Prématurité et maladies psychiatriques
Elie Saliba
Prématurité et maladies psychiatriques
E Saliba
QCM d'evaluation.
1 Parmi les anomalies encéphaliques suivantes observées à l’IRM chez le nouveau-né prématuré
lesquelles sont le plus souvent associés à des troubles du spectre autistique (TSA)
1. Agénésie du corps calleux
2. Agénésie de l’hippocampe
3. Hypoplasie cérébelleuse
4. Hémorragies cérébrales
2 La schizophrénie et l’autisme peuvent partager certains facteurs de risque lesquels ?
1- Une hypoglycémie néonatale
2- Un taux élevé de cytokines proinflammatoires dans le sang fœtal
3- Une infection prénatale
4- Un diabète maternel
Introduction
Les progrès de la réanimation néonatale ont largement contribué à la diminution de la mortalité des
nouveau-nés prématurés. Malheureusement, ces progrès n’ont pas été suivis d’une diminution parallèle de la
morbidité chez les survivants. Les enfants nés prématurés sont à risque de développer des troubles neuro
développementaux plus fréquemment que dans la population générale. Parmi ces troubles, ceux concernant
les fonctions de haut niveau sont spécifiquement concernés. Ainsi plus de 50% des enfants nés prématurés
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peuvent avoir des difficultés dans les domaines des apprentissages et des fonctions exécutives.
Ces enfants ont souvent aussi des troubles du comportement et de l’attention et des difficultés dans les
domaines de la communication. Ils sont à risque élevé de développer à l’âge de l’adolescence ou à l’âge
adulte des troubles psychiatriques. Des publications récentes ont ainsi rapporté une fréquence
anormalement élevée de troubles relevant du spectre autistique (TSA). Les premières publications faisant de
la prématurité extrême un facteur de risque pour la survenue des TSA datent de fin des années 1990.
De nos jours, il est admis que la grande prématurité mais aussi d’autres complications liées à la grossesse, à
l’accouchement ou à la période néonatale (comme l’âge maternel avancé, la toxémie gravidique, le retard de
croissance intra-utérin, des bas scores à l’échelle d’Apgar et la fertilisation in vitro) s’associent à des facteurs
nature épigénétique ou de susceptibilité génétiques pour favoriser la survenue de TSA.
Les troubles du spectre autistique (TSA)
Les TSA regroupent un ensemble de troubles neuro comportementaux caractérisés par des défaillances
dans les domaines de la communication de l’interaction sociale et des comportements. L’expression «
troubles du spectre autistique » est une expression générique qui englobe les troubles suivants : le trouble
autistique (ou autisme), le syndrome d’Asperger, le trouble envahissant du développement – non spécifié
(TED-NS), le syndrome de Rett (SR) et le trouble désintégratif de l’enfance (TDE). L’interaction sociale est le
plus souvent affectée chez les personnes souffrant de l’un quelconque de ces troubles.
Les premiers signes cliniques des TSA peuvent apparaitre entre 1 et 2 ans, et comprendre des anomalies
dans les comportements sociaux et émotionnels, des troubles du langage et de l’attention.
Etiologies des TSA
Les étiologies à l’origine des TSA sont multifactorielles. Plusieurs auteurs insistent sur les interactions entre
une vulnérabilité biologique prédisposant, des causes extrinsèques et une période critique du développement
cérébral. Deux aspects seront plus spécifiquement abordés dans cet article : le rôle potentiel des lésions
cérébrales et leur survenue à un moment critique du développement cérébrale chez le prématuré. Cette
période de vulnérabilité se situerait entre le 2e et 3e trimestre de grossesse.
Les relations entre prématurité et TSA : les facteurs de risque
Une enquête rétrospective réalisée par Moster et al ; dans une population d’adultes âgés entre 20 et 36 ans
en 2003, anciens prématurés, montrait que les sujets nés entre la 28e et la 30e SA avaient un risque de
développer des TSA 7,3 fois plus important que les témoins nés à terme. Ce risque était multiplié par 10 pour
les naissances entre la 23e et la 27e semaine. Dans cette étude, l’incidence des TSA parmi les survivants de
la prématurité était inversement proportionnelle à l’âge gestationnel.
