Les nouvelles générations les plus instruites, bien que critiques à l’égard
de la politique, restent fondamentalement attachées à la démocratie
représentative. L’intériorisation des valeurs universalistes, au travers des-
quelles ils construisent des enjeux de nature politique, vient compenser
leur défiance et garantit un attachement durable au système représentatif.
La jeunesse scolarisée est la plus politisée. Porteuse dans sa large majorité
d’une culture politique de gauche, elle utilise une palette élargie d’expres-
sions politiques : le vote, même si les jeunes restent dans l’ensemble plus
abstentionnistes que leurs aînés, mais aussi la protestation et la manifes-
tation.
Du côté des jeunes peu diplômés, si les valeurs universalistes apparais-
sent plus enracinées que parmi leurs aînés de même niveau de diplôme,
elles restent néanmoins moins affirmées, et ne jouent pas le même rôle de
compensation du déni de la politique. Leur confiance dans la démocratie
représentative apparaît plus ébranlée, et l’on observe non seulement un
déficit de leur lien au politique, mais aussi des risques de relâchement de
leur lien démocratique. Ils sont plus en retrait de toute forme de parti-
cipation citoyenne, qu’il s’agisse du vote mais aussi de la manifestation,
et sont plus favorables à des régimes politiques autoritaires, basés sur un
leadership personnel et sur une réduction des pouvoirs issus de la déci-
sion électorale comme de ceux du Parlement. C’est de leur côté que se
manifeste et que peut se creuser un déficit démocratique. Si plus des trois-
quarts des plus diplômés (79 %) se déclarent hostiles à ce type de régime,
ils ne sont plus qu’une petite moitié parmi ceux qui ne disposent pas du
bac (49 %)5. C’est aussi de leur côté que peut s’exprimer un soutien élec-
toral pour le Front national qui résiste au fil du temps, car profondément
animé par une protestation diffuse à l’encontre des élites gouvernantes
jugées impuissantes. En 2007, au premier tour de l’élection présidentielle,
22 % des 18-30 ans non diplômés ont voté pour Jean-Marie Le Pen, seu-
lement 3 % des étudiants. C’est de leur côté aussi que peut se manifester
de façon plus violente, comme lors des révoltes urbaines de l’automne
2005, une contestation radicale de la société et un rejet du système poli-
tique dans son ensemble. Si l’on peut observer un approfondissement du
lien démocratique garanti par les valeurs de tolérance et d’ouverture dans
les nouvelles générations les plus instruites, certains risques de remise en
cause des principes de la représentation démocratique par les nouvelles
générations moins diplômées apparaissent aussi.
5. Enquête Démocratie, Cevipof, 2000.
L’engagement politique dans la chaîne des générations
Dossier— Difficile solidarité entre générations