ENTRETIEN IMMOBILIER 1169 LOGEMENT 1169 « Toute opération de changement d’usage ne constitue pas un changement de destination » Entretien avec Guillaume Daudré et Patrick Wallut Les Changements d’usage des locaux d’habitation, plus précisément « les réformes de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation », sont au cœur de l’ouvrage publié par Guillaume Daudré et Patrick Wallut (LexisNexis, 2e éd., 2016). Ce livre, préfacé par Hugues Périnet-Marquet, offre une synthèse des règles juridiques et fiscales applicables en la matière, ainsi qu’une boîte à outils, grâce à ses nombreuses annexes et ses formules. Les auteurs pointent les fondamentaux à connaître pour gérer ce type de dossier. La Semaine Juridique : En pratique, que signifie la distinction entre usage et destination ? Guillaume Daudré : Les termes de « destination » et « d’usage » peuvent apparaître comme voisins. Jusqu’à la publication de l’ordonnance du 8 juin 2005, les textes faisaient référence à « l’affectation » ; mais les auteurs de l’ordonnance, conscients des risques de confusion avec la « destination » au sens du droit de l’urbanisme, lui ont substitué le terme « d’usage ». Le plan de l’ouvrage « changements d’usage des locaux d’habitation » : Introduction : Principes généraux du contrôle des changements d’usage Chapitre 1 : Le domaine d’application du contrôle de l’usage Chapitre 2 : La délivrance de l’autorisation de changement d’usage Chapitre 3 : Les sanctions Chapitre 4 : Les documents d’application Chapitre 5 : La fiscalité Chaque règlement municipal fixe les cas où il confère une autorisation à titre personnel et ceux où il exige une compensation Patrick Wallut : Par un raccourci un peu audacieux, on pourrait prétendre que la destination gère le « contenant » de l’immeuble, l’usage gérant le « contenu » du local. Toute opération de changement d’usage ne constitue pas un changement de destination, et réciproquement ! Alors que l’urbanisme s’intéresse à une grande variété de destinations et, désormais, de sous-destinations, le contrôle de l’usage se concentre exclusivement sur la protection des locaux d’habitation. Il résulte de cette distinction plusieurs conséquences pratiques : différence des champs d’application, des règles de procédure, des motifs de refus, des prescriptions, des voies de recours et des sanctions. La Semaine Juridique : Quelles règles s’appliquent en cas de changement d’usage d’un local d’habitation ? Patrick Wallut : L’article L. 631-7-1 du CCH indique que le principe d’autorisation de changement d’usage a un caractère personnel, c’est-à-dire qu’il est temporaire LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 21 - 27 MAI 2016 et incessible ; mais qu’il peut avoir un caractère réel, attaché au local et donc définitif, si la demande est accompagnée d’une offre de compensation, soit de la présentation d’un autre local à usage autre qu’habitation que le propriétaire s’engage à transformer en habitation. Le service instructeur peut refuser cette offre de « compensation » s’il ne la juge pas de qualité « équivalente ». Guillaume Daudré : Chaque règlement municipal fixe les cas où il confère une autorisation à titre personnel (en général, les professions libérales ou les personnes remplissant une mission d’intérêt général) et ceux où il exige une compensation. Dans ce dernier cas, le service instructeur donne un premier avis favorable, sous réserve d’avoir vérifié que le local de compensation a bien été transformé en habitation ; vérification faite, le maire rend un arrêté conférant une autorisation réelle sur le local sorti du caractère « habitation ». En outre, la loi du 4 août 2008 a institué un régime particulier pour les locaux mixtes, constituant à la fois la résidence princiPage 27 1169 Guillaume Daudré est notaire à Paris. Il est chargé d’enseignement à l’université de Poitiers dans le cadre du master 2 droit de l’urbanisme et de la construction pale du demandeur et son lieu d’activité professionnelle. La Semaine Juridique : La presse parle beaucoup des locations meublées de courte durée. Dans quels cas une autorisation est-elle nécessaire ? Guillaume Daudré : De nombreux