L’enquête réalisée par l’équipe de Buchmayer avait identifié dans la base de données du registre national
suédois 1216 enfants ayant reçu des soins hospitaliers pour des TSA, diagnostiqués avant l’âge de 10 ans
entre 1987 et 2005. Une population témoin de 6080 enfants avait été appariée en respectant le genre,
l’année et le lieu de naissance, de sorte que pour chaque sujet, 5 enfants témoins avaient été choisis de
manière aléatoire. Ces auteurs ont pu montrer que les naissances prématurées représentaient 9,8 % dans la
cohorte d’étude contre 6,3 % pour les témoins. Dans cette étude, l’impact de la prématurité dans la survenue
d’un TSA était important ;
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Plusieurs facteurs de risques périnataux de survenue de TSA ont été démontré parmi lesquels : des
complications maternelles pendant la grossesse ou l’accouchement qui seraient responsables d’une hypoxie
fœtale (hémorragies pendant la grossesse, hypotension artérielle maternelle, césarienne en urgence, faible
score d’Apgar ou des antécédents de réanimation néonatale. L’âge maternel avancé et la procréation
assistée in vitro.
Il est à noter que ces études portent sur des populations d’enfants nés il y a plus de 20 ans. Qu’en est-il des
enquêtes plus récentes. Des études plus récentes ont montré l’impact de la prématurité sur le comportement
et les relations sociales de ces enfants à l’adolescence ou à l’âge adulte avec beaucoup plus de
manifestations psychiatriques (46%) que dans les groupes contrôles (13%) avec particulièrement plus de
troubles de l’attention des problèmes relationnels et une plus grande anxiété et plus de syndromes
dépressifs.
Samara et al, au sein de la cohorte EPICURE, ont étudié la présence chez 200 enfants nés avant la 26e
semaine de grossesse et 148 enfants témoins, l’incidence des « troubles envahissants », incluant les
troubles du comportement, les hyperactivités, les pauvretés des relations avec les pairs et les
comportements prosociaux.
Dans cette étude, 19,4 % des anciens prématurés (23,2 % des garçons et 15,6 % des filles) et seulement 3,4
% des enfants du groupe témoin présentaient un score positif pour les troubles envahissants du
développement. Selon les auteurs, la prévalence de l’hyperactivité (30,6 % des anciens prématurés vs 8,8 %
des témoins) et des troubles des conduites (12,5 vs 5,4 %) pouvait s’expliquer par les déficits cognitifs liés à
la prématurité. En revanche, la prévalence des déficits attentionnels (33,3 vs 6,8 %), des troubles de la
socialisation (25,4 vs 5,4 %) et de la régulation émotionnelle (13,5 vs 4,1 %) ne pouvaient pas s’expliquer par
le seul déficit cognitif.
Les relations entre prématurité et TSA : les évidences épidémiologiques sont
résumées tableau 1
Limperopoulos et al, ont observé que chez les enfants nés avec un poids de naissance inférieur à 1500 g 26
% présentaient un dépistage positif à la Modified Checklist for Autism in Toddlers (M-CHAT qui est un test de
dépistage précoce de TSA). Ces scores positifs à la M-CHAT étaient corrélés au poids de naissance, à l’âge
gestationnel, au sexe masculin, à différents événements médicaux prénataux et aux anomalies à l’imagerie
par résonance magnétique (IRM). Kuban et al, ont évalué une cohorte de 988 prématurés nés avant la 28e
SA. Ils ont pu montrer que le dépistage précoce des TSA par le M-CHAT était positif pour plus de 21 % des
enfants. Après régression logistique ils ont conclu que les troubles neuromoteurs majeurs (paralysie
cérébrale) et les déficiences neurosensorielles étaient associés dans 50% des cas à la positivité du M-CHAT.
Par contre dans le sous-groupe qui était indemne de ces séquelles, 10% restait encore positif au test de
dépistage ce qui représente le double du chiffre attendu. Ajustant ainsi pour les troubles cognitifs, très
fréquents chez les enfants qui ont des TSA, ne pourrait que sous-estimer la prévalence réelle de cette
pathologie chez les enfants nés très grands prématurés.
