Vieillissement normal et inhibition cognitive

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Chapitre 6
Vieillissement normal et inhibition cognitive
6.1. Introduction
Le vieillissement normal chez l’adulte a des effets notables sur la performance
dans beaucoup de domaines de la cognition humaine. Ces effets sont ressentis par
les personnes âgées qui se plaignent fréquemment de difficultés de concentration ou
de problèmes de mémoire. Ils sont également objectivables à l’aide par exemple de
tâches d’attention, de mémoire, de raisonnement ou de résolution de problèmes. Les
différences liées à l’âge se révèlent ainsi moins sensibles dans le domaine de la
mémoire à long terme que dans celui de la mémoire épisodique, se manifestent
moins dans l’utilisation du langage que dans le domaine spatial ou dans la mise en
œuvre de stratégies cognitives complexes, sont moins importantes et plus tardives
chez les sujets âgés de haut niveau d’études en comparaison à ceux d’un plus bas
niveau d’études, etc. Cette sensibilité différentielle de la cognition humaine aux
effets de l’âge qui trouve sans doute son rationnel dans le lien entre vieillissement
cérébral et vieillissement cognitif peut être diversement interprétée selon le niveau
d’observation et d’explication fonctionnelle privilégié.
Plusieurs interprétations font l’hypothèse de changements au niveau de
mécanismes de base qui sous-tendraient la cognition humaine dans son ensemble :
réduction des ressources de traitement et besoin accru en soutien environnemental
pour Craik et Byrd (1982), déclin du contrôle inhibiteur pour Hasher et Zacks
(1988), ralentissement de la vitesse de traitement de l’information pour Salthouse
(1985, 1996). Certaines autres hypothèses sont plus différenciées et plus locales.
Elles peuvent porter sur l’efficacité décroissante de mécanismes, processus ou
Chapitre rédigé par Jacques JUHEL.
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Inhibition neurale et cognitive
systèmes spécifiques comme l’interférence, la focalisation de l’attention, les
stratégies d’acquisition et de récupération de l’information, la mémoire de travail ou
la mémoire épisodique (Brouillet et Syssau, 2000 ; Van der Linden et Hupet, 1994).
C’est à l’hypothèse selon laquelle le vieillissement normal s’accompagne d’une
altération des mécanismes inhibiteurs que nous nous intéresserons dans ce travail.
Cette idée n’est pas nouvelle. Birren dans un ouvrage publié dès 1959 présente
les résultats de plusieurs recherches physiologiques et psychologiques qui selon lui
témoignent de l’existence d’un déficit inhibiteur associé à l’âge. Quelques années
plus tard, Rabbitt (1965) montre à l’aide d’une tâche inspirée d’un paradigme de
temps de réaction développé par Donders un siècle plus tôt l’existence d’une
réduction liée à l’âge de la capacité à identifier certains symboles quand d’autres,
non pertinents au cours de la tâche, doivent être ignorés. Ce thème de recherche a
été ensuite quelque peu délaissé jusqu’à la publication par Hasher et Zacks (1988)
d’un texte dans lequel ils proposent d’expliquer les difficultés cognitives rencontrées
par la personne âgée par l’hypothèse d’une baisse d’efficacité de l’inhibition,
processus opérant dès l’encodage ainsi qu’au moment de la récupération de
l’information. Cette proposition a eu un retentissement très important en
psychologie cognitive du vieillissement et a donné lieu à de nombreuses recherches
empiriques dont plusieurs synthèses sont récemment parues (par exemple, Le
Bouedec, Martins, Iralde, Gauthier et Delaporte, 2002, pour une revue récente en
français). Nous ne pourrons ici en dégager que quelques enseignements – le sujet est
vaste et les observations nombreuses – discutés essentiellement en référence à
l’hypothèse d’un déclin associé à l’âge de la capacité à inhiber les stimulus et les
réponses non pertinents. Nous rappellerons d’abord brièvement le rôle de
l’inhibition dans la régulation attentionnelle, ses liens avec la mémoire de travail et
les caractéristiques principales des procédures utilisées dans l’étude des effets du
vieillissement normal sur les processus inhibiteurs.
6.1.1. L’inhibition dans l’attention et la mémoire de travail
L’attention est actuellement conçue en psychologie cognitive comme un
ensemble différencié de processus attentionnels au statut théorique complexe
(Camus, 1996). Les psychologues spécialistes de l’attention considèrent aujourd’hui
que lors de la sélection de l’information, l’attention facilite le traitement de
l’information cible grâce à l’intervention successive de plusieurs processus distincts.
L’orientation de l’attention est d’abord déclenchée automatiquement par un stimulus
extérieur. Cette première forme d’orientation exogène est rapide et de brève durée.
Une seconde forme volontaire et intentionnelle d’orientation lui succède. Celle-ci
dite endogène correspond à l’investissement d’une attention délibérément contrôlée,
durablement maintenue et permettant la résistance à la distraction. Tout au long de
cette étape, les manifestations de l’attention sélective s’exercent, en les amplifiant,
Vieillissement normal et inhibition cognitive
127
sur les représentations motrices, perceptives ou conceptuelles appropriées à la tâche
en cours. Lorsque les représentations pertinentes ne peuvent être isolées des
représentations rivales pré-activées par le contexte externe ou interne, ces dernières
doivent être désélectionnées. Ce mécanisme de désélection semble correspondre à
une forme ou à une autre d’atténuation de l’activation, de suppression des
représentations pré-activées et potentiellement interférentes, d’effacement du champ
de la conscience des actions non appropriées, en bref d’inhibition de toute
information inutile au traitement ou à l’action futur et susceptible de détourner
l’attention de la tâche. Toutes deux engagées dans le contrôle attentionnel de
l’activité, une forme non consciente, automatique d’orientation attentionnelle serait
ainsi à différencier d’une forme contrôlée correspondant à la mise en œuvre, à un
niveau central de traitement, de processus d’amplification des représentations
pertinentes et d’inhibition des représentations parasites.
Cette composante contrôlée de l’attention qui, selon Camus, n’épuise pas tous les
aspects du traitement conscient « se manifeste par des effets plus durables, lorsqu’il
faut maintenir de manière suivie et cohérente un schéma cognitif et
comportemental ». La fonction attention implique donc […] « à la fois une
résistance à la distraction en même temps qu’une flexibilité de son fonctionnement »
(ibid., p. 106), ce qui la rend indissociable de la fonction mémoire de travail de
Baddeley (1986). Responsable de la sélection et de l’exécution des traitements, le
concept d’administrateur central de la mémoire de travail met en effet
spécifiquement l’accent sur des caractéristiques de contrôle attentionnel. On trouve
ainsi parmi les fonctions qui lui sont attribuées la protection contre l’interférence, la
capacité à inhiber des automatismes ou le partage de l’attention entre activités
concurrentes. L’inhibition, comme l’ont proposé Hasher et Zacks (1988), jouerait
ainsi un rôle essentiel dans le fonctionnement de la mémoire de travail en empêchant
l’accès de l’information parasite – exogène ou endogène – et en éliminant
l’information devenue non pertinente lors de la mise à jour des représentations des
buts du traitement en cours.
Réfléchissant une combinaison d’influences automatiques et de processus
contrôlés consciemment, l’hypothèse de l’inhibition comme ensemble de
mécanismes impliqués dans l’interférence cognitive, dans la résolution de la
compétition entre représentations simultanément activées, dans le contrôle des
contenus de la conscience et, plus largement, dans le contrôle de la pensée et de
l’action a été appliquée à différents niveaux de l’architecture cognitive, à différents
contextes expérimentaux et à différentes populations d’étude (pour revue
Arbuthnott, 1995 ; Dagenbach et Carr, 1994 ; Dempster et Brainerd, 1995 ;
Dempster et Corkill, 1999). C’est donc fort logiquement qu’un nombre croissant de
chercheurs s’est intéressé aux effets du vieillissement sur l’efficacité des
mécanismes inhibiteurs impliqués dans la régulation attentionnelle et le contrôle
cognitif.
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Inhibition neurale et cognitive
6.1.2. Paradigmes employés et difficultés rencontrées dans l’étude de l’inhibition
chez la personne âgée
S’il semble possible d’affirmer aujourd’hui que les personnes âgées, en
comparaison aux plus jeunes, sont plus vulnérables à la distraction et à l’interférence
ou sont proportionnellement plus gênées lorsque le coût attentionnel des tâches
augmente, l’évaluation empirique de l’hypothèse d’un effet du vieillissement sur
l’efficacité des mécanismes inhibiteurs se heurte d’abord à la diversité des tâches
employées pour en observer les manifestations, le plus souvent une vitesse et/ou une
précision réduites de la performance.
McDowd, Oseas-Kreger et Filion (1995) qui recommandent de s’appuyer sur une
analyse soigneuse des tâches afin de pouvoir énoncer de véritables hypothèses sur le
rôle des processus inhibiteurs dans la performance et leur éventuelle sensibilité à
l’âge, proposent de distinguer les tâches en fonction du domaine concerné
(perception, apprentissage, activation sémantique). Les tâches d’inhibition peuvent
aussi être catégorisées – les mécanismes mis en jeu peuvent être différenciés – selon
que les représentations cognitives à inhiber sont perceptives, conceptuelles ou
motrices (Camus, 1996). Arbuthnott (1995) suggère pour sa part une différenciation
fonctionnelle basée sur le caractère non conscient ou au contraire intentionnel de
l’inhibition, l’intention renvoyant à des états mentaux pilotés par des buts en relation
à une tâche particulière. Kok dans une recension récente (Kok, 1999), adopte une
classification assez superposable à la précédente en séparant les paradigmes dits
passifs, qui impliquent des processus inhibiteurs involontaires, de ceux dits actifs,
d’un plus haut niveau de prescription de l’action et qui nécessitent une suppression
active et intentionnelle de l’information ou de l’action non pertinente pour la tâche
en cours.
A la catégorie des paradigmes passifs appartiendraient des tâches indexant des
processus sensoriels précoces ou des formes élémentaires d’apprentissage : par
exemple des tâches d’orientation (mécanisme d’amplification des stimuli nouveaux
ou non familiers), d’habituation ou d’inhibition latente (les sujets pré-exposés à un
stimulus sans conséquence « apprennent » à l’ignorer ce qui conduit ultérieurement
à des réactions plus lentes pour ces stimulus en comparaison à ceux qui n’ont pas été
pré-exposés). Les paradigmes expérimentaux de la seconde catégorie mesureraient
une forme plus centrale d’inhibition, celle-ci étant comprise comme un mécanisme
actif de suppression des représentations distractrices, centré sur l’objet, dépendant
du contexte, des stratégies utilisées et des buts fixés (Boujon, 2002). C’est par
exemple le cas de tâches comme celles d’antisaccade (mécanisme de suppression
d’un réflexe oculaire, d’orientation du regard dans la direction opposée à celle d’un
avertisseur périphérique), d’inhibition de retour (mécanisme de réduction de la
tendance à réorienter le regard dans une direction antérieurement explorée), d’arrêt
au signal ou de go/nogo (stopper une réaction ou en changer en réponse à un signal
Vieillissement normal et inhibition cognitive
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sonore ou visuel), de switching attentionnel (passer alternativement d’une consigne à
une autre au cours d’une même tâche), d’attention sélective (focaliser l’attention sur
une information-cible, inhiber l’information compétitive présente dans le contexte
de la tâche mais exclue par la consigne), d’oubli dirigé (récupérer à court ou long
terme de l’information « à retenir », inhiber celle « à oublier ») ou de production de
chiffres ou de lettres au hasard (inhiber des représentations sur-apprises).
En l’absence d’une cohérence totalement satisfaisante dans la définition du terme
d’inhibition et de connaissances clairement établies sur la nature des opérations
cognitives sollicitées par ces tâches aussi bien que sur la relation entre les processus
d’inhibition chargés de réduire ou prévenir l’interférence et les observations
effectuées, une telle diversité de paradigmes amène bien sûr à s’interroger sur l’unité
fonctionnelle des processus inhibiteurs ainsi mesurés chez la personne âgée.
