LA VIE ET LA MORT DU ROI RICHARD II
Nous sommes allés voir Richard II au Puits manu le 22 octobre, nous en avons parlé le 23 à
18H 30.
Autour de la table, Marie-Anne, Josiane, Gérard, Serge, Magali, Michèle, Christian, Nicole, et
pour répondre aux questions deux des comédiens du théâtre de la Valse : Antoine et Michaël.
En introduction à la discussion, quelques commentaires élogieux de Jacques recueillis juste
après le spectacle, enthousiaste, il a été sensible au récit dans une belle langue, servi par le
langage des corps, l’énergie des comédiens… Sur le blog, des messages font état de actions
des spectateurs : « j’ai été scotchée, épatée » « les mots et les corps » « Hier soir, c’était un
chef d’œuvre ! ».
Impression générale :
Pour Serge, on entre tout de suite dedans, on ne voit pas passer les 2h 20 indiquées sur le
programme qui faisaient craindre la longueur. Shakespeare, même si on ne l’a pas relu depuis
le lycée, se laisse apprivoiser, il décrit une société avec sa colère, sa dérision, son humour. On
a envie de relire cet écrivain de la fin du 16
e
(1564-1616). Josiane a bien aimé l’ensemble
malgré un débit un peu trop rapide des acteurs à certains moments, qui occasionne une perte
dans la compréhension fine du récit. Elle a été sensible à la performance des acteurs dans le
texte, dans le jeu corporel. Gérard a été « scotché » par la pièce, Quatre acteurs pour donner
tout cela à voir et entendre, chapeau ! C’est fort ! On est dans le texte, la fin est éblouissante.
Magali précise que tout est mis en place pour que le jeu de l’acteur soit parfaitement lisible.
L’être humain et l’acteur sont au cœur du propos. C’est de l’humain dont parle Shakespeare.
C’est cohérent et limpide. C’est un plaisir de voir des comédiens avec des corps, ce n’est pas
si fréquent, ça mérite d’être remarqué. Michèle, attentive à la construction, à la représentation
des 5 actes, a été surprise par la force de proposition, l’utilisation de la lumière, comment
utiliser les éléments du récit pour rendre l’histoire claire aux yeux des spectateurs… Le texte
vit avec les personnages. Dans la progression de la chute de Richard II, un moment fort
l’émotion nous envahit, c’est quand le roi abdique. Marie-Anne a bien aimé l’ensemble, elle a
été particulièrement sensible au minimalisme des décors, à l’utilisation des structures
dépouillées pour matérialiser des lieux différents, à l’utilisation des lumières… Bœuf !
Nicole a vu un spectacle très contemporain sur le pouvoir, les luttes pour le conquérir, les
rivalités, traité avec différentes techniques artistiques, dont les marionnettes, les masques …
Christian aime beaucoup ce travail, sa seule réserve porte sur l’émission du texte quelquefois
un peu rapide. Shakespeare fait partie de la bibliographie fondatrice du théâtre. Comment une
troupe contemporaine peut-elle s’emparer d’un grand classique et quelle vision peut-elle en
donner au public ?
Le texte
Tout le monde s’accorde pour saluer la performance des quatre acteurs qui ont mémorisé les
rôles de pléthore de personnages, dans cette belle langue de Shakespeare. Un très beau texte,
long, qui défoule, qui provoque, en casyllabes. Michaël explique le choix fait de la
traduction d’André Markowicz, plutôt que de celle de Jean-Michel Déprats (jugée un peu trop
littérature française, un peu trop ampoulée). Dans la traduction de Markowicz, écrivain lui-
même, transparaît le concret de la langue, les allitérations, il rend les personnages plus directs.
Décor et costumes.
Sur la scène, des structures déplacées à vue par les acteurs concrétisent des espaces et des
lieux, intérieurs, extérieurs, lieux de combat, prison,… En fond de scène de tubes lumineux
verticaux, permettent de créer un effet stroboscopique, de décomposition du mouvement des
personnages qui courent. Les costumes ont surpris, dérouté certains spectateurs. Serge trouve
que le jean, la veste de survêtement, ne sont pas en accord avec la période de Richard II.
