Introduction
Déconcertant – mot qui semble bien caractériser Jean Genet. Il en va de même pour son
théâtre. La contradiction, le mensonge, l’inconstance et la trahison s’inscrivent à la fois dans
sa vie et dans son œuvre. Quiconque plonge dans son monde (que ce soit le monde réel ou
l’univers esthétique et imaginaire de ses textes) se retrouve dans une sorte de spirale du vide
(cf. Gitenet 1999a : 171-176) où les points fixes sont difficiles à repérer. Genet semble
délibérément dérouter ses lecteurs, tout comme il déséquilibra ses connaissances dans le
monde réel : l’histoire de sa vie, quoique apparemment exposée dans ses premiers ouvrages
et, ce dernier temps, illuminée par de nombreux biographes (v. notre bibliographie), reste
obscure ; son œuvre, quoique largement commentée et interprétée dès les premiers livres1,
demeure énigmatique.
Lors des dernières répétitions de la pièce Le Balcon pour la création à Londres (Arts
Theatre Club) en 1957, Genet – présent pour la première fois, et outragé par l’interprétation
du metteur en scène Peter Zadek – manifeste hautement son mécontentement. Deux jours plus
tard, le 22 avril, l’auteur fait scandale : il interrompt la première de la pièce, s’assied au milieu
de la scène et exige que le spectacle soit annulé. Les représentations ne seront cependant pas
supprimées : c’est Genet qui, après intervention de la police anglaise, n’aura plus le droit d’y
assister (cf. Plunka 1992 : 190-191).
Cette intervention furieuse de la part de l’auteur nous montre combien il tenait à ce que ce
soit sa version qui soit présentée aux spectateurs, et non celle du metteur en scène. Les
1 Moins, il est vrai, que celles de certains de ses contemporains, mais le nombre de commentaires critiques est
tout de même important.
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