Je commence par la première paire de scénarios, c’est à dire les situations dans lesquelles les physio
ont à traiter une zone sexualisée et craignent que leur geste soient mal interprété par leur patient·e.
Dans nos scénarios, il s’agit d’une jeune physio qui ne se sent pas à l’aise de devoir faire un massage
pour une tendinite des adducteurs de son patient et d’un jeune physio qui trouve délicat de devoir faire
un drainage lymphatique vers le sein de sa patiente.
L’analyse des entretiens montre que les craintes et le malaise exprimés sont généralement reconnus
comme légitimes. Les physio jugent que de telles situations exigent de prendre des précautions, par
exemple verbales, en expliquant bien la raisons du traitement. Ainsi, une physio explique à propos du
massage des adducteurs que « avec mes collègues on en rigole, parce que c’est vrai qu’en tant que
femme, c’est vraiment le truc que tu espères ne pas devoir faire. Parce que c’est vrai que tu es
rarement aussi proche des parties intimes d’un homme que pendant un massage pour une tendinite
des adducteurs ». Et un physio explique à propos du scénario du drainage lymphatique : « ça peut
paraître délicat, parce que l’on est un peu intrusif, quand même, sur une zone comme ça… Surtout
qu’un drainage on sait aussi que c’est des manœuvres très douces, très superficielles qui pourraient se
rapprocher d’une connotation comme une caresse presque ».
Par contre, quand on s’intéresse à ce que disent les physio des risques qu’ils et elles courent au cas où
le geste est réellement mal interprété par le ou la patiente, alors on trouve des considérations très
différenciées en fonction du sexe du ou de la physio qui vit la situation. Les risques encourus par les
physio femmes sont considérés comme quasiment nuls, sauf au cas où le patient s’avérerait être un
pervers. Une physio explique ainsi : « Si elle est seule dans un cabinet un samedi matin dans un
endroit où il n’y a personne, elle peut avoir le risque de tomber sur quelqu’un qui est un peu pervers »
(F). Dans tous les autres cas, même si on comprend sa gêne, et même si on ajoute parfois que certains
patients sont difficiles, la physio est tenue de gérer la situation professionnellement, auquel cas rien de
désagréable ne devrait lui arriver ; je cite : « peut-être que ça peut donner des idées à l’homme. Enfin
je ne sais pas : « Tiens, elle aborde cette région-là, elle est libérée, elle est sans scrupules ». Et peut-
être qu’il se libère de son côté aussi et que ça peut dégénérer, éventuellement, oui. Mais encore une
fois, si la situation est bien expliquée, si la personne sait pourquoi elle vient, dans quel but elle vient
se faire traiter dans cette région, et qu’elle en attend une diminution de ses douleurs à travers la prise
en charge, il ne devrait pas y avoir d’ambiguïté » (H). Et si un climat ambigu s’installe quand même, à
moins qu’on soit dans le cas de figure du patient pervers, c’est que la physio n’a pas été suffisamment
professionnelle, soit qu’elle n’aie pas bien anticipé le risque, soit qu’elle l’ait encouragé ; je cite :
« Peut-être que l’attitude lui semble claire, mais quand on se positionne autrement, ça pourrait déjà
être moins évocateur pour le patient. Mais ça c’est des fois simplement comment on se positionne
autour de la table, ou la hauteur de la table, ça peut déjà faire des petits changements, mais qui
peuvent avoir toute leur importance, d’autant si le patient est tout content d’avoir une