592-594 Christe 028_f.qxp 31.7.2008 14:10 Uhr Seite 592 N O VA Forum Med Suisse 2008;8(33):592–594 592 La tomodensitométrie multicoupe avec urographie (MSCTU), effectuée en trois phases Détection des tumeurs des voies urinaires Andreas Christe, Harriet Thoeny, Peter Vock Departement für Diagnostische, Interventionelle und Pädiatrische Radiologie, Inselspital, Bern Quintessence La tomodensitométrie multicoupe avec urographie (MSCTU1, multislice computed tomography-urography), effectuée en trois phases, est importante pour le diagnostic de processus expansifs dans l’appareil urinaire supérieur chez les patients présentant une hématurie dont l’étiologie n’est pas claire. Les lésions intravésicales sont détectées par cystoscopie. Lorsque le diagnostic urologique primaire d’une microhématurie est négatif (urographie intraveineuse et cystoscopie comprises), la MSCTU permet malgré tout d’en déterminer une cause dans 45% des cas [1]. Dans l’ensemble, la MSCTU est un moyen d’analyse supérieur à l’urographie intraveineuse (UIV) pour diagnostiquer une microhématurie. La suite de cet article présente la MSCTU et la compare avec d’autres méthodes. Présentation de la MSCTU en trois phases Indications: l’hématurie indolore est souvent le seul symptôme par lequel s’expriment le carcinome urothélial et, plus rarement, le carcinome rénal. Chez les patients de moins de 40 ans, l’incidence cumulative en 15 ans d’un cancer des voies urinaires n’atteint cependant que 0,1%; c’est pourquoi il faut ici utiliser en premier lieu l’imagerie par échographie. Chez les patients de plus de 40 ans présentant une hématurie asymptomatique, les pathologies tumorales sont un diagnostic différentiel important qu’il faut prendre en considération et qu’il s’agit d’exclure. La méthode est indiquée pour exclure également les affections tumorales de l’appareil urinaire supérieur en présence de carcinomes vésicaux, et pour assurer le suivi longitudinal de carcinomes urothéliaux. Techniques: l’accès intraveineux est la seule mise en place nécessaire pour préparer le patient avant une MSCTU. La première phase comprend l’acquisition hélicoïdale native de l’abdomen entier; dans la deuxième phase, l’acquisition hélicoïdale de l’abdomen (phase néphrographique) débute 60 secondes après avoir injecté un produit de contraste iodé au patient; dans la troisième phase, l’examen urographique a lieu 15 minutes après qu’une perfusion de 500 ml de solution de chlorure de sodium ait été effectuée pour favoriser la dilatation des voies excrétrices urinaires. 1 Dans cet article, «MSCTU» signifie implicitement «MSCTU effectuée en trois phases» (NdT). La MSCT implique des doses d’irradiation plus élevées (120 à 140 kV, 130 à 300 mA) pour obtenir un contraste optimal dans les parties molles; l’épaisseur des couches est la même que pour le CT-scan de l’urolithiase. Les reconstructions coronale et sagittale font partie de la routine. Avantages: le carcinome urothélial affecte la vessie, le bassinet et les uretères dans les proportions 50:3:1 [2]. Ce genre de carcinome se caractérise par des foyers multiples qui peuvent apparaître de façon synchrone ou métachrone; d’où la nécessité de l’examen par MSCTU de l’appareil urinaire excréteur tout entier. Au contraire de l’UIV, la MSCTU permet d’attribuer assez aisément l’étiologie de processus intraluminaux dans les voies excrétrices urinaires, tels que caillots, tumeurs ou concrétions. Chez un patient anticoagulé, par exemple, les caillots du bassinet ou de la vessie apparaissent déjà hyperdenses sur l’acquisition native et l’injection d’un produit de contraste ne renforce pas cet effet; les tumeurs, par contre, absorbent assez bien le produit de contraste. La MSCTU atteint une sensibilité de 90% dans la détection des carcinomes vésicaux [3] et de 67 à 89% dans la détection