INTÉGRABILITÉ ET ALG`EBRES QUANTIQUES 1. Syst`emes

INT´
EGRABILIT´
E ET ALG`
EBRES QUANTIQUES
DAMIEN CALAQUE
1. Syst`
emes locaux et ´
equations de Knizhnik-Zamolodchikov
1.1. Faisceaux.
1.1.1. D´efinition et exemples.
Soit Xun espace topologique, qu’on supposera localement connexe et localement connexe
par arcs.
efinition 1.1. Un faisceau Fsur Xest la donn´ee
d’un ensemble de sections F(U)pour tout ouvert Ude X,
d’applications de restrictions rU,V :F(U)→ F(V)pour tout inclusion VU,
satisfaisant les conditions suivantes :
(associativit´e) rV,W rU,V =rU,W si WVU,
(recollement) soit Uun ouvert de X,(Ui)iIun recouvrement de Upar des ouverts, et si∈ F(Ui),
iI, des sections tels que pour tout (i, j)I2,
rUi,Uij (si) = rUj,Uij (sj).
Alors il existe une unique section s∈ F(U)telle que rU,Ui(s) = siquel que soit iI.
On parle de faisceau en groupes (resp. en espace vectoriels, en alg`ebres, etc...) si les
ensembles des section sont des groupes (resp. des espace vectoriels, des alg`ebres, etc...) et si
les applications de restriction sont des homomorphismes de groupes (resp. des applications
lin´eaires, des morphismes d’alg`ebres, etc...).
En l’absence d’ambigu¨ıt´e, on note s|V:= rU,V (s) la restriction d’une section s∈ F(U) `a
un plus petit ouvert VU.
Exemples 1.2. (i) XU7→ C0(U) = {fonctions continues sur U}d´efinit un faisceau (en
alg`ebres).
(ii) XU7→ C(U), avec Xune vari´et´e diff´erentiable (par exemple un ouvert de Rn),
d´efinit un faisceau (en alg`ebres).
(iii) XU7→ Hol(U), avec Xune vari´et´e analytique complexe (par exemple un ouvert
de Cn), d´efinit un faisceau (en alg`ebres).
(iv) RU7→ {fonctions continues et inegrables sur U}n’est PAS un faisceau sur R.
(v) soit p:YXun hom´eomorphisme local, c.-a.-d. une application continue telle que
pour tout yYil existe un voisinage ouvert Wde ytel que p|West un hom´eomorphisme
sur son image. On note F(U) l’ensemble des applications continues s:Up1(U) telle
que ps= idU, qu’on appelle les sections de p. Montrer que la restriction de s`a un plus
petit ouvert VUest `a valeurs dans p1(V). En d´eduire que Fest un faisceau sur X.
(vi) soit Eun ensemble fix´e. XU7→ E, avec rU,V = idE, est un faisceau. On note ce
faisceau E, qu’on qualifie de faisceau constant.
(vii) soit Fun faisceau sur Xet Uun ouvert de X. Alors F|U:UV7→ F|U(V) = F(V)
d´efinit un faisceau sur U, qu’on appelle la restriction de F`a U.
1
2 DAMIEN CALAQUE
Un morphisme de faisceaux f:F → G est la donn´ee d’applications f(U) : F(U)→ G(U),
pour tout les ouverts UX, qui commute aux restrictions :
F(U)
rU,V
f(U)//G(U)
rU,V
F(V)f(V)//G(V)
On dit que fest un isomorphisme si f(U) est un isomorphisme quel que soit U.
1.1.2. Recoller des faisceaux.
Soit (Ui)iIun recouvrement de Xpar des ouverts. ´
Etant donn´e un faisceau Fisur
chaque Uitel que pour tout couple (i, j) tel que1Uij 6=on ait un isomorphisme de faisceaux
ϕij :Fi|Uij ˜→ Fi|Uij , nous donnons maintenant une condition suffisante pour “recoller” les
faisceaux Fien un faisceau Fsur X:
(1.1) ϕii = id et (ϕjk ϕij )|Uijk =ϕik|Uijk
Pour tout ouvert Ude X, on d´efinit F(U) comme l’ensemble des (si)iItels que si
Fi(UiU) et ϕij (si|Uij ) = sj|Uij .
