1
Tribune Libre
FETE DE LA MUSIQUE : FETE DE L’OREILLE ?
Chaque année, le 21 juin, la musique se voit honorée. C’est ce jour-là une fête symbolique, dédiée au seul
plaisir de l’écoute et de la communion avec toutes les musiques. L’oreille est le vecteur physiologique de
l’accueil musical, passage obligé avant l’intégration cérébrale et l’épanouissement quasi-chimique provoq
par les mélodies et leurs interprètes. Une oreille saine est donc nécessaire pour faire de cet instant privilégié un
moment de délice.
Et si la musique pouvait nuire à vos oreilles ?
Quelques notions de prévention face à l’agression sonore doivent être mises en avant pour protéger un capital
auditif unique, sanctuaire fragile et irremplaçable d’un lien primordial avec le monde.
L’oreille est un organe neuro-sensoriel d’une grande complexité anatomique et fonctionnelle. Les découvertes
les plus récentes nous informent très régulièrement de la panoplie insoupçonnée des multiples fonctions de
des cellules de l’oreille. Livrées au nombre de 15000 par oreille à la naissance chez l’homme, elles ont un seul
inconvénient, celui de ne pas pouvoir être remplacées en cas de lésion et de destruction. C’est dire ici encore le
caractère primordial de la protection de notre capital auditif. Toute sollicitation inappropriée de nos oreilles
devient ainsi très vite une source de dégradation irrémédiable de la qualité de notre audition.
Nulle menace dans le propos, mais seulement une volonté de faire prendre conscience à chacun de
l’importance de prendre soin de ses oreilles, même le 21 juin et surtout le 21 juin.
Jusqu’à quelle puissance sonore soumettre son oreille sans risque?
La législation du travail a lancé les bases d’un accord international sur la puissance sonore à ne pas dépasser :
85 dB. Retenons ce chiffre, en sachant qu’un bruit industriel est différent dans sa composition physique d’un
son musical, mais la limite ainsi définie a le mérite d’être admise par la communauté scientifique et de
représenter un seuil à ne pas franchir. Il convient d’ailleurs de rappeler que la musique est tout aussi
dangereuse qu’un bruit quelconque.
La loi française prévoit de limiter la puissance de sortie des baladeurs à 100 dB et le niveau dans les
discothèques à 105 dB. On se situe déjà entre le moteur d’un camion en marche et le marteau-piqueur ! Pour
le niveau sonore dans les concerts, la réglementation est beaucoup plus laxiste et l’exemple célèbre de la
prestation d’un groupe rock irlandais il y a quelques années, enregistrée à 130 dB au pied des colonnes
d’enceintes, est troublant. Quelques cas de surdité finitive ont été diagnostiqués à la suite de l’événement.
Cette puissance sonore est, il est vrai, celle d’un moteur d’Airbus…
La première mesure à prendre est donc de ne pas aller au-delà de ce que l’oreille est capable de supporter. La
durée de l’exposition à la musique est un deuxième élément digne d’intérêt. Pour différentes raisons, une
oreille saine se lasse après une heure d’écoute et n’est plus capable de gérer le risque traumatique sonore.
2
Savoir reposer son baladeur, avoir la sagesse de sortir de la discothèque quelque instants sont autant de
mesures simples pour donner au système cellulaire le pouvoir de ne pas se dégrader.
Des signes annonciateurs de souffrance de l’oreille existent-ils ?
Qui n’a pas connu cet inconfort à la sortie d’une discothèque ou après un concert, cette phase pendant laquelle
l’oreille vous témoigne de sa fatigue en sifflant ? Les fameux acouphènes disparaissent le plus souvent après
une nuit de repos, parfois moins rapidement. Le sifflement, le bourdonnement, le chuintement, appelez-le
comme vous voulez, est la manifestation d’une atteinte toxique du contingent cellulaire de l’oreille interne.
Derrière la satisfaction de constater une disparition des acouphènes, les dégâts sont malheureusement
irréversibles. La plupart des scientifiques admettent aujourd’hui que parmi la génération MP3, les jeunes qui
abusent des balladeurs et autres « casques » auront une presbyacousie (gêne auditive liée au vieillissement
naturel de l’oreille) plus tôt que d’autres personnes du même âge.
On passe ainsi d’un âge dian de 50-55 ans à un âge médian de 40-45 ans. Anticiper de 10 ans cet écueil
sensoriel du fait d’une agression sonore régulière mérite sans doute une certaine hygiène.
Concrètement, quelle attitude adopter ?
Rappeler à nos adolescents le danger réel d’une écoute trop forte de la musique. Une enquête publiée en 2010
par une agence indépendante révèle que 30% des 14-17ans ignorent qu’une intensité de 100 dB est nocive et
que l’écoute de plus de 2 heures sans interruption présente un risque certain
L’information se doit d’être précise, régulière, forte. Il n’est pas question par un discours scientiste de devenir
des « empêcheurs d’écouter en rond », mais le message doit être repris dans de nombreux medias, notamment
ceux inhérents à la musique.
Rappeler également qu’il faut être à l’écoute de ses oreilles et que la persistance d’un acouphène au-delà de 48
heures après une exposition à un moment musical doit inciter à consulter un médecin O.R.L. afin d’établir un
diagnostic et d’initier un traitement approprié.
Rappeler enfin que les sujets déjà touchés par une presbyacousie doivent envisager un suivi médical et
s’équiper le plus tôt possible d’une solution auditive comme un assistant d’écoute ou une prothèse auditive.
Docteur Patrick PETIT O.R.L.
1 / 2 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !