Le hasard.
Le mot résonne en permanence
dans la vie du Saviésan Eddy De -
bons, un musicien-compositeur
de 46 ans. L’artiste, qui enseigne
aux Conservatoires de Genève et
de Sion ainsi qu’au cycle d’orien-
tation de Savièse, a toujours lais-
sé la vie le mener là où elle vou-
lait. «J’ai de la chance, le hasard
a plutôt bien fait les choses», sou-
rit-il, devant le piano de l’école
primaire saviésanne où l’artiste
donne des cours d’éducation mu -
sicale deux jours par semaine. A
voir les nombreux saluts ami-
caux de ses collègues et des élè-
ves pendant la récréation, le qua-
dragénaire semble très apprécié.
Comme enseignant. Mais pas
seulement.
Eddy Debons est aussi adulé
des concurrents du champion-
nat valaisan des solistes. Les piè-
ces du Saviésan sont les préfé-
rées des candidats. Pour la 20e
édition, qui aura lieu demain à
Sion (cf. encadré ci-dessus), 86
solos d’Eddy Debons seront in-
terprétés devant le jury. Un re-
cord absolu depuis la création du
concours. «Cela me touche, oui...»
confie Eddy Debons devant ce
chiffre, sans se glorifier de sa pre-
mière place. Son secret? «Je
compose des pièces pas trop diffici-
les à interpréter qui sont joyeuses,
populaires, pas trop intellos... Ça
doit être ça qui plaît.» Car, ajoute-
t-il avec la modestie qui le carac-
térise, le Saviésan ne se «sent»
pas compositeur. La preuve, il a
commencé à réaliser des pièces,
«un peu par hasard». Là encore.
Papa joueur de cornet
Dans le parcours du quadragé-
naire, rien n’avait été prévu. En -
fant, Eddy Debons se souvient
avoir envisagé de devenir vétéri-
naire. «Un peu comme tous les gar-
çons.» Son père jouait du cornet
dans l’une des fanfares du village.
«La PDC... Attention!» sourit le
musicien. Logiquement, le petit
Eddy a commencé par l’appren-
tissage du cornet, comme papa.
Repéré pour son talent, il suit
l’école de musique de Géo-Pierre
Moren. Mais Eddy Debons n’en-
visage toujours pas de vivre de ses
notes. Il passe sa maturité à Sion,
puis commence les études de let-
tres à Genève. «Mais je sentais
bien que ce n’était pas mon truc.»
Le hasard vient alors de nou-
veau à son secours. Pile au bon
moment. Eddy Debons rencontre
un professeur du Conserva toire
de Genève. «C’est lui qui a tout dé-
terminé dans ma carrière.» Le mu-
sicien suit les classes préprofes-
sionnelles en trompette; en paral-
lèle, il change de voie universi-
taire et s’inscrit en sciences de
l’éducation. «Ces années m’ont per-
mis de faire un peu de pédagogie»,
précise-t-il en avouant ne pas
avoir totalement terminé son cur-
sus universitaire. Par contre, le
Saviésan se donne à fond au con-
servatoire et passe sa virtuosité
avec premier prix et félicitations à
la clé. Sans se poser de questions
sur ses lendemains profession-
nels. «On était dans une mouvance
où il n’y avait pas d’inquiétude pour
savoir si on aurait du boulot.» Eddy
Debons déguste juste son plaisir
de jouer. Le tout frais diplômé de
musique donne aussi des cours à
des élèves dans la région lémani-
que. Comme il ne trouve pas de
pièces correspondant à certains
élèves, Eddy Debons commence
à composer. «Un hasard» encore.
1999, l’année-réussite
Bingo. Le Saviésan cumule
alors ses plus importantes com-
mandes, dont des compositions
pour le championnat suisse des
brass bands de Montreux en
1999. «J’étais le premier Suisse à
écrire pour ce concours, c’était une
année incroyable!»
Les demandes affluent. Dans la
peau du compositeur, Eddy De -
bons enfante plusieurs œuvres. Il
touche le piano, teste des notes,
écrit ses trouvailles sur partitions
avec un crayon. Pas d’ordinateur
pour composer. L’homme confie
réaliser cette activité «à l’an-
cienne». Et l’assume. «Le geste
d’écrire est important», justifie-t-il.
Et d’ajouter, en souriant, que l’au-
tre raison est peut-être à trouver
dans sa légère flemmardise.
«C’est plus simple à composer avec
un crayon et une partition.»
Difficile pour Eddy Debons de
parler projets. «Ne me demandez
pas ce que je ferai dans dix ans, je
n’en sais rien.» L’homme reste fi-
dèle à sa philosophie: faire con-
fiance en la vie. Jusqu’à présent,
sa méthode a bien fonctionné.
Grâce à sa bonne étoile? «Peut-
être... mais je ne sais pas si elle est
encore là», dit-il en avouant que
sa vie stagne un peu. Pas de quoi
lui effacer le sourire cependant.
Eddy Debons, un homme heu-
reux? «En tout cas, je ne suis pas
malheureux», conclut ce bon vi-
vant par une pirouette.
CHRISTINE SAVIOZ
LE PRÉFÉRÉ
Deuxième compositeur
valaisan préféré des concurrents 2014 – avec 33
interprétations de ses œuvres, Bertrand Moren ne
cache pas sa fierté. «Il y a toujours un peu d’émotion
quand un jeune joue une de mes pièces», souligne le
Vétrozain de 38 ans. Ce passionné de musique a
commencé à composer à l’âge de 17-18 ans pour
un ami champion suisse de soliste. Depuis, il n’a
plus arrêté de créer de nouvelles œuvres. «Je viens
de finir ma 185e pièce hier», raconte-t-il. Le musicien
ajoute avoir été encouragé par les divers concours
remportés par certains interprètes avec ses com-
positions. «Cela m’a permis de trouver un éditeur.»
Bertrand Moren ne connaît pas les pannes d’ins-
piration. «Je travaille mieux dans l’urgence.»
L’homme exploite surtout le registre des musiques
plutôt optimistes. «Je suis heureux en famille et pro-
fessionnellement, je n’ai pas de raisons d’écrire des
choses noires.» Au
fil des ans, Ber-
trand Moren, fils
du célèbre Géo-
Pierre Moren, di-
recteur du Brass
Band 13 Etoiles,
s’est fait un pré-
nom au sein des
trombonistes no-
tamment. Tout en
gardant une grande
admiration pour
son père. «Nous
avons une très forte
complicité. Bien sûr, j’ai toujours peur de le décevoir en
musique, mais je ne l’ai jamais ressenti comme une
contrainte.» CSA
LES DEUX AUTRES COMPOSITEURS PRÉFÉRÉS DES SOLISTES DU CHAMPIONNAT VALAISAN