La neuropsychologie des traumatisés crâniens : les fonctions cognitives Florent BERNARDIN Psychologue spé. en Neuropsychologie Service de Médecine L, Alcoologie Addictologie (CHU de Nancy, 54) SAMSAH-Epidom 54 (OHS) (Flavigny, 54) Une problématique transdisciplinaire Sphère neurocomportementale Sphère cognitive Médecin MPR, Neurologue + Neuropsychologues, orthophonistes, ergothérapeutes Médecin MPR, Neurologue, Psychiatre + ensemble de l’équipe thérapeutique Sphère psychopathologique Psychiatre + psychologue clinicien, neuropsychologue Gravité des TC Le score de Glasgow - de 3 à 8 : TC sévère - de à 13 : TC modéré - de 13 à 15 : TC léger L’amnésie post-traumatique (Jennett, 1976) - > 4 semaines : TC extrêmement sévère - > 1 semaine : TC très sévère - 1 à 7 jours : TC sévère - d’1 h à 1 jour : TC modéré - de 5 min à 1 h : TC léger - inférieur à 5min : TC très léger Quelques données épidémiologiques Tbles attentionnels et de la concentration : 30 à 50% TC sévères (Leclercq et al., 2002) • • Ralentissement cognitif documenté depuis 1940 • Déficits des fonctions exécutives • Troubles mémoire à long terme : 53% des patients TCs et 79% de leur proches rapportent un déficit à 7 ans (Oddy et al. 1985) En fonction de : la gravité du TC, l’étendue des lésions, localisation des lésions, âge et niveau antérieur Ralentissement cognitif • Les patients TCs sont en moy 1.5 fois plus lents que les personnes saines aux mesures de TR (Ferraro, 1996 méta-analyse) • Ralentissement moteur ET cognitif (idéatoire) : allongement du temps de traitement de l’information, de l’initiation d’une action, d’une réponse automatisée ou non, etc. • Lien avec les fonctions exécutives : déficit dans la mise en place des routines d’action (Godefroy & Bogousslavky, 2007) • Du aux lésions axonales diffuses Troubles du langage et de la communication 1 • Pris en charge en orthophonie • Troubles du langage (aphasies fluentes et non fluentes) d’évolution correcte à distance du TC mais troubles persistant du discours (Rousseaux et al., 2007) => en lien avec l’atteinte exécutive • 3 types de cpt (Hartley et Jensen, 1992): - Discours confus : pronoms ambigus, énoncés inutiles, coq à l’âne, digression, discours alambiqué, etc. - Discours appauvri : réduction qualitative et quantitative des productions - Discours inefficace : logorrhée, commentaires approximatifs + diminution de la cohérence globale, de la complétude, de la fluence • Lien avec les fonction exécutives : - Difficulté de structuration du discours - Comprendre et utiliser les subtilités du langage et gestion de l’implicite - Compréhension des inférences et théorie de l’esprit Troubles du langage et de la communication 2 • Exemple : production de PG lors du subtest des similitudes (WAIS IV) Poème et statue : « Emanation d’un homme, réalisation d’un domaine aléatoire » Bourgeon et bébé : « Emanation d’une création d’une nouvelle vie » (…) Cube et cylindre : « Emanation de deux constitutions physiques de la réalité de la physique, émanation du cercle, émanation du carré » (…) Soie et laine : « organe d’habillement de l’humain pour donner du confort et de la chaleur. Emanation de l’animal pour la laine » Discours alambiqué, inutilement complexifié + éléments persévératifs Modèle des fonctions exécutives et attentionnelles 1 • Modèles cognitifs : Système de supervision attentionnelle (Norman et Shallice, 1980) SYSTÈME DE SUPERVISION ATTENTIONNELLE (SAS) - Planification/prise de décision - Correction d’erreurs - Nouveaux apprentissages - Danger ou haut niveau de technicité - Inhibition de réponses renforcées Gestionnaire de conflits + + + - Unités de connaissance = Schéma > Schéma > … Schéma < Schéma < Action SITUATIONS FAMILIERES Modèle des fonctions exécutives et attentionnelles 2 • Modèles cognitifs : Modèle de la mémoire de travail (Baddeley, 2000) Administrateur central Calepin visuo-spatial Sémantique visuel Buffer épisodique Mémoire épisodique Boucle phonologique Langage Modèle des fonctions exécutives et attentionnelles 2 Administrateur central Rôle proche du SAS : - Coordination de tâche double - Flexibilité mentale - Attention sélective - Activation de la mémoire épisodique - Mise à jour + gestion des interférences, gestion des multi-tâches Cortex préfrontal dorso-latéral Troubles de la mémoire 1 • L’amnésie post-traumatique (APT) (Levin et al., 1979) Amnésie rétrograde TC Îlots mnésiques APT Coma Confusion Mémoire continue Troubles de la mémoire 2 • Mémoire rétrograde et mémoire antérograde Mémoire rétrograde Préservée en général (+/- lacune rétrograde) TC Mémoire antérograde Atteinte fréquente Mémoire épisodique Troubles de la mémoire 3 • La mémoire épisodique Stimulus ENCODAGE Ressources attentionnelles (SAS) Stratégie exécutive STOCKAGE RECUPERATION Ressources attentionnelles (SAS) Troubles de la mémoire 4 • La mémoire épisodique : manifestations du trouble Personne saine : Question Info mnésique ??? Patient TCs : Info ok mais amnésie de source Question Mauvaise info Confabulation Troubles de la mémoire 5 • La mémoire épisodique : stratégie de facilitation QUI? OU? QUOI Question QUAND? QUI? QUOI QUAND? facilite OU? Autres fonctions (liste non exhaustive) • Héminégligence: déficit d’orientation de l’attention vers un hémi-champ de l’espace sans atteinte périphérique • Capacité attentionnelle (intensive) : attention soutenue, vigilance • Troubles gnosiques : déficit de reconnaissance d’un objet par le biais de différentes modalités (visuelle, auditive, tactile) sans atteinte périphérique • Troubles visuo-constructifs : difficulté pour établir un programme pour la réalisation d’une tâche visuo-spatiale Illustration clinique • Bilan neuropsychologique - Permet d’établir le profil cognitif et comportemental par l’administration d’un ensemble d’épreuves normées en fonction de l’âge et du niveau d’étude, validées scientifiquement et faisant référence à un modèle cognitif - Cibler les fonctions déficitaires et préservées pour objectiver l’impact des troubles au quotidien - Evaluation clinique, quantitative et qualitative - Evaluation à distance du TC : attention aux différences observées entre difficultés éprouvées quotidien et les résultats aux tests • Evaluation mnésique : test du RL-RI-16 items Intrusions dues à une sensibilité interférence rétroactive Intrusions simples Intrusions version de base (1 an avant) • Evaluation fonctions exécutives : Génération d’information (test des fluences verbales) • Recouvrement atteinte langagière et atteinte exécutive - Fluence formelle appauvrie : 3 (12) - Fluence catégorielle appauvrie avec absence de stratégies de recherche en mémoire sémantique : 8 (20) - Elément de désinhibition (« pet ») et de persévération (« lion ») - Néologisme (« passetouille ») • Evaluation fonctions exécutives : Flexibilité mentale (Trail Making test) A : 92s (55s) B : abandon à 413s (105s) B-A : > 321s (71s) Erreurs non persévératives mais nombreuses erreurs d’alphabet (malgré qu’il soit connu) Trouble de la flexibilité mentale du fait de la différence de tps entre parties B et A + coût attentionnel de l’épreuve => perte du fil de l’alphabet • Evaluation fonctions exécutives : Processus inhibiteurs (Test de Stroop) (X 100) ROUGE VERT BLEU ROUGE BLEU ROUGE VERT … (X 100) ROUGE VERT BLEU VERT BLEU ROUGE VERT … (X 100) • Evaluation fonctions exécutives : Processus inhibiteurs (Test de Stroop) Partie 1 : 232s (76s) Partie 2: 180s (57s) Partie 3 : 258s (126s) + 26(2) ENC pour 50 items Ralentissement cognitif + trouble de l’inhibition • Evaluation fonctions exécutives : Déduction maintien de règles logiques (MCST) 3 catégories (4) 21 erreurs (12) 10 erreurs persévératives (4) Persévération sur un critère « disposition » (erreurs autres) malgré les feedbacks négatif + échec à déduire une règle des feedbacks positifs => tble de déduction • Evaluation fonctions exécutives : Planification (Test des commissions) - Détours inutiles - Non prise en compte des contraintes - Analyse insuffisante de l’énoncé - Pas de vérification • Evaluation fonctions exécutives : Planification et praxies visuo-constructives (Figure de Rey) • Evaluation fonctions exécutives : Planification et praxies visuo-constructives (copie de la Figure de Rey) Devenir des patients à distance • Revue de Vallat-Azouvi et al., 2007 - La plus part des patients TCs retournent à domicile, seuls 4 à 5% vivent en institution - Difficultés dans les AVQ élaborées : par ex. transports => 38% reprennent la conduite, 35% partiellement ou totalement capable de reprendre les transports en commun - 50% des TCs sont en situation d’isolement social - Reprise d’un travail en milieu normal ou protégé : variable selon les études. Etude française de Mailhan et al. (2005) : sur 75 TCs 27.6% ont repris un travail à tps plein, 17.3% à temps partiel. MAIS souvent reprise à un niveau de qualification/salaire inférieur réinsertion prof. selon : gravité du TC, situation socioprof antérieure, âge + tbles de mémoire, ralentissement, et fonction exécutives (flexibilité, planification) + agressivité, aspontanéité, fatigabilité, manque d’initiatives et de motivations, désintérêt, anosognosie. Recouvrement symptomatologique Sphère neurocomportementale Troubles du discours et de la communication des fct exécutives (flexibilité, inhibition etc.) Sphère cognitive Troubles attentionnelles ralentissement difficulté de récupération en mémoire épisodique Sphère psychopathologique MERCI