Que sont nos médecins devenus ?
LEMONDE.FR | 15.03.11 | 09h13 • Mis à jour le 15.03.11 | 09h13
es médecins vieillissent et ne sont plus remplacés, les inégalités territoriales se creusent et les jeunes
médecins abandonnent les zones rurales et les départements défavorisés. La répartition des médecins sur le
territoire national est déconnectée des besoins de santé publique. Les médecins sont là où il fait bon vivre et non là où
on a besoin d'eux. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la mieux lotie, est coupée en deux avec un pourtour
méditerranéen très attractif et un arrière-pays quasi-désertique. Malgré le recours à des médecins étrangers, la région
Centre poursuit sa désertification. Et la situation ne va pas s'améliorer dans les années à venir avec le départ à la
retraite d'un grand nombre de médecins ; la démographie médicale connaitra un creux au tournant des années 2 020
pour retrouver son niveau actuel en 2 030.
Quelles sont les réponses apportées par nos gouvernants ? Après que l'on ait renoncé à toute coercition à l'installation
des médecins, une proposition de loi, soutenue par le gouvernement, a été présentée au Sénat mi-février, visant à
revenir sur les rares mesures contraignantes de la loi HPST (Hôpital, patients, santé, territoires) promulguée en 2009,
en particulier les pénalités financières prévues pour les généralistes des zones sur-dotées refusant d'effectuer, en cas
de besoin, des vacations dans les déserts médicaux voisins de leur lieu d'exercice. Ce "contrat santé solidarité" avait
pour but de faire appel à la solidarité intergénérationnelle plutôt que de faire porter sur les seules épaules des
nouvelles générations le poids de mesures coercitives à l'installation. La Confédération des syndicats médicaux
français (CSMF), qui est le syndicat majoritaire chez les médecins libéraux, a eu gain de cause.
Comment ne pas s'en indigner ! Les médecins sont rémunérés par la solidarité nationale et leurs études sont quasi-
gratuites. Le médecin pourra-t-il continuer à ignorer que, quand la malade le rémunère, c'est la collectivité qui paye ?
Les Français sont attachés à une pratique libérale de la médecine respectueuse de la liberté de chacun, médecin et
malade. Mais le malade garde-t-il encore sa liberté de choix dans les territoires où les médecins conventionnés
pratiquant des tarifs remboursables sont rares et les dépassements d'honoraires s'emballent, et où il est préférable
de connaître la bonne adresse pour bénéficier d'un traitement de qualité sans barrière financière ? Il ne faut peut-être
pas regretter l'abandon d'une mesure qui serait probablement restée sans effet du fait du caractère peu dissuasif des
sanctions prévues, mais c'est tout de même un bien mauvais signe qui nous est donné en laissant croire que notre
système de santé préserve l'intérêt du médecin avant celui du malade potentiel que nous sommes tous.
Mais comment inciter les médecins, et notamment les jeunes générations, à exercer là où on a besoin d'eux ? Les
mesures récemment initiées comme le relèvement du num erus clausus jusqu'à 8 000 en 2011 et la répartition des
places aux épreuves nationales (ECN) n'auront pas d'effets significatifs avant longtem ps et, quelle que soit la
répartition des postes offerts, il est peu probable que l'on puisse inverser la tendance si l'on tient compte de la mobilité
des médecins, de la féminisation des nouvelles générations, de l'attractivité inéluctable des zones urbaines siège d'un
centre hospitalier universitaire (CHU). Le débat n'est pas clos entre opposants et partisans de mesures coercitives.
Les juges et les enseignants ont des obligations de service. Pourquoi pas les médecins ? Une mesure relativement
simple à appliquer serait de réserver la possibilité d'être conventionné dans une zone sur-dotée qu'en cas de départ
d'un médecin. Pourquoi ne pourrait-on pas appliquer à la profession médicale des règles de bon sens que l'on
applique aux infirmières libérales.
MUTUALISATION DES MOYENS
Certes le choix a été fait d'accorder la priorité aux mesures incitatives, financières et logistiques. La mise à la
disposition du médecin de locaux et de moyens de secrétariat, voire de logements de fonction va dans le bon sens.
Les contrats d'engagement de service public ébauchent un début de succès. Mais ces mesures sont coûteuses pour
les collectivités territoriales, déjà financièrement étranglées et elles ne prendront tout leur sens que si elles
s'accompagnent d'une refondation profonde de l'offre de soins de proximité, avec le développement dans les bassins
de vie des maisons de santé pluridisciplinaires favorisant le travail collectif, le partage des expériences et la
mutualisation des moyens. Des conditions d'exercice plus respectueuses de la vie privée, le transfert de compétences
entre professionnels de santé permettant au médecin de se concentrer sur son cœur de métier, les réseaux de soins,
les outils numériques, devront être au rendez-vous. Les jeunes générations ne sont pas hostiles à des révisions
nécessaires mais, sur le terrain, les réalisations se font attendre.
L
18/03/2011 Le Monde.fr : Imprimer
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