Michel Davier 1er mars 2011
Georges Charpak et la physique
Le 24 novembre 1954 Georges Charpak soutient brillamment une thèse à la Sorbonne sur la
réorganisation du cortège électronique des atomes après l’émission par leurs noyaux d’un
rayonnement β. Cette thèse était préparée au Laboratoire de Chimie Nucléaire du Collège de
France sous la direction de Frédéric Joliot. Le jury est prestigieux : Irène Joliot-Curie le
préside, les examinateurs étant Frédéric Joliot, Alfred Kastler, et Francis Perrin, soit deux Prix
Nobel et un autre à venir dix ans plus tard! Quel aboutissement improbable pour ce fils
d’immigrés polonais, qui avait traversé la guerre de 39-45 dans la clandestinité et qui, peu
après son retour de déportation, avait réussi à intégrer l’École des Mines de Paris. Mais il
avait préféré la recherche scientifique à une carrière d’ingénieur et était entré au CNRS en
1948. On pourrait l’imaginer satisfait, mais ce n’est pas tout à fait le cas. D’une part il juge
l’instrumentation de son laboratoire un peu rétrograde au vu des progrès réalisés aux États-
Unis et en Grande Bretagne dans le cadre des projets militaires, et il rêve de nouveaux
détecteurs. D’autre part, il n’est pas vraiment enthousiasmé par les problématiques de
physique nucléaire. En fait il est attiré par la physique des particules naissante et il se rend
vite compte que la qualité des résultats d’une expérience repose sur les performances de
l’instrumentation utilisée. Pour la deuxième fois il va choisir une autre direction, en suivant sa
curiosité naturelle et son sens aigu des questions importantes.
© P. Radvanyi
L’occasion de se reconvertir lui est donnée par la rencontre avec Leon Lederman qui
remarque Georges lors d’une conférence et l’invite à le rejoindre pour travailler sur une
expérience au CERN. Le CERN n’en est encore qu’à ses débuts, avec le synchrocyclotron
comme seul accélérateur. L’expérience en question est une adaptation à plus haute énergie de
la célèbre expérience de violation de la parité imaginée par Leon Lederman et Richard
Garwin qui nous fait l’honneur d’être parmi nous aujourd’hui. Il s’agit de mesurer le moment
magnétique du muon avec une précision accrue afin de comparer sa valeur à celle prédite par
l’électrodynamique quantique. Une différence serait une indication de la vraie nature du
muon. L’expérience est un succès, mais le muon garde son secret et reste une réplique
inexpliquée de l’électron à plus grande masse. Georges obtient un poste permanent au CERN