Changements de bases.

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Chapitre 1
Changements de bases.
1.1
Changement de coordonnées. Matrice de passage.
Soit E un K−espace vectoriel de dimension n 6= 0. Soit (e1 , ..., en ) une base de E, qu’on
notera B. Si u est un vecteur de E on notera en colonne le n−uplet des coordonnées de u dans
la base (e1 , ..., en ). On l’appelera la colonne des coordonnées de u dans la base (e1 , ..., en ).


x1
 . 

Attention : Si u a pour coordonnées 
 .  dans la base (e1 , ..., en ), on n’écrit pas
xn


x1
 . 

u=
 . . En effet, d’abord u est un vecteur de l’espace vectoriel E, qui n’est pas toujours
xn
Kn . Ensuite si on prend une autre base (e01 , ..., e0n ) de E, la colonne des coordonnées de u dans
cette nouvelle base ne sera pas la même que dans l’ancienne base (e1 , ..., en ).
Attention : Il y a une exception à l’avertissement donné ci-dessus. Si u est un vecteur de Kn ,
alors c’est un n−uplet d’éléments de K, soit u = (x1 , ..., xn ). Les coordonnées de u dans la base
canonique de Kn sont exactement ses composantes x1 ,...,xn . Dans ce cas (mais seulement

dans
x1
 . 

ce cas), il n’est pas faux d’écrire le vecteur u en colonne, c’est à dire d’écrire : u = 
 . !
xn
Soient e01 ,...,e0n n vecteurs de E. On se pose la question suivante : à quelle condition les vecteurs
e01 ,...,e0n forment-ils une base de E ?
Réponse : comme ils sont en nombre égal à la dimension de E, ils forment une base de E si et
seulement si ils forment une famille libre.
Appelons C1 la colonne des coordonnées du vecteur e01 dans la base (e1 , ..., en ) ,... et Cn la
colonne des coordonnées du vecteur e0n dans la base (e1 , ..., en ). Alors on sait que les vecteurs
e01 ,...,e0n forment une famille libre de E si et seulement si C1 ,...,Cn forment une famille libre de
Kn .
Enfin, on sait que les vecteurs C1 ,...,Cn forment une famille libre de Kn si et seulement si la
matrice dont les colonnes sont C1 ,....,Cn est une matrice n × n inversible.
Ceci montre la proposition suivante :
Proposition 1.1.1 Soient e01 ,...,e0n n vecteurs de E. Soient C1 ,....,Cn les colonnes des coordonnées de e01 ,...,e0n dans la base (e1 , ..., en ). Soit P ∈ Mn (K) la matrice dont la jème colonne
1
2
CHAPITRE 1. CHANGEMENTS DE BASES.
est Cj . Alors les vecteurs e01 ,....,e0n forment une base de E si et seulement si la matrice P est
inversible.
Définition 1.1.2 Quand la matrice P définie ci-dessus est inversible, on l’appelle la matrice
de passage de la base (e1 , ..., en ) à la base (e01 , ..., e0n ). La base (e1 , ..., en ) sera appelée l’ancienne
base et la base (e01 , ..., e0n ) sera
la nouvelle base.
 appelée

x1


Soit u ∈ E et soit X =  ...  la colonne des coordonnées de u dans la base (e1 , ..., en ).
xn
On se pose la question suivante : comment calculer les coordonnées de u dans la nouvelle base
(e01 , ..., e0n ) ?
Théorème 1.1.3 Soient (e1 , ..., en ) d’une part et (e01 , ..., e0n ) d’autre part, deux bases de E. Soit
P la matrice de passage de la base (e1 , ..., en ) àla base(e01 , ..., e0n ). Si la colonne des coordonnées
x1
 .. 
du vecteur u dans la base (e1 , ..., en ) est X =  . , alors la colonne X 0 de ses coordonnées
xn
0 , ..., e0 ) se déduit de la formule : X = P X 0 .
dans la base (e
n
1

 0 
x1
x1
 .. 
 .. 
C’est à dire :  .  = P  .  .
xn
x0n
On a la formule équivalente : X 0 = P −1 X.
Preuve :
u = x1 e1 + ... + xn en
et
Or on a, par la définition de la matrice P :
 0

 e1 = p1,1 e1 + · · · + pn,1 en
..
.

