Vieillissement normal et inhibition cognitive 129
sonore ou visuel), de switching attentionnel (passer alternativement d’une consigne à
une autre au cours d’une même tâche), d’attention sélective (focaliser l’attention sur
une information-cible, inhiber l’information compétitive présente dans le contexte
de la tâche mais exclue par la consigne), d’oubli dirigé (récupérer à court ou long
terme de l’information « à retenir », inhiber celle « à oublier ») ou de production de
chiffres ou de lettres au hasard (inhiber des représentations sur-apprises).
En l’absence d’une cohérence totalement satisfaisante dans la définition du terme
d’inhibition et de connaissances clairement établies sur la nature des opérations
cognitives sollicitées par ces tâches aussi bien que sur la relation entre les processus
d’inhibition chargés de réduire ou prévenir l’interférence et les observations
effectuées, une telle diversité de paradigmes amène bien sûr à s’interroger sur l’unité
fonctionnelle des processus inhibiteurs ainsi mesurés chez la personne âgée.
Signalons d’abord que certains effets cognitifs mis en évidence avec des
paradigmes d’inhibition semblent pouvoir être expliqués autrement qu’à l’aide de
l’hypothèse de l’inhibition. Des mécanismes non inhibiteurs comme l’occlusion
(blocage d’une représentation d’accessibilité moins élevée), la diffusion de
ressources (l’activation comme ressource finie distribuée entre les différents liens) et
l’affaiblissement des associations (diminution d’une association en raison du
développement concurrent d’une autre) permettent d’expliquer également ces effets
(Band et van Boxtel, 1999 ; mais voir Anderson et Spellman, 1995 ; Bjorklund et
Harnishfeger, 1995). Des manifestations d’inhibition au Stroop couleur (dénommer
la couleur avec laquelle un mot représentant une autre couleur est écrit) ont
d’ailleurs pu être simulées à l’aide de modèles en systèmes de production faisant
l’hypothèse d’un affaiblissement des associations entre représentations contenues en
mémoire de travail (Kimberg et Farah, 1993) ou de modèles connexionnistes
postulant l’existence d’un déficit d’activation des représentations du contexte de la
tâche (Cohen, Braver et O’Reilly, 1996). On peut par ailleurs douter, comme nous le
verrons plus loin, que les manifestations d’inhibition inférées à partir de tâches
apparemment très différentes (par exemple, suspension de l’action en réponse à un
signal ou lecture avec distracteurs) puissent représenter un phénomène unitaire. Si
tel était le cas en effet, les corrélations entre tâches d’inhibition devraient être
relativement élevées, ce qui ne semble pas avoir été observé jusqu’ici chez la
personne âgée avec des tâches d’inhibition différentes (par exemple, amorçage
négatif, suspension de l’action en réponse à un signal ; Kramer, Humphreys, Larish,
Logan et Strayer, 1994) ni même avec des tâches d’inhibition fonctionnellement
analogues (par exemple, variantes de type Stroop ; Shilling, Chetwynd et Rabbitt,
2002). Il est vraisemblable que selon les procédures employées, des processus de
niveau différent puissent être sollicités et que des aspects différents de l’inhibition
soient mesurés (Juhel, Salice et Auffray, 2000). Si la tâche nécessite par exemple
l’analyse de traits perceptifs comme la couleur ou l’identification de stimuli
verbaux, l’inhibition pourra se situer à un niveau précoce ou plus tardif de sélection