Signalons d’abord que certains effets cognitifs mis en évidence avec des
paradigmes d’inhibition semblent pouvoir être expliqués autrement qu’à l’aide de
l’hypothèse de l’inhibition. Des mécanismes non inhibiteurs comme l’occlusion
(blocage d’une représentation d’accessibilité moins élevée), la diffusion de
ressources (l’activation comme ressource finie distribuée entre les différents liens) et
l’affaiblissement des associations (diminution d’une association en raison du
développement concurrent d’une autre) permettent d’expliquer également ces effets
(Band et van Boxtel, 1999 ; mais voir Anderson et Spellman, 1995 ; Bjorklund et
Harnishfeger, 1995). Des manifestations d’inhibition au Stroop couleur (dénommer
la couleur avec laquelle un mot représentant une autre couleur est écrit) ont
d’ailleurs pu être simulées à l’aide de modèles en systèmes de production faisant
l’hypothèse d’un affaiblissement des associations entre représentations contenues en
mémoire de travail (Kimberg et Farah, 1993) ou de modèles connexionnistes
postulant l’existence d’un déficit d’activation des représentations du contexte de la
tâche (Cohen, Braver et O’Reilly, 1996). On peut par ailleurs douter, comme nous le
verrons plus loin, que les manifestations d’inhibition inférées à partir de tâches
apparemment très différentes (par exemple, suspension de l’action en réponse à un
signal ou lecture avec distracteurs) puissent représenter un phénomène unitaire. Si
tel était le cas en effet, les corrélations entre tâches d’inhibition devraient être
relativement élevées, ce qui ne semble pas avoir été observé jusqu’ici chez la
personne âgée avec des tâches d’inhibition différentes (par exemple, amorçage
négatif, suspension de l’action en réponse à un signal ; Kramer, Humphreys, Larish,
Logan et Strayer, 1994) ni même avec des tâches d’inhibition fonctionnellement
analogues (par exemple, variantes de type Stroop ; Shilling, Chetwynd et Rabbitt,
2002). Il est vraisemblable que selon les procédures employées, des processus de
niveau différent puissent être sollicités et que des aspects différents de l’inhibition
soient mesurés (Juhel, Salice et Auffray, 2000). Si la tâche nécessite par exemple
l’analyse de traits perceptifs comme la couleur ou l’identification de stimuli
verbaux, l’inhibition pourra se situer à un niveau précoce ou plus tardif de sélection
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Inhibition neurale et cognitive
de l’information. Mais si les contraintes de la tâche impliquent l’élaboration
sélective, à partir d’informations différentes, d’une représentation indispensable au
guidage de la pensée et l’action, l’inhibition opèrera à un niveau plus central et plus
intégré du fonctionnement cognitif. Caractérisés par une très grande flexibilité liée à
leurs possibilités d’accès à une grande variété de représentations internes, les
processus inhibiteurs attentionnels pourraient donc être différentiellement sollicités
– et leur efficacité différemment éprouvée – selon les demandes de la tâche.
L’interprétation des résultats obtenus dans l’étude de l’inhibition chez la
personne âgée se heurte également au problème de l’échantillonnage des sujets et à
l’importante variabilité individuelle de la performance (Faure et Blanc-Garin, 1995 ;
Juhel, 2003). Il est clairement établi aujourd’hui que l’amplitude des différences
liées à l’âge dans la performance cognitive dépend fortement du niveau d’études, de
l’état de santé ou des conditions de vie des participants. Le recours assez
systématique à des comparaisons transversales, en présentant l’inconvénient de
confondre l’influence de l’âge avec celle d’autres variables individuelles et sociales
– alors même que l’affectation des participants, souvent en nombre réduit, n’est pas
toujours aussi aléatoire qu’elle devrait l’être – peut donc conduire à une estimation
biaisée de la performance des participants les plus âgés en comparaison à celle des
plus jeunes et à des résultats incohérents ou contradictoires. On peut d’ailleurs
regretter le faible nombre de travaux ayant étudié les effets longitudinaux du
vieillissement sur l’efficacité de l’inhibition. Ajoutons que dans ce domaine de
recherche comme dans d’autres, certaines formes de variabilité intra-individuelle de
la performance dont il paraît raisonnable de penser qu’elles témoignent de manière
informative de la dynamique des échanges entre l’individu et la situation (par
exemple, l’interaction entre certaines caractéristiques individuelles comme le degré
de vigilance et la composition ou l’ordonnancement temporel des séries d’items)
mériteraient d’être plus prises en compte (Juhel, sous presse).
6.2. L’influence du vieillissement normal sur l’efficacité des processus inhibiteurs
Ainsi que nous l’avons mentionné plus haut, la multiplication relativement
récente des recherches consacrées aux effets du vieillissement sur l’inhibition doit
beaucoup à l’hypothèse faite par Hasher et Zacks (1988) d’un effet indirect de l’âge
sur la cognition par l’intermédiaire des mécanismes inhibiteurs.
Cette hypothèse du déficit inhibiteur de la personne âgée a été explorée au
moyen de paradigmes que nous avons classiquement regroupés dans la présente
section en fonction de deux critères : le caractère involontaire ou intentionnel de ces
processus d’une part, ce sur quoi paraît opérer l’inhibition d’autre part.
Vieillissement normal et inhibition cognitive
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Nous tenterons donc successivement de faire le point sur les travaux ayant
cherché à évaluer l’impact du vieillissement sur l’inhibition mesurée en situation
d’attention involontaire, sur la suppression de réflexes visuels, sur l’inhibition
intentionnelle de l’action et sur l’inhibition de l’information contextuellement
présente mais non pertinente, principalement dans les domaines de l’attention
sélective et de la mémoire de travail.
6.2.1. Différences liées à l’âge dans l’inhibition en situation d’attention involontaire
Nous n’aborderons pas ici la question des différences liées à l’âge dans
l’intensité de l’orientation de l’attention déclenchée par un avertisseur ou un
stimulus inattendu. En effet et bien que le rôle de la réponse d’orientation soit très
important dans la détermination des priorités de traitement, le mécanisme
principalement impliqué semble être plutôt celui d’une facilitation du traitement de
l’information par rehaussement de la sensibilité perceptive du stimulus. Signalons
néanmoins que plusieurs études psychophysiologiques présentent des résultats qui
vont dans le sens d’une réduction avec l’âge de l’intensité de cette réponse réflexe
(mesures de conductivité, recueil de potentiels évoqués auditifs et visuels) et
interprètent ceux-ci en termes de déficit inhibiteur (Allen, Weber et Madden, 1994 ;
Kok, 1999 ; McDowd et al., 1995).
Plusieurs études dans ce domaine relèvent aussi une habituation plus lente de la
réponse d’orientation chez le sujet âgé par rapport au plus jeune (Friedman,
Kazmerski, et Cycowicz, 1998 ; McDowd et al., 1995] c’est-à-dire une difficulté
spécifique des plus âgés à apprendre à détourner l’attention portée à
l’environnement dès lors que celui-ci présente des caractéristiques stables. McDowd
et Fillion (1992) réalisent une étude sur ce phénomène chez 16 juniors (18,8 ans en
moyenne) et 12 seniors (73,7 ans en moyenne) avec des stimuli auditifs. L’analyse
de la réponse d’orientation autonome (skin conduction) prise comme indicateur de
l’orientation attentionnelle met en évidence une habituation beaucoup moins rapide
des participants âgés (pas encore réalisée au 20e essai) en comparaison aux plus
jeunes (effective au 8e essai). On pourrait être tenté de rapprocher ce type de résultat
du phénomène d’inhibition latente ou ralentissement de l’apprentissage des réponses
à des stimuli que le sujet vient d’apprendre à ignorer car identifiés comme non
pertinents par rapport à une tâche précédemment réalisée. La prédiction associée à
l’hypothèse d’un déficit inhibiteur lié à l’âge serait alors celle d’un apprentissage
plus rapide des stimuli pré-exposés chez les participants âgés en comparaison aux
sujets plus jeunes. Aucun résultat cependant ne semble avoir été publié concernant
les effets du vieillissement humain sur l’ampleur de l’inhibition latente lors d’une
tâche d’apprentissage simple (mais voir plus loin à propos de l’amorçage négatif).
132
Inhibition neurale et cognitive
6.2.2. Différences liées à l’âge dans la suppression de réflexes visuels
6.2.2.1. Inhibition de retour de l’attention visuelle
Le phénomène d’inhibition de retour recouvre le fait que l’œil se déplace moins
rapidement vers une cible avertie, c’est-à-dire qui apparaît à un endroit vers lequel
l’attention a été récemment orientée, qu’à des endroits non encore inspectés. La
fonction adaptative de ce mécanisme d’inhibition oculomotrice impliqué dans la
recherche visuelle pourrait être de faciliter la détection d’une cible non avertie en
luttant contre la tendance à réorienter le regard là où il s’est déjà posé. Le principe
du protocole expérimental employé pour mesurer l’effet d’inhibition de retour (IR)
consiste à orienter latéralement l’attention à l’aide d’un avertisseur puis à présenter
une cible à l’endroit averti (essai valide) ou à un endroit non averti (essai non
valide). Les manipulations expérimentales peuvent porter sur le caractère central ou
périphérique de la cible, l’intervalle de temps entre la présentation de l’avertisseur et
la cible (Stimulus Onset Asynchrony ou SOA) ou la répartition entre essais valides et
essais non valides. Les observations effectuées concernent la précision des réponses
et le temps de détection ou d’identification de la cible (TR). Plusieurs mesures
renvoyant à différentes composantes d’engagement, de déplacement et de
désengagement de l’attention peuvent en être dérivées (Camus et Gély-Nargeot,
2000). Lorsque certaines conditions expérimentales sont respectées, l’effet d’IR peut
être mesuré par la différence TRvalide – TRnon valide.
L’inhibition de retour de l’attention visuelle, au moins pour ce qui est de la
détection de cible, ne semble pas être sensible aux effets du vieillissement normal
(Faust et Balota, 1997 ; Hartley et Kieley, 1995). Ces derniers auteurs par exemple
utilisent des essais à avertissement unique (point de fixation central, avertisseur
latéral, cible) pour mesurer l’effet attentionnel (TRnon valide – TRvalide) et des essais
à double avertissement (point de fixation central, avertisseur latéral, avertisseur
central, cible) pour mesurer l’effet d’inhibition de retour chez 20 participants jeunes
(de 18 à 23 ans) et 20 plus âgés (de 62 à 88 ans). Les résultats recueillis au cours de
plusieurs expériences de détection et d’identification de cible montrent que
l’amplitude de l’effet d’inhibition de retour est identique (de l’ordre de 40 ms) voire
relativement plus importante chez les seniors, en moyenne plus lents à répondre que
les juniors (par exemple 670 ms versus 538 ms dans l’expérience 2).
La généralité de ce résultat paraît néanmoins devoir être nuancée. L’effet
d’inhibition de retour de l’identité de la cible, au contraire de celui de la localisation
spatiale, n’a d’abord pas toujours été observé chez la personne âgée (Connelly et
Hasher, 1993). D’autres résultats plus récents plaident également en faveur de
l’existence de déficits spécifiques associés à l’âge de l’inhibition de retour. McCrae
et Abrams (2001) ont ainsi mis en évidence chez la personne âgée une inhibition de
retour préservée lorsque les cibles sont statiques (IR de l’endroit cible) mais
Vieillissement normal et inhibition cognitive
133
déficitaire lorsqu’elles apparaissent dans des formes déplacées après avertissement
(IR de l’objet cible), ce constat restant toujours valable malgré l’allongement jusqu’à
plusieurs secondes du SOA. Langley, Fuentes, Hochhalter, Brandt et Overmier
(2001) montrent à l’aide d’une tâche à double indiçage (détection et catégorisation)
la présence d’un effet d’inhibition de retour chez les participants jeunes et âgés dans
les deux tâches lorsque le SOA est court (950 ms) mais n’observent pas chez les
sujets âgés pour la tâche de détection la réduction de cet effet constatée chez les plus
jeunes lorsque le SOA est rallongé (3 500 ms).
L’hypothèse d’une baisse liée à l’âge de l’inhibition de retour n’a donc pas de
caractère général ; les effets observés semblent être fonction des caractéristiques du
protocole employé (par exemple, l’intervalle de temps avertisseur-cible) et de ce sur
quoi l’inhibition paraît s’exercer. Dans certaines situations, les seniors semblent être
autant capables que les juniors d’inhiber l’orientation exogène de l’attention visuelle
alors que cela ne semble pas être le cas dans d’autres.