 0
en = p1,n e1 + · · · + pn,n en
u = x01 e01 + ... + x0n e0n .
(1ère colonne de P )
(nième colonne de P )
On remplace les e0i par leurs décompositions sur la base des ej , dans la deuxième formule donnant
u ci-dessus. On trouve :
u = x01 (p1,1 e1 + p2,1 e2 + . . . + pn,1 en ) + . . . + x0n (p1,n e1 + p2,n e2 + . . . + pn,n en ),
ce qui donne :
u = (p1,1 x01 +p1,2 x02 +. . .+p1,n x0n )e1 +(p2,1 x01 +p2,2 x02 +. . .+p2,n x0n )e2 +. . .+(pn,1 x01 +pn,2 x02 +. . .+pn,n x0n )en .
Or il n’y a qu’une seule décomposition de u sur la base e1 ,...,en . Donc les scalaires qui apparaissent comme coefficients des vecteurs ei dans la formule ci-dessus sont les coordonnées de u
dans la base e1 ,...,en . On a donc :

x1 = p1,1 x01 + p1,2 x02 + . . . + p1,n x0n



 x2 = p2,1 x0 + p2,2 x0 + . . . + p2,n x0
n
1
2
..

.



xn = pn,1 x01 + pn,2 x02 + . . . + pn,n x0n ,
Autrement dit : X = P X 0 .
1.1. CHANGEMENT DE COORDONNÉES. MATRICE DE PASSAGE.
3
Attention : Un vecteur u de E étant donné, la matrice de passage P permet de calculer les
”anciennes” coordonnées de u (ou coordonnées de u dans l’ancienne base) en fonction des ”nouvelles” coordonnées de u (ou coordonnées de u dans la nouvelle base). Comment s’en souvenir ?
On teste la formule X = P X 0 sur le premier vecteur de la nouvelle base, e01 . On sait que la
première colonne de P est formée des coordonnées du vecteur e01 dans la 
base 
(e1 , ..., en ). Or on
1
 0 
 
sait que pour n’importe quelle matrice A, le produit de A par la colonne  .  est la première
 .. 
0
colonne de A. On a donc



P

1
0
..
.
0



Or la colonne 


1
0
..
.






 = 1ère colonne de P = 


p1,1
p2,1
..
.



.

pn,1



 est la colonne des coordonnées du vecteur e01 dans la nouvelle base. La

0

p1,1
 p2,1 


colonne  .  est la colonne des coordonnées du même vecteur e01 dans l’ancienne base. On
.
 . 
pn,1
a donc bien vérifié la formule X = P X 0 , quand X et X 0 sont les colonnes des coordonnées du
vecteur e01 .
Exemple : Soit R4 muni de la base canonique (e1 , ..., e4 ). Soient les vecteurs e01 ,...,e04 de R4
donnés par
sont 
aussi leurs
coordonnées
dans la base canonique) :
 leurs
 composantes
  (qui 

1
0
0
0
 2  0
 1  0
 0 
 0 
0

 
 
 
e01 = 
 0  e2 =  0  e3 =  2  et e4 =  1 .
0
0
1
2
0
0
0
0
Vérifions que les vecteurs e1 , e2 , e3 , e4 forment une base de R4 . On remarque que les coordonnées de ces vecteurs sont presque échelonnées. On raisonne suivant la manière habituelle pour
des vecteurs de coordonnées échelonnées. D’abord on voit que e04 et e03 ne sont pas colinéaires,
donc ils sont linéairement indépendants. Puis on voit que e02 n’est pas combinaison linéaire de e03
et e04 , sinon sa deuxième coordonnée serait nulle. Comme e03 et e04 sont linéairement indépendants,
cela prouve que e02 , e03 , e04 sont linéairement indépendants. Alors e01 ,...,e04 sont liés si et seulement
si e01 s’écrit comme combinaison linéaire de e02 , e03 , e04 . Or e01 n’est pas combinaison linéaire de
ces trois vecteurs, sinon sa première composante serait nulle. Donc les quatre vecteurs e01 , e02 , e03 ,
e04 sont linéairement indépendants. Comme leur nombre est 4, ils forment une base de R4 . Soit
4
u le vecteur
4 composantes :
 R donné parses 
 de
1
1
 1 
 1 

