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Strasbourg, 28 mars 2011
Etude n° 512 / 2009
CDL-AD(2011)003rev
Or. fr.
COMMISSION EUROPÉENNE POUR LA DÉMOCRATIE PAR LE DROIT
(COMMISSION DE VENISE)
RAPPORT
SUR LA PRÉÉMINENCE DU DROIT
adop par la Commission de Venise
lors de sa 86e session plénre
(Venise, 25-26 mars 2011)
sur la base des observations de
M. Pieter van DIJK (membre, Pays-Bas)
Mme Gret HALLER (membre, Suisse)
M. Jeffrey JOWELL (membre, Royaume-Uni)
M. Kaarlo TUORI (membre, Finlande)
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Table des matres
I.
Introduction...............................................................................................................3
II.
Les origines historiques des notions de « Rule of law » (prééminence du droit),
« Rechtsstaat » et « Etat de droit »...........................................................................3
III.
La prééminence du droit en droit positif.....................................................................5
IV.
La quête d'unefinition...........................................................................................9
V.
Les nouveauxfis.................................................................................................14
VI.
Conclusion..............................................................................................................15
Annexe : liste des critères d'évaluation de la situation de la prééminence du droit dans un
État.........................................................................................................................16
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I. Introduction
1. La notion de « prééminence du droit » forme, avec celles de la mocratie et des droits de
l’homme
1
, le triple socle sur lequel repose le Conseil de l’Europe ; elle est consacrée par le
préambule de la Convention européenne des droits de l'homme.
2. Elle est par ailleurs consace par un certain nombre d'instruments internationaux relatifs
aux droits de l'homme et par d'autres documents normatifs.
3. La présente étude s'appuie sur la Résolution 1594 (2007) de l'Assembe parlementaire du
Conseil de l'Europe, « La notion de rule of law » (voir notamment le paragraphe 6.2, qui
mentionne la Commission de Venise). Elle vise à retenir une finition consensuelle de la
prééminence du droit, qui permette aux organisations internationales et aux juridictions
nationales et internationales d'interpréter et d'appliquer ce principe fondamental. Il importe par
conséquent que la nature me de cette finition autorise son application concte.
4. Malgré une similarité terminologique, il convient de noter d'emblée que la notion de
« prééminence du droit » Rule of law ») n'est pas toujours synonyme de « Rechtsstaat »,
« Estado de Direito » ou « Etat de droit ». Elle nquivaut pas non plus à la notion russe de
« prééminence de la législation » ou « prééminence des lois » (verkhovenstvo zakona), ni à
celle de « pravovoe gosudarstvo » État de droit »)
2
.
5. Le présent rapport vise à concilier les notions précitées, et notamment celles de « Rule of
law » (prééminence du droit), « Rechtsstaat » et « Etat de droit »
3
.
6. Le présent rapport a été adopté par la Commission de Venise lors de sa 86e session
plénre (25-26 mars 2011).
II. Les origines historiques des notions de « Rule of law » (prééminence du droit),
« Rechtsstaat » et « Etat de droit »
7. Les qualis associées à la notion de prééminence du droit ont é définies depuis des
siècles et remontent à l’Antiquité. Platon proclamait que « là ou le droit est soumis à une autre
autori et n’en a aucune en propre, l’effondrement de l’Etat, à mon avis, n’est pas loin, mais si
le droit est le maître du gouvernement et le gouvernement est son esclave, la situation est très
prometteuse et les hommes bénéficient de toutes les bénédictions que tous les dieux font
pleuvoir sur la terre »
4
. La notion moderne de prééminence du droit a été mise en avant
notamment par un constitutionnaliste britannique, le professeur A.V. Dicey, dans son
Introduction to the Study of the Law of the Constitution (1885)
5
.
8. Dicey consirait que deux principes étaient inrents à la Constitution coutumière
britannique. Le premier principe, et le principal, était celui de « la souveraineté ou la primauté
du Parlement », qui consacrait ainsi la notion de gouvernement repsentatif, considéré comme
la caracristique première d'un État démocratique. Le second principe, qui temrait le
premier, mais sans pouvoir y déroger dans le cas précis du Royaume-Uni, était celui de la
prééminence du droit.
1
Statut du Conseil de l'Europe (STE n° 001), notamment son préambule et son article 3.