6.2.2.2. Inhibition de saccade oculaire
Les différences liées à l’âge dans l’inhibition de réponses réflexes visuelles ont
été également étudiées au moyen de protocoles d’antisaccade oculaire. On considère
généralement que deux processus sont essentiellement impliqués dans ces tâches qui
imposent d’orienter l’œil dans la direction opposée à celle où apparaît un avertisseur
périphérique : l’inhibition liée au contrôle endogène de la prosaccade réflexe d’une
part, l’initiation de la saccade oculaire dans la direction opposée d’autre part. Le
résultat classiquement observé est celui d’un ralentissement du mouvement
antisaccadique de l’œil, le TR d’antisaccade augmentant plus rapidement avec l’âge
que celui de prosaccade (par exemple, Olincy, Youngd et Freedman, 1997, sur un
échantillon de 42 adultes âgés de 19 à 79 ans). L’interprétation de faits de ce genre
est controversée.
Plusieurs auteurs estiment que ce ralentissement est sans relation avec un déficit
d’inhibition de la réponse réflexe. C’est par exemple le point de vue de Pratt,
Abrams et Chasteen (1997) qui s’appuient sur l’équivalence entre juniors et seniors
de la réduction relative des latences provoquée par la disparition du point de fixation
immédiatement avant l’apparition de la cible (le gap effect). Cette opinion est
partagée par Kramer, Hahn, Irwin et Theeuwes (1999) qui montrent avec une tâche
de capture attentionnelle (orienter le regard vers une cible afin d’identifier une lettre
située juste en-dessous) que les sujets âgés ne sont pas moins efficaces que les sujets
plus jeunes dans l’inhibition des mouvements de l’œil vers des distracteurs visuels
présentés une fois sur deux. D’autres auteurs voient au contraire dans
l’augmentation liée à l’âge du TR d’antisaccade, dans celle du nombre d’erreurs de
prosaccade (Olincy et al., 1997) et surtout dans celle du nombre d’erreurs
d’antisaccade (Butler, Zacks et Henderson, 1999) une série d’arguments en faveur
d’un déficit lié à l’âge de l’inhibition volontaire d’une réponse d’orientation
134
Inhibition neurale et cognitive
exogène. Des résultats en accord avec cette interprétation ont été récemment publiés
par Nieuwenhuis, Ridderinkhof, de Jong, Kok et Van der Molen (2000).
L’hypothèse d’une moindre efficience inhibitrice des participants les plus âgés c’està-dire celle d’une sensibilité plus marquée de ces sujets aux qualités exogènes des
stimulus permet de prédire une augmentation des difficultés à supprimer les
saccades vers l’avertisseur quand la cible est absente (intervalle de temps long entre
l’avertisseur et la cible). Les auteurs s’attendent par contre à observer une détection
plus rapide de la cible lorsque l’intervalle de temps entre l’avertisseur et la cible est
court. C’est effectivement ce qu’ils constatent dans une première expérience sur 18
juniors (de 18 à 25 ans) et 18 seniors (de 59 à 80 ans) en faisant varier l’intervalle de
temps avertisseur-cible de 100 à 1 500 ms, l’effet étant surtout notable au-delà de
500 ms. Dans une seconde expérience, plusieurs distracteurs sont associés à la cible
afin d’obliger le sujet à traiter l’information liée à l’avertisseur pour pouvoir
effectuer un mouvement oculaire approprié à la détection de la cible. Cette
manipulation expérimentale provoque chez les personnes âgées une accélération des
mouvements oculaires volontaires et des déplacements attentionnels, ce qui
témoigne de leurs difficultés dans la première expérience à maintenir un niveau
élevé d’activation de l’intention. Les seniors manifestent à nouveau en comparaison
aux juniors une plus grande sensibilité à l’avertisseur, signe d’un déficit lié à l’âge
de la suppression active du mouvement réflexe de l’œil. Nieuwenhuis et ses
collègues s’appuient sur la distinction entre deux formes d’inhibition pour rendre
compte de ces faits. Une première forme d’inhibition réflexe, médiatisée par des
réseaux attentionnels postérieurs mettant en jeu le colliculus supérieur, serait
résistante au vieillissement normal. L’âge aurait par contre un impact sur l’efficacité
d’une seconde forme d’inhibition qui solliciterait le cortex oculomoteur et le cortex
préfrontal et serait impliquée dans l’initiation de mouvements oculaires volontaires
et la suppression active des mouvements oculomoteurs et des changements
attentionnels déclenchés automatiquement par un événement exogène.
6.2.3. Différences liées à l’âge dans la suspension de l’action
Deux protocoles ont été principalement employés dans l’étude des différences
liées à l’âge de l’inhibition d’une réponse motrice. Le premier, connu sous le nom de
paradigme go/nogo, est une tâche d’inhibition intentionnelle dans laquelle il faut par
exemple discriminer (verbalement ou par appui sur une touche) la lettre X ou Y
lorsque celle-ci est de couleur verte (go) mais suspendre sa réponse lorsque la lettre
est de couleur rouge (nogo). Une version plus élaborée du paradigme go/nogo,
mieux à même de chronométrer les manifestations d’inhibition, est le paradigme
stop-signal (Logan, 1994). Cette tâche est composée de deux sous-tâches
concurrentes : la tâche go dans laquelle les sujets doivent répondre à un stimulus
visuel (par exemple, discriminer le plus rapidement possible la lettre X ou Y
présentée à l’écran) ; la tâche nogo dans laquelle il faut suspendre soudainement
Vieillissement normal et inhibition cognitive
135
l’action planifiée ou en cours en réponse à un signal auditif survenant après
l’apparition de la lettre dans 25 % des essais de la tâche go. L’analyse de la
performance repose sur l’hypothèse formalisée par Logan et Cowan (1984) d’une
compétition entre deux processus d’activation et d’inhibition intervenant
indépendamment et en parallèle dans le contrôle de l’exécution de la réponse (le
horse-race model). L’inhibition est mesurée à partir du temps compris entre
l’apparition de la lettre et l’appui sur la touche de réponse (TRgo) et de la latence de
la réponse au signal nogo (TRnogo) qu’il est possible d’estimer en augmentant ou
réduisant l’intervalle de temps compris entre l’apparition de la lettre et l’audition du
signal (par exemple 250 ms), jusqu’à ce que le sujet réussisse à suspendre son action
dans 50 % des essais nogo.
L’interprétation des manifestations d’inhibition objectivées avec les paradigmes
de suspension de l’action reste débattue. De Jong, Coles et Logan (1995) s’appuient
principalement sur des données électrophysiologiques recueillies dans des situations
go/nogo pour suggérer une dissociation entre deux formes d’inhibition
fonctionnellement distinctes : d’une part un mécanisme central d’inhibition sélective
opérant sous la dépendance du cortex moteur, d’autre part un mécanisme plus
périphérique d’inhibition non sélective. Cette position théorique n’est pas celle
qu’adoptent Band et Van Boxtel (1999) pour qui l’inhibition de réponse serait
toujours descendante et impliquerait le cortex préfrontal par l’intermédiaire du
cortex moteur. Falkenstein, Hoormann et Hohnsbein (2002) penchent plutôt en
faveur de l’existence de processus spécifiques d’inhibition de la réponse (modalité
auditive ou visuelle) et de processus plus généraux, ce dont témoigneraient après les
stimuli nogo les ondes négative N2 et positive P3 observées sur les régions frontocentrales du scalp avec la technique des potentiels évoqués.
Plusieurs résultats d’expériences réalisées chez des personnes âgées permettent
de penser que celles-ci ont plus de difficultés que les sujets plus jeunes à inhiber la
réponse au signal nogo. L’étude de Kramer et de ses collaborateurs (1994) porte par
exemple sur 32 jeunes adultes (de 18 à 28 ans) et 30 participants âgés (de 60 à 74
ans). Le paradigme d’Eriksen dans lequel il faut discriminer une lettre flanquée de
deux autres lettres sert de tâche go. Le sujet dispose de deux clés de réponse : la
première pour l’une ou l’autre des lettres X et Y, la seconde pour l’une ou l’autre
des lettres S et C. Des distracteurs compatibles (YXY, XYX, CSC ou SCS),
incompatibles (par exemple, SXS ou SYS) ou neutres (par exemple, HXH) sont
placés de part et d’autre de la lettre à discriminer. La tâche go est administrée une
première fois avec les seuls essais compatibles afin d’obtenir la distribution des TR
de chaque sujet et de pouvoir ensuite ajuster individuellement l’intervalle de temps
compris entre la présentation de la lettre et l’audition du signal d’arrêt (retard nogo).
Le temps de réponse au signal d’arrêt (TRnogo) est estimé pour divers taux de
réussite (20 %, 40 %, 60 % et 80 %) et pour chaque type de distracteur. Outre le
constat habituel du ralentissement des réponses des participants âgés par rapport à
136
Inhibition neurale et cognitive
celles des plus jeunes (environ 550 ms versus 400 ms), deux résultats peuvent être
notés. L’analyse des TRgo révèle tout d’abord une absence d’interaction entre l’âge
et la condition expérimentale tant pour la facilitation du traitement (neutre –
compatible) que pour le coût de celui-ci (incompatible – neutre). Ce résultat suggère
que le vieillissement normal ne s’accompagne pas toujours d’une sensibilité accrue à
l’interférence. Les auteurs l’expliquent par le niveau intellectuel élevé des sujets
âgés de l’étude, sujets par ailleurs bien entraînés à la tâche. L’analyse des TRnogo
toutes conditions expérimentales confondues met néanmoins en évidence des
difficultés spécifiques à suspendre l’action chez les participants âgés (305 ms versus
214 ms). Ce résultat qui selon les auteurs ne peut être attribué ni au ralentissement
de la vitesse d’exécution des seniors par rapport aux juniors (.26 versus .04 après
contrôle du TRgo) (Salthouse, 1985, 1991), ni à des réponses trop rapides des
premiers au signal go, va dans le sens de l’hypothèse d’un déficit lié à l’âge dans le
contrôle de la suspension de l’action. Cet effet a été retrouvé depuis dans plusieurs
études employant la chronométrie mentale (Bedard, Nichols, Barbosa, Schachar,
Logan et Tannock, 2002 ; Williams, Ponesse, Schachar, Logan et Tannock, 1999)
aussi bien que les potentiels évoqués pour les essais nogo. Falkenstein et al., (2002)
présentent des résultats qui montrent ainsi que l’inhibition générale (onde P3)
semble retardée chez les sujets plus âgés (12 jeunes-vieux de 54 à 65 ans) en
comparaison aux plus jeunes (12 jeunes de 19 à 25 ans). Il semble en outre que
l’effet du vieillissement sur l’inhibition plus spécifique à la modalité de
l’information (onde N2) soit plus marqué avec l’information visuelle plutôt qu’avec
l’information auditive.
Au total, les différences liées à l’âge dans la suspension de l’action sont très
vraisemblablement en relation avec une baisse d’efficacité de mécanismes centraux
d’inhibition. Celles-ci pouvant varier selon les conditions expérimentales, le
matériel employé et les caractéristiques de l’échantillon étudié, il paraît à l’heure
actuelle préférable de les interpréter en référence à un système de processus
impliqués dans le contrôle inhibiteur sélectif (Bedard et al., 2002) plutôt qu’à un
processus généralisé globalement affecté par le vieillissement normal.
6.2.4. Différences liées à l’âge dans l’inhibition dans l’attention sélective
Les protocoles d’attention sélective ou de filtrage ont été très largement utilisés
dans l’étude de l’efficacité chez la personne âgée des mécanismes d’inhibition. Nous
leur porterons donc un intérêt particulier. Leur principe général repose sur la
présentation successive ou simultanée d’informations concurrentes dont certaines
sont susceptibles de perturber le traitement de la cible. Deux phénomènes
empiriquement distincts, l’interférence et l’amorçage négatif, sont généralement
utilisés comme indicateurs de l’inhibition.
Vieillissement normal et inhibition cognitive
137
Le phénomène d’interférence est le ralentissement de la réponse à une cible en
présence d’un distracteur (TRcible+distracteur – TRcible). L’exemple prototypique est
celui du Stroop couleur (Stroop, 1935) dans lequel il faut dénommer la couleur du
stimulus qui peut être neutre (par exemple, XXXX écrit en bleu), congruente avec le
mot (par exemple, ROUGE écrit en rouge) ou conflictuelle (par exemple, JAUNE
écrit en rouge). L’interférence ou interruption du traitement de la couleur provoquée
par ce que le mot donne automatiquement à lire est mesurée par TRconflit–TRneutre
(effet d’interférence) et par TRconflit–TRcongruent (effet Stroop). Signalons que l’effet
d’interférence qui se traduit par une augmentation significative du temps de
dénomination possède une bonne fidélité (aux environs de 0,75 ; Salthouse, 1996 ;
Verhaegen et de Meersmann, 1998a).