Exercice 1.3. Montrer que Fefini comme pr´ec´edemment est un faisceau sur X.
Deux tels faisceaux Fet Grecoll´e `a l’aide de donn´ees locales (Fi, ϕij ) et (Gi, ψij ) pour un
mˆeme recouvrement (Ui)iIsont isomorphes si il existe des isomorphismes fi:F|Ui˜→ G|Ui
satisfaisant la suivante :
(1.2) ψij fi|Uij =ϕij
1.1.3. Tiges et tir´es-en-arri`ere.
Soit xXet Fun faisceau sur X. La tige Fxde Fen xest le quotient de la r´eunion
disjointe des F(U) pour Uxpar la relations d’´equivalence suivante : deux sections si
F(Ui), i= 1,2, sont ´equivalentes si il existe un ouvert VU1U2xsur lesquels leurs
restrictions coincident : s1|V=s2|V.
Les ´el´ements de la tige Fxsont appel´es les germes de sections de Fen x.
´
Etant donn´e une application continue f:YXentre deux espaces topologiques et un
faisceau Fsur X, on peut construire un faisceau fFsur Y, appel´e tir´e-en-arri`ere de Fle
long de f, qui est tel que (fF)y=Ff(y). On n’explicite pas cette construction pour les
faisceaux (qui est un peu compliqu´ee) dans la mesure o`u nous verrons une construction ad
hoc plus simple dans le cas des syst`emes locaux.
1.2. Syst`emes locaux et groupe fondamental.
1.2.1. D´efinition et exemple principal.
efinition 1.4. Un syst`eme local sur Xest un faisceau Lde C-espaces vectoriels localement
isomorphe `a un faisceau constant du type Cn. Plus pr´ecis´ement, quel que soit xXil existe
un voisinage ouvert Ude xtel que L|U
=Cn(nNn’est pas n´ecessairement fix´e).
Par cons´equent, ´etant donn´e un syst`eme local Lsur Xil existe un recouvrement (Ui)i
de Xpar des ouverts tels que L|Ui
=Cni. Pour tout couple (i, j) tel que Uij 6=, notons
ϕij :Cni˜Cnjl’isomorphisme suivant:
Cni˜→ L|Ui
id
→ L|Uij
id
→ L|Uj˜Cnj.
1Pour un suite d’indices i1,...,ik, on note Ui1···ik:= Ui1 · · · Uik.
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EBRES QUANTIQUES 3
De plus la condition d’associativit´e impose que
(1.3) ϕii = id et ϕjk ϕij =ϕik
pour tout triplet (i, j, k) tel que Uijk 6=. Dans ce contexte une section s∈ L(U) correspond
`a la donn´ee d’un vecteur viCnipour chaque itel que UiU6=satisfaisant la condition
de recollement suivante : ϕij (vi) = vjpour tout couple (i, j) tel que Uij U6=.
R´eciproquement, la donn´ee d’un recouvrement (Ui)iIde Xpar des ouverts et d’isomorphismes
de transition ϕij :CniCnjsatisfaisant (1.3) suffit `a d´efinir un sys`eme local sur X.
Remarque 1.5. Si Xest connexe alors ni=njquels que soient iet j.
Exercice 1.6. Supposons que Xest un ouvert de Cnet consid´erons un syst`eme complet
d’´equations aux d´eriv´ees partielles lin´eaires du premier ordre `a coefficients holomorphes:
f
zi
=Ki(f)i∈ {1,...,n}, KiHol(X, End(V),
o`u Vest un C-espace vectoriel. Pour tout ouvert UXon note S(U) l’ensemble des
solutions de ce syst`eme d’EDP. Sd´efinit un faisceau en C-espaces vectoriels sur X(avec les
applications de restrictions ´evidentes).
Montrer que Sest un syst`eme local si et seulement si le syst`eme d’EDP est int´egrable (on
dit aussi compatible) :
Ki
zj
Kj
zi
= [Ki, Kj] (quels que soient iet j).