propriétaires de meublés touristiques ignorent qu’ils sont en infraction au regard de la législation sur l’usage ; de son côté, la ville de Paris multiplie les opérations « coup de poing » à leur encontre et obtient presque toujours gain de cause devant les tribunaux. Patrick Wallut : La loi Alur a clarifié les règles : aucune autorisation de changement d’usage n’est requise lorsque le meublé constitue la résidence principale au sens l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 soit du loueur, soit du locataire. Dans les autres cas, il faut obtenir une autorisation dont la portée réelle ou personnelle varie selon le régime instauré par la ville. L’arsenal de lutte contre les meublés devrait être prochainement renforcé. Dans le cadre du projet de loi pour une République numérique, en cours de discussion, les sénateurs ont adopté un amendement autorisant les communes à rendre obligatoire l’enregistrement de ces locations via des sites internet. En outre ces sites devront bloquer toute annonce de location meublée de résidence principale ne respectant pas la réglementation. Patrick Wallut : La décentralisation résultant de la loi du 4 août 2008 a incité les communes à prendre en main ce contrôle, conscientes qu’elles sont de la disparition progressive des habitants de centre-ville au profit de bureaux ou commerces ou, depuis une date récente, de logements donnés en location meublée de courtes durées. Elles réalisent que leur planification urbaine n’est pas suffisante pour endiguer ce phénomène et que le contrôle de l’usage complète parfaitement la gestion de la cité. La Semaine Juridique : On dit parfois que le sujet n’intéresse que Paris. Qu’en est-il en régions ? Patrick Wallut : Depuis la réforme opérée de 2005 réside dans le fait que la sécurité juridique s’est sensiblement confortée : les pouvoirs de l’administration sont moins discrétionnaires qu’ils n’étaient, celle-ci ne pouvant prendre ses décisions qu’en fonction d’un règlement d’application et dans le cadre défini par la loi ; la date de référence de l’usage, portée de 1945 à 1970, est plus aisée à appréhender. Mais l’ordonnance de 2005 avait convenu que la qualité de l’usage devait s’apprécier au 1er janvier 1970, au motif que cette date correspondait à celle du dernier recensement des propriétés foncières bâties ; en 1970, chaque propriétaire a dû établir une déclaration détaillée, local par local, de ses biens en indiquant, notamment, le caractère de l’occupation et le nom de l’occupant. Ces déclarations, détenues par les Centres des impôts fonciers (CDIF), sont librement consultables par les propriétaires actuels ou leur mandataire. Or la Direction générale des finances publiques vient de décider que le public n’aurait plus accès à ces déclarations, invoquant le fait qu’elles n’ont plus par l’ordonnance de 2005, sont concernées de plein droit les villes de plus de 200 000 habitants (aujourd’hui au nombre de onze) et les communes de la petite couronne parisienne. Mais encore faut-il que ces municipalités aient adopté un règlement local d’application. Bien sûr, Paris est la première concernée et elle a déjà modifié à quatre reprises son règlement édicté pour la première fois en décembre 2008. Guillaume Daudré : Lyon, Marseille, Nice et Strasbourg ont fait délibérer leur Métropole pour édicter un règlement concernant principalement leur hyper-centre ; certaines communes des Hauts de Seine, telles par exemple que Neuilly-sur-Seine, LevalloisPerret ou Rueil-Malmaison ont jugé utile d’élaborer un contrôle de l’usage d’habitation. Nantes et Bordeaux sont en train de préparer leur règlement. La Semaine Juridique : Rencontre-t-on des difficultés d’application ? Patrick Wallut : Le mérite de la réforme Bilan des changements d’usage contrôlés par la ville de Paris L’évolution des superficies des changements d’usage avec et sans compensation est résumée dans le tableau ci-dessous : 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Superficie autorisée par des décisions personnelles (mixte, mission d’intérêt général, professionnel) 18 887 18 483 17 798 19 568 24 372 23 950 Superficie autorisée par des décisions définitives (avec compensation) 