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d’un bon nombre de principes écologiques. Mais le sens s’invente à l’aide de la
culture, des valeurs d’une société, d’une éducation et d’une vie particulière.
Dans une société démocratique et individualiste, il est bon de dire que
chacun a le droit de penser comme il l’entend. C’est d’ailleurs l’une des phrases
que l’on peut lire jusqu’à l’écœurement dans les travaux de philosophie des élèves
de cégep. « Chacun a sa définition personnelle, écrivent-ils, de l’amour, de la
liberté, de la vie, du bonheur, du beau ou même du magasinage. » Ils l’écrivent
tous, mais je vous dirai à ce sujet deux choses : premièrement, lorsqu’on fait une
telle affirmation, on devrait s’attendre à ce que la personne songe, dans le même
travail, à nous fournir cette définition personnelle et je suppose originale de la
liberté, de l’amour ou du sujet dont il est question. Au moins la sienne, justement
celle qui fait sens pour elle. Mais cette définition est la plupart du temps absente
du travail, ce qui signifie qu’on va jusqu’au seuil de la philosophie mais qu’on
s’arrête là où elle commence. Deuxièmement, même lorsqu’on affirme que tout le
monde a le droit d’avoir une définition personnelle de la liberté, de l’amour, du
beau ou de la vie, on voudrait aussi, je l’espère, qu’elle soit partagée par quelques-
uns, car à quoi sert-il de penser si mes pensées ne peuvent pas être partagées
avec les autres ? Ce qui fait sens exclusivement pour moi n’est pas encore ce que
nous pouvons nommer du sens.
Comment fabriquer du sens, si je suis toujours seul à penser ? Comment
fabriquer du sens, si je n’ai jamais besoin de soumettre ce que je pense aux
autres ? Il y a du sens quand il y a les autres. Quelque chose qui n’aurait du sens
que pour moi n’a finalement pas beaucoup de sens.