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CHAPITRE 19 LES RISQUES DE LA GLOBALISATION FINANCIERE SYNTHESE
Les marchés financiers génèrent des risques spécifiques qui se trouvent renforcés avec la globalisation financière.
Linstabilité qui en sulte sur les marchés aboutit parfois à des crises qui peuvent se généraliser à léconomie mondiale
et perturber durablement lactivité économique.
I. LES RISQUES FINANCIERS
A. Les risques liés aux échanges sur les marchés
1. Les risques de contrepartie
Le risque de contrepartie (ou risque de crédit) repose sur léventuelle défection du débiteur.
Tout créancier (banque accordant un crédit, agent achetant une obligation ou une action sur le marché financier), dès lors quil a une créance sur
un agent, se trouve exposé au risque que son débiteur ne rembourse pas sa dette à léchéance. Cest donc le risque que la
partie avec laquelle un contrat a été conclu ne tienne pas ses engagements. Exemple : Un actionnaire individuel peut craindre que la
société dans laquelle il investit fasse faillite et soit insolvable, ou enregistre des mauvais résultats qui mettent en péril sa pérennité.
2. Les risques de marché liés à la variation des cours boursiers
Le risque de marché peut se définir comme le risque financier à lincertitude quant à la valeur future dune action
ou dun portefeuille dactions. Il peut conduire à des gains (plus-values) ou à des pertes (moins-values) et correspond ainsi à un
aléa de marché. Ce risque peut résulter :
Dune détérioration de la situation de lémetteur (risque de contrepartie). Pour diminuer ce type de risque, il est préfé-
rable de diversifier ses placements au sein dun portefeuille dactions, de manière à ce que les fluctuations affectant
un titre soient compensées par les autres titres ;
Dune dégradation du marché des actions, cest-à-dire de lensemble des valeurs (mesurable par des indices boursiers
comme le CAC 40 en France).
Les risques de marché ne sont pas toujours facilement identifiables par un observateur externe car les informations pu-
bliées sont rares et presque toujours incomplètes.
B. Des risques renforcés par les comportements des agents
Les comportements des agents économiques conduisent à une augmentation de ces risques.
1. Les comportements de mimétisme
Une certaine conception de la finance, dinspiration keynésienne, montre que les marchés financiers se caractérisent par
dimportantes imperfections qui conduisent à leur instabilité et à leur incapacité à procéder à une allocation optimale des
ressources.
En effet, linformation imparfaite amène les opérateurs à suivre un comportement grégaire et mimétique : les agents
économiques imitent leurs voisins, espérant quils soient mieux informés. Au lieu dadopter un comportement rationnel, les
investisseurs individuels, comme les investisseurs institutionnels (sociétés dinvestissement, fonds de pension et sociétés dassurance), se
fondent sur les opinions partagées des autres agents et se contentent de suivre la tendance, renforçant ainsi les excès
du marché, à la hausse comme à la baisse.
Le principal risque des marchés financiers vient alors de la déconnexion entre la valeur réelle des actifs et leur valeur
marchande, suite à ces comportements moutonniers, qui font grimper anormalement les cours de titres finan-
ciers, aboutissant à la formation de bulles financières. Ce comportement mimétique explique également léclatement de ces
bulles financières.
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2. Le phénomène daléa moral
Le phénomène daléa moral désigne une situation de risque née de la perspective quun agent qui se sait garanti
contre le risque se comporte différemment que sil était totalement exposé au risque, et donc prêt à en prendre da-
vantage.
Les opérations de sauvetage opérées par les Banques centrales et/ou les États en cas de crise financière peuvent amener
les banques à se sentir protégées contre leurs propres imprudences et à prendre dans le futur plus de risques lors de loctroi
de crédits ou de lecution dopérations de marché.
Lexemple de la crise financière de 2008 a montré que les banques américaines ont accordé des crédits « subprimes »
avec peu de rigueur, car les risques sur ces crédits ont été massivement transférés à dautres agents économiques par le
bais de la titrisation. Cest ce risque moral qui a accru le nombre de titres défaillants sur les marchés financiers.
