Champs et particules : deux figures du continu et du discret dans les théories physiques 5
équations de Maxwell, et d’une équation pour la matière, l’équation de
Lorentz.
Le couplage entre les deux entités, particules et champ, conduit à un effet
physique nouveau qui est celui de la réaction de rayonnement : une particule
chargée va nécessairement interagir avec son propre champ de rayonnement.
Un calcul perturbatif montre que cet effet se traduit par l’apparition d’une force
de freinage effective proportionnelle à la dérivée de l’accélération. La
dynamique des particules chargées conduit ainsi à un système d’équations
différentielles du troisième ordre. L’analyse mathématique montre que
certaines de ses solutions présentent des pathologies, elles impliquent
notamment des violations de causalité sur des échelles de temps d’ordre R/c où
R est le « rayon classique de l’électron » et c la vitesse de la lumière. Ces
questions furent beaucoup discutées dans la première moitié du XXème siècle,
notamment par Lorentz et Dirac, mais aucune de ces tentatives ne put
réellement aboutir. Il ne semble pas exister de théorie classique cohérente
capable de décrire des particules chargées en interaction avec leur propre
champ. Dans le même ordre d’idées, il faudrait aussi évoquer les travaux de
Lorentz et Poincaré sur l’électrodynamique des systèmes étendus. Leur objectif
principal était de retrouver la relation énergie-impulsion en partant d’une
théorie dynamique de l'électron considéré comme un objet étendu en
interaction avec son propre champ. Avec l’avènement de la relativité restreinte,
on s’est rapidement convaincu qu'une telle relation a en fait un contenu
purement cinématique et qu'il est par conséquent illusoire de vouloir la dériver
d'une théorie dynamique. Observons cependant que, plus d’un siècle après, on
ne dispose toujours pas d’explication satisfaisante de l’origine des masses.
L'avènement de la relativité générale marque une étape importante dans la
construction des théories classiques de champs. C’est d’une certaine façon un
couronnement de la théorie classique des champs et du principe de localité sur
lequel elle est fondée. Ce principe de localité, auquel Einstein était
profondément attaché, n’était en effet que partiellement mis en œuvre en
électrodynamique puisque dans cette théorie seuls les champs sont locaux. Il
subsiste une structure rigide d’espace-temps où les champs se propagent et sur
laquelle est définie la notion de causalité. La relativité générale se présente
comme une théorie non-linéaire dans laquelle l’espace-temps lui-même est une
variété différentiable munie d’une métrique qui est le champ de gravitation. Ce
dernier est couplé à la matière à travers le tenseur d’énergie-impulsion. Notons
que le problème de la localisation de l’énergie et de la séparation de l’énergie
totale en ses différentes composantes, celle d’origine gravitationnelle et celle
associée à la matière, devient tout à fait non trivial et continue à faire l’objet de
travaux de recherche actuels (Witten, 1981). Il y a eu par la suite plusieurs
tentatives désespérées pour résoudre la dichotomie champ-particules au sein de
la théorie classique des champs (Mie, Einstein). Au cours des dernières
décennies, ce sujet a connu un renouveau d’intérêt suscité par la découverte de
solutions exactes des équations de Yang-Mills couplées à des champs de
matière et au champ de gravitation. Dans ces théories non-linéaires, on peut