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8 octobre 2014 1873
symptômes prédominants sont attribuables au foyer primai-
re et les douleurs articulaires n’apparaissent que plus tard.
Les signes inflammatoires systémiques sont importants.7
Lors d’infections bactériémiques chez un porteur de pro-
thèse, des symptômes tels que douleurs articulaires nouvel-
les doivent être activement évoqués dans l’anamnèse. A
noter qu’un ensemencement hématogène de la prothèse
survient dans 30-40% des bactériémies à
S. aureus
.3 Afin de
prévenir la colonisation hématogène de l’implant, il est donc
essentiel de traiter rapidement tout autre foyer infectieux
patent chez le porteur de prothèse. Lors d’infection de pro-
thèse déjà établie, le patient doit être adressé rapidement
à l’hôpital afin de confirmer le diagnostic, isoler le germe, et
ainsi possiblement éviter un changement de prothèse. Un
retard de diagnostic peut avoir pour conséquences l’appa-
rition d’une fistule et nécessiter une ablation de l’implant.
Infection chronique
Elle est d’origine exogène ou, rarement, hématogène si
elle n’est pas reconnue précocement et persiste durant des
semaines. L’infection exogène causée lors de l’implantation
par contamination directe se manifeste généralement au-
delà du premier mois qui suit l’intervention. Cependant, les
patients se plaignent souvent de douleurs depuis le mo-
ment de l’implantation (infection à bas bruit). Les douleurs
sont causées soit par l’inflammation locale, soit plus tard
par le décèlement de l’implant. Le signe clinique prépon-
dérant est un épanchement articulaire. Occasionnellement,
une fistule peut se former. La CRP et la vitesse de sédimen-
tation ne présentent pas de normalisation après la chirurgie
et restent légèrement élevées. Lors d’infection chronique,
un maintien de prothèse est irréaliste, car la durée des
symptômes est très longue et un biofilm bactérien épais
adhère sur celle-ci. Les germes responsables étant généra-
lement peu virulents et le patient peu incommodé, un diag-
nostic précis peut être effectué avant le traitement chirur-
gical.
concept thérapeutique
L’objectif thérapeutique est l’éradication de l’infection
en conservant une prothèse fonctionnelle et non doulou-
reuse. Il peut être atteint au mieux si l’infection est détectée
précocement et les principes thérapeutiques sont respec-
tés.8 La prise en charge globale du patient présuppose une
collaboration optimale entre médecin de premier recours
et hôpital. A la moindre suspicion d’infection, le praticien
doit rapidement adresser son patient à l’opérateur, car
l’impact fonctionnel dépend notamment du succès du
pre-
mier
traitement. Pour autant que le patient ne soit pas sep-
tique, une antibiothérapie ne doit en aucun cas être instau-
rée sans prélèvement microbiologique adéquat préalable.
La prescription d’antibiotiques sans intervention chirurgi-
cale, même en présence d’un diagnostic microbiologique,
est une démarche tout aussi erronée.
En principe, il y a cinq options chirurgicales possibles :
1) débridement avec maintien de prothèse, 2) changement
de prothèse en un temps, 3) changement de prothèse en
deux temps, 4) ablation définitive de prothèse (opération
de Girdlestone) et 5) traitement antibiotique suppressif au
long cours sans intervention chirurgicale.1 Les critères dé-
cisifs pour le choix de la stratégie chirurgicale sont évalués
en concertation interdisciplinaire. Ils ont été présentés dans
des articles antérieurs de ce journal et d’autres.1,2,8,9 Rare-
ment, lors de comorbidités graves, aucun traitement chirur-
gical n’est envisageable. La prothèse infectée est alors main-
tenue sous antibiothérapie suppressive sur 1-2 ans, voire à
vie. Il ne s’agit pas d’un traitement à visée curative, mais
d’une approche palliative. Ici particulièrement, le médecin
de premier recours doit participer activement au processus
décisionnel.
choix et durée du traitement
antibiotique
Le principe du traitement antibiotique des infections de
prothèse repose sur une durée prolongée et des concen-
trations plasmatiques hautes. En phase postopératoire, une
antibiothérapie intraveineuse est prescrite empiriquement,
puis selon l’antibiogramme du germe isolé. Après dix à qua-
torze jours, le traitement est généralement relayé par voie
orale. Plusieurs critères influencent le choix de l’antibiothé-
rapie :
• sensibilité du germe et stabilité vis-à-vis des mutations
de résistance ;
• biodisponibilité et distribution tissulaire ;
• toxicité, tolérance et interactions médicamenteuses.
Le traitement antibiotique des infections de prothèse à
staphylocoques est établi.10 Si le germe est sensible, la ri-
fampicine, associée à un autre antibiotique, est particuliè-
rement efficace en raison de son excellente activité sur les
staphylocoques adhérant en biofilm à la surface de l’implant
(phase stationnaire de croissance). La rifampicine doit être
utilisée
uniquement en association avec un autre antibiotique actif
contre le germe,
idéalement avec une quinolone. Le choix du
traitement antibiotique se fait sur recommandation de l’in-
fectiologue. Les substances mentionnées ci-dessus ne sont
jamais
prescrites empiriquement. Il s’agit de traitements de
durée prolongée, en général trois mois. Le praticien doit
faire preuve d’une attention particulière aux problèmes
d’adhésion thérapeutique ainsi qu’aux effets secondaires
et interactions (tableau 3). Par exemple, la rifampicine est
un puissant inducteur du cytochrome P450, dont l’effet at-
teint son maximum une semaine après son introduction, et
s’atténue progressivement deux semaines après son arrêt.
Elle peut donc augmenter le métabolisme des médicaments
administrés conjointement, entraînant des concentrations
plasmatiques sous-thérapeutiques et une inefficacité de
ceux-ci. La prudence est donc de mise.
antibioprophylaxie avant traitements
dentaires
Il n’y a pas d’indication à une antibioprophylaxie avant
traitements dentaires chez les porteurs de prothèse articu-
laire car le risque d’infection hématogène est négligeable.
Une étude, publiée en 2010, montre qu’environ 1250 pa-
tients porteurs de prothèse devraient recevoir une anti-
bioprophylaxie pour prévenir une seule infection.11,12 Une
hygiène dentaire soigneuse semble beaucoup plus impor-
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