II. L’ACCROISSEMENT DES RISQUES DE CRISE
A. Linstabilité croissante des marchés financiers
1. Une instabilité inhérente au fonctionnement des marchés
Le développement des marchés de capitaux a permis de dégager de nouvelles sources de financement mais il a produit
une forte instabilité.
En effet, les marchés financiers ne sont pas efficients dans le sens où le comportement des agents nest pas régi par la loi
de loffre et de la demande, mais par des comportements de mimétisme. Lensemble des agents, acheteurs ou vendeurs,
adoptent le même comportement, favorisant les amplitudes de cours et linstabilité des marchés.
Ainsi, la hausse des prix devient une incitation à acheter car elle est le signe dune augmentation future des cours des titres
financiers dont les investisseurs ne veulent pas rester à lécart. Les marchés financiers nont pas les vertus autorégulatrices
des autres marchés qui sont régis par la loi de loffre et de la demande mais fonctionnent de manière inverse : lorsque les
cours montent, la demande augmente au lieu de se contracter.
2. Le rôle des innovations financières
La multiplication des innovations financières depuis la fin des années 1980 a favorisé le développement de la spéculation.
Cette activité consiste à acheter ou à vendre un titre financier (action, obligation, contrat dérivé) et, par extension, monétaire (devise,
taux dintérêt) dans lobjectif den tirer une plus-value relativement rapide grâce à la variation de son cours, tout en pre-
nant le risque d’une variation inverse. Ces comportements spéculatifs ont accru la volatilité des marchés, qui se mani-
feste par une forte instabilité des indices boursiers, des taux dintérêt et des taux de change.
La diminution de la durée moyenne de détention des actions à 7 mois témoigne de limportance de la spéculation sur les
marchés, où une logique de court terme lemporte sur la logique économique de long terme, censée favoriser le dé-
veloppement économique.
B. La multiplication des crises financières
Depuis le début des années 1970, léconomie mondiale connaît une multiplication de crises financières, dont la dernière en
date a trouvé son origine sur le marché des prêts hypothécaires subprimes ») aux États-Unis en 2007.
Les crises financières sont très diverses selon quelles affectent les marchés financiers ou les institutions financières. On
distingue :
Les crises boursières, qui se manifestent par un retournement de la tendance haussière et aboutissent à un effon-
drement brutal des cours des titres financiers. On parle de « gonflement » de la bulle financière (Exemple : la crise de
1929) ;
Les crises bancaires, durant lesquelles les banques connaissent une situation financière très dégradée : elles
doivent rembourser des créanciers mais nont pas l’argent à leur disposition immédiate pour le faire. Ces crises
peuvent aboutir à une crise de liquidité, qui rend difficile le financement de lactivité économique et entrave les
perspectives de croissance (Exemple : la crise de liquidités à la suite de la crise des « subprimes » de 2007) ;
Les crises de change, qui se produisent lorsque les investisseurs perdent confiance dans la monnaie dun pays
en particulier et retirent leurs capitaux, générant une forte dépréciation de la monnaie du pays considéré. Ces
crises ont souvent pour origine des comportements de spéculation (Exemple : la crise asiatique de 1997).
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III. LA PROPAGATION DES CRISES FINANCIERES
A. Linterdépendance entre sphères financière et réelle
Une crise dorigine financière peut se répercuter sur lactivité économique par une série de trois effets :
Un effet psychologique : Une crise de confiance gagne lensemble des agents économiques et modifie leurs an-
ticipations. Les entreprises stoppent leurs investissements et diminuent leurs volumes de production, faute
danticipations économiques optimistes, freinant ainsi la croissance, les revenus et lemploi. Les ménages res-
treignent leur consommation et épargnent davantage par précaution (Exemple : La panique des petits épargnants suite au krach
boursier de 1929 a entraîné un retrait massif de leurs liquidités auprès des banques en qui ils navaient plus confiance et, parallèlement, à une restriction
de la consommation et de linvestissement).
Un effet de trésorerie pour les entreprises et les banques ayant enregistré des pertes importantes sur les marchés
financiers, allant parfois jusquà des faillites, fragilisant les perspectives demploi et dactivité. La transmission des
crises par le canal bancaire provient de la raréfaction du crédit (credit crunch) qui freine linvestissement et la con-
sommation, et ainsi la croissance et lemploi (Exemple : de nombreuses banques, américaines notamment, ont fait faillite suite à la
crise des subprimes de 2007 suite aux pertes réalisées sur les marchés boursiers et à la panique des épargnants qui ont retiré leurs économies, les pré-
cipitant ainsi dans des difficultés de trésorerie).
