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1.3
Types de recherche caractérisant l’approche biopsychologique
5
le fonctionnement du cerveau humain qui sont décrits dans la
littérature s’appuient sur des études sur les non-humains (voir
Nakahara
et al.
, 2002).
Inversement, les animaux non humains présentent trois avan-
tages sur les sujets humains. Le premier est que le cerveau et le
comportement des sujets non humains sont plus simples que
le cerveau et le comportement des sujets humains. À partir de
là, l’étude des sujets non humains est plus susceptible de révéler
des interactions fondamentales entre le cerveau et le comporte-
ment. Le deuxième avantage tient au fait que les idées naissent
souvent de l’
approche comparative
, c’est-à-dire de la compa-
raison des processus biopsychologiques dans différentes espè-
ces. Par exemple, en comparant le comportement d’espèces
dépourvues de cortex cérébral au comportement d’espèces en
possédant un, on va pouvoir tirer des conclusions valables sur le
rôle du cortex. Le troisième avantage est qu’il est possible de
conduire certaines recherches sur les animaux de laboratoire
qui, pour des raisons éthiques, sont impossibles avec des sujets
humains. Cela ne veut pas dire que la recherche animale ne soit
pas encadrée par un code éthique strict (voir Institut des ressour-
ces du laboratoire animal, 1996). Simplement, il y a moins de
contraintes éthiques pour la recherche de laboratoire sur les ani-
maux que sur les sujets humains.
Mon expérience est que la plupart des biopsychologues font
preuve d’une immense sollicitude envers leurs sujets, qu’ils
soient ou non de leur espèce. Cependant, les questions éthi-
ques ne sont pas laissées à l’appréciation du chercheur. Toutes
les recherches en biopsychologie, qu’elles utilisent des sujets
humains ou non, sont contrôlées par des comités éthiques
indépendants : « Les chercheurs ne peuvent pas échapper à la
logique suivante : si les animaux que nous observons sont de
bons modèles de nos propres activités, alors, ils méritent le
respect autant que nous-mêmes » (voir Ulrich, 1991, p. 197).
Études expérimentales et non expérimentales
La recherche en biopsychologie s’appuie à la fois sur des étu-
des expérimentales et sur des études non expérimentales. Les
deux types d’études non expérimentales sont les quasi-expé-
riences et les études de cas.
Expériences
L’expérience est la méthode utilisée par les
scientifiques pour découvrir les origines et les raisons de notre
mode de vie moderne. Qu’une méthode capable de telles
prouesses soit aussi simple a quelque chose de paradoxal. Pour
conduire une expérience avec des sujets vivants, l’expérimenta-
teur définit d’abord deux (ou plus) conditions expérimentales,
sous lesquelles les sujets sont testés. Habituellement, il teste un
groupe différent de sujets pour chaque condition (
protocole
intergroupes
), mais il est parfois possible de tester le même
groupe de sujets sur chaque condition expérimentale (
protocole
intra-groupe
). L’expérimentateur affecte les sujets aux condi-
tions expérimentales, applique les traitements et en mesure les
effets, tout cela de telle manière qu’il n’y ait qu’une seule diffé-
rence pertinente entre les conditions expérimentales comparées.
On appelle cette différence la
variable indépendante
. La
variable mesurée par l’expérimentateur pour tester l’effet de la
variable indépendante est, elle, appelée
variable dépendante
.
Pourquoi ne doit-il pas y avoir d’autre différence entre les
conditions expérimentales que la variable indépendante ?
Parce que, lorsqu’il y a plusieurs sources de variation de la
variable dépendante, il est difficile de savoir si c’est la varia-
tion de la variable indépendante ou une variation involontaire,
désignée sous le terme de
variable confondue
, qui explique
les effets observés sur la variable dépendante. Bien que la
méthode expérimentale soit simple d’un point de vue concep-
tuel, l’élimination des variables confondues peut être très dif-
ficile. Les lecteurs d’articles scientifiques doivent en
permanence être à l’affût de variables confondues qui seraient
passées inaperçues aux yeux des expérimentateurs.
Une expérience de Lester et Gorzalka (1988), visant à
démontrer l’effet Coolidge, illustre la méthode expérimentale.
L’
effet Coolidge
est le fait qu’un mâle devenu incapable de
poursuivre la copulation commencée avec sa partenaire peut
parfois recommencer à copuler avec une nouvelle partenaire
(voir figure 1.2). Avant que votre imagination ne s’emballe, je
tiens à vous signaler que l’expérience de Lester et Gorzalka
portait sur des hamsters et non sur des étudiants.
Pour Lester et Gorzalka, le fait que l’effet Coolidge n’ait pas
été observé chez les femelles tient probablement plus à la dif-
ficulté de conduire des expériences bien contrôlées sur cet
effet chez les femelles qu’à son absence. Selon eux, chez la
plupart des mammifères, les mâles sont plus facilement fati-
gués que les femelles sur le plan sexuel. Ainsi, les essais de
démonstration de l’effet Coolidge chez les femelles sont sou-
vent confrontés à la fatigue des mâles. Lorsque, pendant une
copulation, un nouveau partenaire sexuel est présenté à la
femelle, l’augmentation de sa réceptivité sexuelle peut tout
aussi bien témoigner d’un effet Coolidge que d’un effet de la
vigueur de ce nouveau mâle. Les femelles des mammifères
témoignant peu de fatigue sexuelle, cette variable confondue
ne constitue pas un problème sérieux pour montrer l’effet
Coolidge chez les mâles.
Lester et Gorzalka ont conçu une procédure astucieuse pour
contrôler cette variable confondue. Pendant que la femelle
copule avec un mâle (familier), un autre mâle (non familier)
copule avec une autre femelle. Puis les deux mâles se reposent
pendant que la femelle copule avec un troisième mâle. Enfin,
la femelle est testée avec l’un des deux premiers mâles, le
familier ou le non-familier. La variable dépendante est le
temps mis par la femelle pour prendre l’attitude de
lordose
(posture caractéristique de la réceptivité sexuelle des femelles
de rongeurs : arc-boutée, arrière-train redressé et queue rele-
vée) au cours de chacun des tests. Comme le montre la
figure 1.3, les femelles répondent plus vigoureusement aux
mâles non familiers qu’aux mâles familiers au cours du troi-
sième test, en dépit du fait que les deux premiers mâles, le
familier et le non-familier, soient aussi fatigués l’un que
l’autre et aient monté les femelles avec la même vigueur. Cette
expérience montre l’importance d’un bon protocole expéri-
mental pour établir, comme dans le chapitre 13, que les mâles
et les femelles sont beaucoup plus semblables que ne le pen-
sent la plupart des gens.
Études quasi expérimentales
Il est impossible d’appli-
quer la méthode expérimentale à tous les problèmes auxquels
s’intéressent les biopsychologues. Des obstacles physiques ou
éthiques empêchent de soumettre les sujets à certaines conditions
ou de gérer les conditions une fois que les sujets y ont été soumis.
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ÉPREUVES