Le toucher€: un geste à€ redécouvrir

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Le toucher : un geste à redécouvrir
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redécouvrir,
Le toucher : un geste à
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Le toucher : un geste à redécouvrir
Le toucher : un geste à redécouvrir (Juin 2003)
"Oser toucher et se laisser toucher, c'est peut-être s'autoriser du bout des doigts à s'enrichir et à apprendre de nos
expériences réciproques, développer notre authenticité et ainsi, à aider l'autre à trouver la sienne".
Evelyne Malaquin-Pavan (8)
LA PEAU ET LE TOUCHER
La peau est notre enveloppe corporelle. Elle a un aspect, un grain, une épaisseur, une douceur ou une rugosité qui
lui sont propres. Moyen d'échange entre l'intérieur et l'extérieur de notre corps, elle a un rôle primordial de réceptivité
et de protection contre les agressions extérieures. Clerget (1) la considère comme " une membrane de soutènement
et de protection ; une enveloppe et une frontière "soulignant qu' " une réaction épidermique est une réponse vive et
immédiate, de surface apparemment, mais elle n'en traduit pas moins une détermination préconsciente ou une
position inconsciente du sujet ". Il invite ainsi à considérer la peau comme " miroir et résumé de l'organisme ".
Reprenant les propos de F. Dagognet, il considère le cerveau et la peau comme " deux êtres de surface " : la peau
étant un " cerveau périphérique " et le cortex, l'écorce du cerveau. La peau est alors " une fonction d'interposition
entre le sensible et le sens ".
Bonaventure (2) signale que le toucher est le premier sens qui se développe chez l'homo sapiens. Elle donne
plusieurs définitions du toucher : d'abord physiologique " un des cinq sens, correspondant à la sensibilité cutanée...
", puis étymologique" entrer en contact avec, être proche de" faisant intervenir simultanément sensation et sentiment.
Elle reprend les propos d'A. Montagu : " Bien que le toucher ne soit pas en soi une émotion, ses éléments sensoriels
induisent des changements d'ordre nerveux, glandulaire, musculaire et mental, qui l'apparentent à une émotion ".
Autton (3) évoque les contacts physiques comme " un moyen de communiquer des plus élémentaires et, de toutes
les sensations, ce sont celles que l'on ressent personnellement le plus ". Lorsque l'on parle de toucher, émergent
rapidement les notions de proximité, d'intimité, et logiquement, par extension de confiance, voire de sécurité.
LE TOUCHER ET LES TECHNIQUES MEDICO-SOIGNANTES
Pour Autton (3)," La maladie devient un événement traumatique ... entraà®nant angoisse, insécurité et perte du
respect de soi,... situation de stress intense impliquant un sentiment d'isolement et de menace... " . Le patient se
retrouve fragilisé par son statut de malade, confronté à un environnement qui lui est totalement étranger, dépendant
des examens, du diagnostic, des soignants, et en grande demande de relation, de contact, d'écoute et de
compréhension.
Pourtant face à cette fragilisation, " le développement de l'imagerie médicale,..., en rendant visible ce qui se dérobait
au savoir et au regard,..., témoigne d'une mutation particulièrement marquante dans notre manière de concevoir le
rapport au corps ". Vinit (4) avance la notion de " transparence du corps " et, par là -même, d'intrusion franche de la
technique à l'égard du patient. Autton (3) reprend l'idée que " les techniques médicales et chirurgicales de plus en
plus perfectionnées et la dépendance du patient en des appareillages mettent en évidence l'importance des rapports
humains et les conflits psychologiques contre lesquels personnel et patient doivent parfois lutter ". En regard de
l'évolution des techniques médicales, les pratiques soignantes ont elles aussi évoluées vers " des soins complexes
de plus en plus précis et techniques,..., parfois au détriment de l'écoute du patient,..., des soins parfois assez
compliqués qui découpent le corps en organes et en fonctions " Rioult (5). La situation médicale a ceci de particulier
qu'elle vient bousculer la distance en vigueur dans les interactions interpersonnelles et la façon dont nous
préservons habituellement notre enveloppe personnelle.
Au-delà du côté technique proprement dit, les soins infirmiers amènent à une relation très particulière au corps de
l'autre. Fabrégas (6) souligne, en effet, que " dans les soins infirmiers, l'intimité avec le patient est incontournable et
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paradoxale. ... entre attirance et dégoût, compassion et rejet, attention et indifférence, bien souvent et
inconsciemment redoutée par tous ceux qui se consacrent aux corps malades ". Martin-Braud (7) évoque les
blocages et les appréhensions qui paralysent. Le toucher ne peut éviter d'évoquer la sexualité, de la place qu'elle
prend dans notre rapport à l'autre, des tabous qu'elle génère et de la "possibilité que nous avons d'envisager, dans
notre culture occidentale, un contact physique sans implicite sexuel... " Vinit (4). Concernant les effets du toucher,
Vinit (4) rapporte que " placé du côté de l'impensable ou marqué du signe du soupçon, il porte souvent le risque
d'une confusion des identités, d'une emprise possible sur l'autre ou d'une effusion affective impossible à gérer ".
Tous les auteurs évoque la notion de refuge derrière des soins techniques purs et durs (technicité-rempart pour Vinit
(4)), amenant " au contact avec le corps de l'autre derrière la barrière de blouses, des masques, des gants " comme
le constate Dien (7), ne laissant que peu de place à la relation. Car celle -ci peut amener à la mise en confiance,
voire à la confidence. Comment, alors, gérer les émotions ? Comment répondre aux questions ? Dien (7) pose aussi
cette question " Jusqu'o๠pouvons-nous, devons-nous aller ? " et avance : " nous, soignants, recevons le corps de
l'autre avec nos angoisses, nos transferts et nous devons les aider, les toucher, les " nurser " alors que nous
sommes confrontés à nos propres sentiments de pitié, de compassion, d'empathie, de sympathie, de dégoût,
d'amour... sentiments mêlés, parfois contradictoires, souvent difficiles à contrôler... ".
UNE PRATIQUE DE SOIN : LE TOUCHER
" Parce que les moindres de mes gestes techniques s'accomplissent par un contact de mes mains avec le corps
malade " Martin-Braud (7). Malaquin-Pavan (8) émet l'hypothèse que " de nombreux soignants ont l'intuition que
certains gestes peuvent calmer, mais peu d'entre eux osent les poser comme de " vrais " gestes professionnels ". En
tout état de cause, " le toucher fait entrer le soignant dans l'intimité du soigné. Pour être accepté et acceptable, cette
intimité doit être protégée par une éthique humaniste. Il faut reconnaà®tre et protéger l'autre en respectant ses
limites, en évitant de l'envahir, et en le rendant actif dans le sens de son autonomie,..., en favorisant son bien-être et
non en l'enfermant dans une relation de dépendance " Rioult (5). " Entre envie et appréhension, ces moments
peuvent être un vrai temps privilégié de partage. Mais pour que ce soit plaisir, et plaisir partagé, il faut que le
soignant soit disponible, qu'il soit persuadé de l'importance de ses gestes, qu'il prenne le temps nécessaire pour le
faire et qu'il ait envie de le faire, car ces soins n'ont aucun support technique ; pour les soignants, ce sont des " soins
nus " o๠leur personnalité est mise à jour et pour le soigné, c'est la dignité même qui est prise ou non en
considération " Dien (7).