Des effets de richesse négatifs lorsque la baisse de valeur du patrimoine des agents économiques ayant réali-
de fortes pertes sur les marchés financiers a pour conséquence une baisse de la demande globale, et donc
de la production. Ainsi, le développement des marchés financiers nest pas sans conséquence sur léconomie
réelle car la consommation des agents dépend de leur patrimoine. Une hausse des marchés aboutit souvent à une
hausse de la consommation par un effet de richesse positif. Inversement, leur baisse favorise la reconstitution de
lépargne, et donc la baisse de la consommation (effet de richesse négatif) ; (Exemple : la chute des indices boursiers suite à
l’éclatement de la « bulle Internet » de 2001 a déprécié le patrimoine des ménages qui ont freiné leur consommation).
Aussi, toutes les crises financières (crises de change, crises bancaires, crises boursières) sont susceptibles de provoquer une récession
dans la sphère réelle, celle des activités de production, de consommation et dinvestissement, ainsi que celle de lemploi. Il
existe donc une réelle interdépendance entre la sphère de la finance et la sphère réelle.
B. Linterdépendance croissante entre les pays
Par un effet de domino, les chocs financiers se répercutent également entre les différents pays. On distingue deux types de
canaux de transmission.
1. La transmission par le canal du commerce international
Le commerce international joue un rôle prépondérant dans la transmission dune crise dun pays ou dune zone géogra-
phique à lautre. En effet, une baisse de lactivité dans un pays diminue, par le canal de la contraction de ses impor-
tations, les exportations et donc lactivité de ses partenaires commerciaux. Les importations de ces pays baissent
à leur tour, ce qui réduit les débouchés des autres pays et alimente une spirale baissière. Par ce mécanisme, les
pays à lorigine de la crise exportent la crise.
Conjuguée à un renforcement des comportements protectionnistes destinés à protéger la production nationale au tri-
ment des importations, cette situation peut aboutir à un effondrement du commerce mondial.
A la suite de la crise des subprimes, les pays les plus touchés par la contraction du commerce international sont
lAllemagne et le Japon, du fait de la contribution prépondérante des exportations à leur croissance.
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2. La transmission par le canal financier
Avec la globalisation, une crise financière dans un pays se propage à lensemble des pays du fait de linterconnexion des
marchés financiers au niveau mondial. Les investisseurs peuvent aujourdhui investir leur épargne sur lensemble des
places financières du monde, qui peut dès lors être affectée par leffondrement des places financières des autres pays. Il
sagit dun effet de contamination.
Ainsi, une crise financière dans un pays conduit les investisseurs à modifier leur portefeuille pour réduire leur exposition au
risque. Ils chercheront à vendre leurs titres.
Leur comportement peut également se manifester à travers le processus de fuite vers la qualité : les investisseurs reti-
rent massivement leurs capitaux, de peur que les marchés ne seffondrent davantage, pour investir sur des places
financières jugées plus sûres, renforçant, dans un premier temps, la chute des cours dans le pays dorigine. Dans un
second temps, ce comportement entretient un mouvement de hausse des cours sur ces marchés jugés plus performants,
alimentant des bulles financières qui ne tardent pas à se dégonfler, pour aboutir elles-mêmes à des retournements de
marché.
Ainsi, les variables financières et la réaction des investisseurs ont pu assurer la transmission des difficultés écono-
miques, dans une économie de plus en plus mondiale. Cest le cas de la vague de crises internationales de 1997-1998
qui ont frappé plusieurs pays émergents dans le Sud-est asiatique : la crise monétaire qui affecte d’abord la Thaïlande en
1997 a provoqué un changement de comportement des investisseurs qui se manifeste par un retrait des capitaux des mar-
chés émergents jugés trop risqués devant la perte de confiance dans les monnaies asiatiques, les précipitant tous dans la
crise (Corée du Sud, Taiwan, Singapour, Hong-Kong, etc.).
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