Deux études prospectives récentes se sont intéressées à l’association prématurité et TSA. La première a été
effectuée au sein de la cohorte EPICURE. Les parents (n = 219) De ces enfants âgés de 11 ans et nés à
moins de 26 semaines en Grande-Bretagne et en Irlande ont été interviewés par téléphone, ou ont répondu à
une enquête en ligne à une interview structurée psychiatrique, la Development and Wellbeing Assessment
(DAWBA), et à l’aide du Social Communication Questionnaire (SCQ). La prévalence des TSA avec cet outil
était de 8 % chez ces enfants, et semblait indépendamment corrélée au sexe masculin, à un âge de
gestation bas, aux anomalies des échographies cérébrales précoces, et à l’absence d’allaitement maternel.
La deuxième étude est celle de Pinto-Martin et al. Cette équipe avait suivi de manière prospective jusqu’à 21
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ans 1105 enfants de poids de naissance inférieur à 2000 g, nés entre 1984 et 1989. Les adolescents ont été
étudiés à 16 ans pour un dépistage des TSA (utilisant le SCQ et le Autism Spectrum Questionnaire). À 21
ans, restaient 189 enfants. Soixante pour cent des adolescents repérés positifs à 16 ans et 24 % de ceux qui
avaient été négatifs ont été évalués par l’Autim Diagnostic Interview-Revised (ADI-R) et l’Autism Diagnosis
Observation Schedule (ADOS) qui sont des outils diagnostiques. Les auteurs estimaient la prévalence des
TSA à 5 % de leur cohorte, soit environ 10 fois plus que la population générale.
Auteur Année Echantillon PN/AG Clinique Evaluation
TSA Age
Suivi Fréquence
TSA
Msall 2004 24 <1250g Préma et ROP
sévères Questionnaire
parents 14-15
a 8.5% ROP +
0.8% ROP-
Limperopoulos 2007 86 <32sa
Préma+ HC
Préma+lésions
cérébrales
Préma sains
M-CHAT SCQ 1-5 a 37% M-CHAT
33% SCQ
Limperopoulos 2009 91 <1500G
<31 SA Préma M-CHAT 18-24
m 25%
Kuban 2009 988 <1500g
<31 SA Préma M-CHAT 18-24
m 22%
Limperopoulos 2009 42 <32 SA Préma+ HC ADOS
DSM-IV 6-9 a 28%
Jonson 2010 219 <26 SA préma Questionnaire
parents 11 a 8%
Pinto-Martin 2011 1105 <2000g Préma+RCIU ADOS ADI-R 21 a 5%
(x10/contrôles)
Tableau1 : abréviations- ADOS, DSM-IV, ADI-R (outils diagnostics de TSA). M-CHAT (outil de dépistage
précoce des TSA par questionnaire parentale). SCQ (outil de dépistage précoce des troubles de la
socialisation). HC : hémorragies cérébelleuses ; ROP rétinopathies du prématuré.
Anomalies en neuroimagerie prématurité et TSA
Des études récentes ont attiré l’attention sur les associations pouvant exister entre des anomalies
découvertes à l’imagerie cérébrale réalisée à terme chez les enfants nés prématurés et les TSA. Les lésions
hémorragiques du cervelet ainsi qu’un volume réduit observés à l’IRM étaient fréquemment associés aux
TSA. Chez des sujets autistes des études anatomiques ont mis en évidences une fréquence élevée
d’anomalies au niveau du cervelet. Le cervelet joue un rôle important dans le développement socio affectif et
aussi dans la régulation des comportements
Les maladies psychiatriques du prématuré, autisme et schizophrénie, sont-elles les conséquences
d’une neuroinflammation périnatale ?
