Soins infirmiers en salle d`urgence

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DROIT
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Vol. 19, no 1, décembre 2010
BULLETIN D’INFORMATION JURIDIQUE POUR LES INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS
MD
Soins infirmiers en salle d’urgence
Quels aspects des soins infirmiers dispensés en salle d’urgence
exigent une diligence spéciale?
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Société de
protection des
infirmières et
infirmiers du
Canada
Triage
Le triage est généralement effectué selon des lignes directrices telles que celles élaborées par le Groupe de travail national
sur l’échelle canadienne de triage et de gravité. Il est possible de mieux comprendre la façon dont une cour évalue la preuve
relative aux catégories de triage et aux interventions cliniques en examinant deux cas survenus en salle d’urgence. Dans le
premier cas1, une veuve alléguait que les soins infirmiers dispensés à son mari défunt étaient négligents. L’infirmière de
salle d’urgence avait évalué le patient et catégorisé le cas d’urgent. Vingt minutes plus tard, le patient a subi un arrêt
cardiaque. Dans le deuxième cas2, une fillette de 14 mois a eu une crise épileptique généralisée une heure et demie après
son arrivée à la salle d’urgence d’un hôpital pédiatrique. Les parents alléguaient la catégorisation de l’état de leur fille
comme urgent plutôt que très urgent a entraîné du retard, ce qui lui a causé des lésions cérébrales irréversibles. Dans les
deux cas, les demandeurs prétendaient qu’un niveau de triage supérieur aurait permis d’intervenir plus tôt et sauver leur
proche. Comme la preuve quant aux politiques de triage et aux évaluations du personnel infirmier, ainsi que la preuve
d’opinion des témoins experts3 au sujet de l’état du patient, du pronostic et du délai probables avant que les interventions
ne puissent avoir un effet thérapeutique n’ont révélé aucun bris des normes de soins infirmiers, les actions en justice ont
été rejetées.
Engorgement
Protection
responsabilité
professionnelle
pour les
L’importance accordée récemment à la réduction des temps d’attentes dans les soins de santé pourrait faire en sorte que les
décisions soient plus souvent soumises à l’analyse des autorités hospitalières et judiciaires. Les problèmes systémiques qui
entraînent l’engorgement des salles d’urgence sont complexes et, en grande partie, hors du contrôle d’une infirmière de
salle d’urgence4. La preuve de l’existence de problèmes systématiques est admissible dans les instances judiciaires. Les
enquêtes médico-légales (« Fatality Inquiries ») et les enquêtes de Coroner visent en fait tout spécifiquement les problèmes
systémiques. Une telle enquête a porté sur le cas d’un jeune homme souffrant de douleurs abdominales qui s’est rendu à
trois salles d’urgence différentes durant la même journée. Il a quitté les deux premières salles d’urgence en raison de
longues périodes d’attente. Au troisième hôpital, il est décédé de complications d’asthme après une appendicectomie. Le
rapport préparé à l’issue de l’enquête renfermait maintes recommandations au gouvernement, aux établissements de soins
de santé et aux prestataires de soins de santé, notamment la recommandation que l’autorité régionale de santé suive son
propre plan sanitaire « en finançant des lits d’hôpital additionnels pour atteindre l’indice lit/population et le taux
d’occupation appropriés et pour maintenir cet indice à mesure que la population continue de croître et de vieillir5. »
Toutefois, puisqu’il est peu probable que l’existence de problèmes systématiques exonère complètement un professionnel
qui a fait preuve de conduite négligente, l’infirmière qui travaille dans une salle d’urgence surpeuplée devrait veiller à
continuer de prodiguer des soins infirmiers raisonnables et prudents selon les circonstances.
infirmières et
Clarté des rôles
infirmiers
À travers le Canada, une plus grande variété de professionnels de la santé, tels des infirmières praticiennes et des auxiliaires
médicaux, peut faire partie de l’équipe de soins en salle d’urgence. Cela ajoute à la complexité préexistante de la
composition des équipes soignantes, surtout dans les hôpitaux universitaires. Le cas d’un médecin résident fait ressortir la
nécessité de bien comprendre les politiques institutionnelles régissant les rôles et le niveau d’autorité des intervenants.
Dans ce cas, les politiques hospitalières prévoyaient que seul le médecin de la salle d’urgence pouvait autoriser le congé
d’un patient de la salle d’urgence, et seul un médecin membre du personnel pouvait admettre un patient à l’hôpital. Cette
politique n’a pas été respectée dans le cas d’un patient de 35 ans avec manifestation soudaine de douleurs de poitrine.