Josiane les rapproche des vêtements des jeunes des cités. Magali dit que l’aspect
contemporain ne brouille pas la compréhension. On ne s’embarrasse pas avec ce qui n’est pas
l’essentiel. Avec les manteaux militaires qui peuvent faire penser à Brecht, on rapporte une
dissonance.
Michaël explique le parti pris des costumes : travailler le costume sans l’appuyer, faire des
costumes simples, proches de nous, qui libèrent l’acteur. Travailler le principe des
générations, celle des pères, des fils. Le principe des couleurs, Richard et les mannequins sont
en noir et blanc. Les manteaux militaires signifient que le soutien de l’armée est nécessaire au
maintien du pouvoir en place.
Mise en scène, jeu des acteurs.
C’est osé d’avoir fait interpréter de nombreux personnages à 4 acteurs, deux hommes, deux
femmes, des marionnettes, des mannequins… Les actrices peuvent interpréter des ducs, ce
n’est pas gênant. Le jeu des marionnettes a été apprécié par tous. Visuellement,
esthétiquement, la marionnette dégage une présence plus forte au service du personnage, c’est
plus impactant qu’un acteur lui-même, on ne voit pas qu’elle est actionnée par un ou deux
manipulateurs. L’un des mannequins a un bras de la même couleur que le costume du
comédien qui le manipule, l’un étant le prolongement de l’autre. L’arrivée du premier
mannequin est particulièrement émouvante. Qu’ils soient habillés ou non selon le moment de
la pièce, ils sont en harmonie avec ce qui se joue à ce moment-là. Marie-Anne aurait aimé
moins de brutalité dans l’arrivée des bouffons.
Michaël répond que la brutalité est voulue, les costumes sont eux-mêmes brutaux !
Shakespeare travaille sur des variations qui font avancer l’histoire. Il fait une rupture dans le
texte qui n’est plus en pentamètres iambiques (vers de cinq pieds). On s’aperçoit qu’on est
dans une bouffonnerie. L’ultime trahison arrive après une succession de trahisons, c’est
tellement énorme qu’on utilise le théâtre dans le théâtre. C’est la pire des scènes, c’est une
question de vie ou de mort. Après le vrai moment de souffrance de l’abdication, la farce, ça
fait du bien ! L’intensité dure longtemps ; c’est paroxysmique dans tous ses aspects, il faut
aller jusqu’au bout de l’humiliation.
Tout le long du spectacle, les acteurs déploient une énorme énergie, par la parole, le jeu des
corps, les mouvements, les déplacements.
Pourquoi monter cette pièce ?
Antoine et Michaël répondent. Ils ont d’abord pensé travailler sur la thématique de la chute,
toute forme de chute. Dans leur recherche de texte, ils sont tombés sur Richard II. Ils ont
d’abord réalisé un montage qui fonctionnait moyennement puis ont fait confiance à
Shakespeare. Ils ont travaillé sur la scène de la chute, se sont aperçus qu’il fallait l’enrichir en
apportant d’autres éléments. Ils ont travaillé le pouvoir, la vanité, la chute. Le travail a
démarré en 2006. En 2007, une première étape de création aboutit à la décision de monter le
texte. Une des actrices, Laurélie est marionnettiste à la Fabrique. Les marionnettes ne
remplacent pas les acteurs, elles doivent avoir une présence autre. Sept marionnettes sont
construites et utilisées. Des empreintes de visage leur donnent une personnalité. Il a aussi fallu
trouver une logique dans le passage d’un personnage à l’autre. Monter cette pièce demande un
long temps de répétition, d’appropriation des personnages, de manipulation des marionnettes.
C’est important qu’elle puisse être présentée dans une tournée qui comporte plusieurs
représentations assez rapprochées.
Une question est restée sans réponse : comment Michaël peut-il être un des quatre acteurs sur
le plateau et assurer le regard extérieur du metteur en scène ?
Pour conclure : bravo, chapeau, merci pour cette superbe création.
Au recueil des réflexions : Nicole Verdun.
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