 
u=
 1 . La colonne  1  est le vecteur u, mais c’est aussi la colonne des coordonnées
1
1
du vecteur u dans la base canonique de R4 . Cherchons les coordonnées de u dans la nouvelle
base (e01 , e02 , e03 , e04 ). Ecrivons la matrice de passage P de la base canonique (ancienne base) à la
nouvelle base.
4
CHAPITRE 1. CHANGEMENTS DE BASES.


e1
1 0 0 0
 2 1 0 0  e2

P =
 0 0 2 1  e3
0 0 1 2
e4
e01 e02 e03 e04 .
Les coordonnées X 0 de u dans la nouvelle base sont données par la formule X = P X 0 , c’est
à dire
:

 0
0
0
1
=
x
x
=
1
x =1



1
1





 10
0
0
0
x2 = −1
x2 = −1
1 = 2x1 + x2
d’où
0 + x0
0 + x0 Il reste à résoudre ce système. On trouve
2x
=
1
x03 = 1/3
1
=
2x



3
4
3
4






3x04 = 1
x04 = 1/3
1 = x03 + 2x04


1
 −1 

Les nouvelles coordonnées de u sont donc données par la colonne 
 1/3 
1/3
Attention : Le vecteur u n’est pas égal à cette colonne. On a seulement : u = e01 −e02 + 13 e03 + 31 e04 .
(Formule qu’on peut vérifier pour détecter d’éventuelles erreurs de calcul).
On aurait pu résoudre le problème autrement. D’abord prouver que P est inversible et
calculer P −1 . Alors le fait que P soit inversible montre que (e01 , e02 , e03 , e04 ) est une base de R4 .
Puis on calcule les nouvelles coordonnées de u par la formule X 0 = P −1 X.
1.2
Formule de changement de base pour une application linéaire.
Théorème 1.2.1 Soit f : E → F une application linéaire. Soient (u1 , ..., up ) et (u01 , ..., u0p ) deux
bases de E et soient (v1 , ..., vn ) et (v10 , ..., vn0 ) deux bases de F . Soit A la matrice de f dans les
bases (u1 , ..., up ) et (v1 , ..., vn ) et soit A0 la matrice de f dans les bases (u01 , ..., u0p ) et (v10 , ..., vn0 ).
Appelons P la matrice de passage de la base (u1 , ..., up ) à la base (u01 , ..., u0p ) et Q la matrice de
passage de la base (v1 , ..., vn ) à la base (v10 , ..., vn0 ). Alors on a la formule suivante :
A0 = Q−1 AP.
Preuve : La preuve est à connaı̂tre, car il faut être capable de retrouver la formule. On va
donner deux preuves différentes (retenir celle qui semble la plus simple !)
Première démonstration. Montrons que QA0 = AP . Pour cela, on calcule de deux manières
la matrice de f dans les bases (u01 , ..., u0p ) et (v1 , ..., vn ). D’une part on écrit : f = idF ◦ f . La
matrice Q est la matrice de idF dans les bases (v10 , ..., vn0 ) et (v1 , ..., vn ). La matrice A0 est la
matrice de f dans les bases (u01 , ..., u0p ) et (v10 , ..., vn0 ). Par le théorème de composition, la matrice
de f = idF ◦f dans les bases (u01 , ..., u0p ) et (v1 , ..., vn ) est QA0 . D’autre part, on écrit : f = idE ◦f .
La matrice P est la matrice de idE dans les bases (u01 , ..., u0p ) et (u1 , ..., up ). La matrice A est la
matrice de f dans les bases (u1 , ..., up ) et (v1 , ..., vn ). Donc la matrice de la fonction composée
f = idE ◦ f dans les bases (u01 , ..., u0p ) et (v1 , ..., vn ) est AP . On a donc calculé la matrice de
f dans les bases (u01 , ..., u0p ) et (v1 , ..., vn ) de deux manières différentes. Comme il n’y a qu’une
seule matrice, on a AP = QA0 .
Deuxième démonstration. (Nécessite de connaı̂tre la formule de changement de base pour
les vecteurs). On donne un vecteur u de E. Soit X la colonne de ses coordonnées dans la
base (u1 , ..., up ) et X 0 la colonne de ses coordonnées dans la base (u01 , ..., u0p ). Le vecteur f (u)
appartient à F . Appelons Y la colonne de ses coordonnées dans la base (v1 , ..., vn ) et Y 0 la
colonne de ses coordonnées dans la base (v10 , ..., vn0 ). On : Y = AX et Y 0 = A0 X 0 . Or X = P X 0
et Y = QY 0 . On substitue P X 0 à X et QY 0 à Y dans la formule Y = AX. On trouve QY 0 =
1.2. FORMULE DE CHANGEMENT DE BASE POUR UNE APPLICATION LINÉAIRE. 5
AP X 0 , donc Y 0 = Q−1 AP X 0 . Comme cela est vrai pour tout vecteur u de E, on en déduit que
A0 = Q−1 AP .
f : R2 → R3
Exemple : Soit
. Appelons (e1 , e2 ) la base canonique de R2 et
(x, y) → (2x + 3y, x, x − y)
3
3
2
ee2 , ee3 ) la base
(e
e1 , 
 canonique de R . La matrice de f dans les bases canoniques de R et R
2 3