8 916 9 107 7 854 5 875 27 887 15 738 TOTAL 27 803 27 590 25 652 25 443 52 259 39 688 Page 28 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 21 - 27 MAI 2016 ENTRETIEN IMMOBILIER L’arsenal de lutte contre les meublés devrait être prochainement renforcé Patrick Wallut est notaire honoraire. Il a été rapporteur général du Congrès des notaires en 1993 sur le thème urbanisme et sécurité juridique puis président du Congrès en 1997 sur l’investissement immobilier d’utilité pour les CDIF et qu’elles étaient désormais archivées sans réelle indexation. Jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée à ce problème, les administrés et leurs notaires devront prouver par d’autres moyens, plus empiriques, le caractère de l’occupation au 1er janvier 1970… Guillaume Daudré : Par ailleurs, le principe existant entre 1945, date de la création du contrôle, et la réforme de 2005 était que toutes les autorisations, même conférées avec compensation, avaient un caractère personnel ; l’ordonnance du 8 juin 2005 avait admis que les autorisations définitives antérieures à son entrée en vigueur ayant donné lieu à une compensation effective auraient bien un caractère réel. Mais lors de la ratification de cette ordonnance par la loi du 13 juillet 2006, le législateur a précisé que ce principe ne s’appliquerait « qu’à compter de l’entrée en vigueur » de l’ordonnance ; ce qui implique que, pour conserver le caractère à usage autre qu’habitation, le local ne doit pas 1169 avoir été cédé entre la date de l’autorisationcompensation et le 10 juin 2005. La Semaine Juridique : Votre ouvrage recense différentes décisions de jurisprudence. Pourriez-vous citer un cas concret qui illustre la gravité des sanctions en cas d’infraction ? Guillaume Daudré : Dans un arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 16 mai 2012, un preneur à bail commercial a invoqué le fait que les locaux ne pouvaient être qualifiés de commerciaux et a intenté avec succès une action en nullité du bail. Le propriétaire a dû lui rembourser la différence de loyers entre les baux commerciaux et d’habitation ! C’est dire que les conséquences peuvent être lourdes, sans compter les peines administratives. Autre exemple, un arrêt de la même cour d’appel du 24 mars 2016 a condamné un bailleur de meublés à une amende de 100 000 euros et ordonné le retour à l’habitation des locaux loués sans autorisation sous peine d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard et par mètre carré utile. Propos recueillis par Catherine Larée Acte de dépôt d’autorisation de changement d’usage L’an..., le..., À..., Me..., notaire à..., soussigné, A reçu en la forme authentique, le présent acte de dépôt, à la requête des personnes ci-après identifiées : 1. Identification des requérants A. - La société… Représentée par … Ci-après dénommée « le Requérant 1 ». B. - La société… Représentée par … Ci-après dénommée « le Requérant 2 ». Le Requérant 1 et le Requérant 2 ci-après dénommés ensemble « Les Requérants ». 2. Dépôt de pièce A. - Dépôt de l’autorisation de changement d’usage du… CHOISIR suivant le cas Variante 1 : (Le local bénéficiaire de l’autorisation et le local offert en compensation dépendent du même service de la publicité foncière) en vue de sa publication au service de la publicité foncière de…, Variante 2 : (Le local bénéficiaire de l’autorisation et le local offert en compensation ne dépendent pas du même service de la publicité foncière) en vue de sa publication au service de la publicité foncière de… et au service de la publicité foncière de…, POURSUIVRE ensuite Les Requérants ont, par les présentes, remis au notaire soussigné et lui ont requis de déposer au rang de ses minutes à la date de ce jour en vue d’assurer la conservation et pour qu’il en soit délivré tous extraits ou expéditions quand et à qui il appartiendra, comme en vue d’effectuer toutes formalités de publicité foncière qu’il y aura lieu, conformément aux dispositions de l’article L. 631-7-1 du Code de la construction et de l’habitation, Suite page 30 > LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 21 - 27 MAI 2016 Page 29 1169 > Suite de la page 29 une copie de