Marie Reverdy Café-Philo pour enfants 2016
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o Emmanuel me dit :
- Fais quand-même attention à ne pas confondre le Beau et l’Agréable !
- Ah, tiens, voilà autre chose !! C’est compliqué tout de même, pour quelque chose
qui nous semble si simple.
- C’est parce que tout ça se trouve à l’intérieur de toi, continua-t-il. L’agréable, c’est
ce qui « flatte tes sens » et que tu voudrais alors « posséder », tandis que la Beauté,
flatte tes sens, certes, mais aussi ton intelligence. Tu ne peux ni la consommer, ni la
posséder. Par exemple, le chou romanesco est Beau, parce que même si vous êtes
nombreux à le trouver beau, personne n’est lésé, tandis que pour le trouver bon, il
faut le manger, et plus les gens le trouvent bon, plus ils en mangent, et moins il y en
a dans ton assiette à toi. C’est pour cela que le Beau peut-être universel, et qu’il est
souvent allié au Bien et au Vrai. Et c’est aussi pour cela qu’on dit de la Beauté qu’elle
est « désintéressée », car elle est à elle-même sa propre fin, elle ne sert à rien d’autre
qu’à elle-même : ni à connaître, ni à faire, même si on s’en sert de guide pour donner
un sens à sa vie. Prends un stylo par exemple, il a été inventé parce que l’on avait
besoin d’écrire : sa raison d’être existe avant que l’objet existe. Tu peux vouloir
avoir cet objet pour l’utiliser : c’est un objet technique. Mais les fleurs, ou même toi,
vous n’avez pas été « inventés » comme on invente un outil. Un jour, d’ailleurs,
quelqu’un dira « l’existence précède l’essence »
. C’est pour cela que la Beauté est
libre, car elle est dégagée de toute fonction technique. Et c’est la même chose pour
les œuvres d’art. Même si on les a pensées avant de les fabriquer, du moins en partie,
elles n’ont pas d’utilité technique. Elles sont là pour être là, ça fait du bien de temps
en temps, en soi c’est déjà beau : exister pour exister, vivre pour vivre, etc.
Le Beau, c’est ce que l’on appelle un sentiment esthétique, mais il y en a d’autres, à
commencer par son contraire, le laid
.
Est-ce que l’art doit chercher le Beau ?
En fait je ne savais pas vraiment quoi répondre.
J’avais envie de répondre que oui, je savais que l’art contemporain ne me plaisait pas toujours,
et surtout, j’entendais des phrases que je savais être un peu bêtes, comme « l’art content pour
rien » ou encore « c’est pas de l’art, moi aussi je peux le faire… » Cette phrase, surtout, me
semblait terrible : l’artiste devait donc être meilleur que moi ? M’écraser ? Je me refusais de le
croire. L’artiste n’est pas supérieur au commun des mortels, il fait un travail, parfois sublime,
et parfois qui fait un peu flop. Et alors ? La science n’est pas non plus qu’une suite de succès :
il faut beaucoup chercher pour trouver un peu, il faut beaucoup de temps pour une petite
invention, beaucoup d’efforts pour une petite avancée.
Emmanuel avait un musée magique. Il me fit voir sa collection et invita, pour ce faire,
à ce que j’aille chercher ma douce et tendre compagne (la laisser toute seule à la maison comme
ça, ça ne se fait pas, et l’art est pour tous !)
Nous entrâmes tous les trois, par un petit couloir, à l’intérieur d’une pièce minuscule
couverte de velours rouge, et dans laquelle vivaient d’étranges créatures. Emmanuel nous les
présenta un par un
Jean-Paul Sartre, L’Existentialisme est un Humanisme.
Demander aux enfants de nommer plusieurs sentiments esthétiques.
Demander aux enfants ce qu’est une œuvre d’art ainsi que les différents arts. Leur demander de nommer les
œuvres qu’ils connaissent.
Les enfants sont invités à distinguer les présentations d’œuvres qui relèvent de la philosophie de l’art de
celles qui relèvent de l’histoire de l’art.