- Jc 1, 12 et s.: Μακάριος ἀνὴρ ὃς ὑπομένει πειρασμόν: ὅτι δόκιμος γενόμενος λήψεται (N
λήψεται → λήμψεται) τὸν στέφανον τῆς ζωῆς (Heureux l'homme qui endure l'épreuve, parce
que, une fois testé, il recevra la couronne de la vie, promise à ceux qui L'aiment.)
NB : Ici πειρασμοσ est mis en parallèle avec δοκιμοσ qui est traduit par « testé » (que Carrez
traduit par « éprouvé, reconnu »), et ce parallèle confirme la traduction de πειρασμοσpar
« épreuve ».
- He 2,18 Ἐν ᾧ γὰρ πέπονθεν αὐτὸς πειρασθείς, δύναται τοῖς πειραζομένοις βοηθῆσαι
(puisqu'il a souffert lui-même l'épreuve, il est en mesure de porter secours à ceux qui sont
éprouvés.)
Au terme de cet inventaire, il est clair que l’on peut traduire πειρασμοσ par tentation et/ou épreuve.
Il est vrai qu’il y a, en grec comme en français, superposition partielle de sens entre « épreuve » et
« tentation ». Une tentation est une épreuve mais une épreuve n'est pas à tout coup une tentation…
ni nécessairement quelque chose de mauvais. L’épreuve peut inclure une tentation ou conduire à la
tentation, comme c’est le cas de Jésus au désert et à Gethsémani. Il est permis de penser que Dieu
nous éprouve… ou du moins que certains évènements mettent notre foi à l’épreuve (Dt 13,4; Ps 66,
10; Sg 3,5-6). Cependant, si à propos d’une maladie, d’un deuil ou d’un malheur on parle d’une
épreuve, il ne faut pas l’attribuer à la volonté de Dieu ! Par contre, encore une fois, il n'est pas
possible que Dieu nous soumette à la tentation.
La vraie difficulté réside dans l’association du mot πειρασμοσ« tentation » ou « épreuve » avec le
verbe εισφερω, « conduire », ou « introduire »
. Quel que soit le sens choisi pour εισφερω :
conduire, introduire, il implique une action volontaire de Dieu et alors, je pense qu’il ne faut pas
retenir « tentation » pour πειρασμοσ, car cela implique une perversité que l'on ne peut attribuer à
Dieu. La TOB, quoiqu’elle reconnaisse qu’« il ne saurait être question que Dieu introduise, ou fasse
entrer, dans la tentation comme un piège où l’homme serait pris... »
, retient comme traduction
« tentation ». Pour ma part, je choisis « épreuve », au sens de test, évaluation. Si pour πειρασμοσ on
retient la traduction « tentation », alors il faut s’écarter de la traduction littérale du verbe εισφερω et
préférer « ne nous laisse pas succomber » ou « accompagne-nous » ou « rend nous fort », qui sont
cohérents avec les Ecritures.
La traduction œcuménique « Ne nous soumets pas à la tentation » n’est acceptable que si on revient
à l’étymologie de soumettre, c’est à dire « mettre sous » : « ne nous mets pas sous la tentation »: ne
nous laisse sombrer sous la tentation », mais ce n’est pas le sens commun du verbe soumettre.
La nouvelle traduction de l’Association Episcopale Liturgique Francophone a retenu « ne nous
laisse pas entrer en tentation » ce qui exonère le Père de la perversité sous-jacente à la traduction
jusqu’à maintenant en usage et ici critiquée… mais qui pose deux nouveaux problèmes:
On pourrait être tenté de se tourner vers l'araméen ou l'hébreu, « langues antérieures », mais il s'agirait alors d'un
exercice de rétro-traduction qui, sur le plan méthodologique, serait discutable, s'agissant ici de discuter d'une traduction
du latin et du grec vers le français.
Voir TOB note i p. 2320