Licence `a distance.
Laurent Evain
Cours de Topologie
Chapitre 1
L’ensemble R
La topologie est l’´etude des espaces topologiques. La d´efinition g´en´erale
d’espace topologique ne sera donn´ee que plus tard dans ce cours. En
premi`ere approximation, un bon exemple d’espace topologique est un es-
pace pour lequel on peut mesurer la distance entre les points. Par exemple,
l’espace R3dans lequel nous vivons muni de la distance euclidienne est un
espace topologique.
Une fois que l’on dispose d’une distance, on peut parler de suites conver-
gentes et de fonctions continues. La topologie traite aussi de ces notions, et
plus g´en´eralement de toutes les notions que l’on peut d´efinir `a l’aide d’une
distance.
L’exemple le plus fondamental d’espace topologique est l’ensemble Rdes
r´eels, o`u la distance entre deux points xet yest d(x, y) = |xy|. Ce chapˆıtre
introduit l’ensemble R.
1.1 Construction
Nous connaissons depuis le coll`ege les fractions et l’ensemble Qdes nombres
rationels : Q:= {a
bo`u aet bsont des entiers}. Cet ensemble Qn’est
pas suffisant pour les math´ematiques que nous souhaitons faire. L’exercice
suivant montre par exemple qu’il y a des nombres dont nous avons besoin
pour faire des calculs et qui ne sont pas dans Q.
Exercice 1. Montrer qu’il n’existe pas d’entiers a, b tels que x=a
bver-
ifie x2= 2. En d’autres termes, 2/Q. (Indication: traduire le
probl`eme en termes de nombres entiers et consid´erer la puissance de 2 dans
le d´eveloppement en nombres premiers).
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Correction 1. Supposons qu’il existe deux entiers a, b tels que x=a
bverifie
x2= 2. Ecrivons a= 2kro`u rest impair et de mˆeme b= 2ls. Soit l’entier
n:= a2= 2b2.Alors l’exposant de de 2 dans la d´ecomposition en nombres
premiers de nest 2kcar n=a2, et 2l+ 1 car n= 2b2. C’est impossible car
2kest pair et 2l+ 1 impair.
Pour disposer de tous les nombres dont nous avons besoin pour nos cal-
culs, on construit classiquement un ensemble Rplus grand que QRappelons
rapidement la construction de l’ensemble Rdes r´eels.
D´efinition 1. Une suite (xn)nNde Qest dite de Cauchy si ǫQ, ǫ >
0,NN,n, m > N, |xnxm|< ǫ.
Pour chaque suite de Cauchy xn, on introduit un symbole L(xn). Lorsque
l’on a deux suites xnet ynde Cauchy, on pose L(xn) = L(yn) si xnynest
une suite qui tend vers 0. De fa¸con intuitive, l’ensemble des symoles L(xn)
ainsi construit est donc l’ensemble des limites possibles de suite de Cauchy
de Q.
Exercice 2. Soit LRun r´eel. Montrer qu’il y a une infinit´e de suites de
Cauchy xntelles que L=L(xn).
Correction 2. Par construction de R, il existe au moins une suite xntelle
que L=L(xn). Soit kun entier et consid´erons la suite Sn(k) := (xn+k
n).
La difference entre les suites xnet Sn(k) est la suite k
nqui tend vers 0, donc
L(xn) = L(Sn(k)) = L. Pour chaque entier k, on a une nouvelle suite S(k)
d´efinissant L, ce qui donne l’infinit´e de suites associ´ees `a L.
D´efinition 2. L’ensemble des symboles L(xn)ainsi construit soumis `a la
relation d’´equivalence L(xn) = L(yn)si xnynest une suite qui tend vers
0est par d´efinition l’ensemble Rdes nombres r´eels.
Remarque 3. Si xQest un nombre rationel, on peut consid´erer la suite
constante (xn)nNefinie par xn=xpour tout n. Cette suite constante est
´evidemment de Cauchy et d´efinit donc un symbole L(xn). On note ´egalement
x=L(xn)le r´eel associ´ee `a la suite constante valant x. En d’autres termes,
pour chaque rationel xil y a un nombre r´eel xqui lui correspond. Cette
remarque permet de voir l’ensemble Qdes nombres rationels comme un sous-
ensemble de R.
Soient xet ydeux r´eels. On choisit deux suites xnet yntelles que
x=L(xn) et y=L(yn). On peut faire les operations usuelles sur les r´eels
qu’on faisait sur les rationels `a l’aide des d´efinitions suivantes.
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D´efinition 4. Les op´erations usuelles sont d´efinies sur les r´eels par les
formules x+y=L(xn+yn),xy=L(xnyn),xy =L(xnyn),|x|=L(|xn|).