l’autorisation de changement d’usage avec compensation délivrée par le maire de… le… sous le numéro…, demeurée ci-annexée, dont la teneur est ci-après littéralement rapportée : (reprendre le texte de l’autorisation) Si une attestation de non-retrait et non-recours a été obtenue : L’autorisation susvisée n’a fait l’objet d’aucun retrait ni recours ainsi qu’il résulte d’une attestation délivrée par la mairie de… le…, dont une copie est demeurée ci-annexée. B. - Désignation des biens et droits immobiliers objet de l’autorisation de changement d’usage du… 1° Désignation des biens et droits immobiliers bénéficiaires de l’autorisation de changement d’usage et appartenant au Requérant 1 Pour les besoins de la publicité foncière, la désignation des biens et droits immobiliers bénéficiaires de l’autorisation de changement d’usage porte sur les biens suivants : Si immeuble entier : Un immeuble situé à…, comprenant :… Cadastré section… numéro… 2° Désignation des biens et droits immobiliers offerts en compensation et appartenant au Requérant 2 Pour les besoins de la publicité foncière, la désignation des biens et droits immobiliers offerts en compensation porte sur les biens suivants : Si l’immeuble est soumis au régime de la copropriété : Au sein d’un ensemble immobilier situé à…, comprenant :… Cadastré section… numéro… Lot n°… (reprendre la désignation du lot figurant dans l’état descriptif de division) Organisation juridique - Règlement de copropriété contenant état descriptif de division reçu par Me…, notaire à…, le…, dont une copie authentique a été publiée au service de la publicité foncière de…, le… volume… numéro… Modifié le… aux termes d’un acte reçu par Me…, notaire à…, le…, dont une copie authentique a été publiée au service de la publicité foncière de…, le… volume… numéro… C. - Effet relatif 1° Concernant les biens et droits immobiliers situés à… Les biens et droits immobiliers sus-désignés à l’article 2, B, 1° appartiennent au Requérant 1 aux termes d’un acte reçu par Me…, notaire à…, le… dont une copie authentique a été publiée au service de la publicité foncière, le…, volume… numéro… 2° Concernant les biens et droits immobiliers situés à… Les biens et droits immobiliers sus-désignés à l’article 2, B, 2° appartiennent au Requérant 2 aux termes d’un acte reçu par Me…, notaire à…, le… dont une copie authentique a été publiée au service de la publicité foncière, le…, volume… numéro… 3. Mention - Publication Mention des présentes sera consentie partout ou besoin sera. CHOISIR suivant le cas Variante 1 - Le local bénéficiaire de l’autorisation et le local offert en compensation dépendent du même service de la publicité foncière Le présent acte sera publié au service de la publicité foncière de… dans le ressort duquel se trouvent les biens et droits immobiliers susdésignés à l’article 2, B. Variante 2 - Le local bénéficiaire de l’autorisation et le local offert en compensation ne dépendent pas du même service de la publicité foncière : Le présent acte sera publié : - au service de la publicité foncière de … dans le ressort duquel se trouvent les biens et droits immobiliers sus-désignés à l’article 2, B, 1° ; - et au service de la publicité foncière de … dans le ressort duquel se trouvent les biens et droits immobiliers sus-désignés à l’article 2, B, 2°. POURSUIVRE ensuite 4. Frais Tous les frais, droits et émoluments des présentes seront supportés par le Requérant 1. 5. Pouvoirs Pour l’accomplissement des formalités de publicité foncière, les Requérants agissant dans un intérêt commun, donnent tous pouvoirs nécessaires au notaire soussigné à l’effet de faire dresser et signer tous actes complémentaires ou rectificatifs pour mettre le présent acte en concordance avec les documents hypothécaires, cadastraux ou d’état civil. DONT ACTE Établi sur... pages. Fait et passé aux lieu et date susindiqués, Après lecture faite les requérants ont signé avec le notaire soussigné. Nombres : - de mots rayés comme nuls :... - de lignes rayées comme nulles :... - de chiffres rayés comme nuls :... - de blancs bâtonnés :... - de renvois : … Page 30 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 21 - 27 MAI 2016