1 0  . On donne u1 = (1, 2) et u2 = (0, 1) deux vecteurs de R2 . Ils forment une
est
1 −1
base de R2 car ils ne sont pas colinéaires. On donne trois vecteurs de R3 : v1 = (1, −1, 0),
v2 = (1, 2, 1) et v3 = (0, 1, 2). On voit que v1 et v2 sont linéairement indépendants. Donc v1 ,
v2 , v3 ne peuvent être liés que si
v3 est une combinaison linéaire de v1 et v2 , c’est à dire si il
 0 =α+β
1 = −α + 2β et ce système n’a pas de solution, donc v1 ,
existe des réels α et β tels que

2 =β
v2 , v3 sont linéairement indépendants. Ils forment une
de R3 . La matrice de passage de
µ base ¶
1 0
la base canonique de R2 à la base (u1 , u2 ) est P =
et la matrice de passage de la
2 1


1 1 0
base canonique de R3 à la base (v1 , v2 , v3 ) est Q =  −1 2 1  . On inverse la matrice Q.
0 1 2




3 −2 1
21
8
2 −1  . Le produit Q−1 AP donne A0 = 15  19
7  . Ceci
On trouve Q−1 = 51  2
−1 −1 3
−12 −6
1
1
signifie que f (u1 ) = 5 (21v1 + 19v2 − 12v3 ) et f (u2 ) = 5 (8v1 + 7v2 − 6v3 ).
Définition 1.2.2 Soient A et A0 deux matrices de Mn,p (K). Si il existe deux matrices inversibles P ∈ Mp (K) et Q ∈ Mn (K) telles que A0 = Q−1 AP , on dit que A et A0 sont des matrices
équivalentes. Si A et A0 ∈ Mp (K) et s’il existe une matrice inversible P ∈ Mp (K) telle que
A0 = P −1 AP , on dit que A et A0 sont des matrices semblables.
Exercice : La relation R définie sur Mn,p (K) par ”ARA0 s’il existe deux matrices inversibles
P ∈ Mp (K) et Q ∈ Mn (K) telles que A0 = Q−1 AP ” est une relation d’équivalence.
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