D’apr`es l’exercice 2, il y a une infinit´e de choix pour les suites xnet
yn. A priori, le r´esultat des op´erations de la d´efinition peut d´ependre du
choix d xnet yn. Ce n’est en fait pas le cas. L’exercice suivant montre
que l’addition de 2 r´eels et les autres op´erations courantes sont bien d´efinies
ind´ependamment des choix faits lors du calcul.
Exercice 3. V´erifier que si x, y R, si xn,x
n,yn,y
nsont des suites de
Cauchy de Qtelles que x=L(xn) = L(x
n) et y=L(yn) = L(y
n), alors
L(xn+yn) = L(x
n+y
n), L(xnyn) = L(x
ny
n), L(xnyn) = L(x
ny
n),
L(|xn|) = L(|x
n).
Correction 3. La difference entre les suites (xn+yn) et (x
n+y
n) vaut
(x
nxn) + (y
nyn) qui tend vers 0 car chacun des 2 termes tend vers 0,
ce qui montre que L(xn+yn) = L(x
n+y
n).
La difference entre les suites (xnyn) et (x
ny
n) vaut xn(yny
n) + (xn
x
n)y
n. Chacun des 2 suites de l’addition tend vers 0 comme produit d’une
suite born´ee et d’une suite qui tend vers 0. En particulier la somme tend
vers 0 et L(xnyn) = L(x
ny
n). Les deux autres ´egalit´es se d´emontrent de
fa¸con similaire.
D´efinition 5. On ordonne l’ensemble Rdes r´eels en posant x < y si x6=y,
x=L(xn),y=L(yn)et xn< ynpour ngrand.
On v´erifie ´evidemment comme pr´ec´edemment que c’est ind´ependant du
choix des suites xnet yn.
Puisqu’on sait maintenant faire la diff´erence de 2 r´eels, prendre une
valeur absolue et comparer deux r´eels, on peut parler de suite de Cauchy
dans R`a l’aide de la d´efinition suivante:
D´efinition 6. Une suite xnde r´eels est dite de Cauchy si ǫR, ǫ >
0,NN,m, n > N, |xmxn|< ǫ.
1.2 Compl´etude de R
En partant des rationels, on a construit toutes les limites possibles de suite de
Cauchy de Qet on a obtenu un ensemble plus gros : l’ensemble R. On peut
maintenant essayer de recommencer le processus en partant des nombres
r´eels et essayer de construire un ensemble plus gros que R. Il suffit `a priori
d’ajouter `a Rtous les nombres obtenus par passage `a la limite de suites de
3
r´eels. En fait, on n’obtient pas d’avantage de nombres. Alors qu’une limite
de rationels peut etre r´eelle non rationnelle une limite de nombre r´eels est
forc´ement un r´eel. On ne construit donc aucun nombre nouveau en prenant
les limites de suites de r´eel. C’est essentiellement, ce que dit le th´eor`eme
suivant, que nous admettrons.
Th´eor`eme 7. Toute suite de Cauchy de Rest convergente dans R: Si
(xn)nNest une suite de Cauchy de nombre r´eels, alors il existe un r´eel x
tel que x=lim(xn).
D´efinition 8. On dit que Rest un ensemble complet pour signifier que toute
suite de Cauchy de r´eels est convergente dans R.
1.3 Cons´equences de la compl´etude de R
Le fait que Rsoit complet a des cons´equences importantes que nous
d´etaillons dans cette section.
D´efinition 9. On dit que deux suites de r´eels xnet ynsont adjacentes si
xn< ynpour tout n,xnest une suite croissante, ynune suite d´ecroissante,
et si xnyntend vers 0.
Th´eor`eme 10. Si xnet ynsont deux suites adjacentes, alors elles sont
convergentes de mˆeme limite : lim(xn) = lim(yn). En outre toute suite zn
v´erifiant xnznynpour n >> 0est ´egalement convergente de eme
limite.
D´emonstration Soit n > m deux entiers. Puisque xnet ynsont croissante
et d´ecroissante, |xnxm|=xnxm< ynxm< ymxmet ymxm< ǫ
pour mplus grand qu’un nombre N(ǫ). Donc |xnxm|< ǫ si n > m >
N(ǫ), ce qui montre qui xnest de Cauchy et convergente vers un r´eel x.
La suite yn=xn+ (ynxn) tend ´egalement vers xcomme somme d’une
suite tendant vers xet d’une suite tendant vers 0. La suite znxnverifie
0znxnynxntend vers 0. Donc zn=xn+ (znxn) tend vers x.
D´efinition 11. Soit LRun ensemble. Une borne sup´erieure de Lest un
´el´ement mRtel que
mmajore L:lL, l m.
mest le plus petit des majorants: si Mmajore L, alors mM.
Th´eor`eme 12. Tout sous-ensemble LRmajor´e admet une borne
sup´erieure not´ee sup(L).
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