage. Les Chrétiens placeront la Résurrection de Jésus, ce jour là.
Mais Pâques rappelle qu’il s’agit d’une fête pastorale : on mange de l’agneau qu’on a préalablement
sacrifié. On le mange avec des pains sans levain et des herbes amères. On mange debout, car le
Seigneur passe. Aujourd’hui c’est la fête familiale par excellence où l’on boit du vin distribué par le
chef de famille.
Elle – Pentecôte, avez vous déjà dit, est la fête qui rappelle le don de la Loi au peuple d’Israël, sur le
Sinaï
Lui- Les juifs l’’appellent Shabouot. Et les chrétiens ont placé ce jour là, la descente du St Esprit sur
les Apôtres.
Elle – En somme, le St Esprit se substitue à la Loi.
Lui- Euh, c’est une interprétation un peu hâtive. La dernière fête n’a pas été reprise par les chrétiens.
C’est la fête des Tentes qui rappelle les 40 ans passés dans le désert. Elle se fête à l’automne.
Aujourd’hui dans leur appartement, les juifs pieux dressent des cabanes de roseau où ils célèbrent la
fête.
Elle – Très curieux : le camping à la maison.J’ai entendu parler d’une fête du nouvel an juif : reèche,
rache...
Lui – Rosh Ha shana. Ce qui veut dire début de l’année.. C’est un moment très important dans la vie
religieuse juive, car après ce jour là, tout le peuple se rappelle qu’il a été pécheur, qu’il a fauté contre
Dieu. C’est le jour du Grand Pardon ou Yom Kippour. Autrefois à Jérusalem, le grand prêtre chargeait
un bouc émissaire de tous les péchés d’Israël et envoyait ce bouc se perdre dans le désert...
Elle – Où un prédateur en faisait son repas sans doute.
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Lui- Pour indiquer qu’à ce moment là, le temps pour le peuple est un temps nouveau, on sonne du
shofar...
Elle – Qu’est ce que vous me conter là avec cette histoire de chauffard ?
Lui- Le shofar est une corne de bélier transformée en instrument sonore, dans laquelle on souffle pour
faire sortir un son
Elle – Un coup de trompette quoi !
♦
Lui - . Il y a trois autres fêtes : Pourim, Hanoukah et Tesha be Av
Elle – Quel bredouillage. Dites plutôt ce que cela veut dire :
Lui – Pourim est une fête très populaire : ce jour là les enfants se déguisent..
Elle – Comme au carnaval ?
Lui – si on veut. On rappelle le jour anniversaire où la reine juive Esther a sauvé le peuple juif de
l’extermination par les Perses en faisant condamner le premier ministre Hamman et en le faisant
remplacer par Mardochée, l’oncle d’Esther. Il y a de nombreux tableaux qui représentent la scène de
la pendaison d’Hamman. En début décembre, Hanoukah est la fête des lumières. On allume chaque
soir une bougie supplémentaire que l’on place sur un chandelier spécial
Elle – et pourquoi cette fête ?
Lui – On rappelle la purification du Temple du temps de Judas Maccabée, après la victoire sur
Antiochos IV.
Elle – Ah oui, je me souviens qu’il avait placé l’abomination de la désolation dans le temple : une
statue de Zeus. C’était un cas de sacrilège. Et la dernière fête ?
Lui – Elle commémore le souvenir triste des destructions des deux temples et ce jour là est un jour de
deuil.
♦
Lui – Les juifs pieux ont d’autres marques de leur piété : porter sur les bras et sur le front des petits
étuis où l’on place des fragments de la Torah : les phylactères. Placer sur le montant des portes des
étuis, les mésusah, contenant aussi des fragments de la Torah. Porter un châle de prière : le thalit.
Porter une calotte : la kippa. Etc, etc.
Elle – Il y a de quoi alimenter un jeu des questions ; ce qui montre la richesse de la liturgie juive. Et
bien entendu, il y a le sabbat, dont nous avions parlé lors de nos émissions précédentes.
Lui – et il faudrait parler du calendrier juif, de la date de l’origine du monde, il y a plus de 5700 ans .
Les rabbins juifs ont effectué un travail fondamental sans précédent pendant ces six siècles pour
donner cette forme particulière de l’une des plus belles religions de l’humanité.
♦
Elle –Mais que s’est-il passé,
siècles ?
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à la vie des communautés juives pendant ces six
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Lui – Pour répondre pleinement à votre question, il faut donner un rapide aperçu de l’histoire. Le
monde romain va connaître son apogée au deuxième siècle de notre ère. Les juifs conserveront leur
statut de religion licite, c’est-à-dire autorisée jusque vers 313 : la fin des persécutions des chrétiens
sonnera la fin de ce statut. Plus tard, un Père de l’Eglise comme St Jérôme suggèrera de parquer les
juifs pour montrer au monde ce qu’était l’ancienne religion.
Elle – C’est une manifestation de l’antijudaïsme religieux des chrétiens
Lui – Il faudra attendre le Moyen Age pour que cet antijudaïsme atteigne son paroxysme. Mais
ème
l’Empire romain va s’effondrer, tout au moins à l’ouest, vers le 5
siècle.
Elle – Ce sera la fin de l’antiquité et le début du moyen âge.
ème
ème
Lui – Nous verrons que la période des 3
et 4
siècles est une période où s’affinera la théologie
chrétienne. Mais l’irruption des barbares semble sonner la fin de la civilisation.
Elle – Comment les juifs vivent-il cette période ?
Lui – Paradoxalement, ils souffriront plus de la part des chrétiens que de la part des barbares. Les
juifs sont partout dans le monde habité autour de la Méditerranée, notamment en Espagne. On les
désigne alors du nom de Sépharades. Plus tard, ils seront distingués des Ashkénases, les juifs vivant
en Europe Centrale.
Elle – Vous ne m’avez pas toujours dit ce qui a mis un terme à l’immense entreprise du Talmud ?
Lui – Il y a eu une réaction de certains juifs contre le tout Talmud. Des juifs ont souhaité revenir à la
seule Bible. Et puis il s’est dessiné une nouvelle façon de voir la spiritualité juive avec la Kabbale.
Enfin en 622, il y a eu en Arabie, l’Hégire musulmane.
Elle – Cela fait beaucoup de sujets à venir
Lui – Oui, mais pour l’instant nous allons nous séparer jusqu’à la prochaine fois car nous allons
retrouver l’église chrétienne naissante. Et savez-vous comment se dit en hébreu, bonne chance.
Elle – Allez-y, vous mourrez d’envie de me le dire
Lui—Mazel Tov, Claire, Mazel Tov
Elle- A bientôt Jean.
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