L’amorçage négatif, terme popularisé par Tipper (1985), correspond à
l’observation d’une réponse plus lente à un stimulus lorsque celui-ci a été
antérieurement présenté comme distracteur. Ce phénomène a été par exemple
remarqué avec la tâche de Stroop lorsque la cible d’un essai test donné est la couleur
désignée par le mot distracteur de l’essai amorce précédent (par exemple ROUGE
écrit en bleu suivi de JAUNE écrit en rouge). L’amorçage négatif ou effet de
suppression du distracteur est mesuré par le ralentissement de la réponse en
condition liée (ignored repetition) c’est-à-dire lorsque le distracteur de l’essai n
devient la cible de l’essai n + 1, par rapport à la condition contrôle où les essais sont
totalement indépendants. La faible amplitude de l’effet d’amorçage négatif chez le
jeune adulte (le plus souvent compris entre 10 et 20 ms ; Verhaegen et de
Meersmann, 1998b) amène néanmoins à se demander si cet indicateur, pourtant
souvent considéré comme une mesure de référence du degré d’efficacité du
fonctionnement attentionnel inhibiteur, peut être utilisé sans risque dans les études
sur le vieillissement cognitif, notamment dans celles qui portent sur des aspects
différentiels. Si l’on en croît Bestgen et Dupont (2000) qui jugent insuffisante sa
fidélité à l’issue d’une étude réalisée chez le jeune adulte, la réponse à cette question
doit être réservée.
Il est bien sûr tentant de voir dans l’inhibition un mécanisme commun à ces deux
phénomènes. L’interprétation de l’interférence est en effet étroitement liée à l’idée
de résolution de conflit entre représentations compétitives ce qui pourrait impliquer,
entre autres processus de contrôle cognitif, la suppression active de la réponse
activée par l’information non pertinente. La lecture du mot et l’analyse de la couleur
suivant deux voies de traitement différentes, cette résolution par inhibition de
l’information parasite s’effectuerait plus vraisemblablement à un niveau efférent
qu’afférent. L’inhibition peut aussi rendre compte de l’amorçage négatif, moins
directement dirigé par l’activation du distracteur que l’interférence. L’hypothèse de
suppression active du distracteur postule en effet que plus le mécanisme d’inhibition
appliqué au distracteur de l’essai n est efficace, plus l’effet résiduel risque de se faire
sentir lors de la sélection et du traitement de la cible à l’essai n + 1 (Tipper, 1985).
138
Inhibition neurale et cognitive
Le tableau manque en fait de clarté (Coulon, 2002). L’interférence peut en effet
autant se concevoir comme un indicateur de l’efficacité de l’action conjointe des
mécanismes d’amplification et d’inhibition impliqués dans la sélection de
l’information pertinente que comme un indicateur de l’efficacité du seul mécanisme
d’inhibition. D’autres interprétations peuvent aussi être opposées à la conception de
l’amorçage négatif comme indicateur direct de l’efficacité des processus inhibiteurs.
Neill, Valdes et Terry (1995) mettent notamment en avant l’hypothèse du
recouvrement épisodique selon laquelle l’allongement de la latence à l’essai test
s’expliquerait par le conflit provoqué par l’activation d’une représentation
épisodique, désormais non pertinente, avertissant de ne pas tenir compte du
distracteur de l’essai amorce. Milliken, Joordens, Merikle et Seiffert (1998) estiment
pour leur part que l’amorçage négatif renvoie à un processus stratégique de
discrimination temporelle inhérent à la récupération en mémoire plutôt qu’à un
processus de non-sélection d’une représentation parasite. Des interprétations de
l’amorçage négatif tentant d’intégrer l’hypothèse de l’inhibition et l’explication
mnésique semblent être actuellement privilégiées (Kane, May, Hasher, Rahhal et
Stoltzfus, 1997).
Les éléments qui viennent d’être évoqués, malgré une certaine confusion
d’ensemble, plaident en faveur d’un « emboîtement » relatif de l’amorçage négatif
dans l’interférence (Arbuthnott, 1995 ; McDowd, 1997), les mécanismes en jeu dans
l’amorçage négatif contribuant, sans s’y substituer, à ceux par lesquels l’interférence
est résolue. En tout état de cause, l’hypothèse de différences liées à l’âge dans les
processus inhibiteurs conduit à prédire l’observation d’un effet d’interférence plus
marqué et d’un effet d’amorçage négatif moindre chez la personne âgée en
comparaison au sujet plus jeune. Globalement, les résultats des premières recherches
se sont avérés compatibles avec cette double prédiction. Ils ont cependant dû être
progressivement nuancés en raison d’un nombre croissant de résultats
contradictoires.
6.2.4.1. Des premiers résultats en faveur d’un déficit d’inhibition associé à l’âge
L’augmentation disproportionnée de l’effet d’interférence mesuré avec la tâche
de Stroop chez l’adulte de plus de 60-65 ans en comparaison au sujet plus jeune est
un phénomène connu depuis longtemps (Comalli, Wapner et Werner, 1962) et
souvent répliqué. Il est néanmoins difficile d’en préciser l’ampleur moyenne qui
peut varier considérablement selon le paradigme expérimental employé et les
caractéristiques des échantillons étudiés [par exemple, 177 ms versus 88 ms dans
l’étude de Spieler, Balota et Faust (1996) ; 74 ms versus 53 ms sur 4 tâches dérivées
de celle de Stroop dans la recherche de Little et Hartley (2000)]. On peut aussi
signaler la corrélation de 0,22 entre l’amplitude de l’effet d’interférence et l’âge
rapportée par Salthouse et Meinz (1995) sur un échantillon de 242 sujets âgés de 20
à 89 ans.
Vieillissement normal et inhibition cognitive
139
Des développements méthodologiques récents permettant d’analyser plus
finement la performance au Stroop apportent un certain éclairage sur le rôle de
l’inhibition dans l’augmentation de l’effet d’interférence chez la personne âgée.
Spieler et al., (1996) appliquent certaines de ces techniques à l’analyse de la
performance au Stroop mot et couleur chez 27 sujets jeunes âgés de 17 à 26 ans, 25
sujets âgés de 58 à 79 ans (jeunes-vieux) et 25 sujets âgés de 80 à 93 ans (vieuxvieux). L’analyse qualitative des latences repose sur l’application du modèle exGaussien aux distributions individuelles des TR (figure 6.1) et l’estimation des
paramètres µ et σ de la partie modale de la distribution (composante gaussienne) et
du paramètre τ qui réfléchit les valeurs extrêmes de la distribution (composante
exponentielle). Deux résultats intéressants sont observés : un effet d’interférence
(µconflit–µneutre) significativement plus important chez les sujets vieux-vieux
comparés aux sujets jeunes et jeunes-vieux d’une part, une augmentation
disproportionnée des TR extrêmes en situation d’interférence (τconflit–τneutre) chez
les participants âgés en comparaison aux sujets jeunes d’autre part. Aux différences
près de vitesse entre jeunes et plus âgés, l’accroissement du nombre de TR extrêmes
expliquerait donc l’augmentation disproportionnée de l’effet d’interférence observée
chez les seniors.
µ (moyenne)
<.05
ns
1100
σ (intra, portion modale)
<.01
Estimation (ms)
Estimation (ms)
1000
900
800
700
300
300
250
250
200
150
100
600
50
500
J--V
V-V
ns
200
150
100
50
0
J
τ (biais)
Estimation (ms)
1200
0
J
J--V
V-V
J
J--V
V-V
Figure 6.1. Résultats des analyses ex-gaussiennes des distributions de TR au Stroop couleur
(congruent versus neutre versus conflictuel) (d’après Spieler et al., 1996, p. 470)
Les auteurs appliquent dans un second temps une méthode de dissociation des
processus permettant d’estimer les contributions des processus de lecture et de
dénomination (Lindsay et Jacoby, 1994). Les résultats de cette analyse, qui
complètent les précédents, témoignent d’une implication plus importante chez les
sujets les plus âgés du traitement du mot, en l’absence d’une implication plus
importante du traitement de la couleur. L’ensemble de ces résultats est jugé
«cohérent avec l’idée suivant laquelle l’efficacité de l’activation de l’information
pertinente ne décline pas avec l’âge, au contraire de celle de l’inhibition de
l’information non pertinente» (Spieler et al., p. 476). Signalons cependant que
140
Inhibition neurale et cognitive
Spieler, en appliquant quelques années plus tard un modèle random walk à ces
mêmes données, a constaté que la performance des jeunes et des âgés était affectée
de manière équivalente par l‘interférence, ce qui l’a conduit à privilégier l’hypothèse
d’un ralentissement global plutôt que celle d’un déficit d’inhibition (Spieler, 2001).
L’interaction significative entre l’âge et l’effet de l’information distractrice a été
observée avec d’autres paradigmes d’interférence que celui de Stroop. MacDowd et
Oseas-Kreger (1991) présentent par exemple deux lettres partiellement superposées
à des sujets qui doivent lire l’une d’entre elles (la rouge) et ignorer l’autre (la verte).
Ils constatent que les réponses des sujets âgés (N = 20, m = 73,7 ans) sont
proportionnellement plus ralenties par la présence de la lettre verte qu’elles ne le
sont chez les sujets jeunes. Connelly, Hasher et Zacks (1991) mettent également en
évidence chez 24 seniors (68,9 ans en moyenne) et 24 juniors (18,10 ans en
moyenne) une influence positive de l’âge sur le temps supplémentaire que nécessite
la lecture (TL) d’un texte parsemé de mots-distracteurs par rapport à celle d’un texte
contrôle. Ils notent également que l’effet d’interférence (TLdistracteurs-TLcontrôle) est
comparativement plus important chez les sujets âgés lorsque les distracteurs sont
sémantiquement reliés au texte que lorsqu’ils ne le sont pas.
Il semble cependant que ce ralentissement différentiel lié à l’âge en condition
d’interférence ne puisse être attribué au seul mécanisme d’inhibition et que des
aspects plus généraux d’adaptation et de contrôle cognitif soient aussi à évoquer. En
attestent plusieurs séries de données qui tendent à montrer que la sensibilité au
distracteur est plus importante chez les sujets âgés de faible aptitude verbale (mais
pas chez les jeunes) ou l’existence d’un effet d’apprentissage pour les textes
expérimentaux, les premiers textes présentés ayant plus d’impact sur la performance
des sujets âgés que les suivants (Connelly et al., 1991). Un tableau assez comparable
a d’ailleurs été observé avec le test de Stroop. D’autres études semblent aussi
suggérer qu’il est expérimentalement possible d’atténuer de façon relativement
importante l’ampleur du ralentissement lié à l’âge en condition de lecture avec
distracteurs, notamment lorsque ces derniers sont présentés à des emplacements
fixes (condition d’indiçage spatial ; Carlson, Hasher, Connelly et Zacks, 1995).
Les premiers travaux réalisés chez la personne âgée avec des paradigmes
d’amorçage négatif ont conclu également en faveur de l’hypothèse d’un déficit lié à
l’âge des processus attentionnels inhibiteurs (pour revue Fox, 1995 ; May, Kane et
Hasher, 1995 ; Neill et al., 1995). Tipper (1991) utilise par exemple une tâche de
dénomination de dessins (fixation + amorce + fixation + test) dans laquelle sont
définies trois conditions expérimentales : contrôle (arbre-marteau puis chien-main),
neutre (arbre-marteau puis chien-« dessin sans signification »), liée (chien-arbre
puis chien-main) qu’il administre à 20 participants âgés de 57 à 77 ans et 20 jeunes
adultes (de 17 à 25 ans). La comparaison de la performance des sujets des deux
groupes montre que les participants les plus âgés, plus sensibles que les jeunes à
Vieillissement normal et inhibition cognitive
141
l’interférence (TRcontrôle–TRneutre : 42 ms versus 8 ms), ne mettent pas plus de
temps pour répondre à une cible qui devait être ignorée à l’essai précédent qu’à une
cible qui ne devait pas l’être, au contraire des jeunes qui mettent dans cette étude en
moyenne 15 ms de plus en condition liée. Une telle absence d’effet d’amorçage
négatif chez les seniors est en accord avec l’hypothèse d’un déficit lié à l’âge de
l’inhibition.