Pour que le toucher ait cette dimension de pratique de soin, plusieurs critères s'avèrent nécessaires :
l'intention : " avoir envie ". Comme Rioult (5) le rappelle, " l'intentionnalité à l'œuvre dans un soin concerne un
toucher ponctuel, limité dans le temps et l'espace, qu'une qualité de contact prolonge tout autant qu'il la précède, le
geste prenant appui sur une " atmosphère relationnelle ". Vinit (4) confirme qu'"un toucher intentionnel, qui saisit que
la moindre demande peut être le vecteur d'une relation humaine, est alors facteur important de qualité de vie pour les
patients, une occasion d'atténuer la fragilisation induite par la maladie et de manifester concrètement le souci actuel
d'éthique ". la disponibilité : la présence. Rioult (5) insiste sur le geste de l'infirmière qui doit être "habité, ...sinon le
receveur le perçoit comme mécanique et sans grand intérêt " la réciprocité : donner et recevoir, toucher et être
touché. Rioult (5), encore, considère l'infirmière comme habituée plus à donner et à prendre en charge l'autre que
de recevoir. Le patient à qui l'on donne (du temps, de l'écoute, de l'attention, du bien-être) va se sentir suffisamment
en confiance pour exprimer ses sentiments face à ce qu'il vit. Vinit (4) souligne " la douceur d'une toilette, le plaisir
de soins cosmétiques ou même l'attention présente au cœur de l'acte clinique, si leur exécution confirme et
reconnaà®t le patient comme être de relation et de langage, ... ils peuvent éveiller les confidences, le besoin d'un
dialogue ou les souvenirs engourdis au creux de la peau ". Clerget (1) aborde l'aspect psychanalytique du toucher, la
notion d'abandonner et de laisser aller. "S'abandonner, c'est adopter l'Autre, c'est prendre le risque d'être adopté,
celui aussi de s'adopter. S'adopter, c'est s'abandonner à l'Autre, s'accueillir soi-même, ce qui n'est pas possible
sans l'Autre ". le savoir-être et le savoir-faire. Si c'est dans le regard du soignant que le malade appréhende bien
souvent sa déchéance physique, Dien (7) précise que c'est aussi dans ce regard "qu'il cherche la confirmation de ce
qu'il sent, de ce qu'il sait ainsi que le réconfort et le courage de continuer ". E.Malaquin-Pavan (9) insiste, elle aussi,
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sur ce travail sur le regard. mais aussi sur ce que le toucher peut représenter pour soi, pour l'autre. Elle insiste sur la
"juste distance" afin d'être à l'écoute et d'adapter son geste et sa présence, dans le respect le plus total de son
intimité. Aiguesparses (10), l'intégration des familles par l'équipe soignante procède d'une participation active : il faut
ETRE auprès des proches pour les aider à ETRE auprès du patient ". ses propres ressources nécessaires. Car
comme le remarque Rioult (5)" tous ces soins de proximité et de contact demandent à l'infirmière de disposer d'un
capital suffisant de bien-être et de stabilité ainsi que d'avoir la connaissance des mécanismes de défense en jeu
dans la relation " soignant-soigné ". Il s'agit encore de cette "bonne distance .... non pas géographique mais
psychologique " Dien (8), afin de n'exercer aucun pouvoir sur " SON " malade, qui appartient d'aucune façon au
soignant.
Malaquin-Pavan (9) synthétise les multiples apports du toucher pour le soignant : "le toucher lui permet de prendre
conscience de sa potentialité de communication, il induit un travail de connaissance de soi, autorise à reconnaà®tre
l'espace de liberté nécessaire à chacun pour évoluer sereinement, à connaà®tre et à respecter les différences, à
redécouvrir une certaine disponibilité, une réelle chaleur humaine empathique... différente de l'affectif". Enfin, pour
Vinit (4) " le toucher en milieu de soin met en jeu un savoir-être couplé d'un savoir-faire, s'adressant à la fois à un
corps de peau et à un corps de lien, introduisant celui qui le reçoit comme celui qui le donne dans une réciprocité
proprement humaine ".
