La neurotransmission cholinergique centrale A. Coquerel* Répartition anatomique du médiateur L étant plus facilement libéré. Quant à l’exocytose de l’ACh, elle se fait de façon classique, calcium-dépendante. L’inactivation de l’ACh, au contraire des catécholamines et des autres médiateurs dérivés des acides aminés, ne dépend pas d’un système de recapture mais uniquement d’une hydrolyse enzymatique, par l’AChE (1). Celle-ci est concentrée dans les membranes synaptiques, où elle agit très vite (une molécule d’enzyme peut dégrader 5 000 molécules d’ACh par seconde !). ’acétylcholine (ACh) a été le premier neuromédiateur identifié et reste au centre des préoccupations des neuropharmacologues du fait de la multiplicité de ses effets et des voies nerveuses qui interagissent avec le système cholinergique central. Au sein du SNC, les grandes voies cholinergiques ont été réparties en trois grandes catégories : – les motoneurones de la moelle épinière, dont les collatérales stimulent les neurones de Renshaw ; – le groupe des neurones à projections locales ou interneurones : striatum +++, en faible proportion, dans l’hippocampe et le cortex ; – les neurones cholinergiques à projections diffuses (figure 1). Selon la classification de Mesulam, il existe huit sous-groupes distincts par leurs localisations et leurs projections. Les groupes Ch1 et Ch2 innervent l’hippocampe ; le groupe Ch3 innerve le cortex cingulaire et le bulbe olfactif ; le groupe Ch4 comprend le nucleus basalis de Meynert, le noyau préoptique magnocellulaire et la substance innominée. Les noyaux Ch5 à Ch8 concernent des territoires du tronc cérébral, les groupes Ch5 et Ch6 projetant pour partie vers le thalamus et l’hypothalamus. Synthèse, libération et dégradation (figure 2) (ChAT) et l’acétylcholine estérase (AChE). La ChAT est synthétisée dans le péricaryon des neurones cholinergiques, puis véhiculée par le transport axonal lent vers les terminaisons synaptiques. Sa concentration n’est pas un facteur limitant de la synthèse de l’ACh. Celle-ci a lieu dans le cytosol où, en présence d’ATP, la ChAT utilise un acétyl-CoA (issu du cycle de Krebs), qu’elle couple à une choline dont l’origine est variable (recaptage d'un catabolite de l’ACh, dégradation de phospholipides, pool plasmatique) ; la capture de la choline dépend d’un transporteur utilisant le Na+. Après relargage de la coenzyme A, l’ACh est stockée dans des vésicules grâce à une ATPase. On distingue deux pools synaptiques, le nouvellement synthétisé Ch5 et 6 Ch3 Ch4 Ces deux étapes se font grâce à des enzymes, respectivement l’acétylcholine transférase Ch7 et 8 Ch1 et 2 * Service de pharmacologie, CHU Côte de Nacre, Caen. 141 Les différents types de récepteurs et leurs voies de transduction (figure 3) Deux types de récepteurs : les récepteurs nicotiniques et les muscariniques. À l’inverse de la répartition observée dans le système nerveux végétatif, la densité des Figure 1. Représentation schématique sur une coupe sagittale centrencéphalique des localisations anatomiques des voies longues cholinergiques centrales (d’après Mesulam) : Ch1 et Ch2 : innervation de l’hippocampe ; CH3 : cortex cingulaire ; Ch4 : nucleus basalis de Meynert ; Ch 5 et 6 : voies projetant vers l’hypothalamus et le thalamus ; Ch 7 et 8 : voies longues du tronc cérébral. F O R M E R repères repères Neuro-Sciences repères repères Neuro-Sciences récepteurs muscariniques est plus importante dans le SNC que celle des nicotiniques. Ces derniers sont présents dans le cortex et l’hippocampe, le noyau caudé, le thalamus et l’hypothalamus. Sur le plan structural, comme pour les autres récepteurs-canaux, les récepteurs nicotiniques sont constitués par l’assemblage de 5 sous-unités. Chacune possède 4 domaines transmembranaires. Au niveau du SNC, cet assemblage consiste