6.2.4.2. Une hypothèse progressivement remise en question
L’hypothèse d’un déficit inhibiteur associé à l’âge aux tâches d’attention
sélective s’est trouvée progressivement démentie par les résultats d’études
effectuées ces dernières années. La preuve a en effet été apportée qu’on pouvait
observer des effets d’amorçage négatif chez la personne âgée dans certaines
situations expérimentales et que ces effets pouvaient se manifester en présence ou en
l’absence d’effets d’interférence. On comprend alors que la structure des relations
entre interférence et amorçage négatif chez la personne âgée se soit vite révélée
incompatible avec l’hypothèse d’un déficit général d’inhibition aux tâches de
filtrage.
Les tâches d’interférence et d’amorçage négatif d’abord utilisées pour tester
l’hypothèse d’un déficit inhibiteur lié à l’âge étaient des tâches d’identification
(répondre à l’identité d’un stimulus sélectionné sur la base de ses attributs
physiques). Il est très vite apparu qu’il était possible d’observer un effet d’amorçage
négatif chez la personne âgée avec des tâches nécessitant de sélectionner une cible et
d’indiquer sa localisation. Connelly et Hasher (1993) comparent ainsi l’effet
d’amorçage négatif avec une tâche de localisation (la cible et le distracteur peuvent
apparaître dans l’un ou l’autre quadrant du plan d’un écran d’ordinateur) chez 19
sujets jeunes (de 18 à 22 ans) et 19 sujets âgés (de 61 à 74 ans). Trois types d’effets
sont mesurés : l’effet d’interférence (apparition simultanée de la cible et du
distracteur versus apparition de la cible seule), l’effet de suppression (apparition de
la cible à l’emplacement du distracteur de l’essai précédent versus contrôle) et enfin
l’effet d’inhibition de retour (réapparition de la cible au même endroit que
précédemment versus contrôle). La similitude des observations effectuées chez les
sujets jeunes et les plus âgés, contrairement à celles faites avec des tâches
d’identification, est en désaccord avec l’hypothèse d’un déficit inhibiteur associé à
l’âge : même amplitude de l’effet d’interférence (expérience 1 : 15,1 ms versus 13,6
ms), même amplitude de l’effet de suppression (28,2 ms versus 28,5 ms), absence
d’effet d’inhibition de retour dans les deux groupes (voir 6.2.2.1). Ce ralentissement
équivalent chez les juniors et les seniors aux essais où la localisation de la cible est
la même que celle du distracteur à l’essai précédent a été retrouvé depuis dans
plusieurs autres études. Il a conduit Connelly et Hasher à proposer l’existence de
systèmes inhibiteurs multiples (inhibition de la localisation de l’information,
inhibition de l’identité de l’information) différentiellement sensibles aux effets du
142
Inhibition neurale et cognitive
vieillissement normal. D’autres hypothèses mettant par exemple l’accent sur le rôle
des paramètres temporels dans l’intervention des mécanismes d’inhibition ont
également été mises en avant (McDowd et al., 1995).
Des effets d’amorçage négatif ont pu aussi être observés avec des tâches
d’identification employant un matériel autre que des lettres et des mots. Sullivan et
Faust (1993) utilisent une tâche d’identification de dessins pour comparer la
performance d’un groupe de 15 jeunes (de 18 à 35 ans) à celle de 33 participants
âgés (de 55 à 80 ans). Comme précédemment, les auteurs constatent une équivalence
d’effet chez les juniors et les seniors (64 versus 72 ms pour l’effet d’interférence ;
15 ms versus 24 ms pour l’effet d’amorçage négatif lorsque le distracteur est
identique à la cible). Des résultats comparables ont été trouvés en augmentant la
difficulté de la sélection de la cible. C’est ce que rapportent Kieley et Hartley (1997)
qui manipulent le regroupement des items dans une procédure de type Stroop et
observent chez 16 jeunes adultes (de 19 à 28 ans) et 16 participants âgés (de 67 à 85
ans) des différences liées à l’âge dans l’effet Stroop (expérience 1, condition mixte –
jeunes : 121 ms versus vieux : 182 ms). Ils constatent cependant une différence non
significative dans l’effet d’interférence (221 ms versus 260 ms) et une équivalence
totale de l’effet d’amorçage négatif dans les deux groupes (90 ms). Le même constat
est fait par Gamboz, Russo et Fox (2000) qui font varier dans une série de trois
expériences les caractéristiques perceptives des items d’une tâche d’identification de
lettres afin d’induire un traitement aussi exhaustif que possible des distracteurs chez
des participants jeunes (m ≈ 25 ans) et âgés (m ≈ 68 ans). Les auteurs, qui vérifient
que les groupes comparés présentent à peu près le même niveau d’efficience
intellectuelle au National Adult Reading Test – le fait est notable car le contrôle
n’est pas si souvent effectué –, observent une nouvelle fois une équivalence de
l’effet d’amorçage négatif dans les deux groupes ainsi qu’un accroissement
comparable de cet effet avec l’augmentation de la difficulté de la sélection de la
cible. En bref, ces résultats comme d’autres (Kramer et al., 1994 ; Kramer et
Strayer, 2001 ; Little et Hartley, 2000) tendent à montrer que la capacité à supprimer
l’information non pertinente sur la base de l’identité du stimulus ne décline pas avec
l’âge comme les premières recherches effectuées tendaient à le laisser supposer.
De tels constats empiriques ont suscité diverses interprétations. Une première
hypothèse envisageable est que l’inhibition pourrait ne pas être sollicitée dans
certaines des conditions employées pour en démontrer l’inefficacité chez la personne
âgée. Le déficit inhibiteur chez la personne âgée pourrait donc résider moins dans la
capacité à mettre en œuvre l’inhibition que dans la réalisation de cette capacité
(Kieley et Hartley, 1997). Nous avons indiqué plus haut que certains auteurs
estiment que la suppression de l’identité peut ne pas être due à l’inhibition du
distracteur mais provenir plutôt du recouvrement épisodique de l’information liée à
l’essai précédent (Fox, 1995 ; May et al., 1995), l’un ou l’autre des processus
d’inhibition et de recouvrement épisodique pouvant être différentiellement activé
Vieillissement normal et inhibition cognitive
143
selon le type de tâche et la nature du matériel. C’est en prolongeant cette hypothèse
par celle d’un maintien avec l’âge de l’efficacité du recouvrement épisodique que
Kane et al. (1997) expliquent par exemple certains des résultats précédents.
L’existence d’une relation chez la personne âgée entre les phénomènes
d’interférence et d’amorçage négatif découle de l’hypothèse générale d’un déficit lié
à l’âge de l’inhibition dans l’attention sélective. Le sens attendu de cette relation
n’est cependant pas le même selon la perspective adoptée qui peut être centrée sur
les tâches ou les individus. A niveau constant d’efficacité inhibitrice (individuelle ou
intragroupe), une modification des caractéristiques de la tâche qui augmenterait
l’effet d’interférence – et donc l’implication de l’inhibition – doit aussi amplifier
l’effet d’amorçage négatif mesuré sur les mêmes items, ce que signale Fox (1995).
D’un autre point de vue, si l’inhibition réduit l’interférence créée par l’information
distractrice, une baisse d’inhibition chez les participants âgés doit accroître
l’ampleur de l’effet d’interférence et diminuer celle de l’effet d’amorçage négatif.
L’hypothèse du recouvrement épisodique prédit également l’existence d’une relation
entre les deux phénomènes. Du point de vue de la tâche, une interférence plus
grande, preuve d’un marqueur plus actif, doit conduire à l’observation d’un effet
d’amorçage négatif plus marqué à l’essai suivant. D’un point de vue différentiel
cette fois, une interférence plus forte signifie que les caractéristiques du stimulus
actuel l’emportent sur le marqueur de l’essai précédent ce qui se traduit par un effet
d’amorçage négatif moindre. Si l’inhibition n’opère que pour isoler la cible à l’essai
test du distracteur présenté à l’essai amorce, un effet d’amorçage négatif doit aussi
pouvoir être observé en l’absence d’un effet d’interférence (Neill, 1977 ; Stolzfus,
Hasher, Zacks, Ulivi, et Goldstein, 1993). Les résultats concernant la relation chez la
personne âgée entre interférence et amorçage négatif sont donc à examiner avec
beaucoup de prudence d’autant que les corrélations – négatives (Fox, 1995 ; Kane,
Hasher, Stoltzfus, Zacks et Connelly, 1994 ; May et al., 1995 ; McDowd, 1995),
positives (Little et Hartley, 2000) ou peu cohérentes (Sullivan et Faust, 1993) – sont
souvent calculées sur des effectifs réduits.
Un éclairage intéressant à cette question est apporté par Earles, Connor, Frieske,
Park, Smith, et Zwahr (1997) qui prennent d’heureuses précautions dans le double
échantillonnage des tâches (effets d’interférence et d’amorçage négatif mesurés avec
des tâches différentes) et des sujets (301 hommes âgés de 20 à 90 ans). Les auteurs
explorent la relation entre l’âge, la vitesse perceptive, la mémoire de travail et les
effets d’interférence et d’amorçage négatif. L’effet d’amorçage négatif est mesuré
avec une tâche d’identification de mots semblable à celle de McDowd (voir la
section précédente). Celui d’interférence est mesuré avec le test de Stroop (version
papier-crayon), avec une tâche de lecture avec distracteurs et dans la condition
interférence de la tâche d’amorçage négatif. Diverses épreuves de rappel libre de
mots, de mémoire de travail (empan de lecture et empan arithmétique) et de vitesse
perceptive (code de la WAIS, collationnement de lettres et de figures) sont
144
Inhibition neurale et cognitive
-0.14
également administrées aux sujets. La fidélité des indicateurs retenus varie entre
0,82 et 0,97. Les diverses analyses effectuées montrent la présence d’un effet
d’amorçage négatif chez tous les sujets. Cet effet est plus faible chez les plus âgés
d’entre eux (18 ms pour les plus jeunes versus 11 ms pour les plus âgés ; r = –0,14
avec l’âge). Elles établissent aussi que les effets d’interférence mesurés par le Stroop
couleur et la tâche de lecture avec distracteurs sont plus importants chez les
participants les plus âgés (resp. r = 0,20 et r = 0,32 avec l’âge). Cette relation entre
âge et effet d’interférence n’est pas observée lorsque celui-ci est mesuré avec la
tâche d’amorçage négatif. Ces analyses mettent enfin en évidence une absence de
relation entre l’effet d’interférence (Stroop, lecture avec distracteurs) et l’effet
d’amorçage négatif lorsque ceux-ci sont mesurés par des tâches différentes et une
corrélation négative de –0,14 lorsqu’ils sont mesurés avec la même tâche
d’identification.
