situation dont ils sont victimes. Depuis, j’ai été emporté plus loin, sur les raisons même de la
crise.
Ces rumeurs, ces intox, ont bien sûr une fonction, celle de masquer une politique économique
à l’œuvre, celle qui met en place une austérité effroyable vis-à-vis du peuple grec et des
services publics avec un transfert massif de capitaux publics vers la spéculation internationale.
Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement d’argent public grec mais aussi européen.
245 milliards ont été versés dans un soi-disant plan européen de sauvetage dont les Grecs et
l’économie réelle grecque n’ont quasiment pas vu la couleur. C’est démontré dans le film, ces
sommes énormes vont directement dans la poche des créanciers de la dette publique grecque
qui ont prêté à des taux dépassant parfois 20%... Ces prêts ont donc la garantie du
contribuable européen !
Tout cela est organisé par la Troïka, les vrais patrons du pays, envoyés de la commission
européenne, la Banque centrale Européenne et le FMI (qui joue plutôt le rôle d’expert).
Quelle est la responsabilité, selon vous, des médias européens dans la présentation
biaisée de la réalité de ce pays ?
Les médias européens, d’abord allemands et surtout Bild, premier tirage quotidien européen,
jouent un rôle considérable dans la fabrication de l’opinion. Ce n’est d’ailleurs pas seulement
la réalité grecque qui est biaisée, c’est celle de la crise de toute l’Europe.
La « grande presse » française, moins violente mais tout aussi efficace nous parle de
« réformes structurelle » (traduisez « d’austérité imposée à la population »), de « rassurer les
marchés » (financiers, bien sûr, mais ce n’est jamais dit), de « restaurer la confiance » (des
mêmes, mais ce n’est pas non plus dit). Le but est d’entretenir le fatalisme face à un système
économique néolibéral « qui n’aurait pas d’alternative » comme disait Margareth Thatcher.
Le plus fort dans cette idéologie dominante est d’arriver à faire croire qu’il n’y a pas
d’idéologie dominante… On pousse les gens à dire « je ne fais pas de politique » alors qu’ils
cautionnent ainsi celle qu’ils subissent...
Je reconnais que j’emploie, comme tout le monde, le terme de « crise » par facilité de
langage. Il est pourtant inapproprié. En Europe, la crise n’est pas une catastrophe, une fatalité.
C’est, en dernière analyse une augmentation délibérée et brutale des inégalités.
La fermeture de la télévision publique grecque en 2013 et la décision de ses travailleurs
de développer un média indépendant reste un exemple frappant de la capacité de
résistance du peuple grec. Quel leçon tirer de cette expérience ?
Il y a des moments où le peuple est fort, imaginatif et audacieux face à un pouvoir affaibli. La
lutte de l’audiovisuel public (l’ERT) en est un exemple. Elle est développée dans le film et je
vous le résume : le 11 juin 2013, le gouvernement, à la demande de la Troïka, ferme l’antenne
et licencie les 2650 salariés. Immédiatement, se déclenche une énorme mobilisation en Grèce
et une protestation généralisée dans le monde entier. Journalistes et techniciens occupent le
bâtiment, mais le gouvernement grec, pris à contrepied, n’ose pas lancer les MAT (police anti
émeute) contre les personnels.