en une stoechiométrie simple : 3 sousunités α (et 2 sous-unités ß). Mais il en existe 8 variants ! Les récepteurs nicotiniques centraux peuvent donc correspondre à une grande palette d’associations de sous-unités (et ß). Le site d’action des agents nicotiniques est extra-cellulaire, au niveau des extrémités N-terminales des sous-unités du récepteur canal. La liaison ligand-récepteur aboutit à une brutale perméabilité du canal centré entre les 5 sous-unités (1, 2). La régulation de ces récepteurs-canaux dépend de la phosphorylation des différentes boucles intracellulaires (forte phosphorylation = canal ouvert, déphosphorylation = canal fermé). Les récepteurs muscariniques : ils sont caractérisés par autoradiographie, puis par hybridation in situ Les récepteurs M1 et M2, les plus répandus, peuvent être caractérisés par des ligands spécifiques 5 gènes qui codent pour 5 types de séquences voisines (notées de M1 à M5). Ces différents récepteurs appartiennent à la superfamille des récepteurs à 7 domaines transmembranaires couplés à des protéines G (RCPG). Forte expression des récepteurs M1 au niveau du cortex et de la région hippocampique, ainsi que dans le noyau accumbens et le néostriatum. Récepteurs M2 = distribution plus diffuse, prépondérants dans le système habenulopédonculaire et les noyaux du tronc cérébral. Les mécanismes de transduction (1, 2) ● Pour les récepteurs M1 = couplage à l’adénylate-cyclase. Choline plasmatique Dégradation des phospholipides membranaires Acétyl choline captage Na+ dépendant AChE choline ChAT ChAT ChAT flux axonal Acétylcholine récepteurs muscariniques ACh acétyl-CoA ACh cycle de Krebs ChAT : acétylcholine tranférase AChE : acétylcholine estérase récepteurs nicotiniques Glucose Figure 2. La synapse cholinergique. R nicotinique unités 3α 2ß R muscarinique 7 dom. trans Mb R muscarinique 7 dom. trans Mb Phospholipase C stimulée ++ Adénylatecyclase PKA inhibée PKC stimulée Figure 3. Représentation schématique des récepteurs nicotiniques (partie gauche) et muscariniques (partie droite). Les récepteurs nicotiniques sont constitués de 5 sous-unités (3 formes α et 2 formes ß) qui traversent la membrane et créent un pore ionique au centre de leur assemblage ; les deux types de récepteurs muscariniques ont en commun leur structure classique à 7 domaines transmembranaires, donc un couplage à des protéines G. En revanche, on peut distinguer deux sousgroupes par leur type de transduction : le sous-groupe M1 est couplé négativement à l’adénylatecyclase ; la diminution de l’AMP cyclique entraîne une inhibition de la protéine-kinase de type A (PKA). Pour les récepteurs de type 2 (M2) la transduction se fait par la stimulation de la phospholipase C, qui catalyse un lipide membranaire (PIP2) en inositol tri-phosphate (IP3), qui mobilise le calcium intracellulaire, et le di-acyl-glycérol qui va stimuler la protéine-kinase C (PKC). …/… Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 4, septembre 2000 142 repères repères Neuro-Sciences La stimulation des protéines G inhibe l’adénylate-cyclase et diminue donc la concentration d’AMP cyclique. Cette baisse de l’AMPc cytosolique induit à son tour une inhibition de la protéine-kinase A (PKA). ● Pour les récepteurs de type M2 : voie de la phospholipase C (PLC), qui va cliver des phospholipides membranaires et ainsi donner naissance à deux types de signaux : les inositols triphosphates (IP3) et le di-acylglycérol (DAG). L’IP3 augmente le calcium cytosolique et va donner naissance à de nombreuses réactions, telle l’activation de la calcium-calmoduline-kinase, enzyme clé qui peut tantôt moduler l’activation des canaux ioniques par phosphorylation et tantôt induire la mobilisation ou la synthèse de nombreux neurotransmetteurs. Quant au DAG, il peut soit être catabolisé en acide arachidonique (précurseur de nombreux messagers dont les prostaglandines), soit activer la protéine-kinase C (PKC) qui peut phosphoryler de nombreuses protéines intracellulaires. Des cascades de phosphorylations pourront aboutir à l’activation de facteurs de transcription au niveau nucléaire. Effets cellulaires de la stimulation des récepteurs cholinergiques La stimulation des récepteurs nicotiniques aboutit à une excitation rapide et intense liée à l’ouverture d’un canal cationique, donc perméable au Na+. L’ACh a un effet excitateur direct sur les récepteurs muscariniques, en particulier au niveau du cortex et de l’hippocampe. L’ACh induit une dépolarisation de longue durée par blocage des conductances potassique et calcique et augmentation de la résistance membranaire, d’où une augmentation de la fréquence des décharges neuronales et des modifications durables de l’excitabilité des champs récepteurs périphériques. On décrit également des effets présynaptiques de l’ACh sur des récepteurs muscariniques et une inhibition de ces neurones par la stimulation d’autorécepteurs. Effets physiologiques globaux Rythme veille/sommeil. Certains contrôles moteurs (noyaux gris centraux). Mémorisation et tâches d’apprentissage (voies septo-hippocampique ou basalo-corticale) : – l’injection d’agonistes cholinergiques améliore la mémorisation ; – les anticholinergiques centraux diminuent l’efficience mnésique et les capacités d’apprentissage. La pathologie et ses espoirs d’exploration Maladie d’Alzheimer (MA) ++++. Maladie des corps de Lewy disséminés. Maladie de Parkinson (MP). Intérêt +++ de l’imagerie par émission de positons (PET), avec des ligands nicotiniques, ➞ diagnostic précoce de la démence de type Alzheimer (DTA). Traitements par des médicaments cholinergiques Anticholinergiques centraux (trihéxyphénidyle [Artane®, Parkinane LP®], tropatépine [Lepticur®], bipéridène [Akinéton LP®]) et syndromes parkinsoniens. Emploi actuellement limité aux syndromes parkinsoniens liés à la prise de neuroleptiques. Risques +++ effets parasympathicolytiques périphériques ( mydriase, rétention d’urine, etc.). Effets atropiniques centraux = confusion mentale chez les sujets âgés. Cholinomimétiques et maladie d’Alzheimer ● apport de choline = pas de résultats significatifs ; 143 ● inhibiteurs centraux de l’AChE : efficacité modérée mais documentée. La tacrine (Cognex®) a été le premier à recevoir une AMM, la rivastigmine (Exelon®) et le donépézil (Aricept®) ont une meilleure tolérance hépatique, on doit reconnaître que l’efficacité de ces inhibiteurs de l’AChE reste modérée. Traitements “antidégénératifs” Deux facteurs de croissance, dont les rôles physiologiques sont bien établis lors de l’organogenèse : le LIF (Leukemia Inhibitory Factor) et le CNTF (Ciliary Neurotrophic Factor) = facteurs de croissance peptidiques qui appartiennent au groupe des cytokines. Deux de leurs actions reconnues pendant la vie fœtale sont d’orienter la différenciation neuronale vers le phénotype cholinergique et d’entraîner un accroissement de résistance à l’apoptose. Des tentatives de thérapie génique sont à l’étude, soit par intégration au sein des neurones des séquences codantes pour ces facteurs de croissance, soit par sécrétion de ces polypeptides à partir de lignées cellulaires animales modifiées qui sont implantées dans le SNC sous forme encapsulée (3). Des essais thérapeutiques commencent à se développer avec ces cellules encapsulées. Références 1. Lamour Y, Dutar P, Bassant MH. Physiologie et pharmacologie des systèmes cholinergiques centraux. Circ Métab Cerveau 1989 ; 6 : 21-46. 2. Neurosciences. Purves, Augustine, Fitzpatrick, Katz, LaMantia, McNamara. (Édition française). De Boeck Université, 1999 : 109-43. 3. Lysaght MJ, Aebischer P. Encapsulated cells as therapy. Sci Am 1999 ; 280 : 76-82.