2
Hiroshi Oda, “The Emergence of Pravovoe Gosudarstvo (Rechtsstaat) in Russia” 25 Review of Central and
East European Law 1999 n° 3, 373.
3
Pour une analyse des différences d'origine et de notion entre Rechtsstaat, Rule of Law et Etat de droit, voir M.
Loughlin, Foundations of Public Law (2010), chap.11.
4
Pour une analyse de son origine dans le monde antique, voir M. Loughlin, Swords and Scales (2000), chap. 5 ;
B. Tamanaha, On the Rule of Law: History, Politics and Theory (2004), chap. 1.
5
10
e
éd.1959, préfacée par E.C.S.Wade, Londres, MacMillan, chap. 4.
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9. Dicey voit par conséquent dans la prééminence du droit une contrainte, mais pas un
contrôle suprême, impoe au pouvoir théoriquement illimi de l'État sur l'individu au
Royaume-Uni. Selon lui, le principe de la prééminence du droit coule du common law, c’est-
à-dire du droit dit au fil du temps par le juge et dont la codification sous forme de constitution
écrite n’est de ce fait pas nécessaire. Pour Dicey, la prééminence du droit se caractérise par
trois éléments essentiels. Premièrement, nul ne saurait être puni pour un acte autre que
l’infraction à la loi, qui doit être certaine et future, de manre à encadrer les actes et les
transactions des personnes, mais ne peut les punir rétroactivement, puisque tout pouvoir
disctionnaire conduit à l'arbitraire. Deuxièmement, nul n'est au-dessus des lois, qui
s’imposent de manière égale à toute personne, quelle que soit la catégorie sociale à laquelle
elle appartient. Troismement, la prééminence du droit ne découle pas d'une constitution
écrite, mais du common law dit par le juge.
10. La troisme composante crite par Dicey n’a plus sa place dans la soc moderne ; la
première caracristique (légalité et sécurité juridique) et la seconde (égalité) sont en revanche
essentielles à la notion de prééminence du droit, mais la conception de la sécurijuridique
retenue par Dicey ntait pas universellement admise, dans la mesure il considérait que tout
pouvoir discrétionnaire conduit infailliblement à l'exercice « arbitraire » du pouvoir
6
.
11. Au cours de la première moitié du XXe siècle, la prééminence du droit a été fortement
contese, car les architectes de l'État-providence voyaient dans l'opposition de Dicey au
pouvoir disctionnaire l'expression d'une opposition à l'intervention de l'État. Or, le pouvoir
disctionnaire leur paraissait indispensable pour prendre les décisions quimposait le caractère
de plus en plus complexe de la socié.
12. La prééminence du droit et le pouvoir disctionnaire ont été conciliés à partir du milieu du
XXe siècle. Une marge d'appciation était en effet admise, sous réserve dtre encadrée par le
droit, en vertu duquel un pouvoir est con, ainsi que par d'autres composantes de la
prééminence du droit, comme le droit de toute personne à engager une procédure équitable
devant une juridiction impartiale et indépendante et à jouir de l'application cohérente, égale,
pourvue d'arbitraire et motivée de la loi.
13. La notion de Rechtsstaat est, par définition, beaucoup plus axée sur ltat. Alors que la
notion de prééminence du droit a é ébauchée dans les tribunaux, celle de Rechtsstaat
coule de constitutions écrites
7
. Son principal théoricien a été Robert von Mohl (1831), qui
finissait le Rechtsstaat par opposition à ltat absolutiste, dans lequel des pouvoirs illimis
sont conférés à l'exécutif. La protection contre l'absolutisme doit dans ce cas être assue par
le corps législatif, plut que par les seuls tribunaux.
14. La conception française transparaît dans la claration des droits de l'homme et du
citoyen (1789). La notion d’Etat de droit (qui fait suite à la notion positiviste d’Etat gal) met
l'accent sur la nature de l'État, qu'elle considère comme le garant des droits fondamentaux
consacrés par la Constitution face au gislateur. Carré de Malberg associe au but du XXe
siècle l’Etat de droit au contrôle juridictionnel de la constitutionnalité de la législation ordinaire
8
.