Comme l’autisme, la schizophrénie est une maladie psychiatrique dont les origines multifactorielles seraient
aussi influencées par certaines pathologies périnatales. L’origine neurodéveloppementale de la
schizophrénie repose sur plusieurs travaux épidémiologiques, expérimentaux mais aussi de neuroimagerie et
anatomiques. L’étiologie de la schizophrénie serait secondaire à une atteinte cérébrale survenant pendant
une période vulnérable du développement et précédant de plusieurs années son expression clinique.
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L’hypothèse d’une neuroinflammation périnatale semble assez séduisante. En effet, une association
significative entre une infection prénatale et une augmentation du risque de survenue d’une schizophrénie a
été démontrée par de nombreuses études épidémiologiques. Dans une étude en population, Brown et al ont
rapporté une association entre une infection par le virus de la grippe pendant la première moitié de la
grossesse attestée par une sérologie positive chez la mère et une incidence de schizophrénie trois fois
supérieure chez les cas issus de ces grossesses. Une infection materno-fœtale par le toxoplasme semble
aussi être un facteur de risque de survenue de schizophrénie chez les enfants infectés.
Des associations entre la survenue d’infections prénatales à d’autres agents pathogènes (rubéole, rougeole,
oreillons ou à des bactéries) et une fréquence anormalement de schizophrénie chez les adultes nés dans ces
contextes ont été aussi décrites. De façon similaire, des expositions pré ou périnatales à des agents
pathogènes incluant les virus de la rubéole, de la rougeole et le cytomégalovirus ont été incriminées dans la
survenue de TSA. Dans une étude récente réalisée au Danemark, et portant sur plus de 20.000 enfants, un
risque élevé de TSA a été démontré chez les cas dont les mères ont été hospitalisées pendant leur
grossesse suite à des problèmes infectieux. Ce risque était indépendant de l’hospitalisation per se.
Ces études montrent que des réponses immunitaires communes à des grandes variétés de pathogènes
semblent jouer un rôle important en favorisant la survenue de ces pathologies psychiatriques. Une des
hypothèses serait que les cytokines pro inflammatoires et autres médiateurs de l’immunité interférent avec le
développent cérébral normal du fœtus ou du nouveau-né. Des études épidémiologiques ont montré une
association significative entre des taux élevés de cytokines pro inflammatoires dans le sang maternel durant
la gestation et un risque élevé de survenue de troubles du spectre schizophrénique (SSD).
Des travaux expérimentaux ont montré que l’exposition des animaux pendant la période prénatale à des
agents po inflammatoires en l’absence d’infections virales ou bactriennes avérées était suffisante pour
induire chez leurs portées des dysfonctionnements neurobiologiques et comportementaux assez proches de
ce qui est observé chez l’humain en cas de TSA ou SSD. Ce concept est d’autant plus solide que des
traitements qui bloqueraient l’action des cytokines (anti IL-6) dans de modèles de souris gestantes
préviendraient l’apparition de ces troubles.
Les liens entre une infection prénatale et la survenue de TSA ou de SSD sont modélisés dans la figure 1.
Figure 1 : hypothèse étiopathogénique expliquant la relation entre la survenue d’une infection
périnatale la prématurité et les pathologies psychiatriques observés (modifié d’après U Meyer et al,
Pediatric Research 2011 ;69 ;26R-33R)
Après une infection périnatale la survenue d’un syndrome inflammatoire fœtal et d’une neuroinflammation est
actuellement démontrée en clinque humaine et dans des modèles expérimentaux. Cette neuroinflammation
peut devenir chronique et persister longtemps après la naissance avec comme conséquences des atteintes
de fonctions cérébrales responsables de la symptomatologie observée chez les enfants souffrant de TSA. Un
taux très élevé de TNF-&alpha; est observé dans le LCR des adultes autistes. La neuroinflammation peut
être stoppée mais rester latente et ne s’activer qu’au cours de certains évènements connus comme étant
des déclencheurs de SSD tels que le stress ou des réactivations immunitaires.
Conclusion
Les troubles cognitifs, affectifs, du comportement mais aussi psychiatriques sont des séquelles
neurodéveloppementales actuellement bien caractérisées chez les sujets nés très grands prématurés. Bien
que les études épidémiologiques soient maintenant unanimes pour pointer l’incidence élevée des TSA chez
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