1.2.2. Tir´e-en-arri`ere et repr´esentation de monodromie.
Soit f:YXune application continue et Lun syst`eme local sur X. Donnons-nous un
recouvrement (Ui)iIde Xpar des ouvertes tels que L|Ui
=Cni, et notons ϕij :Cni˜Cnj
les isomorphismes de transition.
Le tir´e-en-arri`ere fLde Lpar fpeut ˆetre d´ecrit de la mani`ere suivante (on peut prendre
cette description comme une d´efinition de fL) : on consid`ere le recouvrement de Ydonn´e
par les ouverts Vi:= f1(Ui), et on exige que (fL)|Vi=Cniavec les mˆeme isomorphismes
de transition ϕij :Cni˜Cnjque pour L.
On consid`ere maintenant le cas particulier o`u Y= [0,1]. Pour tout chemin γ: [0,1] X,
on a alors un syst`eme local V:= γLsur [0,1].
Lemme 1.7. Tout syst`eme local Vsur [0,1] est isomorphe au faisceau constant V0.
emonstration. On recouvre [0,1] par des intervalles ouverts Uk[0,1], k= 1,...,l, tels
que 0 U1, 1 Ul,UkUk+1 6=, et V|Uk
=Cnk. Montrons maintenant que Vest isomorphe
au faisceau constant Cn1.
Quel que soit k∈ {1,...,l}, on d´efinit par l’isomorphisme
fk:Cn1˜Cnk˜→ V|Uk,
o`u le premier isomorphisme est donn´e par ϕ(k1)k · · · ϕ23 ϕ12 :Cn1˜Cnk. Il est
assez facile de v´erifier que la condition (1.2) est satisfaite, et que l’on peut ainsi recoller ces
donn´ees locales pour obtenir un isomorphisme de faisceaux f:V0
=Cn1˜→ V.
On obtient ainsi, en consid´erant les tiges en 1 des faisceaux, un isomorphisme
g:= f1:V0= (V0)1˜→ V1.
Exercice 1.8. Montrer que cet isomorphisme ne d´epend que de la classe d’homotopie `a
extr´emit´es fixes du chemin.
4 DAMIEN CALAQUE
En particulier, si γest un lacet bas´e en xX(i.e. γ(0) = γ(1) = x) alors on r´ecup`ere un
automorphisme de V0=Lx, qui reste ne d´epend que de la classe d’homotopie `a point base
fixe du lacet. On obtient ainsi une application
ρL:π1(X, x) ˜GL(Lx).
Exercice 1.9. Montrer que cette application est un morphisme de groupes (le produit [γ1][γ2]
des classes de deux lacets dans le groupe fondamental est donn´e par la classe [γ1γ2]de leur
concat´enation, o`u on parcours γ1en premier).
ρd´efinit donc une repr´esentation du groupe fondamental π1(X, x), qu’on appelle repr´esentation
de monodromie.
Exemple 1.10. Revenons `a l’exemple de l’exercice 1.6. Soit γ= (γ1,...,γn) : [0,1] X
un chemin diff´erentiable. Dans ce cas γLest le syst`eme local dont les sections sont les
solutions de l’´equation diff´erentielle ordinaire lin´eaire du premier ordre suivante :
(1.4) f=K(f)K=
n
X
i=1
γ
iKiC([0,1], V ).
Ainsi l’isomorphisme V0˜→ V1est l’application qui, `a un vecteur “condition initiale” donn´e
v0associe la valeur v1au temps 1 de l’unique solution fde (1.4) telle que f(0) = v0.
1.3. ´
Equations de Knizhnik-Zamolodchikov et groupes de tresses.
On pose Y={(z1, . . . , zn)Cn|zi6=zjsi i6=j}et X=Y/Sn, o`u l’action du groupe
sym´etrique Snsur Yest la suivante :
σ·(z1,...,zn) := (zσ(1),...,zσ(n)).