15. La prééminence du droit a été interptée de diverses manres, mais il convient de la
distinguer d’une notion purement formaliste, selon laquelle tout acte commis par un agent
public et autorisé par la loi est répu conforme à ses exigences. Au fil du temps, l'essence de
la notion de prééminence du droit a évoyée jusqu correspondre à un exercice du pouvoir
6
Sur cette question, voir Jeffrey Jowell, “The Rule of Law and its Underlying Values”, in The Changing Constitution,
sous la direction de Jeffrey Jowell et Dawn Oliver, 7
e
édition, Oxford University Press 2011 ; Kaarlo Tuori, The Rule of
Law and the Rechtsstaat, in Ratio and Voluntas, Ashgate 2011, chap. 7, p. 8 et suiv. ; Erik O. Wennerstm, The
Rule of Law and the European Union, Uppsala, Iustus Förlag 2007, p. 61 et suiv.
7
Wennerström, p. 50.
8
Voir notamment Wennerström, p. 73 et suiv.
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dans lequel les textes de loi ou le droit en général, voire de simples textes règlementaires,
n’étaient plus que des instruments au service du pouvoir. De telles interptations ont permis à
certains gouvernements d'exercer le pouvoir de façon autoritaire, mais ne reflètent en rien le
sens donné aujourd'hui à la péminence du droit
9
.
16. La prééminence du droit au sens propre fait partie intégrante de la soc mocratique ;
elle impose aux cideurs de traiter toute personne de manre digne, égale et rationnelle,
dans le respect du droit et en mettant à sa disposition des voies de recours pour contester la
gali d'une décision devant des juridictions indépendantes et impartiales, selon une
procédure équitable. La prééminence du droit concerne pas conquent l’exercice du pouvoir
et les rapports entre le citoyen et l'État. Il convient toutefois de ne pas perdre de vue que la
mondialisation et la libéralisation de ces dernières années ont conduit des acteurs publics
internationaux et transnationaux, ainsi que des acteurs mixtes et privés, à exercer une autori
étendue sur les pouvoirs publics et les citoyens. Dans la partie V ci-dessous les nouveaux
fis »), ce rapport examine brièvement la question de savoir si la prééminence du droit devrait
être étendue pour s’appliquer aux actes de ces organes comme à ceux des autorités publiques
traditionnelles au niveau de l’Etat.
III. La prééminence du droit en droit positif
a. Le droit international
17. La notion de prééminence du droit existe à l'échelon national et international
10
. Les
principaux documents concernés sont, en la matre, les conventions internationales. La
présente partie sera consace tout d’abord aux textes établis par plusieurs organisations
internationales et supranationales (a), puis aux exemples offerts par le droit interne (b).
18. Les principales mentions de la prééminence du droit faites par le Conseil de l'Europe
figurent
- dans le préambule du Statut du Conseil de l'Europe, qui souligne « l'attachement » des
États membres « aux valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun de
leurs peuples et qui sont à l'origine des principes de liberté individuelle, de liberté
politique et de péminence du droit, sur lesquels se fonde toute mocratie
ritable » ;
- dans le pambule de la Convention européenne des droits de l'homme, qui évoque les
« gouvernements d'Etats euroens anis d'un même esprit et possédant un
patrimoine commun d'idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de
prééminence du droit ».
19. Dans ces deux cas, l'expression « rule of law » a été traduite en français par
« prééminence du droit » et non par « État de droit ».
20. Ces textes ne finissent toutefois ni la notion de prééminence du droit, ni celle de
Rechtsstaat ou dEtat de droit.
21. Ainsi, alors qu'il traite de « la prééminence du droit en tant qument de la mission
essentielle du Conseil de l'Europe », le Comides Ministres du Conseil de l'Europe cite un
certain nombre de documents qui renvoient à cette notion, tout en faisant remarquer que « les
brèves descriptions qui précèdent ne suffisent pas pour dresser la liste des éléments
constitutifs de la péminence du droit tel que l’entend le Conseil de l’Europe, et encore moins
9
Voir l’ouvrage en trois volumes sur la prééminence du droit de Serhiy Holovaty, The Rule of Law. Kiev,
Phoenix Publishing House (2006) LXIV,1747 (Vol. 1 : The Rule of Law: From Idea to Doctrine ; Vol. 2 : The Rule
of Law: From Doctrine to Principle ; Vol. 3 : The Rule of Law: The Ukrainian Experience).
10
Voir, sous la direction de R. McCorquodale, The Rule of Law in International and Comparative Context, British
Inst of International and Comparative Law (2010).
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