L’urgentiste qui l’a examiné a prescrit des tests et une consultation en médecine interne. Le résident de service en
médecine interne a évalué le patient sans lire les notes de l’urgentiste et s’est mépris quand au moment de l’apparition des
douleurs. C’est un médecin membre du personnel qui n’était pas de service qui a, suite à l’appel du résident, autorisé le
départ du patient. Le médecin résident a donc donné congé au patient sans en parler à l’urgentiste. Le patient est décédé le
jour suivant d’un anévrisme disséquant de l’aorte thoracique. La cour a conclu qu’il y a eu négligence, tout en précisant :
« lorsqu'un hôpital adopte une nouvelle politique qui vise à améliorer les soins dispensés aux malades, il a l'obligation de
veiller à ce que tous et chacun comprennent cette norme plus élevée et travaillent à assurer son respect6. » Cela ne rélève
pas les infirmières de leur obligation personnelle de se conformer aux politiques. Toutefois, il peut être rassurant de savoir
que leur obligation ne s’étend pas à faire respecter les politiques par les autres membres de l’équipe de soins. Bien que les
infirmières soient bien placées pour tenter de faire respecter ces politiques, c’est l’hôpital qui est ultimement responsable de
les faire observer.
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Documentation
D’ordinaire, c’est au moyen du dossier médical que les salles d’urgence communiquent à l’équipe soignante, de manière
succincte et opportune, les renseignements pertinents concernant les patients. Le manque de documentation adéquate peut
nuire aux soins dispensés aux patients et à la crédibilité de l’intervenant. Considérons le cas d’une infirmière responsable
des évaluations psychiatriques initiales d’une salle d’urgence qui a reçu une demande de consultation urgente au sujet d’un
patient victime d’un accident vasculaire cérébral massif qui voulait enlever sa tubulure intraveineuse et son alimentation
par sonde. L’infirmière n’a pas communiqué formellement sa conclusion à l’effet qu’un psychiatre devait évaluer la
capacité du patient. Elle n’a rien consigné dans les notes d’évolution et n’a rien mentionné au médecin traitant ou au
psychiatre de service. Elle a communiqué de façon plus informelle, soit par un formulaire psychiatrique du service des
urgences, un message dans le dossier multidisciplinaire et un courriel envoyé à l’équipe soignante. Cela a entraîné des
retards, au détriment du patient. L’organisme de réglementation professionnelle de l’infirmière l’a réprimandé pour
communication insuffisante, compte tenu du besoin pressant de consultation psychiatrique7.
professionnelle
Dans un autre cas, un patient ayant des antécédents de néphropathie a intenté un procès alléguant qu’on ne lui à pas
donné de renseignements adéquats lors de son congé de la salle d’urgence8. Le médecin de la salle d’urgence avait
diagnostiqué une pyélonéphrite et lui avait prescrit des antibiotiques. Malheureusement, le dossier médical ne renfermait
aucun plan de traitement ou d’instructions transmises au patient lors du congé. Le tribunal a conclu que les instructions
verbales du médecin n’étaient pas adéquates, et qu’elles ont en partie contribuée à la nécessité d’une longue intervention
chirurgicale et à des complications rénales. On peut se demander si en remplissant la section « suivi » du formulaire
préimprimé de la salle d’urgence, le médecin aurait pu persuader la cour que des instructions satisfaisantes avaient été
données au congé.
pour les
Pour plus d’information, appeler la SPIIC au 1-800-267-3390 et consulter notre site web au www.spiic.ca.
Protection
responsabilité
infirmières et
infirmiers
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1.
Puolitaipale Estate v Grace General Hospital, 2002 MBQB 150, [2002] MJ nº 220 (QL).
2.
Latin v Hospital for Sick Children, 2007 CanLII 34 (Ont Sup Ct), [2007] OJ nº 13 (QL).
3.
infoDROIT ™, Témoin expert (Vol. 15, nº 1, mars 2006).
4.
Association des infirmières et infirmiers du Canada, Énoncé de position sur les protocoles en cas d’engorgement et en
matière de capacité dans le système de santé du Canada, Ottawa : auteur, février 2009, en ligne : www.cna-aiic.ca.
5.
In the Matter of a Public Inquiry into the Death of Vincenzo Dominic Motta pursuant to the Fatality Inquiries Act,
Calgary, Alberta, le 14 avril 2003, Recommandation nº 3.
6.
Comeau v Hôpital Régional de Saint-Jean (1999), 221 NBR (2e) 201(BR) au para 53, conf par 2001 NBCA 113,
244 NBR (2e) 201 (CA).
7.
Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, Décisions du comité de discipline : Tiers non nommé, « Failure to
Exercise Clinical Judgment and to Follow-up Appropriately », The Standard, vol. 29, nº 2, juin 2004, p. 48.
8.
Georghiades v MacLeod, 2005 CanLII 14149 (Ont Sup Ct), [2005] OJ nº 1701 (QL).
N.B. : Dans ce bulletin, le genre féminin englobe le masculin, et inversement, quand le contexte s’y prête.
Tél 613 237-2092 LE PRÉSENT BULLETIN SERT STRICTEMENT À DES FINS D’INFORMATION. LA PRÉSENTE PUBLICATION NE PEUT ÊTRE
ou 1 800 267-3390 CONSIDÉRÉE COMME L’AVIS JURIDIQUE D’UN AVOCAT, D’UN COLLABORATEUR À LA RÉDACTION DU PRÉSENT BULLETIN OU
Téléc. 613 237-6300 DE LA SPIICMD. LES LECTEURS DEVRAIENT CONSULTER UN CONSEILLER JURIDIQUE POUR OBTENIR DES AVIS SPÉCIFIQUES.
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