des carcinomes urothéliaux du système urinaire supérieur; les spécificités atteignent de 96 à 98% [4, 5]. De plus, la MSCTU met en évidence toutes les autres pathologies et structures abdominales situées en dehors de l’appareil urogénital, comme le ferait un CT-scan normal de l’abdomen. Comparaison avec d’autres méthodes Détection de carcinomes urothéliaux: la cystoscopie avec biopsie est l’examen standard permettant la détection et la stadification des carcinomes vésicaux aux stades précoces. Dans la détection de carcinomes vésicaux, l’UIV conventionnelle atteint une sensibilité de 60% et la MSCTU de 90% [3]. La précision de la stadification T d’un carcinome de la vessie se situe entre 55 et 92% par MSCTU et entre 72 et 96% par IRM. L’IRM se prête toutefois moins bien à la détection de tumeurs de l’appareil urinaire supérieur en raison de sa résolution spatiale plus faible. L’UIV a longtemps été la méthode privilégiée pour le diagnostic de l’appareil urinaire supérieur, bien que sa sensibilité dans la détection du carcinome de l’uretère n’atteigne que de 16 à 50% [2], et qu’elle ne décèle que 60% des tumeurs dans l’ensemble du système 592-594 Christe 028_f.qxp 31.7.2008 14:10 Uhr Seite 593 N O VA urinaire supérieur (bassinet et uretères pris ensemble). Cette mauvaise performance s’explique principalement par la diminution de l’excrétion rénale dans la moitié des cas de carcinome de l’uretère; c’est pourquoi le diagnostic invasif par urétéro-pyélographie rétrograde demeurait indiqué jusqu’ici [2]. Pour la détection des carcinomes urothéliaux dans l’appareil urinaire supérieur, un tournant s’amorce en faveur de la MSCTU, car sa sensibilité se situe entre 67 et 89% avec une spécificité de 96 à 98% [4, 5] (fig. 1 x). Il faut toutefois relever que la dose d’irradiation totale effective de 1 à 4 mSv (millisievert) imposée par l’UIV est plus faible que celle imposée par la MSCTU, qui peut atteindre 6 à 17 mSv selon le nombre de phases d’acquisition effectuées. Les auteurs estiment que l’utilisation de l’UIV en combinaison avec la cystoscopie se justifie toujours pour le contrôle des carcinomes urothéliaux: lorsque l’UIV est effectuée avec soin, la résolution du système urinaire supérieur est satisfaisante, et la dose accumulée lors des contrôles répétitifs durant le suivi est nettement plus faible. A C B D Figure 1 TDM multicoupe avec urographie d’un carcinome urothélial, effectuée en trois phases. A Phase native : l’urine apparaît hyperdense dans le pyélon en cas d’hématurie (flèche). B Phase néphrographique : une tumeur absorbant le produit de contraste (flèche) est mise en évidence dans le pyélon du côté ventral alors qu’elle n’était pas visible en phase native. C Urographie durant la phase d’excrétion : elle montre une excrétion et un néphrogramme retardés, ainsi qu’une accumulation de produit de contraste dans les calices rénaux du côté droit (flèche blanche) ; du côté gauche, une grande partie du produit de contraste a déjà été évacuée (sommet du triangle blanc). L’obstruction due à la tumeur (flèche bleue) empêche le remplissage complet du pyélon. D Cette reconstruction coronale oblique du rein dans la phase néphrographique, montre l’obstruction du bassinet par la tumeur (flèche blanche). Des traces de sang sont également visibles dans l’urine de l’uretère proximal (flèche bleue). Forum Med Suisse 2008;8(33):592–594 593 Détection de lésions rénales: dans le rein, les processus expansifs sont souvent détectés d’abord par échographie, ou encore découverts fortuitement par l’imagerie abdominale résultant d’un autre examen. La sensibilité de l’échographie pour les tumeurs du rein s’élève à 82%. C’est cependant à nouveau la MSCTU (en particulier sa phase néphrographique) qui permet la détection la plus fiable des tumeurs rénales solides, avec une