1.3.1. Les ´equations de Knizhnik-Zamolodchikov.
Soit gune C-alg`ebre de Lie, hCet tS2(g)g. Plus pr´ecis´ement, t=Pixiyigg
satisfait les deux conditions suivantes :
(sym´etrie) t2,1:= Pνyνxν=Pνxνyν=t;
(invariance) pour tout ag, [a1 + 1 a, t] = Pν([a, xν]yν+xν[a, yν]) = 0.
Remarque 1.11. Pour la seconde condition, le crochet de Lie consid´er´e dans le membre le
plus`a gauche gauche est le commutateur dans l’alg`ebre U(g)U(g).
Soit V1,...,Vndes repr´esentations de g. On consid`ere le syst`eme complet d’´equations aux
d´eriv´ees partielles suivant, dites ´equations de Knizhnik-Zamolodchikov :
(1.5) f
zi
=hX
j|j6=i
ti,j
zizj
|{z }
=:Ki
fi∈ {1,...,n}.
Ici les ´equations sont `a valeurs dans le C-espace vectoriel W:= V1 · · · Vnet on utilise
les notations suivantes :
ti,j =Pνx(i)
νy(j)
ν;
plus g´en´eralement si f=f1 · · · fmU(g)m, avec mn, alors pour toute
combinaison (i1,...,im) de m´el´ements dans {1,...,n}on d´efinit
fi1,...,im=f(i1)
1 · · · f(im)
mEnd(W) ;
pour tout aU(g) et tout i∈ {1,...,n}
a(i):= idV1 · · · idVi1aidVi+1 · · · idVnEnd(W),
et il est ais´e de constater que a(i)et b(j)commutent si i6=j.
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EBRES QUANTIQUES 5
Proposition 1.12. Le syst`eme (1.5) est int´egrable :
hKi
zj
hKj
zi
=h2[Ki, Kj].
emonstration. Nous allons montrer que Ki
zjKj
zi= 0 = [Ki, Kj].
On commence par le plus facile :
Ki
zj
Kj
zi
=ti,j tj,i
(zizj)2= 0 .
La derni`ere ´egalit´e est une cons´equence de la sym´etrie de t.
Continuons :
[Ki, Kj] = hX
k|k6=i
ti,k
zizk
,X
l|l6=j
tj,l
zjzli
=hX
(k,l)|{k,l}6={i,j}
ti,k
zizk
,X
l|l6=j
tj,l
zjzli+hX
k|k6=i
ti,k
zizk
,tj,i
zjzii
+hti,j
zizj
,X
k|k6=j
tj,k
zjzki
=X
(i,j,k)|#{i,j,k}=3 hti,k
zizk
,tj,k
zjzki+hti,k
zizk
,ti,j
zjzii+hti,j
zizj
,tj,k
zjzki
Dans la derni`ere ´egalit´e nous avons utilis´e le fait que ti,k et tj,l commutent si i, j, k, l sont
tous distincts deux `a deux. Nous allons maintenant utiliser le lemme suivant pour montrer
que chaque terme de la somme principale est nulle.
Lemme 1.13. Si i, j, k sont tous distincts deux `a deux alors [ti,j , ti,k +tj,k] = 0.
emonstration du lemme. Il suffit de faire la d´emonstration pour (i, j, k) = (1,2,3), et ce
dans U(g)3. On calcule :
[t1,2, t1,3+t2,3] = [t1,X
ν
(xν1yν+ 1 xνyν)]
=X
ν
[t, xν1 + 1 xν]yν= 0 .
La toute derni`ere ´egalit´e est une cons´equence de l’invariance de t.
Fin de la d´emonstration de la proposition. En appliquant deux fois le lemme pr´ec´edent on
trouve que
hti,k
zizk
,tj,k
zjzki+hti,k
zizk
,ti,j
zjzii+hti,j
zizj
,tj,k
zjzki
=hti,k
zizk
,tj,k
zjzki+hti,k
zizk
,tj,k
zizjihti,k
zizj
,tj,k
zjzki
= [ti,k, tj,k]1
(zizk)(zjzk)+1
(zizk)(zizj)1
(zizj)(zjzk)
Or la fraction rationelle `a l’inerieur de la parenth`ese est identiquement nulle. La d´emonstration
de la proposition est donc termin´ee.
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