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coopération  (aussi  petite  soit  -  elle)3.  Il  faut  ici supposer  un  doute  (même  petit)  sur la 
rationalité  de  l'autre  pour  que  soit  assurée  la  pérennité  de  la  coopération.  L'existence 
préalable d'une réputation coopérative de l'autre conduit à l'optimum collectif. 
Au  total,  la  théorie  des  jeux  peine  à  expliquer  la  coopération  à  partir  de  comportements 
individualistes  et  calculateurs.  Même  si  les  individus  ont  des  objectifs  divergeants  voire 
conflictuels comme le décrit le cadre du dilemme du prisonnier, ils sont amenés à coopérer 
pour  tisser  des  relations  sociales.  Or,  la théorie des jeux a  du  mal  à  fournir  une  nécessité 
théorique à de telles attitudes. 
Si l'accord a du mal à émerger de comportements strictement individuels, c'est peut-être qu'il 
nécessite l'existence d'un cadre commun pour s'exprimer. Telle est la problématique des jeux de 
pure coordination au sens de Schelling (1960). 
Un exemple simple va nous permettre d'expliciter cette notion. Deux personnes se sont perdues 
et cherchent à se retrouver. Deux solutions s'offrent à elles: aller en un point A ou aller en un 
point  B sachant que B est  plus éloigné  que A. Ce jeu (appelé "problème du rendez-vous") 
admet deux équilibres de Nash: les deux joueurs vont en A d'une part et les deux joueurs vont 
en  B  d'autre  part.  Seul  le  premier  de  ces  équilibres  est  Paréto  -  optimal  car  les  coûts  de 
déplacement sont moindres. 
Pourtant, il n'y a aucune raison pour que la meilleure solution soit celle adoptée par les joueurs. 
En effet, les joueurs pourront préférer aller en B (alors que c'est beaucoup plus éloigné que A) 
parce qu'il existe une habitude acquise de se retrouver en B. L'endroit présente une prégnance 
ou une réputation particulière et il s'impose naturellement aux agents. C'est le cas, par exemple, 
des points de rencontre dans les lieux publics (aéroports, gares, etc..) ou  eux forgés de leur 
propre chef par un couple d'acteurs (il n'est pas nécessaire que les points de rencontre soient 
universels). 
La coordination s'effectue sur la base d'une convention définie par Lewis (1969) au sens d'une 
régularité de comportement. Cette régularité est une convention dans une population donnée si 
chacun s'y conforme et si chacun s'attend à ce que les autres en fassent autant. La convention 
est  donc stable, ce qui assure son efficacité. Elle est, en effet, auto-réalisante. Chacun, non 
seulement, maintient son action si les autres en font autant mais préfère qu'il en soit ainsi. 
Une autre particularité fondamentale de la convention est qu'elle n'a pas besoin d'être optimale 
pour s'imposer. On l'a vu avec le problème du rendez-vous. On peut également l'apprécier tous 
les  jours  avec  les  institutions  (feux,  stop,  priorités)  qui  règlent  la  circulation  routière.  La 
priorité à droite n'est pas meilleure que la priorité à gauche. Pourtant, elle est respectée par les 
automobilistes. On imagine les problèmes de coordination dans le cas contraire. De même, en 
                                          
3 La démonstration est due à Kreps, Milgrom, Roberts et Wilson (1982).