-0. 1
-0.71
Interférence
mots
vitesse
0
3
.7
-0
-0.2
-0.2
9
Interférence
Stroop
- 0 .1
9
Mémoire
de travail
-0
.1
6
Âge
4
Inhibition
mots
Interférence
lecture
0.33
6.2. Analyse de parcours effectuée à partir des données de Earles et collaborateurs χ2(11) =
13,92, p = 0,24, RMR = 0,03, AGFI = 0,96, N = 266
(d’après Earles et al., 1997, matrice de corrélations p. 53)
Pour rendre compte de façon plus parlante de l’ensemble des relations observées
dans cette étude, nous avons effectué une analyse de pistes causales à partir des
corrélations entre variables (figure 6.2). Le modèle structural retenu accorde aux
indicateurs d’interférence et d’amorçage négatif un statut de médiateur entre l’âge et
la vitesse perceptive d’une part, la mémoire de travail d’autre part (Hasher et Zacks,
1988). Il fournit une représentation satisfaisante de l’organisation des relations entre
les variables considérées. On notera le rôle très important des différences liées à la
vitesse perceptive dans les différences liées à l’âge dans l’interférence mesurée par
le Stroop et la tâche de lecture avec distracteurs. Ce type de résultat classique est
Vieillissement normal et inhibition cognitive
145
considéré par certains auteurs comme un argument central en faveur de l’hypothèse
d’un déficit associé à l’âge dans la vitesse de traitement de l’information (Salthouse,
1996). Il est éclairé par des résultats plus récents d’une étude de Shilling et al.,
(2002). Ces auteurs concluent en effet, à partir de données recueillies chez des sujets
de plus de 60 ans auxquels ils administrent plusieurs variantes du Stroop, que les
différences liées à l’âge, indépendamment de celles liées à la vitesse, contribuent
peu aux différences de performance aux tâches d’interférence et que la cohérence
individuelle de la performance est étroitement dépendante du degré de similitude des
tâches employées. Ils notent aussi que la validité de construit de l’inhibition mesurée
avec ces diverses tâches s’améliore quand les individus sont différenciés en fonction
de leur niveau global d’efficience intellectuelle – comparaison intergroupes – plutôt
qu’en fonction de l’âge. On remarquera enfin le statut très marginal des différences
dans l’effet d’amorçage négatif, certes sensible au vieillissement, mais sans lien
aucun avec les différences dans l’effet d’interférence. Ce résultat est un argument
supplémentaire en faveur de la distinction faite par certains auteurs entre résistance à
l’interférence liée au distracteur – ou inhibition de la réponse prépotente – et
résistance à l’interférence proactive – ou inhibition opérant pour isoler le stimulus
actuel du stimulus antérieur – (Stolzfus et al., 1993).
En résumé, le vieillissement normal s’accompagne d’une baisse de performance
dans le filtrage sélectif de l’information. La responsabilité de ce déficit dont
l’ampleur peut varier de manière importante selon la nature des tâches employées, le
matériel utilisé et certaines caractéristiques individuelles, ne doit cependant pas être
trop vite attribuée à un mécanisme général d’inhibition. Le déclin associé à l’âge de
la performance aux tâches d’interférence semble en effet plus être dû à une moindre
efficacité dans l’exercice intentionnel du contrôle cognitif – lequel met sans doute en
jeu des mécanismes inhibiteurs spécifiques dont le rôle reste à éclaircir – qu’à une
moindre efficacité de l’inhibition. Les études réalisées chez la personne âgée avec
des paradigmes d’amorçage négatif aboutissent pour leur part à des résultats dont
l’intégration d’ensemble est à faire si l’on veut espérer en dépasser les
contradictions. La validité des scores d’inhibition mesurés avec de telles tâches
semble enfin insuffisamment affirmée, tant au plan théorique que psychométrique,
pour qu’il soit possible de dire que les processus de suppression active des stimuli
non pertinents opèrent normalement chez la personne âgée ou qu’ils voient au
contraire leur efficacité baisser avec l’âge.
6.2.5. Différences liées à l’âge dans l’inhibition de l’information non pertinente
en mémoire de travail
L’hypothèse d’une baisse d’efficacité associée à l’âge des mécanismes de
sélection des informations pertinentes et d’inhibition des informations distractrices
dont la conséquence serait l’accès en mémoire de travail de représentations non
146
Inhibition neurale et cognitive
pertinentes au regard des buts fixés peut expliquer la difficulté spécifique des
personnes âgées à se protéger contre l’interférence dans des tâches d’attention
sélective. Le concept d’inhibition peut être également utile dans le cadre d’un
système de contrôle optimalisant le fonctionnement de la mémoire de travail et
plusieurs fonctions peuvent lui être allouées (Hasher et Zacks, 1988 ; Hasher, Zacks
et May, 1999). L’inhibition peut être par exemple mise en œuvre pour empêcher
l’accès en mémoire de travail d’informations d’origine endogène, activées
automatiquement mais non pertinentes au regard de la tâche en cours (par exemple,
une association verbale, une réponse routinière, etc.). Elle peut aussi être impliquée
dans la désactivation de représentations parasites d’origine exogène, activées en
mémoire de travail mais non pertinentes (par exemple, une information distractrice
dans un texte) ou l’étant devenues (par exemple, une association entre mots qui vient
d’être apprise). Les difficultés cognitives de la personne pourraient donc provenir
d’une détérioration des fonctions d’inhibition de la mémoire de travail, hypothèse
dont nous allons maintenant examiner le support empirique.
6.2.5.1. Différences liées à l’âge dans la résistance à l’interférence provoquée par
des représentations endogènes prégnantes activées en mémoire de travail
Le paradigme de production aléatoire de lettres ou de chiffres est
particulièrement bien adapté pour juger des effets du vieillissement sur la capacité à
empêcher ou interrompre le déclenchement de représentations préexistantes
prégnantes (par exemple, la succession des nombres entiers ou celle des lettres de
l’alphabet). Salicé et Juhel (2001) demandent à 107 participants âgés de 61 à 98 ans
et 79 sujets jeunes (de 19 à 47 ans) de produire des chiffres le plus au hasard
possible en suivant un rythme fixe pendant 2 min (de 1 chiffre par sec. à 1 chiffre
toutes les 2 secondes). Les comparaisons entre sujets jeunes et âgés mettent en
évidence une plus grande difficulté des seconds à réduire la redondance des
alternatives ainsi qu’un nombre excessif de réponses stéréotypées et cela, quel que
soit le rythme imposé. Elles montrent aussi que les personnes âgées sont d’autant
plus pénalisées que le rythme de production imposé est rapide (figure 6.3). Ces
résultats, comme d’autres (Baddeley, 1996 ; Van der Linden, Beerten et Pesenti,
1998), paraissent témoigner des difficultés spécifiques que rencontreraient les
personnes âgées dans l’inhibition de schémas préexistants s’imposant
automatiquement à l’esprit. Ils peuvent aussi avoir pour origine des difficultés
renvoyant à des processus plus généraux d’évaluation et de contrôle (gestion de la
tâche, planification, génération, maintien et chaînage des buts et contraintes liés à la
tâche, monitoring, etc.).
Des tâches de production de mots ont été également employées pour tester
l’hypothèse d’un déclin de l’inhibition avec l’âge. Salicé et Juhel (sous presse)
utilisent des épreuves de fluence verbale supposées impliquer des processus de
planification et de suppression de réponse habituelle (utilisation des mots en
Vieillissement normal et inhibition cognitive
147
fonction de leur signification). Le cadre général de ces tâches d’évocation
administrées à 94 participants âgés de 45 à 97 ans est à chaque fois identique :
donner en un temps limité à 1 minute le plus grand nombre possible de noms
d’éléments d’une catégorie donnée (fluence catégorielle), de mots commençant par
une lettre donnée (fluence lexicale) ou de mots ne contenant pas une lettre donnée
(fluence de lettre à exclure). Les analyses effectuées dégagent une influence
négative de l’âge sur l’ensemble des scores d’évocation (coefficient de parcours de
–0,59 de l’âge vers la variable latente résumant les covariations entre les trois
épreuves), résultat qui conforte certaines observations antérieures (Auriacombe,
Fabrigoule, Lafont, Amieva, Jacqmin-Gadda et Dartigues, 2001 ; Phillips, 1999)
mais qui est explicable aussi bien en termes de réduction des ressources de l’exécutif
central, de déficit dans l’exercice de contrôle, de ralentissement de la production de
mots par l’interférence des réponses antérieures que d’une moindre capacité à
inhiber des associations non pertinentes à fréquence élevée, dominantes ou typiques.
Redondance (°/ oo)
6
Âgés
5
Jeunes
4
3
2
1
1
1,5
2
Rythme de production (sec.)
Figure 6.3. Caractère non aléatoire des séquences produites (indice de redondance
des alternatives, d’après Salicé et Juhel, 2001)
L’analyse des informations présentes dans le discours de la personne âgée est
une autre manière de mettre à l’épreuve l’hypothèse du déficit inhibiteur. Celle-ci
prédit en effet la présence chez la personne âgée d’un plus grand nombre de
souvenirs et de propos sans lien avec le sujet abordé (off-topic speech). Arbuckle et
Gold (1993) évaluent à partir d’interviews autobiographiques le nombre et la
dispersion des propos inopportuns dans le discours de 209 participants âgés de 61 à
90 ans. Ils mesurent aussi à des fins critérielles la performance à trois épreuves
neuropsychologiques généralement considérées comme mesurant l’inhibition et la
flexibilité mentale (tests de classification de cartes du Wisconsin, Trail Making Test,
fluences lexicales). Les données recueillies indiquent qu’en comparaison à celui des
plus jeunes, le discours des plus âgés est moins focalisé et traversé d’un plus grand
nombre d’informations inopportunes. Elles montrent aussi que la performance aux
tests frontaux est affectée par l’âge : plus grand nombre d’erreurs de persévération
au Wisconsin, différence de temps plus importante entre les deux conditions
148
Inhibition neurale et cognitive
(alternance chiffres/lettres-barrage chiffres) du Trail Making, moins de mots
produits à la tâche de fluence. Les résultats d’analyses de régression hiérarchique
effectuées par les auteurs et d’analyses structurales que nous avons conduites sur ces
mêmes données (figure 6.4) montrent que la variable latente inhibition (mesurée par
la variance commune aux tests frontaux) capture toute l’information liée à l’âge
comme prédicteur du « bruit » dans le discours (nombre et diffusion des propos sans
lien avec le thème de discussion). Les difficultés liées à l’âge dans la suppression
des associations concurrentes et dans le désencombrement de la mémoire de travail
semblent donc pouvoir rendre compte, au moins sur cet échantillon, de l’intrusion
plus grande d’informations personnelles non pertinentes et de l’amoindrissement de
la cohérence du discours de la personne âgée. Arbuckle, Nohara-LeClair et Pushkar
(2000) ont en outre récemment montré que cette conclusion valait pour des discours
à buts communicatifs.
0.28
Âge
Idées
hors de
propos
0.07 (ns)
Âge
Âge
- 0.66
Efficacité de - 0.32
l’inhibition
Idées
hors de
propos
- 0.67
Efficacité de - 0.38
l’inhibition
Idées
hors de
propos
Figure 6.4. Test de l’effet médiateur du déficit inhibiteur dans la relation entre l’âge et la présence
d’idées inopportunes dans le discours. Modèle final : χ2(8) = 3,43, p = 0,90, RMR = 0,02,
AGFI = 0,98, N = 194 (d’après Arbuckle et Gold, 1993, matrice de corrélations p. 229)
L’ensemble de ces résultats indique donc que la capacité de résistance à
l’interférence provoquée par des représentations endogènes prégnantes activées en
mémoire de travail diminue chez la personne âgée. L’hypothèse d’une baisse liée à
l’âge de l’efficacité de l’inhibition en sort évidemment confortée sans qu’il soit pour
autant possible d’exclure celle, qui peut l’accompagner, d’un déclin des ressources
exécutives centrales nécessaires à l’élaboration de plan, au monitoring ou à
l’adaptation à des changements de contraintes contextuelles.
6.2.5.2. Différences liées à l’âge dans la suppression en mémoire de travail de
représentations exogènes non pertinentes ou l’étant devenues
Le bon fonctionnement de la mémoire de travail nécessite que soient rapidement
désactivées les représentations incoercibles qui y ont accédé ou celles dont
l’activation persiste alors qu’elles ne sont plus contextuellement utiles.
L’accroissement disproportionné des difficultés de la personne âgée dans des
Vieillissement normal et inhibition cognitive
149
situations de suppression d’une information sémantique non pertinente activée par
un stimulus ou dans des tâches dans lesquelles la récupération en mémoire doit être
inhibée pourrait ainsi s’expliquer par une baisse d’efficacité des processus de
désactivation de ces représentations concurrentes.
