12 Médecine Clinique endocrinologie & diabète • n° 61, Novembre-Décembre 2012
Synthèse
mate et de phentermine utilisées avec
amélioration des paramètres métabo-
liques et notamment de l’incidence de
diabète (incidence de 3,7 % sous placebo
abaissée à 1,7 % et 0,9 % respective-
ment) [15]. Les effets secondaires les
plus fréquemment mentionnés dans tous
ces essais sont (en dehors de l’anorexie) :
paresthésies, sécheresse buccale, consti-
pation, dysgueusie, irritabilité, anxiété,
troubles de mémoire et de concentra-
tion voire dépression. En février 2012,
une commission d’experts de la FDA
a finalement voté pour l’indication de
Qnexa® dans le traitement de l’obésité
(20 votes contre 2), alors qu’un an plus
tôt la même commission avait évalué
que le rapport bénéfice-risque était néga-
tif compte tenu du risque cardiaque et
du risque de malformation congénitale
[16]. La décision finale de la FDA est
attendue pour la fin de l’année avec des
recommandations concernant l’évalua-
tion du risque cardio-vasculaire après
commercialisation et une contre-indica-
tion chez la femme enceinte. Des auteurs
se sont élevés contre cette proposition
et demandent une évaluation du risque
cardio-vasculaire et de malformation
dans d’autres études avant toute commer-
cialisation [17], ce qui paraît raisonnable
compte-tenu des précédents de l’histoire
des médicaments de l’obésité.
D’autres molécules sont actuelle-
ment en cours d’évaluation avec notam-
ment l’association bupropion et nalt-
rexone (COR-I) [18]. Le bupropion est
un dérivé des amphétamines, proche du
MDMA (Ecstasy) et de l’anorexigène
amfépramone ; il agit comme inhibi-
teur sélectif de la recapture neuronale
des catécholamines (noradrénaline et
dopamine). En France, il a une indica-
tion dans le sevrage tabagique (Zyban®).
La naltrexone est un inhibiteur des opia-
cés (endo et exogènes) utilisé à l’origine
dans le traitement des toxicomanies aux
opiacés puis dans celui de l’éthylisme
chronique. L’association des deux molé-
cules entraîne une perte de poids d’en-
viron 6 kg supplémentaires par rapport
au placebo à 56 semaines, avec comme
effets secondaires principaux ceux qui
sont classiquement retrouvés pour les
dérivés des amphétamines comme l’ac-
célération de la fréquence cardiaque.
Il n’est pas du tout évident que la
balance bénéfice/risque soit évaluée
comme positive pour ces deux asso-
ciations médicamenteuses et dans le
contexte actuel, il paraît peu probable
que ces traitements soient disponibles à
court terme en France.
Conclusion
Il existe probablement une difficulté
intrinsèque au développement des médi-
caments anti-obésité liée à la physio-
pathologie complexe de cette mala-
die chronique. Les thérapies axées sur
la diététique et l’activité physique sont
le plus souvent vouées à l’échec sur le
long terme en particulier dans l’obésité
massive. Sur le plan pharmacologique,
de nombreuses molécules ont été reti-
rées du marché essentiellement en raison
d’un rapport bénéfice/risque insuffisant
voire négatif et le traitement pharmaco-
logique de l’obésité se résume actuelle-
ment en France à la seule possibilité de
prescription de l’orlistat. Les contraintes
sont telles que les nouveaux médica-
ments devront cibler des patients parti-
culiers identifiés comme répondeurs
grâce à des données cliniques et possi-
blement pharmacogénomiques et ainsi
permettre d’améliorer le rapport béné-
fice/risque. Les critères d’évaluation des
traitements pharmacologiques de l’obé-
sité sont résumés dans le tableau 4. Il est
clair que de même qu’il faudra cibler les
meilleurs répondeurs, il faudra démontrer
dans des études randomisées leur absence
d’effets délétères et a fortiori leur effet
favorable sur la morbi-mortalité de ces
patients. De plus, le développement de la
chirurgie de l’obésité a mis en avant les
faibles succès de la pharmacothérapie en
terme de perte de poids mais également
en terme de réduction de la morbi-morta-
lité cardiovasculaire si on se réfère aux
derniers résultats de l’étude SOS [19].
Alors que la chirurgie devient de plus
en plus plébiscitée pour le traitement de
l’obésité, les médecins sont clairement
démunis en matière de traitement phar-
macologique de l’obésité.
Références
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18. Greenway FL et al, Lancet 2010 ; 376:595.
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Tableau 4. De la difficulté de développer de nouveaux médicaments dans l’obésité
(adapté de ABC of obesity : Drugs BMJ 2006).
Qu’attend-on d’un traitement pharmacologique de l’obésité ?
1. Effet sur la perte de poids et la masse grasse
• Objectif = 2/3 de patients à 5-10 % de perte à 6 mois
• Perte < 2 kg après 1 mois = inefficacité du traitement
2. Stabilité pondérale à long terme
• Limiter la reprise pondérale (< 1-2 kg/an)
3. Bénéfice sur les co-morbidités et les facteurs de risque cardio-vasculaires (ou en tout
cas absence d’effets délétères)
• Par stabilisation pondérale ou effet propre du médicament
4. Durée du traitement :
• A priori pas de limite (pathologie chronique)
5. Effets secondaires et sécurité à long terme = balance bénéfice/risque positive
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