Plusieurs des auteurs cités sont des acteurs des soins palliatifs. Sans limiter la pratique du toucher et ses bénéfices
(pour les patients, leur entourage et les soignants) strictement aux soins palliatifs, cette pratique y est plus courante,
avec une attention particulière. L'objectif des soins est modifié, ils ne sont plus dans une démarche curative. Le
confort, le bien-être, la qualité de vie sont des notions récurrentes dans ce domaine. Malaquin-Pavan (9) s'interroge
sur la capacité du soignant à être simplement présent dans un accompagnement de fin de vie, sans se retrancher
systématiquement derrière derrière un acte de soin. Le besoin de sécurité et de protection entraà®ne, pour Autton
(3)"un état de régression émotionnelle o๠l'on saisit toutes les occasions de prendre une main ou un bras, en
s'accrochant avec la même ténacité qu'un enfant qui a peur..." Les auteurs insistent sur le manque de formation
au-delà des peurs engendrées par la proximité des corps et le franchissement de la barrière de l'intimité. Les
formations au toucher-massage sont un des moyens d'aborder différemment le patient, de découvrir et de pratiquer
une autre dimension du soin car comme le souligne Rioult (5) : " le soignant n'ose pas, il manque de confiance en soi
". Il semble important de réinvestir le rôle propre de l'infirmière une " démarche de soins, porteuse de sens " décrite
par Rioult (5) et bien évidemment une prise en charge du malade dans sa globalité (" son corps, sa maladie, ses
habitudes, ses sentiments, ses valeurs, ses croyances et son entourage " Dien (7)).
CONCLUSION
Fabergas (6) distingue le corps du malade " objet de soins ", facile à appréhender pour le soignant du corps " sujet
de soins " qui alors sème le trouble. "Ce corps, sexué, le soignant peut choisir de l'ignorer, renforçant alors le tabou
de l'intimité et perdant par là - même une grande partie de ce qui fait la richesse de son rôle " . Interrogeons-nous
avec Malaquin-Pavan (9) sur ce que nous faisons au quotidien et avec C. Rioult (5) sur comment s'investir autrement
dans les soins pour se sentir " acteur d'une mission de soin élargie " Vinit (4) rappelle que " le toucher du corps, tissé
de respect pour celui qui l'accepte en confiance, est une dimension d'un contact plus large, d'une capacité d'écoute
et de disponibilité au mystère de l'autre ".
Essayons de prendre du temps, pour s'ouvrir, pour accueillir et pour découvrir ce que l'autre a à nous apporter
autant que ce que nous pouvons lui apporter.
Pascale Charpentier, Infirmière, Centre François-Xavier Bagnoud
Références bibliographiques
1. Clerget, Joel. La main de l'autre, le geste, le contact et la peau : approche psychanalytique. Erés, 1997
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2. Bonaventure, Emmanuelle. Le toucher : considérations théoriques et pratiques en unités de soins
palliatifs.Université de Louvain la Neuve. Licence de kinésithérapie, 1998
3. Autton, Norman. L'usage du toucher dans les soins palliatifs European journal of palliative care 1996 ;
3(3):121-124
4. Vinit, Florence. Le "toucher" en milieu de soin, entre exigence technique et contact humain.Histoire et
anthropologie 2001 ; 23 : 131-141
5. Rioult, Catherine. Le toucher relationnel pour enrichir la pratique. Soins 1998 ; 628:25-29
6. Fabregas, B. L'intimité et la relation soignant-soigné. Soins2001 ; 652 :31-51
7. Martin-Braud, Thierry. Le toucher, geste technique ou qualité soignante. Soins 2002 ; 662:21-23
8. Dien, Marie-Jeanne. Soins du corps : ils déterminent la qualité des derniers moments de la vie. Revue du
praticien 1992 ; 189:19-22.(Médecine générale)
9. Malaquin-Pavan, Evelyne. Le toucher au coeur des soins Ouvertures 1996 ; 81 :3-5
10. Aiguesparses, Catherine. Participation des familles.4ème journée régionale de soins palliatifs et
d'accompagnement.Société régionale Auvergne d'accompagnement et de soins palliatifs, 2001
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