Certaines observations effectuées chez la personne âgée avec des tâches de
discrimination lexicale montrent qu’il lui est plus difficile qu’au sujet jeune de
réduire le niveau d’activation des concurrents phonétiquement proches tout en
bénéficiant proportionnellement beaucoup plus que le jeune d’indices contextuels
dont la présence augmente le niveau d’activation du mot (Sommers, 1996 ;
Sommers et Danielson, 1999). D’autres données empiriques ont été recueillies avec
des paradigmes d’ambiguïté lexicale dans lesquels il faut lire une phrase contenant
un mot polysémique (par exemple, « L’ouvrier utilise la chèvre pour scier un
rondin ») puis évaluer la compatibilité d’une cible sémantiquement reliée (chevalet,
fromage versus crayon) avec le sens de la phrase. Gernsbacher et Faust (1991)
remarquent en effet que lorsqu’une cible liée est présentée juste après la phrase, le
ralentissement du traitement est de même ampleur quel que soit le niveau de
compréhension des sujets. Ce constat n’est plus vrai lorsque la cible est présentée
quelques centaines de msec plus tard, la performance des sujets d’un niveau élevé de
compréhension étant cette fois moins affectée par la présence de l’information
sémantique inappropriée que celle des sujets d’un plus faible niveau de
compréhension. L’interprétation de Gernsbacher et Faust repose sur l’hypothèse de
l’efficacité différentielle d’un mécanisme de suppression ou d’amortissement de
l’activation des significations inappropriées des mots ambigus. Quelques résultats
obtenus chez la personne âgée sont en accord avec les prédictions associées à une
baisse d’efficacité de ce mécanisme (Gernsbacher, 1997 ; Malstrom et LaVoie,
2002). Des paradigmes de complètement de phrase ont été également employés pour
explorer la capacité d’inhiber une information sémantique non pertinente. Hartman
et Hasher (1991) utilisent une tâche garden-path dans laquelle les participants
doivent compléter dans un premier temps des phrases sémantiquement closes (par
exemple, il a posté la lettre sans…) puis mémoriser l’inférence présentée à la suite
de chacune d’entre elles. Cette inférence est dans la moitié des cas le mot le plus
probable produit majoritairement par les participants (par exemple, timbre) ou un
mot moins attendu dit non confirmé (par exemple, adresse ou chèque).
L’identification des mots les mieux mémorisés est enfin réalisée avec un test de
mémoire implicite dans lequel il faut à nouveau compléter des phrases plus ou
moins en lien avec les mots – probables ou non confirmés – à mémoriser (par
exemple, je vais au bureau de tabac acheter…). Les participants auxquels on
administre également une batterie d’épreuves cognitives (Stroop, rappel immédiat de
mots, fluence lexicale et vocabulaire) sont au nombre de 44 jeunes (de 17 à 28 ans)
et de 24 âgés (de 60 à 76 ans). Les observations recueillies montrent que les âgés
mémorisent autant de mots attendus que de mots non confirmés, à la différence des
plus jeunes qui mémorisent un nombre significativement plus élevé de mots attendus
150
Inhibition neurale et cognitive
que de mots non confirmés. Ce résultat est une nouvelle fois compatible avec
l’hypothèse d’une moindre capacité des plus âgés à supprimer l’information non
pertinente – ici les mots non confirmés – qui encombre la mémoire de travail. Des
observations comparables ont été effectuées avec le test de Hayling (Burgess et
Shallice, 1996), une tâche dans laquelle il faut compléter des phrases avec des mots
les terminant naturellement (condition initiation : dimanche matin, le curé a servi
la…) puis avec des mots sans rapport avec le sens de la phrase (condition
inhibition). Andres et Van der Linden (2000) constatent ainsi chez 48 sujets âgés de
60 à 70 ans une performance plus lente et un pourcentage d’erreurs d’inhibition plus
élevé que chez 47 sujets jeunes (de 20 à 30 ans). Ils notent que ces différences entre
jeunes et âgés persistent malgré le contrôle de la vitesse de traitement de
l’information.
Ces expériences, parmi d’autres, suggèrent donc qu’en comparaison aux sujets
plus jeunes, les personnes âgées tendent à récupérer plus d’information sémantique
que nécessaire ou souhaitable en raison d’une moindre capacité à supprimer
l’information non pertinente activée dans le contexte de traitement des phrases (voir
le constat d’une plus grande taille de l’effet d’éventail fonctionnel chez la personne
âgée, Gerard, Zacks, Hasher et Radvansky, 1991). L’hypothèse suivant laquelle les
participants âgés accorderaient dans ce contexte plus de considération à
l’information sémantique que les plus jeunes ne peut néanmoins être exclue,
d’autant que l’effet d’amorçage sémantique est stable – voire plus important – chez
les premiers et que l’absence d’effet de l’âge sur les processus de compréhension est
un fait relativement bien établi (Burke, 1997). Il faut aussi signaler que l’effet du
vieillissement normal sur les mesures de suppression de l’information sémantique
contextuellement non pertinente peut ne pas être observé avec d’autres indicateurs
de l’inhibition. Hartman et Hasher – qui ne constatent pas de relation claire entre
l’effet d’amorçage (mots attendus versus mots non confirmés) et l’effet
d’interférence au Stroop – ou Andres et Van der Linden – qui n’observent pas de
relation entre le test de Hayling et la Tour de Londres supposée mesurer l’efficacité
des mécanismes inhibiteurs impliqués dans l’analyse et l’élaboration d’un plan dans
la recherche – sont ainsi conduits à s’interroger sur le caractère général du déficit
d’inhibition que permettent d’objectiver ces tâches.
Des données empiriques concernant la capacité d’inhiber une information non
pertinente ont également été recueillies chez la personne âgée à l’aide de situations
dans lesquelles l’information qui vient d’être apprise doit être oubliée. Plusieurs
études ont par exemple examiné la sensibilité à l’interférence proactive à l’aide du
paradigme AB-AC. Cette tâche consiste à faire apprendre une première liste de
paires de mots associés (par exemple, arbre-toit) puis une seconde dans laquelle le
premier mot de chaque paire est conservé mais pas le second (par exemple, arbrebanc). L’effet d’interférence proactive – l’efficacité de l’inhibition – peut être
mesuré directement par le nombre d’erreurs d’intrusion observées lors du rappel des
Vieillissement normal et inhibition cognitive
151
mots associés de la seconde liste ou plus indirectement, par le ralentissement des
réponses en situation de reconnaissance. L’utilisation de cette procédure chez les
personnes âgées a permis de mettre en évidence leur sensibilité excessive à
l’interférence proactive (Hedden et Park, 2001). Des résultats semblables ont été
observés avec des protocoles d’oubli dirigé dans lesquels on présente des mots
individuellement indicés (mot à retenir versus mot à oublier) dont la mémorisation
est ensuite évaluée en rappel et en reconnaissance (Zacks et Hasher, 1994 ; Zacks,
Radvansky et Hasher, 1996). Ils l’ont été aussi avec des paradigmes de
réactualisation de la mémoire de travail qui nécessitent de supprimer activement les
items autres que ceux à mémoriser. Van der Linden, Bredart et Beerten (1994)
présentent par exemple des listes de 6 à 10 consonnes à 18 sujets jeunes (de 19 à
30 ans) et 18 sujets âgés (de 59 à 72 ans) qui n’en connaissent pas la longueur à
l’avance et doivent en rappeler les 6 dernières. Ils notent dans cette condition de
charge mnésique proche de l’empan des difficultés disproportionnées chez les
participant âgés.
Globalement, ces observations sont donc en accord avec l’hypothèse d’une
perturbation liée à l’âge des mécanismes d’inhibition de l’information non pertinente
activée par les stimuli expérimentaux. Quelques recherches récentes font néanmoins
état de résultats discordants. Maylor et Henson (2000) ont ainsi montré avec une
tâche de rappel sériel que l’effet de la présence répétée de mots non adjacents sur le
rappel était de même amplitude chez des sujets âgés et des plus jeunes, résultat en
désaccord avec la prédiction d’une inhibition de répétition (l’effet Ranschburg)
moins efficace chez les âgés. L’analyse fine conduite par Hartman, Dumas et Nielsen
(2001) sur des données obtenues avec une tâche de mise à jour de la mémoire de
travail pourtant globalement très sensible aux effets du vieillissement, a également
échoué à démontrer l’existence de différences liées à l’âge dans l’efficacité de
l’inhibition (effet d’interférence proactive). Il faut en outre signaler que les résultats
obtenus dans certaines tâches peuvent trouver des explications alternatives dans les
difficultés plus importantes qu’auraient les sujets âgés à tenir compte des indices
d’oubli au moment de l’encodage, dans l’utilisation croissante avec l’âge des
processus de mémoire implicite liée à une baisse d’efficience des processus de
mémoire explicite ou dans les différences stratégiques entre jeunes et âgés.
6.3. Vieillissement normal et déficits d’inhibition : cadres théoriques
Malgré la sursaturation fonctionnelle du concept d’inhibition, la diversité des
niveaux d’observation choisis et les discordances de la littérature, l’ensemble des
données empiriques présentées dans la section précédente permet d’avancer que le
vieillissement normal s’accompagne d’une augmentation des difficultés à inhiber
des réponses simples et automatiques (apprendre à détourner l’attention portée à
l’environnement une fois que ses caractéristiques sont devenues stables, supprimer
152
Inhibition neurale et cognitive
activement des changements attentionnels déclenchés automatiquement par un
événement exogène) aussi bien qu’à inhiber la réponse motrice à un stimulus auquel
il ne faut pas répondre, filtrer sélectivement l’information, résister à l’interférence
ou désactiver l’information non pertinente pour la réalisation des buts actuels. Cette
baisse d’efficacité avec l’âge des mécanismes inhibiteurs, notamment les plus
contrôlés d’entre eux, possède suffisamment d’existence pour susciter des
interprétations alternatives. Le déficit inhibiteur peut être considéré comme un
médiateur dans la relation entre le vieillissement, facteur causal, et les difficultés
spécifiques de la personne âgée dans différents domaines de la cognition (Hasher et
Zacks, 1988 ; Hasher, Zacks et May, 1999 ; Lustig, Hasher et Tonev, 2001). Les
difficultés rencontrées par la personne âgée dans les situations expérimentales
utilisées pour mesurer l’inhibition peuvent aussi traduire une baisse plus générale
d’efficience du système cognitif dont l’intégration diminuerait progressivement au
cours du vieillissement normal. Associées à d’autres manifestations de cette baisse
d’efficience, elles peuvent être considérées comme en étant la conséquence (par
exemple ; la vitesse de traitement pour Salthouse et Meinz, 1995 ; Salthouse, 1996)
ou comme le témoignage supplémentaire de perturbations dans le fonctionnement et
les dynamiques d’agents cognitifs dont l’inhibition ne serait qu’un constituant (par
exemple, le contrôle intentionnel, de Jong, 2001 ; Mayr, 2001 ; Mayr, Spieler,
Kliegl, 2001).
6.3.1. Le rôle médiateur de l’inhibition dans la relation entre vieillissement
normal et cognition
Nous avons indiqué à plusieurs reprises que Hasher et Zacks considèrent que les
fonctions d’inhibition jouent un rôle central dans « le degré avec lequel l’activation
d’un but [une intention] détermine les contenus temporaires de la mémoire de
travail » (Hasher et al., 1999). Dans cette perspective, la performance cognitive de la
personne âgée est affectée par l’accroissement de ses difficultés à sélectionner les
représentations appropriées et à inhiber les représentations perceptives, mnésiques et
les réponses non pertinentes à la tâche en cours. L’explication suggérée s’oppose à
celle d’une baisse liée à l’âge de la capacité de la mémoire de travail ou de la
quantité de ressources disponibles. Elle lui préfère l’idée fondamentale d’un
dépassement de cette capacité par un trop-plein d’informations que la personne âgée
parviendrait moins bien que le sujet jeune à endiguer en raison d’une moindre
efficacité de l’inhibition.
Dans les présentations les plus récentes de leur modèle, Hasher et Zacks
assignent trois fonctions, délibérées mais non obligatoirement stratégiques, au
contrôle inhibiteur (Hasher et al., 1999). La première fonction de contrôle de
l’inhibition serait d’interdire l’accès en mémoire de travail aux représentations non
pertinentes dont l’activation est déclenchée automatiquement par le contexte –
Vieillissement normal et inhibition cognitive
153
externe ou interne – de la tâche. La moindre résistance de la personne âgée à
l’interférence dans des tâches d’attention sélective ou le plus grand nombre
d’informations hors de propos observées dans son discours illustreraient la baisse
d’efficacité de cette fonction avec l’âge. L’inhibition interviendrait également dans
le contrôle des représentations activées en mémoire de travail en désactivant celles
qui ne sont pas ou plus pertinentes. La plus grande vulnérabilité des sujets âgés aux
effets d’interférence proactive d’une information non pertinente, les plus grandes
difficultés qu’ils semblent manifester aux tâches garden-path ou à celles d’oubli
dirigé attesteraient de la détérioration de cette fonction avec l’âge. A ces deux
fonctions de l’inhibition dont le rôle est très important dans l’encodage et le
recouvrement de l’information, s’ajouterait une dernière fonction impliquée dans le
contrôle du non-déclenchement de comportements dominants mais inappropriés. Les
difficultés plus marquées chez la personne âgée à ne pas répondre par exemple au
signal d’arrêt dans les tâches go/nogo proviendraient ainsi d’une baisse d’efficacité
de cette fonction. Au total, le contrôle inhibiteur serait distribué entre systèmes
cognitifs – plutôt que localisé – et affecterait tous les niveaux d’information
consciemment disponible en mémoire de travail. La réduction d’efficacité du
contrôle inhibiteur au cours du vieillissement normal jouerait donc un rôle critique
dans beaucoup de domaines de la cognition. Ajoutons enfin, comme le soulignent de
Ribaupierre, Olivier, Leutwyler et Poget (1999), que l’hypothèse d’un lien direct
entre inhibition et mémoire de travail est plus souvent posée comme principe
théorique qu’elle n’est véritablement éprouvée.