sensibilité et une spécificité atteignant 95 à 100% [6]. Pour des raisons de radioprotection, il vaut mieux renoncer à l’urographie durant la phase d’excrétion lors du diagnostic de tumeurs rénales, sauf si une suspicion de carcinome urothélial persiste après les deux premières phases. A ce jour, la documentation montre que le CT-scan et l’IRM sont deux méthodes de qualité équivalente pour la détection de tumeurs rénales solides. Le CT-scan permet aussi de distinguer parmi les lésions kystiques rénales les kystes simples des kystes compliqués, ces derniers devant être éliminés de manière contrôlée ou par voie chirurgicale. Le CT-scan est également l’étalon-or de la stadification des carcinomes rénaux; il permet en particulier de diagnostiquer avec une précision de 67 à 91% les ganglions lymphatiques rétropéritonéaux hypertrophiés, l’extension des tumeurs et les thromboses veineuses rénales [6]. Ce degré de précision plutôt faible provient du fait que pour le carcinome rénal, la moitié des ganglions lymphatiques rétropéritonéaux hypertrophiés changent de volume par réaction, particulièrement lorsque les tumeurs primaires sont nécrosées. Inconvénients Le risque d’une néphropathie due au produit de contraste est faible chez les patients présentant une fonction rénale normale. Le plus grand risque est encouru lorsque la fonction rénale est déjà diminuée (clairance <30ml/min; créatinine >120 mmol/l) et les patients diabétiques ou atteints de myélome multiple sont particulièrement vulnérables. D’autres facteurs de risque sont la déshydratation et l’administration simultanée de médicaments néphrotoxiques. La néphropathie induite par le produit de contraste vient au troisième rang parmi les causes importantes d’une défaillance rénale aiguë (13%); normalement, le débit de filtration glomérulaire retrouve toutefois sa valeur de base après 7 à 21 jours. Dans moins de 10% des cas, on observe une réaction légère allergique aux produits de contraste iodés; un choc anaphylactique s’observe chez moins de 1% des patients. Il faut aussi tenir compte du risque lié aux produits de contraste iodés en cas de pathologies thyroïdiennes. Un autre inconvénient de la MSCTU réside dans la dose effective totale d’irradiation relativement élevée qu’elle implique, qui atteint de 6 à 17 mSv selon le nombre de phases d’acquisition, et qu’il faut absolument prendre en considération en cas de contrôles répétitifs durant le suivi tumoral. 592-594 Christe 028_f.qxp 31.7.2008 14:10 Uhr Seite 594 N O VA Forum Med Suisse 2008;8(33):592–594 594 Références Correspondance: Dr Andreas Christe Departement für Diagnostische, Interventionelle und Pädiatrische Radiologie Inselspital CH-3010 Bern [email protected] 1 Lang EK, Macchia RJ, Thomas R, et al. Computerized tomography tailored for the assessment of microscopic hematuria. J Urol. 2002;167:547–54. 2 Plante P, Smayra T, Bochard L, Joffre F, Seguin P, Exourrou G, et al. Ureteral tumors. In: Joffre F, Otal P, Soulie M (Hrsg). Radiological Imaging of the ureter. Berlin, Heidelberg, New York: Springer. 2003. p. 127–53. 3 Jinzaki M, Tanimoto A, Shinmoto H, Horiguchi Y, Sato K, Kuribayashi S, et al. Detection of bladder tumors with dynamic contrast-enhanced MDCT. AJR 2007;188:913–18. 4 Mueller-Lisse UG, Mueller-Lisse UL, Hinterberger J, Schneede P, Reiser MF. Tri-phasic MDCT in the diagnosis of urothelial cancer. Eur Radiol. 2003;13(Suppl 1):146–7. 5 Caoili EM, Cohan RH, Inampudi P, Ellis JH, Shah RB, Faerber GJ, et al. MDCT urography of upper tract urothelial neoplasms. AJR. 2005;184:1873–81. 6 Kopka L, Fischer U, Zoeller G, Schmidt C, Ringert RH, Grabbe E. Dual-phase helical CT of the kidney: value of the corticomedullary and nephrographic phase for evaluation of renal lesions and preoperative staging of renal cell carcinoma. AJR. 1997;169:1573–8.