6.3.2. Baisse d’efficience du système cognitif et déficits d’inhibition
La baisse d’efficacité de l’inhibition observée au cours du vieillissement normal
peut n’être qu’un des aspects d’un pattern déficitaire plus large dont des indicateurs
de vitesse, de ressources attentionnelles ou de contrôle exécutif semblent pouvoir
tout aussi bien – et même parfois mieux – rendre compte.
Le ralentissement comportemental global observé chez la personne âgée est un
aspect bien connu du vieillissement cognitif qui renvoie au rôle d’un facteur général
autant qu’à celui de facteurs plus spécifiques (Juhel, 1997). Le ralentissement lié à
l’âge du traitement de l’information pourrait ainsi accroître le « bruit cognitif »,
réduire l’efficacité de processus dissipatifs comme l’inhibition ou la mémoire de
travail et augmenter les difficultés cognitives de la personne âgée (Birren et Fisher,
1995 ; Salthouse, 1996). De nombreuses données font en effet penser que les
différences liées à l’âge dans les domaines de l’attention sélective ou de la mémoire
de travail peuvent être attribuées au ralentissement général lié à l’âge. C’est une des
hypothèses qu’envisage Burke (1997) dans son évaluation critique de la théorie du
déficit inhibiteur de Hasher et Zacks (mais voir Zacks et Hasher, 1997) pour
expliquer certains faits empiriques d’interprétation controversée dans le domaine du
154
Inhibition neurale et cognitive
traitement langagier. Les résultats présentés par Salthouse et Meinz (1995) à propos
de l’inhibition mesurée par plusieurs variantes du Stroop chez 242 sujets âgés de 20
à 89 ans à qui des tâches de vitesse de traitement de l’information (collationnement,
code) et de mémoire de travail (empan de lecture, empan arithmétique) avaient été
également administrées, vont dans ce sens (voir aussi Earles et al., 1997 ; Juhel et
Auffray, 1998 ; Salthouse, 2001 ; Verhaegen, 1999). Plusieurs méta-analyses
consacrées à l’effet du vieillissement normal sur l’effet d’interférence au Stroop ou
celui d’amorçage négatif (Verhaegen et de Meersmann, 1998a, b) concluent aussi
que la diminution de la vitesse de traitement est suffisante pour rendre compte des
résultats observés. On trouve enfin quelques études de simulation dont les résultats
suggèrent qu’il est possible de réduire l’efficacité de l’inhibition en diminuant la
vitesse de propagation de l’activation. Les observations effectuées avec le modèle
SPAN (Speed, Parallelism, Activation, Noise ; Byrne, 1998) montrent par exemple
qu’à une moindre activation positive d’une cible est associée une inhibition – une
activation négative - moins efficace des items non pertinents qui deviennent une
source de bruit réduisant l’efficacité globale et la robustesse du système.
La diminution liée à l’âge des ressources attentionnelles, que les déficits
d’inhibition peuvent accompagner ou dont ils peuvent être le produit, est une
hypothèse également envisageable (Craik et Byrd, 1982). L’inhibition nécessitant et
consommant des ressources contrôlées, la baisse de performance des personnes
âgées aux tâches d’inhibition peut en effet être due à la réduction des ressources
disponibles plutôt qu’à l’inefficacité de mécanismes inhibiteurs généraux et/ou plus
spécifiques. Engle, Conway, Tuholski et Shisler (1995) testent, en lien avec ce que
nous disions plus haut à propos de la surcharge mentale créée par une source de
bruit insuffisamment amortie, l’hypothèse d’une moindre efficacité de l’inhibition
(tâche d’amorçage négatif) quand le sujet est engagé dans une tâche demandant de
l’attention volontaire (tâche de rappel de mots dont le nombre varie de 0 à 4). Le
constat chez 45 sujets jeunes d’une diminution de l’effet d’amorçage négatif avec
l’augmentation de la surcharge mentale démontre que l’efficacité de l’inhibition
dépend des ressources attentionnelles momentanément disponibles, résultat
qu’avaient également observé Roberts, Hager et Heron (1994) avec une tâche
d’antisaccade en concurrence avec une tâche de mémoire de travail (empan de
lecture). Les différences liées à l’âge dans l’attention contrôlée, concept central dans
le modèle de la mémoire de travail proposé par Engle, Kane et Tuholski (1999),
pourraient donc être à l’origine des difficultés spécifiques rencontrées par les
personnes âgées dans le maintien des buts actuels face à la distraction et à
l’interférence ainsi que dans la suppression de l’information parasite ou son
déplacement du focus attentionnel.
Les difficultés de la personne âgée aux tâches d’inhibition peuvent aussi provenir
d’un déficit dans certaines fonctions de contrôle exécutif (Mayr, Spieler et Kliegl,
2001). Cette hypothèse, issue des modèles explicatifs centrés sur les fonctions de
Vieillissement normal et inhibition cognitive
155
l’administrateur central ou de l’exécutif central (Baddeley, 1996), a suscité de
nombreuses recherches qui montrent qu’un lien peut être fait entre les déficits
d’inhibition liés à l’âge et la baisse de performance à des tâches de coordination
comme les tâches duelles (de Ribaupierre et Ludwig, 2000 ; Kramer et Larish, 1996)
ou les paradigmes de changement de tâche ou de stratégie (de Jong, 2001 ; Mayr,
2001 ; Meiran et Gotler, 2001). Les difficultés plus marquées des participants âgés
dans le contrôle des processus dynamiques impliqués dans les paradigmes de
switching (sélectionner, d’un essai à l’autre, à la fois les réponses à fournir, la
séquence mentale qui spécifie la dimension valide du stimulus et les règles
d’association stimulus-réponse) sont à cet égard particulièrement signifiantes. Audelà des controverses théoriques sur l’interprétation de certains des phénomènes
observés dans ce cadre expérimental (par exemple, les coûts résiduels de switching),
les données empiriques permettent néanmoins de penser que la personne âgée a plus
de difficultés que le sujet jeune à reconfigurer complètement la séquence mentale
adaptée à l’item en cours et à se désengager des séquences mentales antérieures.
Meiran et Gotler (2001) présentent un modèle de ce paradigme qui prédit le constat
chez la personne âgée d’un coût global plus élevé du switching dynamique entre
séquences mentales (Kray et Lindenberger, 2000 ; Mayr, 2001) en raison d’une
augmentation du bruit cognitif (Allen, Weber et Madden, 1994). L’hypothèse d’un
déficit de contrôle dans le choix stratégique (sélection du niveau de sélection) ou
dans l’application de la stratégie dont certains marqueurs pourraient être activés
lorsque les intentions sont formulées ou les règles temporairement établies peut être
aussi mise en avant.
Le regard du chercheur peut enfin se tourner vers autre niveau d’analyse, celui
des neurosciences cognitives illustré dans les premiers chapitres de cet ouvrage,
pour tenter de mieux comprendre à quels aspects du vieillissement cérébral normal
peuvent être attribués les difficultés d’inhibition de la personne âgée. Les théories
neuropsychologiques actuelles décrivent en effet schématiquement deux niveaux
d’organisation cognitive, l’un automatique dans lequel interviendrait les noyaux gris
centraux, l’autre contrôlé faisant notamment intervenir le cortex préfrontal. Un
dysfonctionnement du cortex préfrontal et de certaines des structures qui en
modulent l’activité pourrait donc être à l’origine des difficultés d’inhibition
rencontrées par la personne âgée. Cette hypothèse est actuellement l’objet d’un
nombre croissant d’investigations dont les résultats sont en faveur d’une relation
entre les changements neurophysiologiques et neurobiologiques du cortex préfrontal
– notamment la région latérodorsale (aires 9 et 46 chez l’homme) – et la baisse de
performance à des tâches cognitives impliquant l’inhibition (Alain et Woods, 1999 ;
Moscovitch et Winocur, 1995 ; Reuter-Lorenz, Marshuetz, Jonides et Smith, 2001 ;
Rypma et D’Esposito, 2001 ; West, 2000 ; West et Alain, 2000). Les mécanismes
inhibiteurs dépendent cependant d’un large réseau cérébral sur lequel les effets
– diffus – du vieillissement physiologique et de l’altération des systèmes de
neurotransmetteurs restent encore loin d’être compris.
156
Inhibition neurale et cognitive
6.4. Conclusion
L’hypothèse de l’existence d’un déficit inhibiteur chez la personne âgée a suscité
ces quinze dernières années un nombre très important de recherches empiriques dont
les conclusions, souvent enrichissantes malgré la diversité des niveaux d’observation
choisis et l’ambiguïté de certains résultats, ont largement contribué à faire progresser
les connaissances sur les mécanismes affectés par le vieillissement cognitif.
Globalement, les observations effectuées renforcent la proposition initiale de Hasher
et Zacks (1979) selon laquelle le vieillissement normal affecte plus les processus
contrôlés qu’il n’a d’impact sur l’efficacité des processus automatiques : l’inhibition
contrôlée, auto-initiée, semble en effet être plus sensible au vieillissement normal
que ne paraissent l’être certaines formes d’inhibition automatique ou réflexe. Le lien
entre une moindre efficacité de l’inhibition contrôlée et un plus faible niveau de
performance cognitive semble être patent chez la personne âgée.
Les résultats des recherches sur les effets du vieillissement sur le contrôle
inhibiteur tels qu’ils peuvent être appréciés avec des protocoles de suspension de
l’action, des tâches de filtrage ou des paradigmes nécessitant de désactiver en
mémoire de travail des représentations non pertinentes, ne sont cependant pas
toujours d’une grande homogénéité. Leur interprétation est parfois débattue d'autant
que différents phénomènes prédits par l’hypothèse du déficit inhibiteur n’ont pas
toujours été observés chez la personne âgée (Burke, 1997 ; McDowd, 1997 ; Zacks
et Hasher, 1997). Cette relative hétérogénéité s’explique sans doute par le caractère
non unidimensionnel du concept de contrôle inhibiteur. La question reste en effet
posée de savoir dans quelle mesure par exemple la suppression active du distracteur
qui flanque une lettre met en jeu des processus semblables à ceux impliqués dans la
suppression d’une séquence mentale inappropriée à l’item en cours. On connaît
également très mal les liens que peuvent entretenir des processus dissipatifs comme
ceux d’inhibition et de maintien actif de l’information en mémoire de travail.
L’évaluation des effets du vieillissement sur l’inhibition en est donc obscurcie
d’autant. Parce que l’efficacité du contrôle inhibiteur est avant tout fonctionnelle,
parce qu’elle dépend de la prégnance de la représentation ou de la réponse
dominante à inhiber, des demandes en contrôle de la tâche et du degré avec lequel le
système cognitif peut se mobiliser pour activer les buts et schémas de pensée et
d’action pertinents, les différences liées à l’âge dans l’inhibition peuvent se
manifester à certains niveaux, ne pas apparaître à d’autres, selon les processus
échantillonnés par les tâches et les dynamiques individuelles. On peut alors se
demander si le déficit de contrôle inhibiteur chez la personne âgée n’est pas à
concevoir avant tout comme un problème fonctionnel dû à un manque d’intégration
du système cognitif et d’organisation cohérente de son activité. Une telle position
rend nécessaire d’adopter une démarche de recherche permettant de mieux saisir les
modalités d’émergence et l’évolution de ce déficit chez la personne âgée.
Vieillissement normal et inhibition cognitive
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